Harry tournait et retournait le morceau de parchemin entre ses doigts, l'air songeur. Drago était occupé à lire, et il n'avait pas encore remarqué son manège - ou il s'en était rendu compte et restait impassible en attendant que Harry ne s'explique.
Lorsque le hibou était arrivé pour lui, il avait pensé à un message de Ron ou de Hermione. Il avait cependant eu la surprise de voir le sceau d'Azkaban sur le papier.
Au contact de Drago, il avait appris à masquer ses émotions. Il n'était pas aussi doué que son compagnon, qui était capable de ne laisser filtrer aucune expression sur son visage, mais il se débrouillait suffisamment pour ne pas se trahir lorsqu'il avait quelque chose à cacher.
Cette fois, en prenant connaissance du message, il lui fallut toute sa concentration pour rester calme et neutre.
Lucius Malefoy en personne lui envoyait une requête. Il voulait que lui, Harry Potter, vienne le voir seul, sans son fils.
Harry pourrait juste jeter le parchemin et oublier cette demande étrange. Oublier que Lucius Malefoy avait demandé à le voir, du fond de sa cellule crasseuse.
Cependant ce n'était pas dans sa nature. Il était bien trop curieux pour ignorer purement et simplement le message, et s'il ne s'y rendait pas, il se poserait toujours la question de ce que voulait l'aristocrate déchu.
Quoi qu'il puisse en penser à cet instant présent, il savait qu'à un moment donné la curiosité serait trop forte et l'emporterait, et qu'il se rendrait à Azkaban pour en savoir plus.
La véritable question qui le taraudait était de savoir s'il allait montrer le message à Drago ou tenter de le lui cacher. Il se moquait bien des exigences absurdes de Lucius, il voulait juste éviter de faire souffrir le blond qui avait pris une place capitale dans sa vie… Et son père était un sujet particulièrement sensible. Drago était déchiré entre son ressentiment dû aux actes de son père et son amour pour lui.
Il soupira et se décida. Sans un mot, il se leva et s'approcha de Drago. Il se pencha pour déposer un baiser tendre sur ses lèvres, le dérangeant dans sa lecture, et il posa doucement le parchemin devant lui avant de quitter le salon pour aller préparer du thé.
L'eau n'avait pas encore commencé à frémir que Drago le rejoignait, et s'adossait au chambranle de la porte, bras croisés. Il resta silencieux quelques instants, observant Harry s'agiter dans la cuisine, un peu nerveux, puis il soupira.
- Tu vas y aller ?
Harry lui lança un bref coup d'œil.
- Ça t'embêterait si je te disais que oui ?
Le blond pinça les lèvres avant de hausser les épaules.
- Tu es libre de faire ce que tu veux, Potter. Je ne suis pas là pour diriger ta vie.
Les mains de Harry tremblèrent un bref instant, alors qu'il se rappelait l'époque où il n'était qu'un pion pour le monde magique. L'époque où il n'avait pas le moindre choix. C'était probablement pour cette raison qu'il aimait autant Drago : près de lui il était libre.
Il se reprit rapidement, repoussant toutes ses pensées, en redressant la tête.
- Je vais y aller. Je veux au moins savoir ce qu'il a à dire…
Drago laissa échapper un ricanement moqueur.
- Je peux d'ores et déjà l'imaginer. "Restez à distance de mon héritier, Monsieur Potter".
- Et bien il faut croire que Lucius ne sait pas à quel point je peux être têtu.
- Borné serait plus l'adjectif exact Potter.
Le ton de Drago était affectueux et les deux garçons échangèrent un regard complice. Harry gloussa tendrement, couvant son compagnon des yeux.
Plus tard, lorsqu'il fut prêt à partir pour Azkaban, son cœur lui sembla entouré d'une chaleur agréable lorsqu'il nota l'inquiétude dans les prunelles grises. Drago l'enlaça fermement, et murmura.
- Ne baisse pas ta garde, Potter. Mon père peut être particulièrement vicieux, tu le sais. Et il a la langue acérée.
Harry lui sourit et l'embrassa doucement, autant pour le rassurer que pour se donner du courage.
- Et toi, reste tranquille à la maison. Ne sors pas d'ici seul, s'il te plaît.
Drago hocha sèchement la tête, l'air mécontent, mais il ne protesta pas. Il n'oubliait pas qu'il avait été pris pour cible.
Harry était bien loin de se sentir tranquille alors qu'il marchait d'un bon pas en direction de la sombre prison des sorciers. Même sans Détraqueurs, l'endroit était toujours aussi glauque…
Après un soupir, il entra d'un air décidé et demanda à voir Lucius Malefoy. Encore une fois, il constata que sa célébrité facilitait grandement les procédures, puisque le gardien le salua avec déférence et le fit entrer sans poser de questions.
Il remercia poliment l'homme qui semblait s'ennuyer, puis il assura qu'il connaissait le chemin. Il profita du trajet jusqu'à la cellule de Lucius pour respirer profondément en tentant de se calmer et pour se préparer à la confrontation.
Lucius resta de marbre en le voyant arriver, assis sur la couchette qui lui servait désormais de lit. Bras croisés, Harry observa le blond d'un air songeur avant d'entrer dans la cellule minuscule et de hausser un sourcil.
- Bien. Je suis venu. Que vouliez-vous me dire qui nécessitait l'absence de votre fils ?
L'homme le dévisagea attentivement puis il soupira.
- Mon fils et vous… c'est sérieux, n'est-ce-pas ? Ce n'est pas une mise en scène pour me faire sortir de mes gonds ?
Harry leva les yeux au ciel.
- Sérieusement…
- Monsieur Potter, pourriez-vous avoir l'obligeance de répondre à ma question ?
- Bien que ma vie avec votre fils ne vous regarde en rien, nous avons d'autres préoccupations en tête que de monter ce genre d'illusion pour vous agacer.
Loin d'être furieux, l'homme sembla satisfait puisqu'il hocha la tête.
- Je vous dois des remerciements Monsieur Potter. Il semblerait que vous preniez soin de ma famille en mon… absence.
Harry n'eut pas le temps de protester que Lucius reprit.
- Je sais à quel point mon fils m'en veut, Monsieur Potter, mais il reste mon héritier. M'assurer de sa sécurité est donc… ma priorité.
Harry ne put s'empêcher de grogner et de répliquer, le regard noir.
- Bien sûr. Vous êtes celui qui a failli le conduire à Azkaban pour le reste de sa vie. Vous êtes celui qui est responsable de ses cauchemars et de la marque qu'il n'ose même pas regarder sur son bras.
Lucius eut l'air déstabilisé et quelque chose passa dans son regard gris - honte, regrets, culpabilité, Harry ne put vraiment trancher.
Le jeune détective soupira et eut un geste de la main.
- Désolé. Je vous écoute.
Lucius l'observa à nouveau, étant visiblement en train de le jauger. Puis il sembla se décider d'un coup.
- Bien que je sois ici, enfermé, j'ai encore accès à certaines… informations.
Harry resta silencieux, bien qu'il ait envie de ricaner moqueusement face à l'homme qui se pensait encore puissant au fond de son trou. L'aristocrate blond lui jeta un regard moqueur, comme s'il avait deviné mais il continua.
- Et bien que je sois… déçu des choix de carrière de mon fils unique, je reste son père et je reste attaché à sa sécurité.
- Venez en au fait, Monsieur Malefoy.
L'homme grogna, comme s'il avait préparé un petit discours - connaissant l'homme, Harry en était certain - et que l'impatience de Harry cassait sa petite présentation. Cependant, il continua.
- Ces attaques dans le monde magique… elles n'ont rien à voir avec d'anciens Mangemorts ou le Seigneur des ténèbres. C'est un fait.
Harry leva un sourcil surpris et Lucius leva les yeux au ciel.
- Ce n'est pas parce que j'ai refusé de vous aider que je ne me suis pas renseigné. Au cas où. Et puis, je tiens à mon épouse, Monsieur Potter. Je suis enfermé ici, mais je ferais tout ce que je peux pour la protéger.
Harry étira ses lèvres en un léger sourire.
- Nous allons régulièrement nous assurer qu'elle va bien, Monsieur.
- Je sais. C'est bien pour ça que je vous ai demandé de venir.
- Donc ces attaques n'ont aucun lien avec la guerre ?
- Je n'ai pas dit ça, Monsieur Potter. J'ai juste dit que ce n'était pas en lien avec les personnes dont j'étais proche à l'époque. Pour une fois, vous ne pourrez pas accuser les Ténèbres de mauvaises actions.
- Qui alors ?
- Je n'ai pas l'identité de votre coupable, j'en ai peur. Cependant, parmi mes… amis, la théorie qui circule est que quelqu'un de la lumière se comporte en véritable Serpentard pour nous faire éliminer. Il y aura très rapidement un moment où un sorcier de la rue accusera les anciens sympathisants du Seigneur des Ténèbres. Je suppose qu'en dehors de ces murs, le monde magique commence à basculer dans le chaos.
Harry hocha la tête.
- Effectivement.
- Rien de plus ?
- Votre supposition me semble correcte, et nous y avions plus ou moins pensé. Vous avez juste confirmé nos soupçons. Je suis certain que notre coupable est un sang-mêlé qui a grandi dans le monde moldu.
Lucius se redressa avec raideur.
- Dans ce cas. Je suppose que je n'ai pas besoin de vous demander de vous assurer que mon fils reste… en sécurité.
Harry gloussa.
- Ainsi donc c'est pour cette raison que vous vouliez me voir seul. Pour me demander de protéger Mal… Drago. Toutes ces informations… vous nous en aviez déjà fait part après l'agression de votre épouse.
Le regard furieux de Lucius n'eut pour effet que de le faire éclater de rire, alors qu'il quittait la cellule. Cependant, avant de s'éloigner, il se tourna vers l'homme, ayant retrouvé tout son sérieux. Il fixa le prisonnier de ses yeux verts, lui montrant sans hésiter qu'il était sincère.
- Je ne compte pas le laisser être blessé Monsieur. Nous sommes devenus très proches et je… l'apprécie énormément. Et je compte bien m'assurer également que votre épouse reste saine et sauve également.
Il ignora le hoquet de surprise du prisonnier et tourna les talons avant de quitter la prison. Même si la visite n'avait pas apporté de grandes révélations, elle lui avait permis de prendre conscience que Lucius Malefoy aimait réellement sa famille.
Pour sa part, il se refusait à mettre des mots sur ses sentiments mais il admettait sans se cacher qu'il tenait à Malefoy. Plus qu'à n'importe qui d'autre.
Lorsqu'il entra chez lui, Drago était installé dans son fauteuil, face à Hermione. En les voyant discuter, personne n'irait imaginer qu'autrefois Drago avait insulté la jeune fille et que cette dernière l'avait frappé…
Il sourit, amusé et les salua, non sans embrasser Drago au passage. Après Azkaban, il avait besoin d'un peu de tendresse. En se redressant, il croisa le regard narquois de Hermione et il leva les yeux au ciel.
Depuis quelques temps, Hermione lui lançait des coups d'œil pleins de sous-entendus, sans pour autant s'expliquer. Harry savait que d'ici peu, ils auraient une conversation, où la jeune femme lui ferait part de ses suppositions plus ou moins farfelues.
Contrairement à lui, Hermione aimait mettre des mots sur les sentiments, et étiqueter chaque chose. Dans son univers, profiter du moment présent sans se préoccuper du reste n'était pas envisageable. Elle devait tout analyser et tout disséquer.
Harry pour sa part n'avait pas besoin de détailler ce qu'il pensait de Malefoy pour être heureux et bien à ses côtés.
Il sortit de ses pensées lorsque Drago le bouscula, avec un regard moqueur. Il cligna des yeux, avant de revenir au moment présent.
- Tout va bien Potter ?
En langage Malefoy c'était l'équivalent de s'inquiéter, surtout après avoir été rendre visite à Lucius.
- Désolé, j'étais perdu dans mes pensées. Tu avais besoin de quelque chose Hermione ?
La jeune femme se redressa, toujours souriante de son air mystérieux, et repoussa ses cheveux en arrière, avant de soupirer.
- J'ai cherché comment cette contamination à l'ergot de seigle avait pu se produire. C'est un champignon qui affecte les cultures de céréales mais depuis qu'il est identifié, les grains sont nettoyés avant d'être moulus en farine, ce qui a éliminé les contaminations par le pain par exemple. Dans le monde moldu, l'ergot est synthétisé pour être utilisé comme drogue ou médicament encore aujourd'hui, cependant, ici dans le monde magique, il est pratiquement inconnu. Ce n'est pas un ingrédient de potion, et nos méthodes de soins sont très éloignées de ce qui se fait chez les moldus.
Harry l'interrompit.
- Ce qui implique que c'est volontaire ?
- Tout à fait. Il est impossible que le pain ait été contaminé accidentellement, ce n'est plus arrivé depuis que le champignon qui infecte les céréales a été identifié. Quelqu'un a volontairement empoisonné le pain de seigle qui a été distribué.
- Peut-être que…
Mais Hermione l'interrompit immédiatement.
- Harry. Ces distributions alimentaires, dans l'allée des Embrumes… Elles sont organisées et coordonnées par le Ministère depuis la fin de la guerre.
