Les jours passèrent, de nouveau calme, et Drago finit par oublier ses craintes et l'attaque dont il avait été victime. Harry restait cependant vigilant et inquiet, persuadé que rien n'était terminé, et que la prochaine action de celui qui tirait les ficelles de cette étrange illusion visant à nuire aux familles de Mangemorts ne tarderait pas.
En attendant, leur affaire de détectives marchait bien, et les affaires se suivaient, terriblement banales.
Des sorciers fortunés faisaient appel à leurs services pour enquêter sur des vols. Plus rarement, la famille d'un mort doutait des conclusions des Aurors et souhaitait qu'ils enquêtent à leur tour, pour s'assurer qu'aucun assassin ne rôdait autour de leurs maisons.
Harry était irritable et ses amis faisaient régulièrement les frais de sa mauvaise humeur. Seul Drago échappait à son irritabilité, probablement parce que le brun était toujours persuadé que son colocataire était une cible et qu'il s'inquiétait pour lui.
Ils évitaient ce sujet précis étant donné que Drago n'était pas d'accord avec ses conclusions et qu'ils en venaient à se disputer.
Ainsi, Harry gardait ses inquiétudes pour lui en veillant sur les arrières de son ami et l'ancien Serpentard faisait mine de ne rien voir.
Les deux jeunes hommes étaient retourné voir à plusieurs reprises Claire Parkinson, ainsi que Narcissa Malefoy. Aussi bien pour s'assurer qu'elles allaient bien que pour espérer avoir de nouvelles informations qui relancerait l'enquête qui piétinait désespérément.
Après avoir cru reconnaître les voix de Crabbe ou Goyle Senior, Claire Parkinson n'avait plus eu de nouveau souvenir. Si physiquement elle s'était parfaitement remise de ses semaines de captivité, Pansy leur avait avoué à mi-voix que sa mère souffrait de cauchemars terribles et qu'elles envisageaient de quitter l'Angleterre pour qu'elle retrouve un peu de paix.
Narcissa ne montrait aucune faiblesse apparente, mais Drago était persuadé que sa mère vivait le même calvaire : elle avait libéré tous ses elfes excepté les deux plus anciens à son service, et elle vivait en recluse dans son Manoir, refusant toute visite. Drago avait dû batailler ferme pour venir la voir en compagnie de Harry, et les deux détectives avaient obtenu gain de cause uniquement en établissant une connexion de cheminette directe entre leur domicile et le Manoir Malefoy.
Curieusement, Lucius semblait au courant de tout ce qui se passait hors d'Azkaban. De la même façon qu'il avait su que sa femme avait été en danger, soumise à l'Imperium, il avait appris que leur fils la veillait et qu'il était le seul à pouvoir entrer dans la forteresse qu'était devenu le Manoir ancestral de sa famille.
Ainsi, il avait demandé à voir son fils, et il n'avait même pas cillé quand Drago était entré avec Harry, épaule contre épaule.
Le prisonnier n'avait pas montré la moindre hostilité envers Harry bien que son oeil acéré ne manqua aucun des gestes affectueux entre son fils et le Sauveur du monde magique. Comme s'il était déjà au courant de l'évolution de leur relation et qu'il s'en était fait une raison.
Lucius s'assit sur la maigre paillasse qui lui servait de couchette, de la même manière que s'il s'était trouvé dans un salon mondain. Puis, après les avoir dévisagé quelques longues secondes il avait soupiré.
- Crabbe et Goyle Senior sont morts. Quelle que soit la personne que Claire Parkinson a entendu, ce ne pouvait être eux.
Harry ouvrit la bouche, surpris, prêt à demander comment il pouvait savoir ce genre de chose. Mais Drago lui saisit la main fermement, et il n'y eut besoin ni de mots ni de regards pour que Harry comprenne qu'il devait laisser son coéquipier mener la conversation.
Sans montrer la moindre surprise, sans que sa voix ne laisse entendre la moindre hésitation, Drago répondit, défiant son père de se justifier, affrontant son regard gris identique au sien.
- Ils sont portés disparu. Il n'y a aucune preuve de leur décès. Leurs tombes ne sont que des pierres tombales, sans rien dessous.
Lucius eut un sourire triste.
- Goyle a été tué avant la Bataille à Poudlard par le Lord lui-même. Il avait demandé à ce que… son fils soit protégé. Crabbe a été arrêté après…après sa mort. Il a été emmené par deux Aurors sous mes yeux.
Harry intervint calmement.
- Il n'y a aucune trace de son arrestation.
- Allez donc demander ça à l'Auror Dawlish, Monsieur Potter.
Drago fronça le nez.
- Est-ce tout ce que vous aviez à nous dire, père ?
Lucius perdit un instant de sa superbe, puis il secoua la tête.
- Ces… agressions contre nos familles ne sont pas du fait de fidèles du Seigneur des Ténèbres. Aucun d'entre nous ne s'en serait pris aux femmes restées libres.
Drago plissa les yeux.
- Parkinson, votre grand ami, a pourtant juré de faire tuer Claire si elle n'acceptait pas de le faire libérer.
- Il était furieux. Rien de plus.
Drago pinça les lèvres, et hocha sèchement la tête.
- Si vous n'avez rien de plus à nous apprendre père…
Lucius resta silencieux et Harry le salua d'un mouvement de tête, légèrement perplexe quand aux raisons de Lucius de vouloir les aider. Drago quitta la cellule de son père sans un regard en arrière, et alors qu'il s'éloignait, Harry entendit distinctement les derniers mots de Lucius.
- J'espère que tu me pardonneras mon fils.
Le brun jeta un regard indéfinissable au prisonnier, soutenant le regard gris quelques instants. Puis il hocha la tête sans le quitter des yeux, comme pour lui dire qu'il protégerait son fils, quoi qu'il arrive. A sa grande surprise, Lucius lui rendit son signe de tête, sans que la moindre expression ne traverse ses traits.
Harry connaissait Drago parfaitement, aussi, il ne parla pas de leur visite à Lucius. Il se contenta de le suivre jusqu'à leur maison, alors que le blond ruminait visiblement.
Lorsqu'ils furent arrivés, Harry prépara du thé, et tendit une tasse brûlante à Drago sans un mot. Il obtint un sourire forcé, et Harry se pencha pour un léger baiser.
- Un jour, nous devrons parler de tout ça…
Drago fronça un instant les sourcils avant de comprendre que Harry parlait de leur relation. Il eut un sourire amusé, et hocha la tête.
Les deux jeunes hommes avaient passé le reste de la journée chez eux, perdus dans leur pensées, un livre à la main. Harry posa soudain son livre et se redressa, fixant Drago.
- On va avoir besoin de Ron. Pour interroger Dawlish. S'il a vraiment arrêté Crabbe…
Drago grogna, et fit un geste de la main agacé.
- Il n'y a aucune trace de cette arrestation. Soit Dawlish l'a laissé s'échapper et il n'a rien dit parce qu'il avait honte, soit son prisonnier a eu un regrettable accident mortel, et il n'a rien dit pour éviter les problèmes.
- Dawlish est un bon Auror !
Drago leva les yeux au ciel avant de fixer de son regard d'orage le Sauveur, toujours aussi idéaliste.
- Potter. La bataille venait d'avoir lieu. Il y a eu des morts dans les deux camps. Après tout ce… carnage, la frontière entre le bien et le mal avait disparu. Il fallait se battre pour sa survie, et… Si Crabbe a résisté ou a dit le mot de trop, Dawlish a très bien pu craquer. Surtout s'il a vu des amis mourir.
Harry se passa une main sur les yeux, épaules basses.
- Je crois qu'il a perdu son coéquipier. Mais Dawlish n'est pas du genre à…
- Potter… Harry. Je ne dis pas qu'il est un mauvais Auror, ou un mauvais homme. La bataille a eu bien des conséquences, et ce jour là… tout était différent. Il a pu avoir besoin de venger un ami, ou juste un geste malheureux sous le coup du stress.
Harry baissa la tête, et ferma les yeux. Un instant, il put entendre le fracas de la bataille. Les cris, l'odeur du sang, les corps qui tombaient. L'horrible cacophonie, les corps à corps violents, dont il était impossible de différencier les protagonistes.
Il se souvint de la frénésie, de la pensée qui ne quittait pas son esprit. Tuer ou être tué.
Aurait-il pu avoir un geste de trop, s'il s'était retrouvé face à un Mangemort un peu trop récalcitrant ? Aurait-il pu déborder pour venger les morts de ses proches ? L'assassin de Fred ?
Le jeune homme leva son regard absinthe vers Drago, troublé.
- Ron devra se montrer discret pour se renseigner.
Lorsque Ron arriva le soir même, il pensait passer une soirée agréable avec son meilleur ami, autour d'un verre et de délicieux petits four. Il soupira en voyant Drago installé dans le salon et jeta un coup d'oeil à Harry. Mais l'ancien Serpentard semblait totalement détendu, et pas vraiment décidé à quitter sa maison.
Lorsque le brun lui fit signe de prendre place face à Drago, il grogna et marmonna à propos de fouines toujours présentes. Mais il ne fit aucun commentaire de plus, conscient de l'attachement de Harry pour le blond autrefois insupportable.
Drago Malefoy avait évolué bien sûr. La guerre l'avait changé, comme eux tous. Il avait grandi, et il n'était plus aussi prétentieux qu'avant. Et puis, il semblait apte à supporter Harry au travail - ce que personne n'avait jamais réussi auparavant. Même pas lui. Il le supportait tellement bien qu'ils vivaient ensemble, collés en permanence l'un à l'autre.
Longtemps, il avait cru que son meilleur ami jetterait un jour son dévolu sur sa petite sœur. Ginny soupirait toujours après lui, même après tant de temps. Il avait cessé de faire des allusions à ce sujet, puisque Harry n'y semblait pas vraiment réceptif. Et il comprenait mieux pour quelle raison : un certain blond arrogant et prétentieux avait pris toute la place dans son cœur.
C'était surprenant et inattendu, mais c'était le choix de Harry, et il lui importait peu de savoir qui son ami choisissait pour partager sa vie…
Drago lui servit un verre sans un mot, et Harry lui tendit un plateau de petits biscuits. Cependant, Ron n'était pas stupide : Hermione avait beau lui dire qu'il pouvait se montrer aveugle, il voyait bien que Harry avait quelque chose à lui dire.
Il prit un biscuit, et grogna en fusillant Harry du regard.
- Viens en au fait Harry.
En voyant le brun aux yeux verts échanger un coup d'œil rapide avec Drago, il eut un frisson de crainte. Comme si son instinct lui hurlait que quelque chose de mauvais se préparait. Ron se pencha en avant, attentif, observant ses deux anciens collègues.
Drago parla en premier, d'un ton presque détaché.
- Nous avons été voir mon père. Il… avait sa propre version sur la disparition de Crabbe et Goyle Senior.
Ron ne fit pas le moindre commentaire, attendant la suite, et Harry lui adressa un regard de gratitude pour ne pas lancer de polémique ou de dispute sur le sujet Lucius Malefoy.
Drago continua, imperturbable.
- Goyle est mort avant même la bataille. De la main de… Tu-sais-qui. Crabbe par contre était bien à Poudlard, pendant la bataille.
- Il est mort sur place ?
Harry soupira.
- Il a été arrêté.
Ron ouvrit la bouche et la referma brusquement. Il ferma les yeux, passant en revue ses collègues les plus anciens, essayant de deviner qui allait être mis en cause. Presque à contrecœur, il posa la question dont il redoutait la réponse.
- Qui ?
- Dawlish.
La réponse laconique de Drago lui fit froncer les sourcils. Presque agressivement, il demanda plus de détails.
- Et quoi ? Que s'est il passé ? Qu'a fait Dawlish ?
- L'histoire s'arrête là. Dawlish l'a arrêté et l'a emmené. C'est tout.
Ron se massa les temps, comprenant les implications de ce témoignage inattendu. Il soupira et secoua la tête.
- Il y a peut être eu un problème administratif ? Après la bataille, les rapports ont été plutôt bâclés, non ? Espérons que c'est juste un malentendu. Je vais en parler avec Daswlish, je suis certain qu'il y a une très bonne explication.
Les trois hommes gardèrent le silence, buvant leur verre en silence. Ron soupira et allait se lever quand le patronus d'Hermione, une mignonne petite loutre, apparut. La voix de leur amie s'éleva.
- Ron appelle le Ministère tout de suite. C'est une urgence.
Ron soupira, et grommela, menaçant de démissionner si c'était encore une affaire de théière mordeuse. Harry lui fit signe d'utiliser leur cheminée pour se renseigner, curieux de savoir ce qui justifiait une telle urgence.
Le rouquin s'agenouilla devant l'âtre et commença à discuter d'une voix étouffée, puis il laissa échapper une série de jurons sonores. Lorsqu'il se releva, il était pâle, et semblait légèrement déstabilisé.
Il regarda Harry et Drago, hésita un bref instant, puis ferma les yeux.
- Je m'en fous que ça ne soit pas réglementaire, mais tous les deux, vous venez avec moi. Vous connaissez la procédure et tout le cirque qui va avec. Il y a un souci dans l'allée des Embrumes. Tout le monde est là-bas sur le pied de guerre, et ils sont débordés.
Sans un mot, Drago prit sa cape et celle de Harry. Ron continua, l'air perdu.
- Il semblerait qu'il y ait… un genre d'épidémie étrange. Les gens là-bas… ils ont des hallucinations et des crises de folie. Sainte-Mangouste est débordé et…
- Débordé ? Mais il s'agit de combien de personnes exactement ?
Ron eut l'air vaguement nauséeux quand il répondit.
- On parle de plus de deux cents victimes identifiées pour l'instant, et personne ne sait ce qui se passe…
