Hello !
Voici la suite, j'espère que ce chapitre va vous plaire, car il s'y passe plein de choses et il est bien long :p !
Sinon, j'ai été assez productive en ce moment, si y en a que ça intéresse, quatre nouveaux OS ont été publiés depuis fin novembre, dont deux plutôt longs ;). Je suis très active et j'avoue que ça fait plaisir de dégrossir un peu mon nombre d'idées en attente x'D.
Merci à Ookami97 pour la correction !
Bonne lecture :D !
Réponses anonymes :
Sarra020 : Merci beaucoup de ton avis, il me fait vraiment plaisir ! Pour tes questions, le chapitre te répondra mieux que moi :p. J'en profite pour répondre à tes reviews sur WISE et The Name, je suis contente qu'elles t'aient plu aussi :) ! C'est vrai que ce genre d'atmosphère oppressante sont rageantes pour WISE, je te l'accorde ! Quant à The Name, je ne pense pas faire de suite, mais merci :3 !
Yuugure : Merci beaucoup :D ! Pour la longueur du début je sais que ça en a gêné certains, c'était justifié et je pense que tu as pu le voir si tu as lu les notes :). Je suis quand même contente si ça ne t'a pas rebuté et si tu as aimé :) !
Dans le train, hormis le bruit des rails et de l'air se cognant au véhicule lancé à vive allure, aucun son n'osait poindre. L'ambiance n'était, en outre, pas au beau-fixe. C'était comme si la tension entre Allen et Kanda était à couper au couteau, ce qui rappelait aux trois autres personnes présentes de lointain et peu agréables souvenirs. Allen en voulait beaucoup à Kanda. Et nul doute que celui-ci, de son propre côté, ne digérait pas plus qu'à lors sa virulence à son égard. Si le blandin avait été à deux doigts de se rendre et d'aller s'excuser, le départ en mission et les regards assassins du Japonais l'avaient pour le moins refroidi, renfonçant ses doutes. Il savait qu'il y aurait bien un moment où il pourrait alpaguer Kanda, mais quant à ce qu'il lui dirait… Il séchait. Les mots se bousculaient dans sa tête et lui nouaient la langue malgré eux, malgré lui. Sa volonté… faiblissait. Car si Allen s'était énervé si vite, c'est qu'il se retenait depuis un moment. Il avait voulu faire un effort pour leur amitié, par gentillesse, mais voir que ses efforts n'étaient pas réciproques… Il l'avait en travers de la gorge.
Il ne pouvait pas s'empêcher de ressentir la colère le saisir quand il repensait à leur dispute, preuve que ce n'était pas passé.
Kanda avait dit qu'il s'ouvrait. Certes. Mais ce n'était pas assez. Quand bien même, ça ne justifiait pas sa manière de lui parler. Allen était furieux à cause de ça ! Comme si ses questions n'étaient pas légitimes. Et en même temps, il souffrait de la situation. Il ne voulait pas que ça reste comme ça. C'était, pour ainsi dire, leur première dispute sérieuse depuis qu'ils avaient décidé d'être amis. Et il avait sérieusement peur que ça entache l'amitié entre eux. Il voulait que ça s'arrange, et régler le conflit. Bien sûr, après ça, Allen aurait été prêt à faire table rase du problème, tant qu'ils trouvaient une solution arrangeante. Il avait peur que Kanda ne soit plus en confiance, en revanche. Peut-être qu'il trouverait qu'il avait dépassé les bornes et qu'il ne parviendrait pas à comprendre sa réaction… ça l'inquiétait.
Se figurer qu'il avait potentiellement blessé son ami l'encourageait, encore une fois. Il savait qu'il devrait abaisser son égo. Justement parce qu'il aimait Kanda, et c'était aussi pour ça que le voir se renfermer l'avait autant blessé. Il n'avait aucun espoir de quelque chose entre eux, mais si jamais ça devrait arriver, ils devraient finir par gérer leurs conflits en adulte. C'était quelque chose que Lavi lui avait dit, et ça l'avait un peu vexé sur le coup, s'il admettait tout à fait que le rouquin avait raison. Il allait bien falloir que l'un d'eux dise quelque chose.
Ça ne pouvait pas rester comme ça.
Quelqu'un parla, et ce fut Link.
« Maintenant que j'y pense, Walker, Lee... Il y a quelque chose que l'Intendant ne vous a pas dit. »
L'oméga et la jeune fille du wagon se tournèrent vers l'alpha, attentifs.
« Lee, je crois que vous êtes au courant, le Vatican est très traditionaliste. Vous êtes une femme, et Walker est un oméga. Une femme et un oméga n'auront pas leur place lors de la grande réunion. Vous devrez nous attendre dehors à l'étape des négociations. Je suis désolé. »
Il baissait en outre les yeux, comme s'il était coupable. Allen fronça les sourcils, alors que Lenalee n'eut même pas une moue surprise.
« Je m'y attendais, déclara-t-elle calmement, ça a toujours été comme ça. Je croyais que certaines instances militaient pour des réunions plus inclusives ? »
Sa petite remarque indiquait qu'elle ne fermait pas les yeux sur la discrimination sexiste – car c'était le cas – auquel Allen et elle étaient confrontés. Le blandin fut attentif à la réponse de Link. Ce dernier semblait encore plus embarrassé.
« Les lois ont du mal à se réformer, surtout quand ça fait longtemps qu'elles sont là.
—Je ne comprends pas pourquoi on est là, alors, » intervint Allen. « Si nous n'avons aucun rôle dans les négociations, pourquoi nous y envoyer ?
—Lenalee Lee est la sœur de Komui Lee, elle sera interrogée et le représentera pour les questions générales. Et tu es l'hôte du quatorzième. Après la réunion, tu seras sans doute convoqué, toi aussi. Lavi est le futur Bookman, il est donc naturel qu'il assiste aux réunions pendant que je négocie. »
Kanda sembla soudain s'intéresser à la conversation :
« Et moi, qu'est-ce que je fous là ?
—Tu es le lié de Walker. Il n'a pas sa place à la réunion, et en tant qu'alpha, ce sera à toi de plaider sa cause pour les questions liées à son statut, et d'être à ses côtés quand il sera interrogé. Aux yeux du haut fonctionnement de l'Ordre, tu es responsable de lui. De plus, tu es un exorciste puissant, et ton cas les intéresse. Je ne te fais pas de dessin. »
Kanda contracta sa mâchoire. Allen en fit de même. Ils allaient devoir mettre leur guerre intestine de côté durant cette mission... Que l'alpha doive arguer en son nom et être une figure de soutien le mettait pour le moins mal à l'aise dans la situation actuelle, et car il aurait aimé ne pas avoir besoin de ça. Il était, surtout, agacé qu'un oméga et une femme, dans le cas de son amie, soient jugés indignes d'être entendus lors d'une négociation importante. C'était très avilissant pour eux. Il tint la main de Lenalee, car il se doutait bien qu'elle devrait probablement se sentir aussi humiliée que lui, si leurs positions leur empêchait l'un comme l'autre de faire le scandale d'un tel état de fait aurait mérité.
Son regard croisa celui de Kanda.
Comme lorsque ça avait pu se produire auparavant, l'autre se détourna. Allen resta fixé sur sa face crispé, puis se tourna vers Lenalee, déçu.
Ils arrivèrent à Rome au petit matin.
Les nombreuses heures de train, d'autant qu'ils avaient dû traverser la manche en bateau avant, les avaient épuisés. Allen et Lenalee s'étaient endormis l'un contre l'autre, Kanda somnolait dans son coin, Lavi luttait contre le sommeil en discutant doucement avec Link. Ils avaient tous des mines de déterrés, avec leurs cernes et leurs yeux lourds, en sortant du train. Marcher jusqu'au fiacre les avait achevé, à tel point qu'Allen n'avait qu'à peine été remué par l'architecture du lieu, pourtant remarquable. Les structures majestueuses, toutes de dômes, les rues grimpantes aux pentes sillonnantes de Rome, les restes de temples et la cité du Vatican, avec la grande cour de la place Saint-Pierre, ne firent qu'une faible impression à son regard endormi.
Fort heureusement, ils pourraient rejoindre leur chambre pour la journée, la réunion ne se tiendrait qu'au lendemain.
L'intérieur était luxueux, encore plus que le quartier général de l'Ordre. Les murs de marbre blanc, les tapis flamboyant au sol, les arabesques finement sculptées dans la pierre, les fresques, tout criait le prestige. Allen entendit Lavi émettre des sons émerveillés, et il avouait que ça commença à le réveiller. Même Kanda décortiquait les lieux avec insistance.
Allen savait qu'il dormirait au moins quelques heures, mais pas trop, pour ne pas se retrouver décalé par rapport aux horaires de vie habituelles. Link, qui contrairement à lui avait refusé de s'assoupir lors du trajet, s'endormit à peine un membre du Vatican leur montra leur chambre, derrière une porte en bois verni et lourde. Leurs lits étaient simples, avec des couvertures légères, et cela suffit à Allen. Il avait entendu l'homme chargé de leur attribuer les chambres dire que Lavi et Kanda avaient été mis dans la même, et il se doutait que le rouquin n'allait pas manquer d'agacer le kendoka… Quoique, vu qu'ils étaient fatigués, peut-être pas.
Il eut quand même un petit sourire en pensant que le séjour ne serait pas de tout repos pour Kanda dès que Lavi aurait son quota de sommeil, regrettant de n'avoir pas encore pu lui parler.
Contrairement à ses prévisions, il faisait bien nuit quand Allen ouvrit les yeux, et il en fut un peu contrarié. Link était toujours assoupi dans l'autre lit, et c'était bien une première qu'il se réveille avant lui ! Il avait l'habitude de l'Allemand le morigénant parce qu'il traînait trop pour se lever. Allen aimait dormir, mais il n'était pas non plus le pire traînard, étant d'un naturel actif, alors ça signifiait Link était vraiment très matinal. Assis dans son lit, s'essuyant les yeux, l'oméga se demandait bien ce qu'il allait faire vu qu'ils avaient toute la nuit à passer avant la réunion. La raison aurait voulu qu'il se rendorme, mais Allen n'en avait actuellement aucune envie, peut-être plus tard.
Il décida d'attraper ses vêtements, qu'il avait balancés au-dessus de sa valise sous le regard réprobateur de Link en se vautrant dans les draps en caleçon. Habillé, il se leva, enfila ses bottes, prêt à se balader un petit peu. Il n'aurait qu'à explorer les environs, on les avait prévenu d'éviter de vadrouiller, ce n'était pas comme à l'Ordre et le lieu exigeait de la rigueur, Allen n'avait pas envie de se faire mal voir, mais il avouait qu'il aimait bien marcher le soir, ça permettait de se changer les idées et de se vider la tête.
Il ouvrit bientôt la porte. À ce moment-là, une silhouette passa devant lui.
Il reconnut Kanda, avec une stupeur mêlée à une vague d'appréhension.
À sa hauteur, ce dernier s'arrêta. Ils se fixèrent en chien de faïence, Allen gardant la main sur la poignée, qu'il n'avait pas encore refermée.
Link choisit ce moment pour s'éveiller :
« Walker ? Qu'est-ce… ? »
Allen sursauta en se retournant. L'Allemand avait une voix pâteuse, peu réveillé. Kanda ne bougeait pas, mais donna un coup d'épaule en arrière, l'air d'hésiter à continuer son chemin. L'oméga bredouilla à l'attention de Link, qui s'était redressé sur son lit, dans une pose interloquée :
« J-J'allais me promener, je comptais revenir.
—Attends que je m'habille, j'arrive. Ce n'est pas sûr pour un oméga la nuit, ici. »
Le blandin se renfrogna. Séjourner dans un pays où la situation de son second-genre était précaire le plongeait toujours dans l'embarras le plus complet. Kanda choisit alors ce moment pour intervenir :
« J'vais me charger de lui. »
Dans son pyjama, Link apparut derrière Allen, tenant son épaule, et toisant Kanda d'un œil sévère. L'adolescent réalisa que le conflit entre eux était loin d'être atténué…
« Tu es sûr que tu n'as pas besoin de moi ? »
Le blandin leva les yeux au ciel, ondulant l'épaule pour se dégager.
« C'est Kanda, il ne va pas me manger. En plus…, » il marqua une pause, l'alpha se renfrognant face à lui, « on doit parler, lui et moi. Va donc te recoucher. »
Il adressa un petit sourire à Link. Ce dernier prit le parti de se diriger promptement vers le lit. Au vu de sa démarche empressée, il était clair qu'il n'avait pas encore suffisamment dormi. La porte se referma. Allen et Kanda se retrouvèrent ensembles, avec ce même embarras, cette même hésitation.
Allen serra les poings, ne sachant que faire de ses bras ballants et se sentant bien idiot. Désagréablement.
« Tu veux qu'on marche ? » demanda-t-il, en se passant la langue sur les lèvres.
Kanda opina sans répondre. Ils avancèrent, le silence avec eux, et il finit par lui lancer d'un ton distant :
« J'ai vu que y avait des balcons dans la cour extérieur. On a qu'à se mettre dehors, je veux de l'air frais. »
Allen acquiesça. Leurs pas résonnèrent sur le tapis soyeux et le parquet qui se cachait en dessous. Ils n'avaient pas vraiment vu les prêtres et autres membres des personnels du lieu, à part celui qui les avait guidés, mais il savait qu'ici, il y avait le pape Léon XIII, jugé libéral et progressiste. Visiblement pas assez pour accepter un oméga et une femme lors des négociations… Toujours est-il qu'ils étaient devant les chefs de l'Église, ceux qui dictaient à l'Ordre Noir ses actions et ceux qui jugeaient du bien fondé de ses opérations. Ce qui allait se jouer demain, peu importe ce dont il était question, devait forcément avoir une importance cruciale. C'était inquiétant.
Kanda et lui se perdirent un peu, mais finirent par retrouver l'entrée. Un gardien s'y trouvait et les laissa passer sans aucune question en voyant Kanda. La fraîcheur de l'extérieur les frappa en plein visage, et Allen fut ravi d'avoir pris son manteau, car sans être gelé, il n'aurait pas pu supporter ça très longtemps avec rien d'autre que sa chemise et la petite veste de l'uniforme d'Exorciste.
Allen partit s'accouder au garde-fou, l'alpha s'asseyant au bord, juste à côté. Entre nonchalance et inexpressivité, ils étaient toujours aussi bloqués. L'oméga décida qu'il en avait marre.
« Bon, tu as quelque chose à me dire, Kanda ? Pourquoi avoir demandé à Link de te charger de moi ?
—Tu sais très bien pourquoi. »
Cette réponse peu aimable irrita Allen. Il durcit son expression.
« Je m'en doute, mais j'ai besoin de l'entendre.
—J'ai pas compris, en fait. » Kanda s'exclamait, voix chargée. Allen eut un regard stupéfait. « J'comprends pas pourquoi tu t'es autant énervé. Tu réagis pas comme ça d'habitude. J'ai pas été sympa, mais tu m'as sauté dessus alors que tu savais que c'est pas des trucs que je peux dire. Et tes putains de regards de chien battu dès qu'on se croise, bordel… Ça me gonfle, je pige rien. »
Le blandin prit une inspiration. Il se doutait que Kanda était passé à côté de la raison pour laquelle il s'énervait. Une part de lui s'en trouvait agacée, mais il n'était pas surpris. Il se mordit la lèvre, essayant de tempérer son conflit interne. Exploser une nouvelle fois n'amènerait rien de bon. De plus, entendre mot pour mot que son ami n'avait pas réalisé ce qui se jouait de son côté l'incitait à s'expliquer.
« Je ne réagissais pas comme ça parce que je faisais l'effort d'être conciliant, » commença-t-il calmement, « Parce que je ne voulais pas te brusquer, par respect pour toi. Mais c'est comme ce que je t'ai expliqué, je m'inquiète, j'ai… le sentiment que j'ai besoin de savoir. Je n'ai pas eu envie d'être conciliant cette fois. Mes questions étaient légitimes, ne le nie pas, s'il te plaît. »
Kanda ne dit rien, aussi, il continua :
« Il n'est pas question de tout se dire, je ne te demande pas ça, mais je pense qu'il y a des fois où il faut avouer certaines choses. Que tu me repousses froidement… ça m'a vraiment énervé, je me suis senti comme si tu n'avais pas confiance en moi, comme si tu te fichais de ce que je ressentais. Ça m'a fait mal. Je tenais à avoir une réponse claire. J'y tiens toujours. J'ai l'impression que tu mets de la distance entre nous à cause de ce qui te dérange, même si je n'ai aucune idée de ce que c'est. Ta réaction le prouve, Kanda. »
Allen tourna le visage vers lui, constatant son expression fermée. L'alpha croisait les bras sur sa poitrine. Le vent jouait avec ses cheveux. L'Anglais s'humecta encore la lèvre.
« Avec les Innocences, ça ne va pas, ça nous stresse, et ce que tu fais empire les choses. Je veux juste comprendre, moi aussi. J'attends de toi que tu me fasses confiance et que tu me le montres. Sinon, ça n'ira pas. Tu peux comprendre ça ? »
Le kendoka parut pensif, puis il se redressa. Allen l'avait suivi du regard, interloqué.
« Je crois que je capte mieux, ouais. J'ai encore besoin de temps.
—Eh bien reviens vers moi quand tu seras prêt à en discuter, alors. »
L'épéiste se tut. Le vent continuait de pousser leurs corps, y instaurant une emprise lourdement insistante, et l'ombre pesante des hauts bâtiments les surplombait, renforçant la fraîcheur ambiante. Ce décor était beau, il dégageait quelque chose de tout à fait majestueux. Allen s'en rendait compte maintenant qu'il était plus réveillé, à la lumière des étoiles. Ferme dans ses mots, le symbiotique se sentait définitivement calme. Il n'était plus hostile. Comme s'il signifiait à l'alpha qu'il lui accordait le temps voulu.
« J'vais rentrer, » dit Kanda en soufflant, décroissant les bras, « viens aussi. Le clébard a dit que c'était pas sûr, j'aime mieux pas te laisser tout seul. »
Le blandin n'allait pas protester, toutefois, il sentit encore l'irritation singulière le prendre aux tripes. Pour deux raisons distinctes, l'une évidente, l'autre peut-être moins.
« Tu abuses vraiment avec Link, tu sais, » souligna-t-il à Kanda en se calant sur son pas, « tu ne l'as pas volé, quand il t'a traité de petit con. C'est quelqu'un de bien, tu l'as agressé alors qu'il t'avait demandé de ne pas t'énerver. »
Kanda grogna.
« Évitons de reparler de ça, j'étais furieux et je regrette de pas lui avoir décroché la mâchoire.
—Pourquoi tu l'as pas fait ? »
Pas qu'Allen l'avait regretté, mais il était réellement surpris de la maîtrise de Kanda. L'alpha regarda ailleurs, comme s'il était gêné.
« On se faisait déjà la gueule, je me doutais que tu m'en aurais voulu encore plus si je m'étais battu avec l'autre con. C'est tout. »
Sur ces mots, le Japonais marcha plus vite, et Allen fut… ému. Étrangement, car ça voulait dire que Kanda se souciait de ce qu'il ressentait, pour avoir cette réaction. Ça l'apaisait peut-être à moitié.
Allen retourna se coucher. Ils n'étaient toujours pas réconciliés, mais au moins, ils avaient pu discuter, commencer à crever l'abcès. C'était déjà en soi une belle avancée. Il était content d'avoir mis des mots sur ses émotions et sur ce que ce conflit avait remué en lui. Kanda n'était pas totalement un imbécile, il devait forcément avoir compris ce qui n'allait pas, à présent. Allen comptait donc sur le fait qu'il réfléchisse, et ils en reparleraient. De son côté, il était déjà disposé à entendre ce qu'il aurait à dire. La réponse se trouvait là-dedans, encore une fois. Du temps, de l'espace, et ils arriveraient à un accord arrangeant pour eux deux. L'oméga sentit le bien-être l'envahir, avec lui une sensation rassurante.
Que Kanda ait initié une conversation ce soir alors qu'il aurait pu totalement l'ignorer était une preuve qu'il avait changé et qu'il tenait à lui. Il savait que Kanda ne se serait pas donné la peine de comprendre s'il n'en avait eu rien à secouer. Encore une fois, ça lui faisait plaisir de le constater.
Avec tout ça, il eut tout de même quelques pensées qui revenaient vers l'audience de demain et les questions qu'elle évoquerait, dont il aurait sûrement les échos de Link, Lavi et Kanda. Lenalee et lui étaient bien lésés dans l'histoire… il aurait voulu en savoir plus sur le projet de Luberrier et savait déjà que l'attente serait insoutenable. Agacé et anxieux, il finit par trouver le sommeil à force de tribulations mentales.
Au petit matin, alors qu'il dormait paisiblement, Allen sentit une main le secouer. Sans surprise, Link était à côté de lui. Aux prises avec un sentiment déplaisant, être réveillé de façon non-naturelle l'était toujours, il soupira en s'étirant, esquissant un sourire fatigué à l'adresse du blond. Celui-ci parla :
« Bonjour, Walker. J'espère que tu n'as pas passé ta nuit à discuter, car on nous attend pour un bref déjeuner avant la réunion. Comment ça s'est passé, avec Kanda ?
—Tu me laisses le temps d'émerger, une minute ? » Allen rigola un peu et Link eut un sourire d'excuse. Il bâilla dans sa main, et se racla la gorge : « Hm… on va dire qu'on a progressé… Il m'a dit qu'il avait besoin de temps, je lui en ai accordé. »
Toujours entre les draps, Allen détourna le regard et déglutit. Ses joues rougirent un peu. Il se souvenait qu'il avait rêvé de Kanda cette nuit. Son cerveau avait visiblement décidé de rejouer la discussion qui avait eu lieu dans la cour, l'ayant tourné… autrement. Des baisers échangés, des caresses, et plus encore… Il s'était imaginé étant pris dans la cour extérieure, honteusement exposé, et se fichant totalement de qui pouvait les voir, ou de si le lieu était seulement approprié. Ils étaient quand même dans l'enceinte du Vatican, le siège de l'Église ! Si l'amour n'était pas considéré comme péché entre deux liés, il y avait des lieux et des moments. Ce n'était qu'un rêve, il n'y avait pas à se fustiger, et Allen ne savait même pas s'il accordait de l'importance à la symbolique religieuse – pas trop, mais en même temps, il ne voulait pas être irrespectueux.
Il se demandait pourquoi de telles pensées l'avaient envahi soudainement.
Seulement, et c'était bien le plus embarrassant, Allen se rappelait des sensations des mains de Kanda sur son corps – dans son rêve, et de ce qui s'était produit réellement pendant ses chaleurs. Il n'avait résolument pas oublié la tendresse avec laquelle il l'avait caressé maintes fois, ses baisers et ses odeurs intimes… Et ça lui faisait peur. Pour désirer tout ça avec autant de vivacité, il devait forcément être proche de…
Outre la crainte, Allen mourrait littéralement de gêne.
Son érection matinale n'était pas là pour arranger les choses.
Il serra les jambes, remonta la couverture sur lui, et posa sur Link une paire d'yeux hagard, passant une main sur son visage qui voyait trouble :
« Tu… peux t'habiller le premier ? J'ai besoin de dix minutes, et j'arrive.
—Dix minutes, et pas une de plus. Je suis content pour toi et Kanda, sinon. Je t'avais dit qu'il avait besoin de temps. »
Allen opina. Hormis ces mots, Link partit sans demander son reste. Il était aussi habitué à ses difficultés à être aussi prompt que lui et à sa pudeur – qui faisait en très grande partie qu'il attendait souvent que son geôlier soit déjà prêt, le temps que ses petits soucis matinaux soient passés, pour foncer dans la salle de bain, n'aimant franchement pas être exposé. Partager sa chambre avec un autre avait été une vraie difficulté pour Allen les premiers temps. Surtout un alpha, s'il avait vite découvert que Link ne cherchait pas à user de son statut pour le contrôler ou quoique ce soit d'autre. L'Allemand le respectait et n'avait jamais fait de commentaires particuliers, ce pourquoi Allen était en confiance avec lui. Il était bien plus qu'un Inspecteur pour lui. Et il avouait que ça le contrariait un peu que Kanda soit si méfiant avec Link…
Une fois Link proprement vêtu, Allen fit comme à son habitude et alla lui aussi se préparer. Il savait que l'audience aurait lieu dans une heure. En attendant, son ventre gargouillait furieusement.
Il était temps de se nourrir.
Link avait donné à Allen et Lenalee pour consigne de les attendre à la bibliothèque du Vatican. Kanda, Lavi et l'Allemand suivirent ainsi les prêtres qui les guidèrent jusqu'à une grande salle où, sur une estrade rehaussée, se trouvaient les Cardinaux, les conseilleurs du Pape. Les Évêques les plus importants se voyaient réunis autour d'une table ronde. On les invita à y prendre place. L'alpha s'assit à côté du bêta, fortement agacé par toute cette cérémonie, d'ores et déjà pressé qu'elle soit terminée. Les dernières semaines avaient été assez casse couilles sans qu'être scruté comme un rat de laboratoire – qu'il était peut-être, en quelque sorte – ne lui sorte par le nez. Malgré lui, il se sentit sourciller légèrement à l'odeur quelque peu légère qui lui chatouilla justement les narines.
Il se tourna vers Lavi, qui, l'œil vif, décortiquait ce qu'il avait devant lui, en bon héritier Bookman. Les carreaux presque blancs des fenêtres avec leurs zébrures en losanges filtraient dans la pièce une lumière éclatante, quasi douloureuse. Il ne s'était jamais aperçu de ça, mais Moyashi n'avait pas eu tort. Pas plus que le clébard.
Le Baka Usagi puait presque l'oméga. Presque. Parce que Kanda sentait autre chose, une autre fragrance, qui contredisait cette affirmation. Et finalement, plus il se concentrait sur l'odeur, plus il se disait que ce n'était pas une odeur d'oméga. C'était autre chose, oui. Définitivement. Par contre, c'était attirant. Même pour lui qui était déjà lié. Son nez y était pour le moins sensible. Putain, pensa Kanda, depuis quand il sent comme ça ?
Refusant de laisser transparaître sa perplexité, Kanda repoussa ces pensées. Il verrait ça plus tard. Ce n'était pas le moment. Il disséquait du regard les hommes d'Église, en qui il n'avait nullement confiance. Il sentait le coup fourré. Et il serrait les poings en appréhendant une décision qui mettrait davantage en péril sa vie ou celle de Moyashi. Peu importe ce que Luberrier était venu plaider, pour réunir un tel conseil, ça devait être du lourd. Il n'aimait pas ça.
L'homme au centre des Cardinaux se leva et les engloba d'un regard circulaire. Kanda renforça sa concentration, plissant les yeux. L'heure de vérité venait de poindre.
« Bien, maintenant que nous sommes tous réunis, l'audience va pouvoir commencer. Howard Link, nous vous écoutons. »
Sous les yeux soupçonneux de Kanda, Link se redressa, repoussant gracieusement sa chaise sans la faire racler contre le carrelage, et exhiba une pile de documents qu'il fit passer d'un Évêque à l'autre, remontant jusqu'aux membres du Conseil.
« Ces documents vous expliqueront en détails précis le compte-rendu du projet de Synchronisation. Nous avons besoin de plus de temps. Des problèmes sont survenus dans sa réalisation, et il paraît possible que le Quatorzième soit directement la cause de cet échec. »
Kanda se crispa. Ça concernait donc Allen. Allen qui n'avait pas le droit d'être là pour se défendre.
Bien pratique.
« Néanmoins, » continua Link, « la cause principale du rejet est Mugen. Hevlaska l'a confirmé. À savoir si elle se renferme à cause de la présence du Noah chez Allen Walker ou si l'Exorciste de deuxième génération Kanda Yû fait défaut à l'Innocence. Ou au lien. »
Le Cardinal, un alpha avec des petites lunettes et des yeux de rat, posa son regard sur Kanda. Ce dernier s'était crispé de la tête au pied. Ils évoquaient sa particularité devant Lavi, devant les autres, comme si de rien était. Ce qui allait sortir lors de cette réunion… Kanda se sentit inquiet. Et chez lui, ça ne se traduisait pas bien. La rage naissant au ventre, il serra les dents de colère. Il se sentait furieux. Furieusement impuissant.
« Levez-vous, jeune homme. »
Kanda marqua un temps d'arrêt. Link lui fit les gros yeux, aussi, le brun fut forcé d'obéir. Debout, il toisa toute la salle de son regard le plus neutre, gardant pour lui sa haine.
« Avez-vous toujours foi en l'Innocence ? »
L'alpha plongea son regard dans celui du plus âgé.
« Oui. »
Il mentit effrontément. Il n'avait jamais eu foi en l'Innocence. En Mugen, oui. C'était bien normal, vu comme elle lui avait rendu service. Mais elle était aussi ce qui le tuait à petit feu, et il ne l'oubliait pas.
« Vous êtes impertinent. Oui, Cardinal, » prononça lourdement ce dernier, Kanda comprenant ce qu'il attendait de lui, « dites-le.
—Oui, Cardinal.
—Présentez-vous des signes de folie, comme le projet Alma Karma ? Des hallucinations ? Des absences ? Des flashs ? N'importe quoi d'anormal. »
Kanda se raidit à l'évocation d'Alma.
Le fils de pute n'avait pas le droit.
Ils n'avaient pas le droit de parler d'Alma comme ça. Pas après ce qui s'était passé. Pas comme ça !
Kanda hurlait de rage intérieurement. Il sentait ses yeux s'écarquiller, ses poings serrés au point que ses ongles rentraient dans la paume de sa main. Il eut soudain chaud, la chaleur coulant dans son dos et sa poitrine se soulevant plus vite, frappée par son cœur comme un gong assourdissant.
« Non.
—Non, Cardinal, » le réprimanda ce dernier d'une voix forte.
Celle de Kanda, rauque et meurtrière, martela les syllabes :
« Non, Cardinal. »
L'homme lui fit signe de se rasseoir. Kanda se renfonça sur sa chaise, et son regard croisa celui de Lavi, qui, pour une rare fois, conservait une expression sérieuse et presque… compatissante.
« Il manque de docilité, fit-il observer à l'attention de Link, ça pourrait compromettre le projet.
—Il est fort jeune, » rétorqua l'Allemand d'un ton posé, Kanda étonné qu'il prenne sa défense, « excusez-le. Allen Walker l'est encore plus. L'Inspecteur Luberrier pense néanmoins qu'il faudrait accélérer le processus de synchronisation par un renforcement direct du lien. Il pense que le souci vient du fait qu'ils ne l'ont pas encore consommé. La synchronisation requiert une énergie trop forte pour leur lien actuel. Nous sommes venus demander l'autorisation d'organiser un mariage entre les Exorcistes Kanda Yû et Allen Walker, dès que celui-ci aura atteint ses dix-sept ans, l'âge légal pour marier un oméga. »
Kanda gueula malgré lui :
« Un mariage ?! »
Même Lavi eut une moue perplexe. Link fit de nouveau les gros yeux, et Kanda fut contraint de se taire. Il était en colère. L'autre continua de plaider :
« En attendant, il serait question de durcir les entraînements, et d'éliminer tous les autres obstacles à la synchronisation, dans la mesure du possible. Je suis d'avis, ayant examiné scrupuleusement son dossier, et approuvé par mon supérieur, que l'Exorciste Kanda Yû est trop affaibli par la synchronisation en duo, parce qu'il est déjà trop fragilisé pour l'utilisation complète de son Innocence. Il déteint sur Walker et bloque la synchronisation, ce qui impacte sur leurs états mutuels. Luberrier et moi-même travaillons avec Komui Lee afin de remédier à ça. Si dans un an ça ne marche pas, le mariage renforcera peut-être leurs liens. »
Kanda encaissa. Ce n'était pas seulement l'audience d'Allen, c'était aussi la sienne. Ce sale clébard s'était bien gardé de le lui dire. Et il réalisait que cette accusation était fort possible. Quand Allen avait dit qu'il sentait le lotus, il s'était braqué, de même en voyant que la synchronisation les avait laissés sur le carreau – surtout lui. Il était peut-être actuellement trop fragile pour ça. Aussi bien mentalement que physiquement.
Peut-être qu'il perdait bel et bien confiance en Mugen.
L'un des Évêques l'observa avec la même curiosité que s'il était un tableau raté.
« Sa création, ainsi que celle d'Alma Karma, était précaire, leur vie est ténue, je le sais bien, et je sais aussi qu'il faut déjà se réjouir qu'il soit sain d'esprit, mais c'est du gâchis. Il est un alpha et il est pourtant plus faible que l'oméga… Je conçois tout à fait votre raisonnement, et je le rejoins en partie, mais si le problème vient de lui, en quoi le mariage sera-t-il une finalité pour réduire les conséquences de son incapacité ? »
Link se racla la gorge.
« Nous pouvons travailler sur sa résistance, il a été plus résistant autrefois. Une fois que Komui Lee aura trouvé comment l'augmenter, ce ne sera pas un souci. Néanmoins, la question du lien est essentielle, car c'est aussi ce qui intervient directement. Cette double synchronisation ne peut se faire que parce qu'ils sont liés. Leur lien doit donc se renforcer pour l'endurer. Le marquage de l'alpha à l'oméga, le mariage devant Dieu, tout cela devrait renforcer leur connexion, la rendre plus tangible. Vous avez les documents. Vous savez ce que la première Double Synchronisation a donné. Obtenir une combinaison est vitale. »
Le Cardinal rétorqua :
« Sauf votre respect, la première double Synchronisation a aussi échoué. Les deux Exorcistes sont morts. Et c'est pour ça qu'Alma Karma et Kanda Yû ont été créés. Alma Karma devait être lié à Kanda Yû, pas Allen Walker. Vous l'avez souligné vous-même, il est très jeune. Peut-être qu'Allen Walker n'est pas le partenaire adapté à Kanda Yû, et que leur lien s'éteint. Cela pourrait expliquer les échecs. Il est potentiellement dangereux, il ne faut pas l'oublier.
—La rupture d'un lien est excessivement rare, » contra Link, « et il est bel et bien là chez eux pour l'instant. Avant de supputer quoique ce soit, il faut en tenir compte. De plus, quelques jours avant l'initiation de la double synchronisation, Walker m'avait dit qu'il se renforçait. J'admets être perplexe de ce qui les a poussé à se lier l'un à l'autre, surtout dans les conjectures actuelles, mais Walker est fort. Son lien à Crown Clown l'est aussi. On ne peut pas ignorer cette opportunité. Alma Karma était bancal, Allen Walker est stable. Le Noah est sous contrôle, et je surveille ses agissements de manière permanente. Au moindre souci, j'en référerais immédiatement à l'Inspecteur Luberrier. Vous le savez. »
L'esprit de Kanda était en pause, seule la colère dormait dans son ventre. Ça faisait simplement trop à encaisser. Ils voulaient les forcer à se marquer, comme ils auraient voulu qu'Alma et lui soient liés pour devenir des marionnettes. Ce qu'il avait toujours soupçonné était alors vrai. Son cœur se resserra encore. Il commençait à se sentir inhabituellement angoissé. Cette fois-ci, l'odeur de Moyashi n'était pas là pour l'aider. Il réalisait d'autant plus qu'ils avaient raison. S'il avait de la force physique et mentale, en quantité impressionnante, il demeurait faible à cause de ses faiblesses trop grandes. Allen était plus fort que lui, car il avait réussi à dompter les siennes.
Kanda fuyait ses faiblesses, les refoulait, les endormait. Il n'y avait aucune maîtrise là-dedans, ou factice.
Diverses voix s'élevèrent, un petit brouhaha de débats qui dura un moment, au cours duquel chacun allait de son petit avis, plaidant ou accusant, et il parut à Kanda un temps horriblement long avant qu'il ne fut clos.
Le Cardinal hocha bientôt la tête.
« Bien. Nous allons délibérer pour aujourd'hui, et je vous convoquerai demain pour vous tenir au courant du verdict. Vous pouvez disposer. »
Les hommes dans la salle de se levèrent. Kanda eut enfin l'impression de recommencer à respirer normalement, mais d'une respiration malaisée, car lourde et étouffante.
Pendant ce temps, Allen se trouvait à la bibliothèque avec Lenalee. Ils avaient chacun un livre dans les mains, faisant bien attention aux reliures dorées de qualité, et accaparé par les gravures sur les piliers, les murs et même le plafond. La cité du Vatican était un lieu chargé d'histoire, ces fresques le montraient bien. Allen avait l'impression qu'ils ne savaient plus ou donner de la tête tant il y avait à voir ! Lenalee et lui observaient les peintures en s'échangeant des commentaires à voix-basses, assis à une grande table sur chaque banc opposé. Ils gloussaient parfois en commentant leurs lectures, des livres pieux auxquels ils n'avaient pas l'habitude d'être confrontés.
Les deux adolescents tronquaient ainsi leur angoisse de la délibération à venir contre un peu d'amusement. Lenalee essayait aussi de le réconforter sur sa petite avancée avec Kanda, dont il lui avait parlé, n'ayant pas encore eu le temps d'en discuter avec Lavi, car ils avaient dû partir à peine le déjeuner terminé. Le temps passait, et la crainte revenait.
L'oméga ressentit bientôt le besoin d'aller aux toilettes et il prévint Lenalee qu'il s'absentait.
« Est-ce que tu te rappelles où ils sont ? » l'interrogea la brunette, qui connaissant son sens de l'orientation nullissime.
Allen se gratta à la tête.
« Il faut passer quelques couloirs à gauche et monter un petit escalier, non ?
—Non, à droite, et la porte est à côté de l'escalier, en haut, ça mène là où on a pas le droit d'aller. »
Le blandin opina.
« Heureusement que tu es là, j'allais encore me perdre. »
Lenalee lui sourit, et Allen sortit de la salle.
Dans sa tête, il se répétait les indications de son amie : couloir, droite, porte à côté de l'escalier. Ce, en passant devant une porte qui s'ouvrit, délivrant un prêtre. Allen le salua d'un « mon père » respectueux, s'apprêtant à avancer, mais ce dernier l'arrêta.
« C'est donc vous Allen Walker, l'enfant maudit. »
Le susnommé hoqueta, dévisageant le prêtre, mais ne pouvait pas nier. C'était suffisamment visible comme ça.
« Est-ce qu'il y a un problème, mon père ?
—Vous devriez faire attention. Un Cardinal en a après vous. Je ne peux pas vous en dire davantage, mais quelque chose vient pour vous. Soyez prêt. »
Allen fronça les sourcils, la bouche bée. Il ne comprenait absolument rien. Quelque chose venait pour lui ? Était-ce ce Cardinal, ou… ?
Il allait interroger l'homme, mais celui-ci continua son chemin, le dépassant sans le regarder.
« Mon père ! » appela-t-il en allant après lui.
Le prêtre secoua la tête en entrant dans une salle, signe qu'il ne pouvait lui en dire plus.
Allen se retrouva les bras ballants, avec de la matière à penser. En un sens, il n'était pas si surpris. Son cas était sans précédent, et épineux, c'étaient les mots que Link et Luberrier n'arrêtaient pas d'employer, mais s'imaginer que jusqu'au Vatican, on complotait contre lui… Il était encore plus inquiet de ce qui devait se dire à la grande réunion.
Serrant les poings, Allen se dépêcha d'aller faire son affaire, et rejoignit la salle de lecture après cela.
Il y trouva Link, Lavi et Kanda, en discussion avec Lenalee. L'Allemand l'interpella :
« Ah, Walker, je demandais justement où tu étais.
—J'étais aux sanitaires, » répondit-il, taisant sa curieuse rencontre, « la réunion s'est déroulée comment ? »
À côté de Lavi, Kanda paraissait particulièrement crispé. Allen en fut surpris, et quand il posa un regard sur lui, le kendoka se détourna brutalement.
« Je pars, » annonça-t-il, abruptement, « à moins qu'il faille que je sois là ? »
Il était agressif à l'encontre de Link, mais ce dernier secoua simplement la tête.
« Tu peux aller te reposer, oui. Viens quand même au dîner de ce soir. »
Kanda ne répondit pas et sortit de la pièce comme s'il avait le diable au corps. Allen écarquilla les yeux.
« Qu'est-ce qui lui prend ?
—Ça a été éprouvant pour lui, vieux, » intervint Lavi, « lui en veux pas. Le sujet de la réunion était houleux. »
Allen fronça de nouveau les sourcils.
« Link, tu veux bien me dire ce dont il s'agit ? »
L'Allemand soupira.
« Tu seras interrogé demain après la séance délibérative, donc il faudra bien que tu le saches. Luberrier prévoit de vous marier, toi et Kanda, quand tu auras atteint l'âge légal. En attendant, il est question d'entraînement plus rigoureux. Kanda a mal pris la nouvelle. »
Il avait dit ça avec une sorte de désinvolture, et même Lavi, qui était plutôt complice avec lui d'habitude, lui lança un regard froid. L'oméga hésitait à comprendre que ce n'était pas tout. Pourtant, rien qu'avec ça, il comprenait déjà. Et il se sentit trahi. Kanda et lui avaient redouté ça, ils l'avaient senti venir. Ils avaient refusé d'y croire. Cependant, Luberrier ne reculait devant rien.
« Link, depuis combien de temps tu sais que Luberrier a prévu ça ? »
Il était furieux. Contre Luberrier, mais aussi contre son ami. Au point qu'il doutait de sa sincérité.
« Un moment, avoua le blond. Je sais que j'aurais dû t'en parler, mais tant qu'il n'était pas encore question de le mettre en pratique, je…
—Est-ce que tu te fous de moi ? » interrompit Allen d'une voix sourde et encolérée. « Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? »
Link eut un air désolé, mais il ne fléchit pas.
« J'aimerais que tu me parles sur un autre ton, » gronda-t-il durement, « Kanda Yû et toi êtes liés. Très honnêtement, je trouve ridicule de s'obstiner à le nier. Tu as dit que tu avais des sentiments pour lui. Être mariés ensemble ne devrait pas beaucoup te déranger. Ça pourrait accroître votre lien et rendre la double synchronisation supportable, et forte. Vous n'êtes peut-être pas prêts, mais je comprends les motivations de Luberrier. Il vous laisse un an. En un an, tu prendras en maturité, Kanda aussi, et ce mariage n'aura rien de négatif pour vous. »
Allen se sentit exploser. Il était ulcéré.
« Que je l'aime ou non n'est pas une raison pour nous forcer à nous marier pour qu'on serve l'Ordre comme des objets, et qu'on ait pas le choix ! Comment tu peux utiliser ça contre moi ? C'est injuste ! C'est donc bien ce que je te disais, ce que Luberrier attend, c'est que j'écarte les cuisses gentiment et que je sois prêt à tout pour servir l'Innocence ! Et il n'y a pas que moi, il y a Kanda aussi ! Il n'a peut-être aucune envie de se marier avec moi ! »
Lavi essaya de tempérer :
« Les gars, on est dans une bibliothèque, alors je pense pas que c'est le bon endroit pour gueuler.
—Je ne gueule pas, » rétorqua Link, ses mains aux jointures blanches se serrant sur sa mallette où se trouvaient les documents de la réunion, ce qui montrait bien qu'il était en colère, « mais je peux comprendre ta réaction, Walker. Il faut que tu réalises que ce n'est pas moi qui donne les ordres. Même si je suis d'accord dans le cas présent, et je pense que vous feriez mieux d'arrêter de vous comporter comme des enfants gâtés, Kanda et toi. Il y a une guerre, c'est plus important que vos gamineries sentimentales et mièvres. »
Sincèrement heurté, l'expression de vexation de l'oméga s'évapora vite au profit d'une colère noire.
« Moi qui pensais qu'on était amis. J'ai dû être bien naïf. Tu me dégoûtes, Link. »
Il partit de la salle sur un pas hargneux. Lenalee, qui était restée silencieuse, partit à sa suite, l'appelant pour le faire ralentir, non sans fusiller Link du regard.
Restèrent Lavi et Link, côte à côte, dans un silence pesant.
« Eh ben…, » soupira le rouquin, se grattant la tête, « c'est la saison des engueulades, en ce moment.
—Dis-moi que tu me soutiens dans mon raisonnement, » s'irrita Link, le visage crispé, contenant visiblement son explosion, « c'est tout à fait censé. Il fallait remettre les choses à leurs places. »
Il croisa les bras en une posture défensive. Lavi se passa la langue sur les lèvres.
« Bah honnêtement, d'un côté, oui, je te suis. Sauf que t'as pas été tendre avec Allen, souviens-toi qu'il a quand même seize ans, tu ne peux pas attendre de lui qu'il raisonne comme un adulte. Et même pour un adulte, c'est une grosse contrainte et ce n'est pas super moralement. C'est normal que ça leur pose problème. Le contexte de la guerre légitime peut-être en partie cette solution, je suis assez d'accord, mais tu aurais pu réagir à sa colère autrement. Te montrer plus souple. »
Le blond soupira.
« Je sais que j'ai été dur, et je m'en veux pour ça, mais il faut qu'il le comprenne. Ça m'agace vraiment d'essuyer les pots cassés de leurs disputes enfantines et de leurs humeurs mutuelles. J'ai été suffisamment énervé des réactions de Kanda, alors Walker était la goutte de trop.
—Ouais, » concéda Lavi sur un petit sifflement dubitatif, « mais Allen y est pour rien si Kanda te crie dessus injustement, et dans son cas, y avait de quoi s'énerver, mets-toi un peu dans sa peau. »
Link opina, acceptant les arguments de Lavi. Il eut un reniflement rageur, à la fois frustré et coincé dans sa propre position.
« Je sais que c'est compliqué pour eux, et qu'ils ne sont encore que des enfants, théoriquement. Ça me désole, beaucoup de poids pèsent sur leurs épaules, mais en même temps, ils pourraient aider beaucoup de monde avec un lien plus puissant. Je suis obligé de concéder ça à Luberrier.
—Je comprends, et je suis d'accord. Enfin bon, leur demande pas d'être sympa avec toi tout de suite après ça, surtout Yû. Je le connais, et j'ai vu les tronches qu'il a faites, quand ils ont parlé d'Alma Karma. Je ne sais pas tout mais ça doit pas être simple pour lui.
—Je sais, c'est pour ça que je n'ai rien dit tout à l'heure. »
Doucement, Lavi posa une main sur celle de Link. Ce dernier profita de leur moment de solitude, regardant de manière circulaire les environs pour voir si quelqu'un arrivait – il serait mal vu de faire une telle chose ici, pour poser un baiser chaste et rapide sur ses lèvres.
Après quoi, ils sortirent de la bibliothèque et décidèrent d'aller se balader en ville, tous les deux.
Le soir, Link tenta d'engager la conversation avec Allen, obstinément muet et bougon au possible. Il s'excusa, lui répéta plus ou moins ce qu'il avait dit à Lavi tout à l'heure, et ça ne parut pas avoir d'effet. Il choisit de laisser tomber.
Au moment du dîner, Allen fut surpris que Kanda ne soit pas là, et Lavi lui chuchota que la réunion avait vraiment été dure, ainsi que la meilleure chose à faire avec Kanda était probablement de le laisser tranquille. Ça ne calma pas l'inquiétude de l'oméga, qui se demanda si c'était la promesse du mariage et des entraînements difficiles qui avaient de tels effets sur lui. Lavi finit par lui avouer qu'il y avait bien autre chose, mais que c'était à Kanda d'en parler, pas à lui. Allen devina donc que ça devait forcément avoir un rapport avec ce qu'il refusait de lui dire sur son passé. S'il aurait voulu savoir, il fut cette fois plus inquiet pour son camarade qu'agacé pour ses secrets.
Kanda n'était pas du genre très sensible, alors si quelque chose l'avait remué, comme le présumait Lavi, c'est que ce n'était pas rien.
Le lendemain, le verdict fut délibéré. La proposition de Luberrier était acceptée.
Lenalee et Allen furent interrogés chacun leurs tours, le symbiotique accompagné du kendoka. Allen fut vigilant. Il n'avait toujours parlé à personne de ce que le prêtre étrange lui avait dit, mais s'il devait suspecter un Cardinal, ce serait celui aux petits yeux qui lui avait demandé pourquoi il avait manifestement refusé d'être marqué par Kanda lors de ses premières chaleurs. La désapprobation se lisait dans sa voix, signe qu'il devait probablement juger indigne qu'un oméga s'oppose à la consommation du lien. Gardant leurs maîtrises, ce qui fut bien difficile, Kanda et lui expliquèrent qu'ils n'envisageaient pas de l'honorer, restant évasif sur tous détails plus intimes. Ça ne regardait personne d'autre qu'eux.
Les membres du Conseil posèrent des questions relatives à leurs entraînements, leurs maniements de l'Innocence, à la fois individuels et en duo. Ils parurent avoir obtenu satisfaction de leur interrogatoire. Il s'en fut bientôt.
La convocation terminée, Kanda restait toujours aussi prostré. Allen se sentait rongé par l'inquiétude.
Il partit rejoindre Link, par obligation plus que par agrément – il refusait encore de lui adresser la parole, et il pressentait que ça durerait un moment. Link avait vraiment franchi des limites de ce qu'il tolérait. Alors qu'il lui dit au revoir, ses prunelles s'accrochèrent à celles de Kanda, et il espéra réussir à lui transmettre du soutien et de la bienveillance, peu importe le conflit qui les avait divisé tous les deux.
Le jour suivant, ils rentrèrent dans une atmosphère horriblement lourde.
À suivre...
So, j'avais promis de l'action, je pense ne pas vous avoir menti ;).
Un peu d'amélioration entre Kanda et Allen, et une avancée dans l'intrigue ! Et ce cher Link qui perd petit à petit son sang-froid x').
Reviews pour me dire ce que vous pensez de tout ça ? :) N'hésitez pas, comme toujours, ça fait plaisir et ça encourage !
Merci d'avoir lu et à dans deux semaines ! :p
