Harry était rentré directement chez lui, seul, espérant que Drago ne dirait rien qu'il puisse regretter un jour. Le jeune homme était furieux contre son père depuis la fin de la guerre, mais il l'aimait quand même, et il avait souffert de l'emprisonnement de Lucius même s'il le cachait soigneusement.

En faisant libérer l'aristocrate, il savait parfaitement qu'il aurait à faire face à de l'hostilité. Il se doutait bien que l'homme résisterait et lui donnerait du fil à retordre. Mais ce n'était pas quelque chose qui l'inquiétait. Quels que soient les défauts de Lucius, il était intelligent - et surtout rusé - et il se rendrait vite compte qu'il était dans son intérêt de coopérer. Harry était certain que le père de Drago préférerait faire profil bas plutôt que d'être renvoyé derrière les barreaux.

Ce qui l'inquiétait plus étaient les réactions de Drago. Il avait probablement sous estimé le traumatisme que son compagnon avait subi à l'époque de la guerre et surtout la rancoeur qu'il éprouvait actuellement envers son père. Bien qu'étant un Serpentard, Drago pouvait parfois se montrer terriblement impulsif et regretter ses actions ensuite.

Harry l'avait laissé seul avec ses parents pour qu'il puisse régler ses comptes, mais il ne pouvait pas nier qu'il était inquiet pour lui. Et il se sentait coupable de ne pas en avoir parlé avec lui avant d'agir.

Il tourna en rond longuement, se retenant de ne pas repartir au Manoir Malefoy. Il savait qu'à force de vouloir arranger les choses il risquait de rendre la situation pire encore…
Lorsque la cheminée s'illumina et que Drago en sortit, Harry se figea et le fixa longuement en se mordillant la lèvre.

Le brun soupira et se passa la main sur le visage, l'air coupable et malheureux.
- Je suis désolé.
Drago leva un sourcil surpris et s'immobilisa, croisant les bras sur sa poitrine, restant à distance.
- Réellement Potter ?

Le brun eut une petit grimace, et baissa la tête comme un petit garçon pris en faute. Il semblait si mal à l'aise que Drago grogna et marmonna.
- Idiot.
Puis, il avança vers son compagnon, et le prit dans ses bras, le serrant contre lui.

Harry s'agrippa à lui, plongeant son visage dans son cou, rassuré par sa chaleur familière et par son odeur qu'il aimait plus que tout. Légèrement anxieux, il marmonna.
- Tu m'en veux beaucoup ?
- Je suis fou de rage Potter.
Le brun se tendit, mais Drago le serra un peu plus contre lui, et laissa échapper un grognement agacé.
- Mais pas contre toi. Plus vraiment contre toi…

Harry se détendit légèrement, sans s'écarter de Drago. Il soupira et murmura, d'une voix peu assurée.
- Tu vas bien ?
Le blond laissa échapper un ricanement moqueur.
- T'es pas possible quand même. Oui je vais bien. Et avant que tu ne te rendes malade en culpabilisant ou je ne sais quoi, il fallait que cette conversation ait lieu aussi désagréable soit-elle. Quand à la situation… Et bien, tu as proposé une solution et nous verrons si tu as eu raison.

Les yeux verts se plongèrent dans le regard gris, et Harry haussa les épaules.
- J'espère bien ne pas m'être trompé. C'est un peu un coup de poker, tu en as conscience ?
Drago leva la main pour la passer dans les cheveux noirs et il roula des yeux.
- À nous de faire en sorte que ça fonctionne alors. Tu avais raison, ma mère semble décidée à contrôler mon père. Elle doit d'ailleurs être en train de le sermonner vertement…

Voyant l'air perdu de Harry, Drago ricana.
- Ma mère est une Black. Pas du genre à se laisser faire, n'est-ce-pas ? Pourtant, personne ne l'a jamais entendu dire quoi que ce soit contre son époux. Une parfaite femme docile en apparence… Personne ne se méfie d'elle, de cette façon, mais je peux t'assurer que la plupart du temps, c'est elle qui a le dernier mot. La seule fois où mon père a eu gain de cause, c'est lorsqu'il a pris la marque des Ténèbres à la demande de son propre père et elle le lui fait régulièrement regretter.

Harry eut un sourire amusé, essayant d'imaginer Lucius se faisant sermonner, amusé par la dynamique étrange de cette famille hors normes.

Harry repassa seul au Manoir Malefoy le soir-même, une fois encore pour s'assurer que les Malefoy étaient en sécurité. Il les salua sans s'attarder, décidant de laisser à Lucius le temps d'accepter son sort. Il avait dans l'idée que le braquer contre lui serait contre-productif et il ne voulait surtout pas que Drago se retrouve pris entre le marteau et l'enclume.

Narcissa le retint quelques instants pour échanger quelques banalités avec lui, visiblement pour lui faire sentir qu'il était le bienvenu. Le jeune homme apprécia l'attention et assura l'aristocrate qu'il passerait aussi souvent que nécessaire pour s'assurer que personne ne tenterait de s'en prendre à elle une fois de plus. À elle ou à son époux.

Au moment de partir, Narcissa le rappela.
- Harry ? Vous devriez lire en détail la Gazette demain matin. Il est possible qu'il y ait des informations intéressantes…

Surpris, le détective hocha la tête avant de rentrer, pressé d'interroger Drago sur cette remarque étrange.

Drago fulminait presque lorsqu'il avoua qu'il ne savait absolument pas de quoi sa mère parlait. Après une soirée à se poser des questions et à faire des suppositions inutiles, incapables de se concentrer sur leurs dossiers en cours ou même sur la stratégie à adopter pour calmer l'allée des embrumes, ils finirent par aller se coucher.
En voyant son compagnon tendu et agacé, Harry l'enlaça, le serrant dans ses bras sans un mot, caressant son dos brûlant jusqu'à ce qu'il finisse par se détendre. Oubliant la gazette et Lucius Malefoy, ils s'endormirent enfin, tendrement enlacés.

Harry n'avait jamais été du matin. Il lui fallait un temps fou pour se réveiller correctement et Drago n'avait aucuns scrupules à se moquer de lui allégrement lui qui était parfaitement opérationnel à peine les yeux ouverts.

Lorsque la Gazette arriva cependant, le jeune homme brun se redressa subitement, la décharge d'adrénaline qui parcourut son corps le réveillant bien plus efficacement que le café ou le thé. Il s'empara du journal et commença à le lire, ligne à ligne, le front plissé, Drago penché au dessus de son épaule.

Ils étaient presque à la fin quand le blond grogna et eut un mouvement d'humeur.
- C'est des conneries. Il n'y a rien.

Harry cependant, resta concentré sur sa lecture avant de reposer le journal, avec un petit sourire satisfait.
- Visiblement, ton père a une idée.
Drago se pencha et Harry lui montra un bref entrefilet, à peine deux lignes, perdu au milieu du reste.
- Une réunion de quartier ? Qu'est-ce qui te fait dire que c'est une idée de mon père ?
- Depuis quand l'allée des Embrumes organise-t-elle des réunions de quartier ? Il y a une telle pagaille là-bas… Ça serait bien la première fois depuis la fin de la guerre, et pile au moment où ton père est libéré.

Le blond renifla et secoua la tête.
- Shakelbolt va être furieux. Il va penser qu'il prépare un mauvais coup…
Harry ricana, moqueur.
- Parce que tu penses réellement qu'il va éplucher la Gazette et comprendre d'où ça vient ? Sans l'avertissement de ta mère je n'y aurais pas fait attention. Et je n'aurais pas fait le rapprochement.

Drago pinça les lèvres, mais lorsque Harry se prépara à aller au Manoir, il le suivit sans un mot. Ils arrivèrent ensemble, Drago enlaçant la taille de Harry pour l'empêcher de trébucher à l'arrivée comme à son habitude.
Face à son compagnon, le grand Harry Potter - célébrité et héros qui était incapable d'utiliser les moyens de transport sorcier sans vaciller à l'arrivée - Drago laissa échapper un gloussement tendre et attrapa sa nuque pour l'embrasser doucement.
Il sentit Harry sourire dans leur baiser et il s'écarta doucement, pour plonger dans le regard vert qu'il aimait tant. Après un instant de silence et de complicité parfaite, ils se tournèrent pour avancer et se figèrent, tombant face à Lucius qui les observait d'un air impassible.

Harry sentit ses joues s'échauffer, d'autant plus quand Drago raffermit son étreinte, avec un regard de défi en direction de son père.

Harry soupira légèrement, se laissant aller contre son partenaire, et prit la parole le premier - après tout il était le Gryffondor.
- Lucius.

Lucius plissa les yeux, tenant fermement sa canne en main, et Harry se demanda si l'homme allait oser leur jeter un sort. Cependant après un long silence gênant, il hocha sèchement la tête, de façon un peu saccadée.
- Potter. Drago.

Harry hocha la tête, essayant de ne pas montrer qu'il était mal à l'aise.
- Nous avons lu la Gazette ce matin.

Lucius se détendit soudainement et un sourire rusé apparut sur son visage.
- Et ?
- J'attends de voir les résultats.
L'homme pinça les lèvres, avant de se redresser.
- Vous êtes cordialement invités à cette petite réunion. Après tout, votre présence ne fera que… Et bien officialiser les choses je suppose.

Sans attendre de réponse, l'aristocrate hocha sèchement la tête une fois de plus en signe de salut - évitant soigneusement de croiser le regard de son fils - et tourna les talons, quittant les lieux à pas pressés.
Harry fronça le nez, songeur.
- Et bien… ça aurait pu être pire ?
L'air indifférent, Drago marmonna.
- Il s'y fera… Ce n'est pas comme s'il avait le choix après tout.

Le brun le suivit alors qu'il s'enfonçait dans les profondeurs du Manoir, à la recherche de sa mère.

Comme à son habitude, Narcissa les accueillit avec chaleur, et ils passèrent un moment agréable à discuter autour d'une tasse de thé. Si autrefois Harry la trouvait froide et hautaine, il nota son regard plein d'une chaleur toute maternelle sur son fils. Visiblement la guerre avait changé bien des choses… ou elle cessait de masquer ses sentiments devant lui.

*

Après leur visite quotidienne au Manoir, Harry avait hésité à passer voir Ron pour lui parler de la situation. Cependant, il était certain que son ami serait horrifié à l'idée de Lucius tenant un meeting dans la zone la plus instable du monde magique, surtout après l'emprise qu'il avait eu autrefois sur le Ministère.
Ce que Ron ignorait ne pouvait pas lui nuire, aussi il préféra se plonger dans les dossiers qu'ils avaient légèrement mis de côté avec les derniers évènements. Cambriolages, ou disparition soudaine d'un sorcier.

Après plusieurs heures de travail en compagnie de Drago, ils avaient pu envoyer leurs conclusions à leurs clients pour plusieurs affaires, satisfaits.

Lorsqu'il fut l'heure de se préparer, Drago devint nerveux, allant et venant, bien loin de l'image de maîtrise de lui qu'il affichait habituellement. Harry l'intercepta et le prit contre lui, sans un mot. Juste pour lui montrer sa présence, pour lui prouver qu'il n'était plus seul. Ils n'avaient pas besoin de longues conversations pour se comprendre la plupart du temps, et le jeune homme se calma rapidement, se laissant aller sans honte dans les bras du brun.
Habillés comme à leur habitude de vêtements sombres, ils se fixèrent longuement avant d'entrelacer leurs doigts pour transplaner. Direction l'allée des Embrumes.

De jour, l'allée des Embrumes était sombre et inquiétante. Il y flottait en permanence une odeur désagréable, comme si quelque chose se décomposait dans un coin - et Harry n'aurait pas été surpris de trouver des corps sans vie abandonnés là. Les personnes qui y circulaient avaient en général un but précis, et des intentions bien peu louables. Ce n'était pas le genre d'endroit où il était possible de flâner tranquillement, les boutiques crasseuses ne faisaient rien pour attirer le chaland. La foule qui s'y pressait pourtant était crasseuse, n'hésitait pas à dévaliser le pauvre sorcier qui se serait égaré dans le coin, et la plupart du temps n'avait rien à perdre.

A la nuit tombante, c'était un véritable coupe-gorge.
Le peu de normalité qu'il pouvait y avoir le jour disparaissait, et aucun sorcier sain d'esprit n'oserait s'y aventurer sans une solide raison. Même ceux qui y vivaient se tenaient sur leurs gardes. La nuit, les créatures habituellement rejetées par le monde magique sortaient et hantaient les lieux à la recherche d'une proie.

Cependant, même si le soir tombait, Harry et Drago avancèrent sans aucune hésitation et sans même songer à se dissimuler.
Ce n'était pas de l'inconscience. Après tout, ils étaient connus en cet endroit. Ils s'étaient forgé une réputation en tant qu'Aurors, puis en tant que détectives.
Les habitants du lieu savaient qu'ils traitaient tous les cas avec la même impartialité que la victime soit un riche sorcier ou un pauvre hère de l'allée des Embrumes. Ça leur offrait une certaine immunité, la certitude qu'ils seraient respectés.

Ils connaissaient suffisamment de monde en ce lieu de désolation pour s'y déplacer sans crainte, et ils étaient conscients de leur puissance. Isolés, ils étaient de bons duellistes, mais une fois ensemble, ils se complétaient parfaitement. Les quelques inconscients qui avaient tenté de profiter de la situation s'étaient vite rendus compte qu'ils étaient des adversaires de taille.

Bien évidemment, pour sa petite prestation, Lucius avait choisi un lieu emblématique : juste devant Barjow et Beurk, la boutique dorénavant fermée. Il y avait déjà du monde, des petits groupes isolés, qui murmuraient en se jetant des regards suspicieux.

L'arrivée des deux détectives entraîna un lourd silence, d'autant plus quand les deux jeunes hommes s'installèrent à l'écart, bras croisés, attendant visiblement. Ils affichaient un calme qu'ils étaient loin de ressentir, mais ça suffisait pour prouver qu'ils avaient été invités et qu'ils savaient ce qui allait se passer.

Ils ignorèrent les coups d'oeil pleins de questions, sans montrer le moindre sentiment, observant distraitement les nouveaux arrivants. Si certains hésitaient en voyant Harry Potter en personne, ils finissaient cependant par s'installer, curieux de savoir ce qui se préparait.

A l'approche de l'heure annoncée dans la Gazette, Harry se redressa légèrement, attentif. Drago laissa échapper un ricanement moqueur et souffla discrètement.
- Ne sois pas si impatient. Mon père aime soigner ses entrées. Il va faire en sorte que toute l'attention soit fixée sur sa personne.

Et effectivement, Lucius arriva au dernier moment, à grands pas. Royal, tête haute, sa canne à la main, il avait visiblement sorti ses vêtements d'apparat, plutôt incongrus en cet endroit misérable. Mais il avait l'air de l'ancien Lucius Malefoy, connu pour sa richesse et sa puissance - autant politique que magique.
Il se posta devant l'entrée de la boutique, se plaçant en hauteur sur la marche devant l'entrée. Une façon très peu subtile de montrer qu'il était supérieur à la plèbe malgré son passage à Azkaban.

Tous les yeux étaient tournés vers Lucius et Harry sortit directement sa baguette, la plaquant contre lui, dissimulée dans les plis de sa cape, prêt à intervenir au moindre problème. L'aristocrate planta sa canne dans le sol devant lui, les deux mains sur le pommeau sculpté et fixa de ses yeux clairs son public avant de prendre la parole avec un rictus satisfait.