Hello !

Alorssss ça fait super longtemps, mais me voici de retour ! Je préviens à l'avance, le rythme de publication risque d'être un peu lent ce mois-ci, le temps que je rattrape mon retard dans les projets laissés en plan et que j'avance un peu les nouveaux, mais je n'oublie pas SOS ni les textes pour lesquels je vais justement me rattraper x'). Je vais cependant me débrouiller, n'ayez crainte, s'il y en a parmi vous qui attendent la/les suites x').

Quant à ce chapitre, je vais vous laisser à la lecture, je n'ai pas grand-chose à dire, hormis le fait qu'il va apporter une explication au rebondissement du chapitre précédent, pour ceux que ça avait laissé un peu perplexe/frustrés ! x3

Merci à Ookami97 pour la correction !

Enjoy la lecture !

Réponses anonymes :

Sarra020 : Merci beaucoup pour ta review ! Oui, il y a bel et bien une explication à tout ça, et je te laisse lire pour la découvrir... En espérant que ça te plaira :3 !

Akane : Merci beaucoup ! Ne t'en fais pas, je prends mon temps ! Je suis contente que l'histoire te plaise en tout cas et j'espère que ce chapitre te plaira !


Quand Allen sortit de sa chambre ce matin-là, suivi par Link, il avait l'impression stupide que tout était différent. Il rougissait en croisant le regard du plus âgé, encore dans la crainte qu'il l'ait entendu cette nuit. Ce dernier ne manifestait aucune réaction, il paraissait même surpris de ses regards inquiets, mais il n'insistait pas. Il avait compris qu'Allen était encore remonté et pas vraiment prêt à lui pardonner. Car encore maintenant, quand Allen réfléchissait à ce que Link lui avait dit, il avait mal. Une part de lui avait envie de régler le conflit, il n'aimait pas voir une telle situation s'envenimer trop longtemps, mais d'un autre côté, il restait campé sur ses blessures qui ne voulaient pas se refermer. Il avait tout de même envie d'essayer de faire un pas en avant, aujourd'hui. Ça ne voulait pas dire qu'il voulait rentrer dans une discussion profonde avec Link pour le moment – et ils en auraient besoin, du moins, Allen, lui, en aurait besoin, mais il pouvait au moins lui parler aimablement. Ce serait toujours un début.

Quant à son impression de différence, il la chassait. Ce qui s'était passé cette nuit n'était qu'un rêve, l'expression de ses pulsions, et il savait ce qu'il en ferait. Il n'allait pas se laisser dominer par un simple songe, surtout qu'il devrait faire face au regard de Kanda.

« Tu as prévu quoi, pour l'entraînement de ce matin, Link ? »

D'une voix claire, sans hésiter, Allen posa sa question. Le plus âgé hésita peut-être une demi-seconde de trop avant de répondre.

« Je vous en parlerai tout à l'heure. On va d'abord déjeuner, tu dois avoir faim.

—Oui, c'est vrai. » Allen se força à esquisser un sourire. Il avait quand même besoin de vérifier quelque chose. « Hm, tu… Tu as passé une bonne nuit ? »

Link fronça les sourcils. Le blandin déglutit, espérant que sa question ait l'air naturelle.

« Oui, je te remercie. Et toi ?

—Moi ? » Il sentit ses joues chauffer. « O-Oui, ça allait. »

Malgré sa voix chevrotante, Allen pensa que vu sa réponse, l'alpha ne devait rien avoir entendu. Ou alors, il était très bon dans l'art d'ignorer un sujet fâcheux. Link soupira soudain, ce qui l'étonna un peu.

« Bien, écoute, tu n'as pas besoin de jouer la comédie en partant dans les banalités, Walker. J'ai compris que tu étais fâché et que tu avais besoin de temps. J'attendrai. »

Oh… Allen resta bouche bée. Ils n'étaient pas du tout sur la même d'ondes, Link avait très mal interprété son intention. Au moins, Allen était définitivement renseigné, Link avait l'air de n'avoir aucune conscience de ce qui s'était produit. Brièvement soulagé, il accorda quand même au plus vieux un regard sérieux, mais sans animosité. Le blond faisait vraiment un effort, il n'avait pas envie de le rabrouer.

« Merci d'avoir compris. On y va ? »

Il lui souriait poliment. Link opina, et ils avancèrent sans parler.


Dans les vestiaires, Allen avait remarqué que Kanda était un peu fuyant, ou plutôt distant. Il mettait ça sur le dos du dernier entraînement et sur le fait que ce dernier lui avait de nouveau confié être fatigué, mais il ne répondait que par des « hm » apathiquess lorsqu'il lui parlait. Allen savait que c'était dans son caractère, mais il se décourageait un petit peu. Il lui en avait fallu du courage pour mettre sa gêne de côté ! Après un tel rêve, c'était vraiment dur de le regarder dans les yeux comme si de rien était. Voir que Kanda n'était pas du tout participatif, même pour lui lancer des piques, le laissait un peu perplexe. Il sentait un espèce de froid. Pas négatif, toutefois, une distance significative. Il n'avait pas encore envie de repartir dans ce genre d'interactions alors qu'ils venaient à peine de se réconcilier, techniquement.

« Il y a un problème, Kanda ? Tu te sens trop… épuisé ? »

Il posait sur l'alpha un regard inquiet. Il espérait que Link ne leur fasse pas faire une activité trop demandeuse en énergie. Kanda ne les tiendrait pas, sinon. Il ne voulait pas se montrer trop concerné, de peur que son ami prenne la mouche, mais c'était plus fort que lui.

« Ça va, » répondit Kanda, « c'est rien. J'ai juste mal dormi.

—Oh. »

Allen sourit gentiment, ignorant qu'il reprenait un autre coup de chaud.

Oublier le rêve, oublier le rêve.

« C'est sûrement le stress des tests de Link. Je me suis réveillé une fois aussi, mais j'ai plutôt bien dormi ensuite. »

Il s'efforça de ne pas déglutir bruyamment. L'alpha le sonda un instant, inexpressif.

« C'est pas mon genre de stresser.

—Peut-être, » rétorqua Allen, « mais prends quand même soin de toi.

—Je ferai une sieste tout à l'heure. T'inquiète pas pour moi. »

Allen rit.

« Dors plutôt mieux la nuit, sinon tu vas te transformer en ours des cavernes. T'es déjà un ours mal léché, ça serait dommage d'accentuer le trait.

—Imbécile. »

Kanda lui colla une pichenette, un bref rictus se dessinant sur ses lèvres. Cette fois-ci, le blandin fut satisfait. Il l'avait un peu fait sortir de sa coquille. Ils s'habillèrent en plaisantant, et Allen commença à se rasséréner. Rien n'avait changé, en fait. Il se faisait juste des idées. Les sensations diffuses qui l'habitaient ce matin avait disparues, ou du moins, elles s'étaient amoindries. Il se sentait aussi plus connecté à Kanda, physiquement. Comme plus sensible à ce qui émanait de lui. C'était assez étrange. En tout cas, il avait l'impression que l'autre avait besoin d'être dans sa bulle pour réfléchir, alors il le laissait faire à sa guise. Il termina de remettre ses chaussures, et sortit le premier du vestiaire, adressant un dernier coup d'œil appréciateur à Kanda. Ce dernier ne l'avait pas vu. Allen attendait la fin de l'entraînement pour demander à lui parler. Il avait pris la décision de lui annoncer le fruit de ses réflexions de la veille.

Cette journée devrait bien se passer.

Link les attendait devant la porte de leur salle habituelle – ils utilisaient toujours la même, pour que les phéromones y soient confinées. Il tenait un bloc-notes et un crayon entre les mains. Il eut un hochement de tête en guise de salut en voyant Allen, Kanda arrivant bientôt à leurs côtés, l'air absolument pas motivé. Allen le comprenait, il ne l'était pas non plus.

Ils ne s'en aperçurent pas tout de suite, mais en pénétrant dans la salle, le niveau d'odeurs était… impressionnant. Même Link cligna des yeux. Pourtant, il se ressaisit assez vite.

« Bien, j'en étais sûr. Asseyez-vous et écoutez bien, j'ai fait quelques recherches. »

Il paraissait très fier de lui, aussi, les deux jeunes hommes se demandaient ce que l'alpha blond allait leur annoncer. Link ferma délicatement la porte, les fit s'asseoir au centre de la salle et se racla la gorge.

« Visiblement, le fait que vous ayez senti un flux et n'ayez pas pu interagir directement avec l'énergie est un bon signe. »

Sceptique, Allen coula un regard sur Kanda qui eut un rictus ironique. Ils étaient sur la même longueur d'ondes, ça fit plaisir au blandin.

« La connexion s'est mise en place, » poursuivit Link, « mais elle n'a pas pris effet immédiatement. Je me disais aussi que c'était étrange que vous puissiez être aussi réactifs en synchronisation et ne pas réussir à vous connecter l'un à l'autre. Quoiqu'il en soit, j'ai trouvé des documents énonçant que la première connexion survient parfois sous forme de rêve, comme un événement anodin qui scelle une interaction cérébrale entre les liés. Logiquement, vous avez dû rêver l'un de l'autre cette nuit. »

Définitivement, Link semblait se sentir comme le détenteur du Saint-Graal. Pendant ce temps, les visages de Kanda et Allen étaient devenus littéralement livides. Allen sentit son ventre se serrer. Il ne voulait pas y croire. Il ne voulait pas commencer à penser, en l'occurrence, il bloquait tous mots et toute idée qui pouvait seulement lui effleurer l'esprit. Surtout, il ne voulait pas se demander pourquoi Kanda était littéralement blanc comme un linge à ses côtés. Il ne voulait pas.

Link fronça les sourcils.

« Ça ne vous dit rien ? »

Kanda fut le premier à réagir, d'une voix chargée de ressentiment.

« Par sceller une interaction… ça peut être sous quelle forme ? »

Link haussa les épaules, poussant un soupir. Il les regarda, contrit, une moue de compassion, prononçant ses mots lentement, comme s'il essayait d'avoir du tact :

« Eh bien, les documents ne précisent rien. En revanche, j'ai mon hypothèse. Vous pourriez avoir rêvé d'être en train de vous battre, de vous entraîner, ou d'avoir une discussion personnelle. Une chose anodine, qui pourrait réellement se produire.

—Ou comme d'avoir un rapport sexuel. Ne te fatigue pas, Link. »

C'était Allen qui avait parlé, d'une voix si sèche qu'il surprit Kanda en le faisant sursauter. L'alpha s'était pétrifié, et Link les fixa tous les deux. Il baissa légèrement les yeux.

« J'avais aussi envisagé ça, mais je ne voulais pas vous embarrasser. Est-ce que… enfin, » ses yeux roulèrent légèrement dans leurs orbites tandis qu'il s'efforçait d'adoucir ses mots, « il s'agit de votre intimité, loin de moi l'idée de vouloir violer ça, mais est-ce que… c'est le cas ? »

Et il lui demandait ça comme si c'était naturel.

Comme si c'était normal.

Allen ne put se contrôler. Un grondement rageur quitta ses lèvres, et il ne l'avait même pas senti remonter dans sa gorge. C'était un sanglot. Un sanglot de colère. Il baissa la tête, serrant les poings sur ses genoux. Ses yeux se remplirent de larmes. Elles coulèrent bientôt, tombant en gouttes épaisses sur ses doigts aux phalanges blanchies.

« Putain ! »

Il avait hurlé en se relevant brusquement.

« Je ne peux plus. » Les mots frappèrent les quatre murs avec violence. Toute sa lassitude et sa souffrance y vibrait. « Je ne veux plus faire ça. Je ne veux plus, tu entends, Link ?! C'est fini. Tu diras à Luberrier d'aller se faire foutre, je me tire ! »

Les yeux grands de surprise, Link fut impuissant devant Allen qui franchissait la distance le séparant de la porte en grandes enjambées tout en pleurant à chaudes larmes. Il claqua la porte violemment. Encore assis au sol, Kanda était tout aussi crispé que son jeune protégé, comme s'il analysait soigneusement les informations. Il leva soudain les yeux sur Link avec un tel désarroi sur le visage que l'adulte fut frappé par la pression qui reposait sur les épaules de ces deux adolescents.

Il ne savait pas nécessairement quoi faire, lui non plus. Il était tout à fait conscient d'avoir perdu la confiance des deux jeunes par son éclat irréfléchi lors du séjour au Vatican. De plus, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un peu de peine pour Walker. S'il avait peur de la sexualité et que leur connexion les avait poussés à l'acte, il allait le vivre comme une agression. C'était vraiment quelque chose d'impensable pour Link. Il ne comprenait pas comment le lien pouvait se présenter d'une manière aussi compliquée pour ces gamins. Attention, il ne pensait nullement que c'était de leur faute. Il était conscient de leurs difficultés et il les jugeait légitimes. Il compatissait sincèrement. Cependant, c'était tellement hors des cases qu'il ne savait pas gérer lui non plus… Alors qu'il était supposé être un homme, un adulte accompli. Il avait encore de nombreuses choses à apprendre, ça le frustrait.

Pour le moment, il ne pouvait pas faire grand-chose, à par mettre grossièrement les pieds dans le plat… Ce qu'il avait en l'occurrence déjà fait. Il se mordit la lèvre.

« Kanda, tu devrais aller voir Walker. »

Kanda se redressa et lui lança un regard furieux.

« Je sais très bien ce que j'ai à faire.

—Attends, Kanda. »

Le jeune alpha fixa le plus âgé.

« Je vais simplement dire ceci : Walker et toi êtes en train de vous ajuster l'un à l'autre, j'en ai été témoin à vos nombreuses disputes durant les entraînements et les petits regards en coin que vous vous adressez souvent. Votre relation est toujours en train de se créer, elle s'est mise en place assez vite pendant les chaleurs de Walker, peut-être trop vite, ce qui fait que vous avez du mal à trouver vos limites respectives. Ne fais pas cette tête, il ne m'a pas raconté de détails, il est bien trop pudique. »

Kanda relâcha petit à petit la crispation de sa mâchoire. Link continua :

« Il va falloir que vous parliez. Autant pour lui que pour toi. Sinon, des disputes comme celle de la dernière fois se reproduiront. Si vous prenez trop sur vous-mêmes et que vous n'évacuez pas la tension qui parasite vos relations ensemble, ce sera difficile d'avoir des rapports sains et stables. Assumez d'être liés. Peu importe la direction que vous choisissez de donner à cela, vous pouvez subir votre lien de façon à vous laisser enfermer dans une relation de codépendance bancale, ou choisir de devenir actifs et de partir sur un échange équitable et sincère. Qu'est-ce qui te semble mieux ? Penses-y. »

Les deux alphas échangèrent un long regard. Puis, Kanda tourna les talons.

La porte claqua une nouvelle fois. Accusant le sursaut de la serrure, Link se demanda comment il allait bien pouvoir justifier devant Luberrier qu'un nouvel entraînement tombait à l'eau.

C'était toutefois dérisoire à côté de ce que Walker et Kanda devaient traverser en ce moment. De fait, Link se dit qu'il broderait bien.


Allen s'était rué dans les vestiaires. Il avait commencé par ôter son débardeur avec rage, voulant se changer, mais ses mains tremblaient tellement qu'il n'avait pas réussi à l'enlever tant il hoquetait de sanglots retenus. Alors il s'était laissé tomber contre les casiers, la tête à moitié enfouie dans son haut qui était redescendu sur lui. Ses sanglots avaient fini par éclater, violents, son visage dans les mains. Il n'arrivait pas à le croire. Il pensait qu'il n'y avait que les chaleurs qui pouvaient l'empêcher de décider. D'avoir le choix. Mais non, ses propres rêves, ses rêves les plus intimes, où il croyait qu'il n'y avait que lui, lui et seulement lui qui les vivait, il pouvait leur dire adieu ! Comment pourrait-il se sentir en sécurité, maintenant ? Comment pourrait-il être sûr ? S'il devait douter de tous les maudits rêves sirupeux qui pouvaient lui traverser le crâne où il avouait à Kanda son amour en espérant que ce dernier le lui rende… Il s'angoissait d'avance. Il aurait du mal à fermer l'œil, il ne pourrait plus dormir sereinement.

Il s'était déjà réveillé en pleurs en l'imaginant lui dire qu'il ne voulait plus jamais lui adresser la parole, que ses sentiments allaient être un fardeau entre eux. Allen rêvait de ça souvent.

Malgré son souhait de ne rien dire, son inconscient restait travaillé pour le cas . Et si Kanda était connecté à lui, il allait le savoir. Il allait forcément le savoir.

Le pire n'était pas là. Ils avaient couché ensemble dans ce rêve, tous ces moments, sa première fois, il l'avait vécu. C'était vraiment arrivé. Pas physiquement, mais presque. Il avait tout senti. C'était tout comme. Encore une fois, le lien l'avait violé.

Parce que c'était ça.

Allen se sentait violé.

Pas par Kanda, pas par leurs interactions – ils avaient peut-être été plus proches de leur pulsion, peut-être, mais ils s'étaient respectés, en soit, puisse ses décisions d'hier en être témoin, ça avait été bien. Parce que c'était un rêve. Parce qu'Allen aurait pu avoir le choix que ça se passe pareil en vrai, mais à un autre moment, où il aurait vraiment été lui, où il en aurait eu envie.

Ce choix, il ne l'avait pas eu. Encore une fois, c'était la même problématique qui tournait dans sa tête.

Est-ce que je me contrôle, est-ce que je suis moi, est-ce que je décide, qui le fait à ma place – les chaleurs, le lien… mon cœur ? Mes émotions sont-elles miennes ? Pourquoi ?

Encore une fois, il se perdait dans tout ça, c'était comme un dédale insensé et tourbillonnant qui l'engloutissait.

Il n'en pouvait plus du lien. Il était en colère, il était en train de craquer. Ça allait le détruire, lui, Kanda aussi, et leur relation naissante. Kanda allait forcément s'en vouloir, et forcément comprendre ses sentiments à son égard… Oh grand dieu, rien que de penser à la façon dont il s'était offert cette nuit, les mots qu'il avait dits, savoir que ça avait été entendu… Il avait envie de vomir. Parce que c'était vrai, finalement. Il n'avait rien inventé. Ni la douleur, ni leurs erreurs. C'était vrai. Il avait beau essayer de se dire qu'ils n'avaient que rêvé, ils avaient fait tout ça ensemble et les sensations avaient été là.

C'était trop pour lui, ça allait trop loin, et il ne pouvait pas supporter ça.

Tout était foutu, voilà ce qu'il pensait. Le lien était en train de lui empoisonner la vie, alors qu'il n'avait pas besoin de ça.

Alors il était là, pleurant et hoquetant lourdement, paumé, détruit. Ça faisait mal. Ça faisait terriblement mal. Putain, pourquoi ne pouvait-il pas gérer sa relation avec Kanda comme il le voulait ? Dire qu'il avait réussi à se reprendre, qu'il croyait avoir l'occasion de prendre la bonne décision encore cette nuit, de se rasséréner, de savoir comment il tenait à ce que ça se passe, qu'il croyait que tout allait pouvoir se passer comme il le voulait pour au moins un domaine dans sa vie.

Il était amer.

J'ai jamais le choix. Ça se passe jamais comme je veux.

Il n'arrivait pas à s'arrêter de pleurer et encore moins à rationaliser. Certes, c'était la vie. Mais elle était parfois trop dure. Allen se sentait lessivé. C'était trop. C'était vraiment trop.

La porte de la salle obscure, car il n'avait allumé aucune lumière, s'ouvrit. Une silhouette imposante, qu'Allen reconnut avec désespoir, appuya sur l'interrupteur avant d'arrêter les yeux sur sa face prostrée.

Allen réagit au quart de tour.

Ce n'était pas contre lui, mais il ne voulait pas le voir en ce moment. Il ne pouvait pas. Il se rappelait tout ce qui s'était passé cette nuit, de leurs baisers, de son corps sur le sien… et il ne le supportait pas.

Il allait vouloir en parler. Ce n'était pas possible.

« Pars, » articula-t-il sèchement, « va-t'en.

—Je m'en irai pas. »

Allen fronça les sourcils.

« Je te dis de me laisser, Kanda ! »

Sa voix était sourde, il venait de crier. Il voulait être seul. Il voulait penser. Il ne pouvait vraiment pas accepter la présence de l'autre.

« Non. » La voix de Kanda le fit sursauter tant elle était forte. Il grognait presque, d'un grognement guttural typique d'alpha, pour le faire reculer. « T'as vu dans quel état t'es ? J'crois que t'as besoin de pas être seul là. »

Allen se sentit fâché. Il supposait à sa place, de quel droit, bon sang, de quel droit ? Il voulait jouer à ça ? Il voulait jouer à l'alpha qui donnait des ordres à son oméga ? C'était hors de question. Certes, il le supposait inquiet, et il comprenait. Mais pas comme ça. Pas comme ça, et pas maintenant.

« J'en ai besoin, au contraire ! Et puis toi, alors ?! » attaqua-t-il. « Ne me dis que ça ne te fait rien, que tu n'es pas en colère ! »

Il le regardait dans les yeux, cherchant à interpréter ses réactions, entre la fureur et l'insolence. Il ne voulait pas céder sur ça. Kanda lui offrit un regard qui montrait que lui aussi.

Allen fut paumé.

De désespoir, il continua à s'époumoner.

« T'as pas besoin de sentir ma colère à moi et ma tristesse en plus ! s'écria-t-il. Tu dois pas avoir envie d'être avec moi en cet instant, joue pas la comédie ! »

Kanda eut encore ce même regard.

Ce même regard qui transperça Allen.

Ses larmes coulèrent davantage. Même au sol, même prostré, il ne se tairait pas.

Il ne voulait pas que ça se passe comme ça.

« Te force pas à prendre sur toi, ça sert à rien ! Je veux pas parler, de toute façon ! C'est trop, je veux pas ! À quoi ça sert puisque tu sens mes émotions, hein ? Tu sais comment je me sens. Et que j'en parle ça changera rien. Ça changera jamais. »

La sentence était tombée.

Allen avait le sentiment que tout était fichu entre eux. Rien ne pourrait réparer ce que le lien venait de leur faire. Rien. Jamais.

Kanda se tut quelques secondes, et ouvrit lentement la bouche, un soupir frustré en sortant.

« Je sens, mais j'interprète pas tout, j'suis pas devin. Dis pas ça, Moyashi. Ça changera que t'en parles. Si t'as peur que je prenne trop sur moi, c'est de pas en parler qui serait trop. Je suis furieux. J'ai envie de tout défoncer. Mais moi, je veux qu'on en parle. Faut qu'on en parle. On peut pas laisser ça comme ça. Je veux qu'on se dise ce qu'on pense. Tu avais dit qu'on devait communiquer, maintenant te renferme pas. C'est important. »

Allen décrocha.

Kanda ? Kanda disait ça… ?

Il ne pouvait presque pas y croire, mais plus encore, quelque chose en lui cria grâce. C'était trop gênant et trop humiliant pour exprimer à haute voix ce qu'il ressentait.

« Pas maintenant ! C'est trop intime ce qui se passe. Je peux pas dire ce que je ressens !

—Si, maintenant ! »

L'alpha s'approcha, s'agenouilla à sa hauteur et le saisit par les épaules, le forçant à le regarder.

Perdu, Allen s'agrippa maladroitement à ses mains.

« Tu crois que ça me concerne pas ? Que c'est pas intime pour moi aussi ? On l'a fait à deux ce rêve. Comme le reste. »

Le blandin ne sut pas comment prendre ça autrement que comme une attaque.

Le reste… Le sexe ? Les chaleurs… Le lien ?

Kanda avait raison, sur tout ça. Mais c'était trop dur.

« Je sais qu'il n'y a pas que moi ! Je sais ! Mais je suis pas en état de me concentrer sur autre chose que ce que je ressens ! J'ai trop mal ! Je veux pas le dire !

—En d'autres circonstances je te forcerais pas, » s'énerva l'alpha, retenant sévèrement ses bras, « mais tu connais notre situation. Dis ce que tu penses une bonne fois pour toute. Tu voulais que je m'exprime ? C'est ton tour. On a jamais reparlé de tes chaleurs, la seule chose que t'as fait, c'est me dire que tu te sentais plus autant déprimé, alors ouais, c'est bien, mais on a jamais reparlé du sexe, et je crois qu'il faut. Faut crever l'abcès sinon on avancera pas. »

De nouveau, le kendoka mettait le doigt sur le problème.

Et Allen réagit à fleur de peau.

Il renforça son emprise sur les bras de Kanda et le poussa brutalement, de sorte que l'Asiatique dut le lâcher en tombant en arrière.

« Putain, en quelle langue faut te le dire ?! CASSE-TOI ! »

Kanda se cogna au banc, plutôt violemment. Ses yeux s'ouvrirent plus grand, il grimaça, et marqua un temps d'arrêt.

Instantanément, Allen se sentit désolé et cela le refroidit. Il n'avait contrôlé ni sa colère, ni sa force. Ses mains tremblaient et il avait l'impression qu'il pourrait vraiment être violent avec Kanda s'il forçait plus longtemps.

C'était oublier que ce dernier n'était pas en reste, et qu'il avait vraisemblablement décidé d'instaurer une confrontation, qu'Allen le veuille ou non.

Le kendoka se redressa, et l'alpagua tout aussi brutalement qu'il l'avait poussé, sa tête et son dos claquant contre les casiers. Ce fut au tour d'Allen d'être sonné et perdu.

Kanda adoptait le même langage que lui. Et ça faisait encore plus mal, car une part d'Allen ne voulait pas que ça aille aussi loin. Il avait, à cause de cette colère et cette violence qu'ils exprimaient entre eux faute de mieux, encore plus l'impression de sentir leur relation se désagréger devant ses yeux.

S'ils continuaient comme ça, s'ils se battaient, ça ferait trop mal. Allen n'avait pas besoin de ça.

L'alpha renforça son emprise, Allen se tenant prêt à réagir malgré la peur que ça ne signe un froid définitif entre eux.

Le combat semblait inéluctable.

« J'me casserai pas, Moyashi. Je me casserai pas maintenant. Je veux pas te laisser comme ça. »

Surprenant Allen qui glapit, il relâcha ses bras et l'attira contre lui, presque tendrement. Il enfouit sa tête dans sa nuque, sentant son odeur, ses phéromones se complétant aux siennes pour former un parfum entêtant, celui qu'il aimait tant et qui l'apaisait toujours, sans y manquer une seule fois, bien malgré lui. Un gros hoquet, disgracieux et rempli de larmes, remonta la gorge d'Allen. Il avait l'impression de ne plus rien comprendre.

Ils étaient partis pour se battre, ils étaient en colère, mais Kanda le sentait… Il ne comprenait pas…

Impuissant, il se laissa aller dans l'étreinte en reniflant piteusement. Sa colère se mêlait à ses autres émotions, ce qui s'évanouissait s'exprimait dans ses sanglots alors qu'il tentait vainement de s'y accrocher :

« Je te déteste ! Je te déteste !

—Passe ta rage sur moi si tu veux, » rétorqua l'Asiatique avec flegme, « ça changera rien à ce qui s'est produit. T'es juste pas obligé de garder ta souffrance en toi. »

Allen craqua. Il enfouit sa tête contre le torse de Kanda, et les mots franchirent ses lèvres d'eux-mêmes :

« Mais… Je voulais juste pas que ça se passe comme ça. Ma première fois. » Il avait presque honte de ce qu'il disait. « Je voulais l'avoir choisi. Je voulais décider, pour une fois. Je voulais vraiment que ce soit moi qui choisisse, peu importe comment ça se passe. Tu comprends ? »

Hésitant, il releva les yeux sur le plus âgé, qu'il ne voyait même pas tant son regard était flou.

« Coucher avec toi parce que je serai prêt, parce que j'aurai envie, parce que je le sentirai vraiment. » Kanda se taisait et l'écoutait. « Je m'en fous des conventions stupides, j'ai pas besoin que tu sois mon alpha et d'être ton oméga pour vouloir ça, j'ai pas besoin qu'on s'aime, » ça aurait juste été du bonus, un bonus qu'il aurait apprécié, mais il n'allait pas le dire, et ce n'était même pas si important. « J'ai juste besoin… d'être moi. Ce rêve, c'était pas moi – pas nous. Je suis dégoûté.

—Moi aussi, je voulais qu'on soit nous, » chuchota Kanda si bas qu'Allen crut l'avoir rêvé avant que sa voix sèche ne reprenne. « Mais ça compte pas. C'est qu'un rêve. »

Le sang d'Allen ne fit qu'un tour.

« C'est pas qu'un rêve ! On était connecté ! Je t'ai senti en moi ! J'ai senti la douleur, le reste aussi… tout ! Comme si c'était réel !

—Moi aussi, je me suis senti en toi. »

Le blandin frémit malgré lui. C'était tellement surréaliste.

Kanda gronda :

« C'est perturbant. J'sais pas quoi penser, moi non plus. »

Allen sentait sa résistance tombée. Il avoua ses pensées :

« J'ai peur. Que ça recommence.

—Tch. » Kanda avait peur aussi. Mais il n'allait pas le dire. « Toute cette merde me sort par les yeux. Maintenant arrête de pleurer, j'ai des trucs à dire moi aussi. »

Allen opina faiblement, n'y arrivant pas.

« Vas-y.

—Je sais que t'as peur du sexe. Fuis pas mon regard, je le vois. J'ai besoin que tu me dises précisément de quoi tu as peur et de quoi tu as eu peur pendant tes putains de chaleurs. Pendant cette salope de connexion, ce que je t'ai dit était vrai, je le prends pas contre moi. Je veux juste comprendre. Tu avais dit que tu avais confiance pour me dire ce que tu ressentais. Fais-le. Je te jugerai pas, je m'énerverai pas. Fais-moi confiance pour de vrai. »

Kanda soupira. Ça le faisait chier de reprendre les mots du clébard, mais ils avaient déjà touché du doigt ce problème cette nuit.

« Pour le reste, on avait trouvé le bon truc, j'crois. Faut qu'on se laisse porter et qu'on arrête de se poser des questions tout le temps. Ça va être chiant pour nous deux sinon. On est bons potes. On s'entend bien, et on passe de bons moments. Faut qu'on arrête d'avoir peur que ce soit le lien. Moi ça me pèse, qu'on se demande toujours si on se tolère parce que y'a ce foutu lien. On a pris cette habitude à la con pendant tes chaleurs et faut arrêter. Faut qu'on l'oublie un peu, on est nous. Quand je suis avec toi, je suis maître de moi, tes odeurs sont fortes, mais je sais ce que je fais, la plupart du temps. »

Ils avaient tous deux en mémoire ses pertes de contrôle légères, mais aussi comment il les avait rattrapées. Allen le toisait, attentif entre ses larmes. Kanda acheva :

« On est liés, qu'on le veuille ou non. »

Allen hocha la tête. Il se sentait éberlué de tout ça. Kanda qui mettait les choses à plat, qui essayait de poser la situation au lieu de foncer tête baissée ou de l'insulter.

Kanda qui avait mis fin à la violence tout à l'heure alors que lui aurait été bien parti pour se castagner malgré ses émotions conflictuelles…

C'était fou comme ils avaient changé ensemble.

Le maudit était toujours aussi perdu, toujours aussi hagard. Mais il ne pouvait pas nier qu'après avoir exprimé tout ça, il se sentait vidé. Autant d'énergie négative que positive, il ne savait pas si c'était bien, mais au moins… il allait un peu mieux, peut-être. Il n'était plus dans un état de colère incontrôlable.

Il déglutit, peu sûr de savoir comment réagir face à une telle expansion de Kanda.

« Je suis content de te voir exprimer tes émotions, toi aussi. » Il s'essuya les yeux grossièrement d'un mouvement de bras. « Tu as tout à fait raison, oui. M-Mais, j'arrive pas. Là ça va pas… Je me sens horriblement mal. »

Les sanglots menaçaient de revenir, il ne les retenait que pour ne pas embarrasser l'alpha.

Ce dernier secoua la tête.

« Prends ton temps. Pleure autant que tu le voudras.

—Je croyais qu'il fallait que j'arrête de pleurer, » lui fit remarquer Allen avec de gros yeux.

Kanda eut un rictus de mise.

« Pour que tu m'écoutes, imbécile. Là j'ai dit le plus gros. » Il marqua une pause. « Je crois. Alors on est pas pressés. Mais je veux pas que tu te renfermes, je sais ce que ça fait de jeter l'éponge, fais pas ça. Pas toi. »

Allen écarquilla les yeux. Kanda avait tant de détermination dans la voix que ça le choqua.

Il réalisait qu'il n'était pas le seul à souffrir, pas le seul à avoir souffert, et qu'en plus, Kanda s'était inquiété pour lui, qu'il s'était inquiété qu'il s'abandonne à la colère – et c'était ce qu'il avait failli faire.

Il s'effondra en larmes dans les bras de Kanda, s'abandonnant maintenant à l'afflux émotionnel, et se laissant totalement aller.

L'alpha le supporta, tenant son corps contre le sien. Allen frémit, ne retenant pas ses sanglots, même les hoquets les plus honteux, profitant de la chaleur et de l'odeur de l'alpha, celui-ci le sentant allégrement. Son nez chatouillait son cou, et ça calmait légèrement Allen. Il avait rarement pleuré comme ça. La dernière fois, ça avait été quand il s'était confié à Kanda durant ses chaleurs sur des choses intimes qui l'avaient fait réagir profondément… Un peu comme maintenant.

Quand, enfin, il sentit qu'il se calma, il resta silencieux, reprenant une inspiration. Le silence de Kanda l'accompagnait, son souffle dans sa nuque et son odeur douce. L'oméga déglutit. Sa salive lui semblait épaisse et sa bouche était horriblement pâteuse, il ressentait encore le goût de ses larmes. Ses yeux le brûlaient.

Il ouvrit enfin la bouche, tout en restant appuyé contre le torse de Kanda.

« T'as raison, Kanda. Je suis terrifié à l'idée d'avoir un rapport sexuel. J'ai confiance en toi, je sais que tu ne me feras pas de mal et que tu ne me brusqueras pas, mais j'ai peur, c'est viscéral et je n'arrive pas à l'expliquer. » Il se passa la langue sur ses lèvres, avec encore le goût des larmes. « Pendant les chaleurs, j'étais pas prêt. Pas prêt du tout. J'avais jamais pensé à avoir un partenaire sérieux un jour, j'avais à peine pensé à embrasser quelqu'un, alors la sexualité… Non, c'était flou. J'ai eu la sensation de pas avoir le choix, ça a été trop vite et trop violent. Le fait qu'on soit vraiment obligés de se toucher… C'était bon, j'ai aimé ça, tu étais super doux avec moi, je voyais que tu me respectais, mais putain, c'était tellement perturbant.

—Pour moi aussi.

—Je sais que ça l'était pour nous deux. Et ça m'a rendu mal. J'arrive pas à me débarrasser de ça, en fait. Dès que j'y pense, dès que je m'imagine sérieusement recommencer, ça m'oppresse et je me rappelle de ça.

—Ça t'a vraiment traumatisé, en clair. »

Allen hocha la tête.

« Oui, » avoua-t-il dans un souffle, « oui. C'est pas de ta faute, s'il te plaît, ne pense pas ça.

—Moyashi, petit crétin », s'énerva le kendoka, « je sais. Je comprends. Pourquoi tu l'as pas dit depuis tout ce temps ? »

Allen bougonna.

« Je suis pas un petit crétin ! » il se redressa, toisant l'alpha avec des yeux humides. « J'avais peur, que tu penses que je t'en voulais ou que tu me trouves stupide.

—J'ai aussi ressenti ça. Sauf que moi, j'ai accepté de pas avoir le choix depuis longtemps. »

Allen se mordit la lèvre.

« J'y arrive pas. Pas pour ça.

—Tch. Change pas, c'est bien. Que tu l'aies dit aussi, c'est bien. Je sais au moins où tu en es. »

Ils restèrent silencieux, et Allen s'essuya les yeux de nouveau.

Il était temps de s'ouvrir sur le reste aussi.

« Avec le rêve, enfin…, avec ce qui s'est passé, on était proche de nos pulsions, ce que j'ai dit et ce que j'ai fait…, » il était vraiment gêné, « c'était pas vraiment moi, mais ça pourrait l'être, tu vois. Je croyais en être venu à la conclusion que j'étais pas prêt à coucher maintenant et qu'il fallait qu'on attende, même si mes chaleurs arrivaient. Je croyais vraiment avoir rêvé. Mais puisqu'on a vraiment, enfin… »

Allen mit les mains devant sa bouche, incapable de parler. Il s'était remis à trembler. Ils avaient déjà couché ensemble, en fait. Cette nuit, dans ce rêve partagé, ça avait été leur première fois. Il n'y avait plus rien à attendre, ça s'était passé. Kanda secoua la tête.

« C'était un rêve. On a beau l'avoir fait tous les deux, ça a peut-être rendu les sensations plus réelles, mais c'est un rêve. On ne fera rien ensemble en vrai tant qu'on en aura pas réellement envie. Si tu as besoin d'attendre, on attendra, je m'en moque. Je te l'avais dit, que ce soit maintenant ou dans six mois c'est pareil pour moi. On s'en tient à ça. »

Allen opina, même s'il n'arrivait pas entièrement à y croire, il était fébrile et il n'y avait pas mieux que de considérer les choses comme ça.

« J'ai du mal, la connexion implique qu'on était tous les deux, et merde, Kanda, merde, on a…

—Moyashi, c'était dans nos têtes. Ça ne compte pas. »

Allen se mordit la lèvre. Les paroles de Kanda glissaient comme de l'eau sur lui, sauf qu'il voulait bien s'en convaincre.

« Soit, ça peut ne rester qu'un rêve. Mais si ça recommence… si ça va jusqu'au bout…

—Si on en a parlé, on y pensera sans doute moins. »

Rougissant, l'oméga détourna le regard.

« Il peut aussi y avoir nos hormones et les chaleurs, enfin, j'y pense pas tout le temps, mais des fois, c'est possible que je… Putain, Kanda, je… »

Il s'arrêta, littéralement cramoisi et incapable de continuer davantage, espérant que son idée soit au moins comprise. Kanda soupira, comme gêné de l'admettre.

« Moi aussi ça m'arrive. Mais on trouvera bien comment faire la différence avec la connexion.

—O-Ouais. Un mot de passe, peut-être ? »

Le kendoka marqua une pause, puis hocha la tête.

« Nos noms. On croyait rêver et on s'est lâchés. Si on est connectés, on se parle comme d'habitude. Je suis Kanda, et tu seras Moyashi.

—Je suis Allen, je ne veux pas coopérer dans ces conditions ! On devrait justement faire l'inverse. »

Kanda risqua un rictus narquois, lui signifiant d'un regard qu'il ne l'appellerait pas par son prénom, et Allen le fusilla du regard. Vu les circonstances, il n'osait pas rétorquer le « tu l'as dit cette nuit » qui lui brûlait le cœur et la langue. Il en mourrait d'envie, mais la gêne l'emportait.

« Bon, j'accepte, mais seulement pour nous éviter de repasser par là.

—Marché conclu. »

Ils se sourirent faiblement. Bien sûr que c'était tendu, bien sûr que ces taquineries n'étaient que l'arbre qui cachaient la forêt, mais ils se remettaient doucement, et c'était quelque chose dont ils avaient besoin : dédramatiser la situation. Elle était tellement invraisemblable qu'ils ne savaient ni l'un ni l'autre comment y réagir.

Le blandin déglutit. Ses yeux le brûlaient atrocement.

« Je suis désolé… de t'avoir poussé. »

Kanda eut un haussement d'épaule, le tenant toujours contre lui. Ils n'avaient pas quitté cette position intime, et ça semblait les réconforter.

« C'est bon, j'suis pas en sucre.

—Non mais… je n'aurai pas dû… je… »

Il n'avait pas voulu être violent avec lui, et ce n'était pas quelque chose qu'il approuvait pour leur relation. Le brun eut un rictus.

« J'te pardonne, si ça te rassure.

—Ça me rassure. »

Allen sentit tout de même qu'il avait envie de pleurer. Il se sentait désolé, en même temps triste et toujours perturbé. Kanda le repoussa légèrement, pour mieux regarder son visage.

« Qu'est-ce que t'as ? Tu t'étais calmé. On est bon, Moyashi. »

Il était pris de court, mais pas las. Il le laissait s'exprimer. Allen se mordit la lèvre.

« Je sais. Mais tu sais, le rêve… le jour où on couchera ensemble pour de vrai, je veux que ça se passe comme ça. Qu'on ait la même complicité et qu'on soit aussi sûr de nous.

—Je veux ça aussi. »

Allen sourit, se mordant l'intérieur des joues. Kanda posa doucement sa main contre son visage, ce qui l'ébahit presque. Il s'appuya contre la main chaude, se sentant réconforté.

« Maintenant t'oublies le sexe. T'as pas besoin de ça pour le moment. J'crois que t'as surtout besoin de ça, » fit l'alpha en lui ouvrant ses bras.

Éberlué, mais sincèrement ému, Allen rit en s'y blottissant, malgré les quelques larmes qui jalonnèrent bientôt son visage.

« Merci d'être aussi compréhensif et patient.

—Me remercie pas. J'vais pas te forcer, Moyashi. Jamais je ferai ça. »

Allen sentit ses lèvres remonter en un fin sourire alors qu'il secouait la tête.

« Je sais. C'est juste moi qui suis pas rationnel là-dessus. Je suis désolé.

—Tu prendras ton temps et tu sauras devenir rationnel. J'attendrai. Pigé ? »

L'oméga força un sourire gentil, même si éteint.

« Pigé. »

Il sentait en lui une faible lueur d'espoir, mais les sanglots le regagnèrent, preuve qu'il ne se dominait pas. Avoir son premier rapport sexuel dans un rêve, ça avait de quoi être perturbant.

« Serre-moi fort contre toi, murmura Allen, je t'en prie. »

Il se sentait pathétique entre ses larmes et ses tremblements, mais Kanda ne lui en tint pas rigueur et retint son corps frémissant. Dans le tumulte de la tempête qui agitait son être, Allen entendit à peine les murmures du plus grand, qui le rassurèrent pourtant malgré lui.

« Je suis là. Je te tiens. Je te lâcherai pas. »

Sa voix était douce, chaude, et pleine de promesse. Il se blottit contre Kanda, laissant la tension le quitter, et finit par s'endormir.

Kanda le ramena contre son corps, de manière à le maintenir assis sur ses genoux, la tête dans son cou, englouti dans sa chaleur. Il était surpris qu'Allen s'endorme aussi vite, cependant, mieux valait ne pas réveiller. Il attendait un peu, que le corps du plus jeune soit détendu, puis il irait le recoucher dans sa chambre.

Au bout de quelques instants, seule la quiétude de la salle et le léger sifflement de la respiration endormie du jeune Walker subsistaient. Kanda le saisit sous les cuisses et par l'épaule, le hissant sur lui. Docile, l'oméga ne bronchait pas, il était vraiment bien endormi – son explosion l'avait littéralement épuisé. Ce serait une bonne chose, qu'il puisse se reposer après ça. Il sortit de la salle, et aperçut du coin de l'œil la silhouette de Link.

Les bras croisés et les sourcils froncés, ce dernier les fixait avec un air désemparé. Kanda voulut gueuler, mais il se retint – si Allen voyait ça, il péterait de nouveau un câble et ce n'était pas souhaitable.

« T'as écouté ? » chuchota-t-il d'une voix furieuse.

Comme pris en faute, Link leva les mains en l'air.

« Je voulais m'assurer que tout allait bien, je suis arrivé à la fin de votre conversation. Kanda, je suis…

—T'es quoi ? Désolé ? »

Link eut un tressautement d'humeur mais calma son irritation.

« Kanda, ce qu'il s'est produit avec la connexion n'est pas de ma faute. Je comprends que Walker et toi soyez perturbés, crois-moi. Donne-le-moi, je vais l'amener au lit. »

L'alpha garda une emprise possessive sur le corps du plus jeune. Ça, c'était hors de question. C'était étrange, comme si son instinct lui dictait que l'oméga étant en position de faiblesse, il ne devait pas le laisser seul, surtout pas aux mains d'un autre alpha.

C'était très primal comme instinct, mais il ne put lutter contre lui-même et serra les dents :

« Je comptais le faire, et il te fait toujours la gueule, je te ferai dire. Maintenant ferme-la ou tu vas le réveiller. »

Link insista :

« Il est mon protégé, je veux m'occuper de lui. »

Kanda lui coula un regard mauvais, se sentant sur le point de devenir méchant. Son protégé ? Il se foutait de la gueule de qui ? Il le protégeait de que dalle, oui ! Il gonfla les joues, sentant une colère froide irradier des pores de sa peau :

« Il est mon oméga. »

En omettant la brève expression de surprise sur le visage de Link, le silence entre les deux alphas fut pesant.

Kanda avait à la fois honte de ce qu'il venait de déclamer malgré lui, fonctionnant à l'instinct et ne s'étant pas contrôlé, ce qui était inhabituel venant de lui – Link lui donnait des envies de meurtre, son incapacité à tolérer la présence de l'autre s'accroissait de jour en jour. Mais, en plus de ça, il était à la fois… satisfait. Le blond recula d'un pas, comme s'il venait de comprendre quelque chose, et si Kanda s'irrita en se demandant ce qu'il pensait, ses instincts le ressentirent comme une capitulation, c'est donc sur ça qu'il se concentra. Il obtenait gain de cause, et il en était imperceptiblement réjoui.

Il commença à marcher, portant toujours le blandin, avant que Link ne le rattrape par l'épaule – doucement, il avait vraisemblablement le souci de ne pas éveiller Allen.

« Tu veux t'en occuper, très bien, je vous suis, je prendrai le relai. J'aimerais ne pas jouer aux enfants qui se chamaillent pour la même part de gâteau, surtout s'il s'agit de Walker. Je veux l'aider autant que toi.

—En l'insultant ? »

Le plus jeune des deux alphas n'entendait pas lâcher le morceau. Le blond marqua un temps d'arrêt.

« J'imagine qu'il t'a raconté. Bien, écoute, je vous dois des excuses à tous les deux, je vous ai manqué de respect et je n'ai pas été compréhensif. Maintenant, et je sais que tu t'en fiches, vous êtes parfois insupportables lors des entraînements, et c'est difficile de ne pas avoir envie de vous secouer. J'ai bien compris que je n'aurai pas dû donner mon avis sur votre lien, que j'ai eu tort et que ça ne regarde que vous. Le reste, c'est entre Walker et moi. »

Le kendoka observa un silence. Sa logique était toujours braquée par ses instincts protecteurs, tout ce qui comptait pour lui était d'éviter à Allen un autre choc émotionnel. Il ne savait s'il devait accorder beaucoup de crédit à ces excuses, mais il n'avait manifestement pas le choix.

Ils se turent et marchèrent jusqu'à la chambre en silence.

Kanda se sentit réticent à partir et à laisser Allen aussi perturbé à la merci de Link. Il avait envie de protéger l'oméga, de s'assurer qu'il allait mieux. Cependant, insister pour rester aurait semblé étrange, et il sentait que Link tenait à prendre soin d'Allen. Tant qu'il n'empirait pas les choses…

Il fallait aussi qu'il se calme et qu'il fasse le tri dans ses émotions. Une après-midi de tranquillité l'y aiderait. Si besoin, il irait trouver Marie.

C'était inhabituel, mais Kanda ressentait lui aussi le besoin de parler, il était trop paumé sur ce que ses instincts lui faisaient faire et sur la tournure des événements.


« J'suis perdu, avoua Kanda, je sais pas quoi faire. »

Dans la salle d'entraînement, là où ils s'étaient rejoints, Marie était accoudé contre un mur et se caressait le menton, écoutant Yû avec intérêt. Lorsque Kanda l'avait rejoint en demandant ses conseils, il avait tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Le plus jeune n'était pas trop le type à se confier, voire pas du tout, à part quand ça signifiait une extrême contrariété, ou une situation d'urgence. Pour qu'il lui parle de tout ça, c'est que ça devait fortement l'impacter. Et l'homme s'en rendait bien compte à ses mots, et à la situation ardue qu'il lui exposait.

Ça n'avait jamais été simple, entre Kanda et Allen. S'il pensait intimement que leur lien s'était déclenché pour une bonne raison, il devait admettre que ça ne leur rendait pas la tâche facile et il avait deviné de lui-même les tracas que ça avait pu leur causer. Après les chaleurs, où Kanda s'était fait très évasif, à part pour lui dire qu'il n'avait pas consommé mais qu'ils s'étaient débrouillés, il avait bien vu la violence du rut du jeune alpha, et il se doutait qu'inexpérimenté, ça ne l'aidait pas à se contrôler. Il s'était tenu prêt pour le jour où Kanda recherchait des conseils, ou voudrait au moins son avis sur la situation. Car même Kanda n'était pas imperturbable, ce, qu'encore une fois, il constatait bien.

Quelque part, Marie était ému. Que Kanda s'inquiète autant voulait dire qu'il se souciait d'Allen, et que ses sentiments envers lui étaient loin d'être aussi tranchés qu'ils avaient pu l'être autrefois.

Il prit une inspiration avant de commencer :

« Bien, déjà, je suis content que tu sois venu me parler. Ton lien avec Allen se resserre, ça explique la possessivité que tu ressens envers lui, et si, avec cette connexion, vous avez eu un acte intime… Il est possible que tu réagisses parce que tu as été proche de le marquer. C'est purement instinctif et c'est naturel.

—Ok, peut-être, mais si ça me fait faire des conneries ? J'déconne pas quand je te dis que ses chaleurs l'ont traumatisé, et si je le brusque sans le vouloir, il risque de-

—Kanda, ne te mets pas la pression. Tu n'essaies pas de le forcer, tu essaies de le comprendre, il sait que tu es de son côté et que tu l'écoutes. C'est très bien d'être attentif à ce qu'il ressent. Je ne vois pas pourquoi tu le brusquerais.

—Ça m'est déjà arrivé de perdre le contrôle. Et il avait pas aussi peur que maintenant. La connexion a été la goutte de trop pour lui, je l'ai senti. Si je merde, ça va le traumatiser encore plus. »

Marie esquissa un sourire.

« Au moins, tu le perçois. Ça veut dire que tu y es sensible. Et tu ne vas rien faire de mal, Kanda. Tu as écouté Allen et tu l'as réconforté, tu as fait ce qu'il fallait. Tout ce que tu peux faire c'est le laisser récupérer, penser à toi aussi et être prêt à en reparler avec lui si vous en avez besoin, en attendant essaie de respirer. »

Le kendoka lâcha un soupir, se laissant tomber au sol, s'asseyant avec l'objectif de se décontracter. Calme, Marie l'imita. Ils se retrouvèrent côte à côte et échangèrent un regard.

« Qu'est-ce que tu ressens, toi, dans tout ça ?

—Bah rien de spécial, ça me fait chier, c'est tout. » Marie se taisait, alors il développa. « J'ai peur qu'on se révèle tous les deux des choses qu'on veut pas savoir ni se dire si on se connecte comme ça. Et j'ai peur de le traumatiser, si je pense à le sauter et qu'il le sait. Si à ses prochaines chaleurs je me maîtrise pas, parce que putain, t'as bien vu comment j'ai réagi pendant mon rut, ça va être la merde. Je préfère qu'on attende moi aussi, je veux surtout pas qu'on fasse quoique ce soit tant qu'il est pas prêt, mais j'sais pas quoi faire pour calmer ces putains d'instincts. Ça me casse les couilles. »

Un hochement de tête lui répondit.

La salle était déserte, seul le parquet lustré brillait pour leur renvoyer leur reflet, celui de Marie, aveugle bienveillant qui réfléchissait à un conseil avisé, et Kanda, perturbé et perdu par ce foutu lien.

« Parle de tes peurs avec Allen, il pourra peut-être te rassurer, lui aussi.

—Pour que je lui foute encore plus de pression ?

—Kanda, vous êtes deux dans cette relation, vous gérez ce lien à deux. Et contrairement à ce que tu penses, il n'est pas le seul que ça affecte. Tu as aussi le droit de t'exprimer sur tes propres craintes, et il peut aussi être là pour toi.

—C'est pas mon genre. »

L'aveugle eut un sourire.

« Tu le fais bien maintenant. »

Rougissant presque, Kanda détourna le regard.

« On verra. À un autre moment, quand il sera calmé.

—C'est judicieux, oui, mais ne minimise pas l'importance de ce que tu ressens. En tout cas, je connais des moyens pour se calmer pendant les ruts et les chaleurs. Porte un pendentif avec un parfum assez fort pour te distraire des phéromones, essaie de prendre des douches régulières, il faut que lui en prenne aussi. Soulagez-vous sans stresser, ça vous évitera de sécréter encore plus d'hormones, et continuez à manger correctement. Dormir, aussi. Les échanges d'odeurs sont bien la nuit, avant et après les douches, il en aura besoin de toute façon, surtout s'il panique, mais pensez aussi à vous lâcher de temps en temps, au moins pour garder l'esprit clair. »

Attentif, Kanda se disait qu'ils pourraient bel et bien mettre ça en place. Enfin, sauf si Allen redevenait comme lors de sa première période de chaleur où il voulait pratiquement être câliné tout le temps. Ça serait sûrement le cas. Sauf qu'à présent, ça ne le gênait plus. Il était habitué aux besoins affectifs de son Moyashi, et il se disait que ça ne serait certainement pas le plus dur le moment venu.

« Ouais, ça pourrait être une solution. Il adore les échanges d'odeurs, c'est pas dit qu'il se contienne et en plus ça le déstresse, mais on va essayer.

—Il n'est pas forcément question de le frustrer, sinon il peut effectivement stresser davantage, mais si tu remplaces l'échange d'odeur par un autre contact qui te permet de te libérer de ses phéromones, ça lui suffira temporairement, surtout s'il sait que tu seras d'accord ensuite. Un oméga en chaleurs si jeune est très fragile, tu le sais, mais dis-toi que toi aussi tu es un jeune alpha, tu n'es pas parfait et c'est normal. Vous pouvez dialoguer et vous rassurer à deux, faire des compromis. »

Face au regard de Kanda, comme s'il avait pu le voir, Marie soupira :

« Tu as le droit aussi d'être mal à l'aise et d'avoir tes limites et tes difficultés, c'est normal. Allen serait sûrement ravi de le comprendre et de t'aider à te sentir mieux. Il est adorable avec toi, il se soucie vraiment de toi.

—Je sais, mais je veux pas l'inquiéter. Et j'ai du mal à me confier comme ça. Je dois prendre soin de lui avant tout.

—Non, c'est l'impression que tu as. Je suis sûr que lui ne vois pas les choses comme ça. »

Le kendoka haussa les épaules.

« Peut-être. Mais il a besoin qu'on prenne soin de lui. Plus que moi.

—Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. »

De nouveau, le jeune alpha haussa les épaules, toisant son aîné.

« J'appliquerai tes conseils, pour les chaleurs. Merci. Maintenant, on s'entraîne ?

—Avec plaisir. »

Ils échangèrent un rictus.

Un bon entraînement bien bourrin aiderait Kanda à y voir plus clair, ça, il en était intimement persuadé.


Allen se retourna, la sensation d'être emmitouflé dans des draps trop chauds qui lui collaient à la peau l'étourdissant. Il avait mal au ventre, avait la bouche pâteuse et se sentait encore épuisé. En bougeant, il se cogna à un corps et cela le réveilla. Une odeur d'alpha… Kanda ? Non, c'était moins fort que Kanda, et il n'y avait pas la senteur florale… C'était toutefois une odeur familière.

Link.

Ouvrant les yeux, Allen se rendit compte qu'il était effectivement dans son lit, Link couché juste à côté de lui, en train de s'aider d'un calepin pour remplir un formulaire. Ses yeux hagards disséquèrent sa silhouette, se demandant ce qu'il faisait là, à côté de lui. Il fut encore plus étonné en le voyant tendre la main pour caresser son crâne, dans un geste automatique, pour mieux se remettre à sa paperasse.

Cela lui donna envie de pleurer. Ça faisait déjà un moment qu'il en voulait à Link, et ils ne s'étaient toujours pas parlé. Jusqu'à présent, Allen avait refusé de l'écouter, parce qu'il l'avait trop blessé, qu'il ne se voyait pas lui pardonner ses mots. Mais ça faisait trop mal d'être fâché contre lui et de ne pas pouvoir compter sur son soutien. Surtout en ce moment.

Les larmes montèrent toutes seules et il ne put les réprimer. En l'entendant renifler, Link s'empressa de poser ses formulaires sur le bureau non loin et revint, les sourcils froncés d'inquiétude.

« Walker, tu devrais boire un verre d'eau. Tu veux que j'aille t'en chercher un ? »

Allen fut surpris qu'il ait un ton si doux et qu'il ne pose pas de question, mais il décida que ça lui évitait de l'embarras et hocha la tête.

« Je veux bien. »

Il essaya d'essuyer ses larmes en vain, ses poings se serrant sur l'oreiller. Il avait chaud et froid en même temps, il n'arrivait pas à trouver la volonté de se lever et de se calmer. Il était submergé par des émotions trop intenses.

Quand Link revint avec le verre, Allen se redressa, prenant appui sur un bras flageolant, et l'avala d'une traite.

Il se lécha les lèvres, qui restaient diablement sèches. En face de lui, l'expression de Link se décomposait.

« Je… Walker, je suis désolé. Je n'aurai pas dû aborder le sujet comme ça avec Kanda et toi, j'ai profondément manqué de bon sens, je m'en veux vraiment du mal que ça t'a fait. Et ça vaut pour tout. Je n'aurai jamais dû donner mon avis pour votre lien, encore moins essayer de me justifier pour m'être emporté. Pardon. J'ai eu tort. Je ne peux pas imaginer ce que tu ressens en ce moment. Je ne te demande pas de me pardonner mais si tu as besoin que je t'écoute, tu peux compter sur moi. »

L'alpha se tut, et le blandin secoua la tête avec de grands yeux effarés. Link… s'excusait ? Sincèrement ? Il prenait en compte ce qu'il ressentait, mettait sa fierté de côté, et se repentait vraiment ? Ça le touchait, et en même temps, il avait l'impression que ce n'était pas suffisant, que ça n'effaçait pas ses mots et qu'il devrait faire beaucoup d'efforts s'il voulait vraiment être pardonné – car, bien qu'il disait ne pas lui demander, c'était évident qu'il devait espérer qu'Allen en arriverait là. Ainsi, le maudit voulait essayer de parler, d'argumenter, mais il ne réussit qu'à éclater en sanglots, encore.

Le surprenant davantage, et similairement à ce que Kanda avait fait tout à l'heure, Link l'attira à lui en l'enfermant dans une étreinte réconfortante.

« Laisse-toi aller, Walker. »

Allen se mordit la lèvre.

« Tu… Kanda t'a expliqué ? Qu'est-ce qui s'est passé, d'ailleurs ? »

Il se doutait que l'un d'eux l'avait forcément ramené ici, et que Kanda était parti. Il tenait quand même à savoir s'ils avaient parlé, ou si quelque chose s'était passé. Le blond se contracta.

« Je vais être honnête, je suis arrivé pendant que vous discutiez, et je n'ai pas voulu vous interrompre. J'ai attendu que Kanda sorte pour me manifester, il t'a ramené au lit et m'a laissé avec toi. »

Le blandin déglutit difficilement.

« Donc tu nous as entendu…

—J'ai entendu, et ça m'a permis de comprendre à quel point tu avais mal vécu tes chaleurs et votre lien. Je suis sincèrement désolé, je ne me doutais vraiment pas que ça s'était passé comme ça. »

Secouant la tête, Allen ne fit aucun geste pour se dégager de son étreinte. Il était trop éreinté pour pouvoir réagir.

« Je vous ai dit que ça a été compliqué, mais je ne vous en ai pas parlé en détail, ni à toi ni aux autres, parce que j'avais peur que vous pensiez que Kanda m'avait forcé si je ressentais les choses de cette façon-là. Mais c'est tellement complexe pour nous deux, je sens bien que je suis un fardeau et qu'il est perdu à cause de moi, que je complique tout. Je m'en veux d'être comme ça. J'ai l'impression que tu avais raison. Je ne suis qu'un gamin niais incapable de prendre des décisions. »

Link lui caressa la tête, contracté, sa langue claquant furieusement contre son palais.

« J'avais tort. Tu n'es rien de ça. Tu es très courageux et je n'ai jamais voulu insinuer le contraire. De ce que j'ai entendu, vous gérez parfaitement bien la situation, compte tenu des circonstances. Ne pas te forcer tant que tu as peur est la chose à faire, il ne faut surtout pas que tu te traumatises. Et quant à Kanda… Peut-être qu'il ne sait pas comment s'y prendre, et que ce n'est pas simple, en effet, mais je peux t'assurer que tu es loin d'être un fardeau pour lui. »

Allen frotta sa tête contre le torse du plus grand.

« Qu'est-ce que tu en sais ?

—Il t'aime beaucoup, ça se voit à son attitude. »

Et à ses mots, mais ça, Link n'allait pas le dire. C'était entre eux que ça devait se jouer. Tout de même, que Kanda soit aussi possessif et le clame comme étant son oméga, chez un alpha lié, ce n'était pas anodin.

« J'en sais rien…

—Tu dis ça parce que tu broies du noir, Walker, mais ça va aller. Je peux te le promettre, vous y arriverez avec votre lien et vous trouverez la bonne façon de régler le problème. Votre discussion vous a sûrement aidé tous les deux, aie confiance. »

Allen hocha la tête faiblement.

« C'est vrai, oui… on a trouvé des solutions. Mais je ne suis pas tout à fait sûr que…

—Il faut y croire et vous faire confiance ensemble, si ce que vous avez décidé ne suffit pas à vous rassurer, vous aviserez, mais il faut que tu arrives à te calmer.

—Oui… Tu as raison… »

En étant objectif, le blandin approuvait en effet le raisonnement de Link. Il en était soulagé, car il se comportait comme il l'avait fait jusqu'à présent. Il ne le jugeait pas, ne posait pas de question sur ce qui n'était pas à propos, et n'était pas envahissant. Opinant à son tour, le plus grand lui caressa le crâne de nouveau.

« Tu veux que je t'apporte un plateau de nourriture depuis la cafétéria, ou tu veux qu'on aille déjeuner tous les deux ?

—Je vais prendre une douche et on va y aller, si ça te convient, » déclara l'oméga en se relevant, s'éloignant finalement de Link, « je n'ai pas envie de rester inactif, je déteste ça. »

Il eut un petit rire nerveux. Le plus âgé lui sourit.

« Très bien. »

En se levant, Allen fonça vers le placard pour trouver des vêtements propres, tout en s'arrêtant la main posée contre le chambranle de la porte encore close.

« Je ne t'ai pas tout à fait pardonné, mais… merci, vraiment. Pour avoir reconnu tes torts et pour m'avoir réconforté. »

Link se tut, et Allen attrapa son uniforme en lui coulant un dernier regard.

« Pas de quoi, Walker. Prends ton temps pour me pardonner, je comprends que ça soit dur et j'en accepte les conséquences. »

Le blandin lui sourit de manière entendue.

Au moins, Link y mettait de la bonne volonté, il ne pouvait vraiment pas le lui reprocher.


Le reste de la journée se déroula sans trop d'encombres. Allen profita de sa demi-réconciliation avec Link pour demander à ce qu'ils sortent en ville, il avait vraiment besoin de prendre l'air et d'oublier un peu l'Ordre ainsi que son quotidien. Ils marchèrent un moment dans les rues bourdonnantes de Londres, le jeune garçon appréciant de se fondre dans la masse de passants – à moitié, puisqu'il était toujours reluqué pour sa cicatrice, néanmoins, il ne s'en souciait guère. Link le surveillait de près, bien évidemment, et ils parlaient à peine, entrant dans quelques boutiques, flânant tout simplement, ce, jusqu'à ce que le jour commence à baisser.

Link fit savoir à l'oméga qu'il se faisait tard, il fallait qu'ils rentrent. Allen hocha la tête. Il aurait aimé s'abstraire davantage de ses pensées, mais il ne pouvait pas se soustraire à son monde éternellement.

Il mangea en compagnie de Lavi et Lenalee, croisa Kanda à qui il sourit machinalement, ce dernier esquissant un rictus presque satisfait, et passa la soirée à lire dans sa chambre.

Le lendemain matin, il fut convoqué par Komui et Luberrier : il avait une mission avec Lenalee et Lavi, ils partaient quelques heures plus tard.

Allen fut déçu, il n'aurait pas le temps de dire au revoir à Kanda, et après ce qu'il s'était passé hier, il aurait voulu qu'ils puissent rapidement remettre les choses à plat, en un genre de piqûre de rappel, sans ses larmes et sa crise de nerfs. Il aurait voulu être sûr que Kanda allait bien lui aussi, parce que ce qui se passait les handicapait tous les deux et il s'en voulait de ne pas s'être soucié plus que ça de l'alpha. Link lui assura qu'au contraire, plus de temps leur permettrait de se changer les idées et que ça les aiderait à prendre des décisions efficaces quand ils seraient moins perturbés. Le blandin accepta d'être rasséréné par les conseils du plus âgé, et il laissa à l'excitation d'une nouvelle mission le loisir de l'envahir.

Ses amis étaient tout aussi motivés que lui. Ils voyaient bien que quelque chose n'allait pas tout à fait, toutefois, Allen leur en parlerait quand ça irait mieux – il préférait. En attendant, il se contentait de plaisanter avec eux et de regarder le paysage défiler, en un mélange ondoyant de verdure, de ciel bleu et de maisonnées, au-delà des fenêtres du train.

Ça commençait à faire longtemps qu'ils n'avaient pas eu vent de l'activité d'une Innocence. Il espérait simplement que les Noah ne seraient pas sur le coup, au vu de la façon dont ça s'était soldé avec eux la dernière fois, et la menace qu'avait reçu Lavi.

Au vu des expressions inhabituellement anxieuses de ce dernier, Allen n'était pas le seul à redouter que quelque chose d'étrange ne se trame.

À suivre...


Du coup oui, ce chapitre est aussi lourd en terme de rebondissement avec l'impact émotionnel qu'ils se prennent sur la tronche ! Je trouvais ça réaliste que ça leur fasse un tel effet, surtout pour Allen qui garde un très mauvais souvenir de ce que les chaleurs lui ont fait, et Kanda qui est un peu paumé. Encore du drama mais bon, rien n'est simple dans cette histoire (malheureusement pour eux haha)

Review ? (: N'hésitez pas à me dire ce que vous savez penser de tout ça, ça fait toujours plaisir et j'ai hâteeee de savoir ce que vous avez ressenti à la lecture !

Au prochain chapitre et merci d'avoir lu !