Maintenant qu'il était chargé de la protection de Lucius, les mains liées à cause de la promesse faite à Kingsley, Harry se décida à se rendre au Manoir Malefoy au plus vite. Bien que mécontent, Drago le suivait.
Après avoir rapidement vérifié que le Manoir était toujours inviolable pour qui que ce soit de l'extérieur, Harry fit face au couple Malefoy. S'il eut le droit à un sourire presque affectueux de Narcissa - la mère de Drago lui était reconnaissante de rester aux côtés de son fils - Lucius resta de marbre, le dévisageant avec attention.
Harry échangea un regard avec Drago, et récolta un rictus moqueur. Il leva les yeux au ciel discrètement avant d'annoncer.
- Je suis chargé de votre protection.
Lucius leva un sourcils étonné, et se pencha légèrement, prenant appui sur sa canne tout juste retrouvée.
- Ma protection ? En quel honneur ?
Harry laissa échapper un ricanement moqueur, en croisant les bras sur sa poitrine.
- Je suppose que l'attaque dont vous avez été victime à la sortie d'Azkaban ne vous a pas échappé ?
Le brun nota la crispation de Lucius à la mention de la prison sorcière, cependant, il ne fit pas le moindre commentaire désobligeant. Après tout le but était de s'attirer les bonnes grâces de l'homme pas le braquer définitivement contre lui. L'aristocrate fit un vague geste de la main, comme s'il se moquait de ce qui s'était produit.
- Un mécontent tout simplement. Si c'était plus grave, je suppose que l'attaque aurait été mieux organisée.
Drago grogna et se laissa tomber dans un fauteuil, indiquant d'un geste à Harry de faire de même. Une fois installé, Harry soupira et secoua la tête.
- Vous n'êtes pas sans savoir que vous avez été libéré pour une raison précise, Lucius.
N'appréciant visiblement pas la familiarité de Harry, l'homme répondit d'un ton froid, le regard tranchant comme l'acier.
- Je ne vois pas ce que vous attendez exactement de moi, Monsieur Potter.
Drago plissa les yeux.
- Ce que Harry essaie de t'expliquer c'est qu'il est persuadé que ta libération pourra améliorer les choses dans l'Allée des Embrumes. La plupart des familles affiliées aux ténèbres ont… tout perdu et ont terminé dans cette antichambre de l'enfer.
- Et quoi ? Je dois financer leur retour parmi nous ?
Harry gloussa, légèrement moqueur.
- Rien de tel, je vous rassure, le Ministère ne touchera pas à vos Gallions. Le but est de prouver que d'anciens Mangemorts peuvent être réhabilités. Qu'ils ne sont pas condamnés à la misère et que les erreurs du passé peuvent être pardonnées.
- C'est tellement…
Harry le coupa avec un regard furieux. Le ton de sa réponse était glacial, à l'image de la façon de parler de Drago lorsqu'il était en colère.
- Si vous trouvez l'idée si stupide, Lucius, rien ne vous empêche de retourner dans votre cellule à Azkaban… Le but est d'éviter que la société sorcière soit scindée en deux camps opposés prêts à entrer en guerre une fois de plus.
L'aristocrate se ferma, mécontent. Narcissa soupira et hocha la tête, avant de commenter avec douceur.
- C'est un bien faible prix à payer pour tes erreurs Lucius. Il est temps de montrer de la bonne volonté il me semble.
Il jeta un regard trahi à son épouse, visiblement prêt à protester. Mais la mère de Drago ne sembla pas sensible à sa réaction, se contentant de le fixer longuement, un sourcil légèrement levé. Avec fascination, Harry nota que Lucius finissait par plier, boudeur.
L'homme renifla, et fronça le nez.
- Je suppose que je vais devoir m'y rendre régulièrement pour vanter la mansuétude du Ministère ? Prêcher pour la lumière et ramener les brebis égarées dans le droit chemin ?
Drago ricana, et se laissa aller dans son siège. Ses yeux pétillants annonçaient à Harry que ses mots n'allaient pas plaire à son géniteur. Le sens de l'humour de Drago était parfois légèrement tordu.
- Et bien, initialement, nous avions pensé que tu pourrais prendre en charge les bonnes oeuvres qui gèrent les miséreux de l'allée. Tu sais, aller les visiter, leur donner à manger… Les soigner aussi. Leur prouver qu'il y a une vie après la guerre même lorsqu'on porte la Marque.
La mâchoire de Lucius se contracta et ses yeux se durcirent. Il donna un coup de sa canne sur le plancher, sèchement, mais le rire amusé de Narcissa coupa court l'explosion qui se préparait.
- Une de tes idées Drago ?
Le jeune homme offrit un sourire malicieux à sa mère, sans répondre.
Harry fit tourner sa baguette entre ses doigts, un léger sourire amusé aux lèvres. Il avait connu la famille Weasley quand il était enfant, et ça avait été sa première expérience d'une véritable vie familiale. Ils étaient bruyants et expansifs et il les avait pris comme modèle, parce qu'il n'avait jamais rien connu d'autre. En vieillissant, il les aimait toujours autant, il les considérait toujours autant comme sa famille, mais il commençait à comprendre qu'il y avait différentes façons de montrer son amour et son attachement au sein du cercle familial.
Et en cet instant, au milieu du salon du Manoir Malefoy, il se sentait aussi à l'aise que chez les Weasley, comme s'il avait réussi à percer le secret de cette famille si… différente. Il arrivait à les voir les liens entre ces personnes habituellement impassibles, n'exposant jamais leurs sentiments. Il leur suffisait de regards, de sourires ou de peu de mots pour se comprendre et transmettre la complicité évidente entre eux.
Il intervint avec calme, préférant éviter que Drago n'insiste jusqu'à rendre Lucius fou de rage. Il avait vite découvert que son compagnon avait un côté revanchard à l'extrême, et qu'il n'hésitait pas à insister jusqu'à obtenir la réaction qu'il souhaitait.
- Le Ministre est… légèrement agacé de votre petit tour de passe-passe avec la Gazette… Cependant, c'était joliment joué et c'est la preuve que vous êtes l'homme de la situation.
Lucius leva un sourcil étonné, et resta silencieux bien que renfrogné. Drago s'agita, mais Harry reprit, calmement avec un sourire.
- Tous vos anciens… camarades dirons-nous ne seront pas libérés bien évidemment. Certains sont restés profondément ancrés dans leurs croyances archaïques et ont pour projet de reprendre là où Voldemort en était resté. D'autres sont avides de vengeance et n'hésiterons pas à mettre le monde magique à feu et à sang.
- Et qui vous dit que je ne vais pas chercher à me venger, Monsieur Potter ?
Harry laissa échapper un ricanement, nullement impressionné, alors que Narcissa fusillait son époux du regard, visiblement décidée à le garder dans le droit chemin. Il haussa les épaules et fixa l'homme, sans ciller.
- Quelque chose me dit que vous n'avez pas envie de retourner en prison.
Si Lucius pensait l'intimider en le fixant d'un regard furieux, il en fut pour ses frais. Harry attendit tranquillement sa réponse, avec un rictus moqueur. Finalement, Lucius renifla et détourna les yeux, grommelant entre ses dents.
Harry hocha la tête, et continua.
- Je suppose que vous êtes d'accord avec moi pour admettre que les familles des Mangemorts actuellement à Azkaban n'ont pas à payer les erreurs du passé ?
Lucius hésita un instant, et jeta un long regard à son fils. Puis, il soupira et répondit, à contrecoeur.
- Effectivement. C'est généreux à vous d'y penser.
Drago se pencha, le visage fermé.
- C'est surtout généreux de sa part de t'avoir sorti de prison alors que tu as tenté de le tuer !
Harry se leva et posa la main sur l'épaule de Drago, la pressant doucement pour le calmer. Puis, il grimaça un sourire un peu forcé, mal à l'aise.
- Je… pense que je vais vous laisser discuter entre vous.
Drago agrippa vivement son poignet, comme pour le retenir et échangea un long regard avec lui, avant de hocher la tête, presque à contrecoeur.
- Foutu Gryffondor…
Le ton était doux, affectueux et le brun eut un sourire amusé, il réprima l'envie impérieuse de se pencher pour embrasser Drago. Il serait toujours temps de jouer avec les nerfs de Lucius Malefoy une fois qu'ils auraient réglé leurs comptes avec l'aristocrate borné…
*
Lucius avait noté l'échange entre son fils et le Sauveur, et il se renfrogna, n'aimant pas cette proximité qui semblait si naturelle. Cependant, il était parfaitement conscient de ce qu'il devait au jeune Potter et de la colère légitime de son fils à son encontre. Il resta donc de marbre lorsque Harry se tourna vers son épouse pour la saluer gentiment avant de quitter la pièce à grands pas, mains dans les poches.
Aussitôt le regard de Drago se durcit immédiatement, prenant le tranchant de l'acier.
- Soyons clairs, père. Je ne voulais pas que tu sortes d'Azkaban. Si j'avais eu voix au chapitre, tu serais resté à y pourrir jusqu'à la fin de ta vie.
Lucius hoqueta stupéfait de la franchise brutale de son fils et de la rancoeur audible dans sa voix. Son épouse serra les poings et fronça les sourcils. Son avertissement claque sèchement.
- Drago !
Cependant, le petit garçon qu'il avait connu autrefois et qui le regardait avec respect et adoration n'existait plus. Le jeune homme qu'il était devenu ne semblait pas prêt à se laisser intimider.
Lucius fronça les sourcils, mécontent.
- Tu as changé Drago.
Les yeux acier de son fils se plantèrent dans les siens, assurés. Le jeune homme eut un rictus amer, et hocha lentement la tête.
- Effectivement. Ma vie foutue en l'air par tes décisions, être forcé d'assister à un meurtre, le risque de finir en prison pour avoir obéi à l'autorité paternelle… tout ça, ça change un homme.
Lucius réprima un vague de culpabilité, et ironisa, ignorant le regard furieux de Narcissa. Son épouse restait muette pour l'instant, mais il savait qu'il aurait le droit à ses réprimandes lorsqu'ils seraient seuls…
- Tu sembles pourtant bien t'en sortir… visiblement tu as un protecteur puissant.
Drago lui sourit froidement.
- Bien m'en sortir ? Tu parles de quel moment ? Celui où j'ai dû faire face aux insultes du monde magique ou celui où tes anciens amis s'en sont pris à moi pour leur foutu trafic de potions ? Peut être de mon procès, où j'ai été humilié comme un vulgaire criminel ?
Déstabilisé, l'homme tourna la tête vers sa femme, espérant un peu de soutien. Mais elle leva juste un sourcil moqueur. Visiblement, Narcissa lui tenait encore rigueur d'avoir mis la vie de leur fils unique en danger - même involontairement - par ses erreurs et ses mauvais choix.
Drago se leva, et hocha la tête d'un air entendu.
- Évidemment. Je me doutais que tu n'aurais rien à répondre… Je te rappelle que tu dois la liberté à Harry. Entre autre. Si ça te pose un problème… tu peux toujours demander à Shakelbot de faire annuler sa décision. Il en sera ravi. Lui non plus n'était pas vraiment emballé par l'idée de Harry.
Lucius pinça les lèvres mais jugea plus prudent de ne pas répondre. Visiblement le gamin maigrichon d'autrefois, la petite arme de Dumbledore avait su s'attirer la sympathie de sa famille. Il soupira et haussa les épaules, abdiquant.
- Donc ? Que dois-je faire pour payer ma dette ?
Son fils hésita longuement, en le dévisageant attentivement, puis fronça un instant les sourcils.
- Il me semblait que Harry avait été clair. Empêcher des émeutes dans l'allée des Embrumes.
- Ton… ami me surestime je pense.
Drago leva un sourcil moqueur, son regard prenant la dureté de l'acier, offrant un visage impitoyable à ce père qu'il n'arrivait pas à pardonner.
- Vraiment ? Je te conseille de réfléchir soigneusement alors, pour faire de ton mieux. Il serait dommage que Shakelbot pense que tu es inutile à l'extérieur de la prison et qu'il te renvoie là où tu devrais être.
Le jeune homme s'approcha ensuite de ses parents et s'approcha pour déposer un baiser sur la joue de sa mère.
- Je repasserai plus tard avec Harry.
Narcissa hocha la tête, avec un sourire.
- Bien évidemment. Vous êtes tous les deux les bienvenus. Toujours.
Drago se détendit légèrement, offrant un sourire doux et sincère à sa mère, avant de quitter la pièce.
*
Une fois qu'il eut entendu la cheminée s'activer, Lucius soupira.
- Qu'est-ce qui lui prend ?
Son épouse soupira et brossa de la main d'un air absent sa jupe. Finalement, elle releva la tête et le fixa avant d'assener calmement.
- Tu es un idiot Lucius.
- Cissa…
- Quand tu t'es retrouvé à Azkaban… j'ai cru que je ne te reverrais jamais. Tes lettres me promettant tout et n'importe quoi n'avaient aucune valeur, ça ne me rassurait même pas, parce que je savais que cette fois… tes erreurs ne pourraient pas juste être oubliées. Parfois, la richesse ne permet pas tout.
- Je suis désolé.
- Peut être. Mais ce n'était pas ce qui me rendait le plus furieuse, Lucius. Je sais que nous n'avions que peu de marge de manoeuvre pour le garder en sécurité, mais Drago a véritablement souffert. À un point tel que tu n'imagines même pas. C'est Harry Potter qui… a parlé en sa faveur à son procès. Qui les a empêché de le détruire, de l'enfermer. Qui lui a permis de continuer à vivre. Les premiers mois, j'ai pensé qu'il était brisé. J'ai vu notre fils se rendre malade jour après jour, dormir à peine. Il maigrissait à vue d'oeil et ne disait plus un mot. Jusqu'à ce qu'il décidé de faire face et de devenir Auror. Je n'ai jamais pensé à lui demander pourquoi… Il s'est jeté à corps perdu dans la formation, il a fait face au rejet et aux insultes. Cependant, il a serré les dents, et il a continué, la tête haute, jusqu'à intégrer le Ministère.
Lucius soupira, honteux.
- Je ne comprends pas pourquoi tu me racontes ça.
- Laisse moi terminer. Donc, il a intégré le Ministère mais personne ne voulait faire équipe avec lui. Le Mangemort devenu Auror… Aucun autre Auror n'avait confiance en lui… Jusqu'à ce qu'il m'annonce qu'il était en équipe avec Harry Potter. Au début… j'ai crains que la générosité de ce garçon ait des limites. Qu'il allait lui faire payer leur scolarité ou ton comportement stupide.
- Mon comportement… ?
- Lucius ! Tu étais présent le jour où son parrain adoré a été tué ! Par ma propre soeur ! Tu… Tu ne veux pas comprendre. Mais il aurait été en droit de… réduire notre famille à néant. De réclamer le prix du sang.
L'homme eut un reniflement moqueur, détestant cette façon de présenter le Sauveur sous les traits d'un ange. Le regard sévère de Narcissa l'empêcha de faire le moindre commentaire, et elle reprit, le regard dur.
- Bref. De façon surprenante, Drago s'est épanoui. Comme s'il reprenait vie. Lorsqu'il venait… il se plaignait de son coéquipier, comme du temps de Poudlard, des premières années, mais il souriait et ses yeux brillaient, et… il allait mieux. Ensuite, et bien, Harry l'a sauvé lorsqu'il a été enlevé, il a été le chercher sans hésiter à se mettre en danger, puis ils ont emménagé ensemble. Drago n'arrivait pas à se remettre de son enlèvement et ça a été la solution parfaite. Tous les deux, ils m'ont sauvé, quand j'ai été… agressée. Ils sont venus ensemble, et sans Harry, tu n'aurais plus la moindre famille Lucius. Puis, ils ont eu cette idée de démissionner pour monter leur affaire de détectives. Je n'ai jamais vu notre fils si proche et si confiant avec quelqu'un. Si heureux.
- Mais…
- Mais rien du tout ! Notre fils est réellement heureux auprès de Harry Potter. Je me moque du passé, Lucius. Celui devant qui tu t'agenouillais est mort, et rien ne pourra le ramener, Merlin merci. N'envisage même pas de vouloir mettre ton grain de sel dans la vie de Drago, parce que je ne te laisserai pas faire.
- Notre famille…
- Si tu me parles d'honneur, je te jure que tu auras un bon aperçu de la folie Black, Lucius Malefoy. Tu es celui qui a réduit l'honneur de la famille Malefoy à néant par tes agissements. Et Drago a fait les bons choix, finalement. Il est celui qui fait honneur à notre nom, que tu sois d'accord ou non avec ce fait. Accepte le, ou retourne d'où tu viens, mon ami.
