Drago avait observé Harry apprivoiser la petite, admirant la facilité du brun à communiquer avec l'enfant. La gamine leva les yeux vers le jeune homme et prit sa main, avec confiance. Elle jeta un regard en coin en direction de Narcissa, comme si elle attendait l'autorisation et le léger hochement de tête de la femme la rassura.
Avec un sourire amusé, le blond les entraîna dans les profondeurs du manoir, sans jeter le moindre regard en direction de son père. Harry attrapa la petite dans ses bras, pour la caler sur sa hanche, la faisant glousser. Il avait de l'expérience avec son filleul, le petit Teddy, après tout.
Malgré leurs nombreuses visites, Harry n'avait jamais complètement visité le manoir, et il n'avait jamais vu la chambre d'enfant de Drago. Aussi, il regardait autour de lui avec autant de curiosité de la petite et il émit un rire amusé en entrant dans la chambre.
Elle était peinte en bleu pâle, formant un cocon agréable, apaisant.
— J'imaginais la chambre du parfait Serpentard, toute en vert et argent.
Drago roula des yeux et secoua la tête, avec un sourire moqueur.
— Abruti.
Harry tourna sur lui-même, faisant rire l'enfant, avant de hocher la tête.
— C'est une belle chambre. Elle te plaît, ma jolie ?
La petite écarquilla les yeux, et Drago sourit en hochant la tête.
— Elle est pour toi si tu veux. Tant que tu es d'accord pour rester ici, tu peux l'utiliser. Tu en penses quoi ?
Elle hocha la tête, avec une pointe d'incrédulité et Harry la déposa au sol, pour la laisser explorer. Mais elle resta immobile n'osant rien toucher.
Drago lui fit signe de s'approcher et ouvrit un placard, dévoilant une impressionnante collection de petites figurines.
— Regarde, c'était à moi quand j'étais petit. Tu aimerais jouer avec ?
Harry, curieux, s'empara d'un jouet, l'examinant avec attention.
— Ça représente quoi ? C'est amusant !
— Ce sont juste des figurines de sorciers. Il en existe des tas de modèles…
Le brun sourit, en tendant le jouet à la petite.
— Oh ! ça existe chez les moldus aussi ! J'ai vu ça en cherchant un cadeau pour Teddy. Je ne savais pas que ça existait en version sorcière…
— Et bien, ce ne sont pas des jouets magiques, comme les pièces d'échecs par exemple. Mais, je me souviens que j'aimais beaucoup y jouer.
Harry sourit largement, apparemment heureux d'apprendre quelque chose sur l'enfance de son compagnon. Il prit une autre figurine qu'il examina avec autant de curiosité que la première et il hocha la tête.
— Rappelle-moi d'en acheter quand le bébé de Ron et Hermione sera né ! C'est tellement adorable !
Drago ricana.
— À l'heure d'aujourd'hui, il doit en exister à ton effigie…
Harry eut l'air à la fois horrifié et amusé à la fois. Il fit une grimace et la petite éclata de rire avant de plaquer ses mains sur sa bouche.
Harry lui adressa un clin d'œil pour la détendre, sans réagir à sa réaction instinctive de crainte. Drago, lui, se détourna pour cacher son choc. Il ferma les yeux, avant d'ouvrir une armoire, furetant dans son ancienne chambre, à la recherche du passé.
— Ça fait tellement longtemps que je n'étais pas entré ici ! Quand je suis entré à Poudlard, j'ai eu droit à une chambre d'adolescent, un peu plus loin de celle de mes parents… Ma mère ne voulait pas changer la décoration ici, alors… j'ai juste déménagé.
Harry ricana.
— Deux chambres pour toi ? Je comprends pourquoi tu étais si sûr de toi à Poudlard…
Drago fronça le nez et extirpa une pile de livres de l'armoire. Il se tourna vers l'enfant, avec un sourire.
— Tu ne dois pas encore savoir lire, hein ? Mais ceux-là, ils ont de belles images. Tu vois ? Et je suis certaine que mère pourra te les lire si tu veux.
Une grosse larme roula sur la joue de la petite et elle se jeta contre Drago pour enlacer ses jambes. Un peu pris au dépourvu, il lui caressa la tête maladroitement avant de se baisser pour la prendre dans ses bras comme Harry l'avait fait un peu plus tôt.
Le sourire de Harry le toucha en plein cœur, et il inspira profondément, se sentant soudain parfaitement bien.
Ils retournèrent dans le salon, la petite agrippée à Drago, la tête posée sur son épaule, la figurine donnée par les deux garçons serrée dans sa main comme si c'était un trésor. Harry se tenait près d'eux, tout contre Drago, le couvant du regard. Narcissa eut un sourire ému en les voyant arriver, dévisageant son fils avec une affection sincère, de toute évidence fière du jeune homme qu'il était devenu.
Lucius était installé près de son épouse, l'air sombre, mais en le voyant la gamine se précipita vers lui et l'aristocrate eut un sourire attendri avant de l'attraper pour l'installer sur ses genoux.
Sans s'éloigner de Drago, Harry s'adressa à Narcissa, doucement.
— Prévenez-nous si elle parle, ou si vous apprenez son nom.
Drago approcha pour embrasser sa mère, ignorant totalement son père, et Harry salua le couple avant de suivre Drago en direction de la cheminée. Juste avant de suivre Drago, il se retourna brièvement pour voir la petite somnoler sur les genoux de Lucius, tandis que les époux Malefoy avaient une discussion visiblement animée, bien que chuchotée, s'il se fiait aux gestes agacés de Narcissa.
En arrivant chez eux, Harry s'étira, surveillant du coin de l'œil son compagnon, comme pour s'assurer qu'il allait bien. Puis, décidant visiblement qu'ils avaient l'un et l'autre besoin d'un peu d'action, il lui adressa un sourire malicieux.
— Ça te dit de partir à la recherche de ce fameux Peter Pan ?
Drago grogna un assentiment, et ils quittèrent leur appartement à grands pas, avant de transplaner pour l'allée des Embrumes.
Ils s'attendaient à une chasse à l'homme presque. À devoir écumer les bas-fonds du monde magique, jusqu'à débusquer un sombre personnage, vicieux et mauvais. Cependant, ils n'eurent qu'une ou deux questions à poser avant d'avoir l'emplacement de son repaire.
Ils échangèrent un regard surpris, et s'y rendirent immédiatement, sur leurs gardes.
Ignorant ce qu'ils allaient trouver, ils avaient pris toutes les précautions. Ils avaient envisagé beaucoup de possibilités, mais ils restèrent muets de stupeur en trouvant enfin Peter Pan et ses enfants perdus.
Peter Pan n'était pas un criminel endurci exploitant de pauvres gosses. Loin de là. Il était autant un enfant que les autres, probablement d'une quinzaine d'années. Il était le plus vieux de la petite bande et visiblement leur chef incontesté.
Ils avaient imaginé quelqu'un forçant les enfants abandonnés à mendier, mais finalement il était un genre de protecteur. Il les organisait, s'assurait de les envoyer là où ils risquaient le moins d'être blessés.
Lorsqu'ils entrèrent dans l'amas de tôles rouillées qui formaient un abri précaire — deux hommes habillés en sombre, baguettes à la main, prêts à se battre — les gosses s'éparpillèrent comme une nuée de moineaux avant de tous se réfugier derrière le plus vieux d'entre eux. Peter Pan.
Drago cligna des yeux visiblement perplexe, mais Harry rangea sa baguette tranquillement, comprenant immédiatement la situation. Il fit signe à son compagnon de se détendre, et leva les mains en signe de paix.
— Peter Pan, je suppose ?
Méfiant et les sourcils froncés, le gamin hocha sèchement la tête.
— Qui le demande ?
Harry eut un sourire tranquille.
— Harry Potter et Drago Malefoy. Détectives.
Le gosse eut un mouvement de recul, mais Drago intervint tranquillement.
— Nous ne sommes pas Aurors. On veut juste poser quelques questions.
Harry reprit doucement.
— On a trouvé une petite fille après l'explosion qui a eu lieu. On nous a dit que tu la connaissais.
Les deux hommes sentirent une vague de magie incontrôlée venant de garçon, et ils échangèrent un regard entendu. Celui qui se faisait appeler Peter Pan grogna, furieux.
— Où est-elle ? Où est Hope ?
- Hope ? Elle s'appelle comme ça ?
Le jeune garçon haussa les épaules.
— Elle parle pas, alors on lui a donné ce nom. Mais on la cherche partout.
Drago répondit calmement.
— Hope va bien. On l'a confié à une famille qui prendra soin d'elle pour l'instant. Vous pourrez aller la voir d'ailleurs, je suis certain que ça ne posera pas le moindre problème.
Harry lui jeta un bref coup d'œil perplexe.
— Drago ?
Mais le blond eut un sourire malicieux.
— Disons que je viens de trouver ce que mon père va devoir faire pour se faire pardonner de ses erreurs.
Ils dénombrèrent onze gosses, Peter Pan compris. Une fois certains qu'ils ne risquaient rien, les plus jeunes s'approchèrent, curieux. Harry lança un coup d'œil au blond, qui lui fit un discret signe de tête. Puis, il transplana, laissant Drago seul. Ce dernier s'employa à rassurer Peter Pan, avec une patience qu'il n'imaginait pas avoir.
— Tu ne risques rien, nous ne sommes pas là pour te poser des problèmes. Je suppose que ton vrai nom n'est pas Peter Pan ?
Le gamin haussa les épaules, d'un air boudeur.
— Non. Avant j'm'appelais David.
— David comment ?
— Je sais pas. J'étais trop petit pour m'en rappeler encore. Plus jeune que Hope encore.
— Et comment tu t'es retrouvé ici ?
Agacé, l'adolescent plissa le nez.
— Il est parti où votre copain ?
Drago ricana, amusé.
— Il va revenir. Ne t'en fais pas. C'est un Gryffondor, alors il est un peu imprévisible…
— Gryffondor ?
Drago soupira et se frotta le visage.
— Tu n'as jamais été à l'école, hein ?
— Celui qui s'occupait d'nous avant, il nous a appris un peu à lire et à écrire, mais depuis qu'il est mort pendant la guerre…
— C'est toi qui as pris le relais, pas vrai ?
Le blond avait parlé avec une voix inhabituellement douce chez lui. Il était sous le choc, et il se demandait combien d'enfants magiques avaient grandi ainsi, dans les rues, se débrouillant comme ils le pouvaient pour survivre. L'adolescent haussa les épaules, sans sembler perturber plus que ça. Il avait dû en voir suffisamment dans sa vie pour s'adapter à tout…
— Chez nous l'chef, il s'appelle toujours Peter Pan.
Ce fut l'instant que choisit Harry pour réapparaître dans un craquement sonore, souriant jusqu'aux oreilles, ce qui le faisait paraître bien plus jeune qu'il ne l'était. Il avait les bras chargés de douceurs, brioches, muffins, et même des viennoiseries françaises qu'il avait découvertes par le biais de Drago.
Son compagnon roula des yeux, mais il ne put s'empêcher de sourire tendrement, fasciné. Leurs regards s'accrochèrent un bref instant, suffisamment pour qu'ils comprennent qu'ils étaient sur la même longueur d'onde tous les deux. Qu'ils avaient la même idée…
Ils distribuèrent la nourriture, et les petits s'empressèrent de manger, les yeux pleins d'étoiles. Peter Pan — anciennement David — hésita, méfiant, mais finit par se servir, visiblement trop affamé pour résister très longtemps.
Les détectives notèrent rapidement que l'adolescent surveillait de près les enfants qui gravitaient autour de lui, s'assurant qu'ils aient tous à manger. Harry s'approcha doucement.
— Et si on vous proposait de vous trouver un endroit où vous pourriez vivre en sécurité, au chaud et avec de la nourriture ? Un endroit où des adultes seraient là pour vous aider ?
Le gamin se mordilla la lèvre, hésitant visiblement à croire ces deux hommes arrivés de nulle part.
— C'est là qu'elle est, Hope ?
Drago secoua la tête.
— Elle est chez mes parents. Lors de l'explosion qui a eu lieu au bout de la rue, mon père l'a… sauvée en empêchant qu'elle soit écrasée sous les décombres. Et comme personne ne s'inquiétait d'elle, il l'a amenée chez lui pour qu'elle soit soignée, nourrie.
Cette fois, une lueur d'envie passa dans les yeux du gosse, tordant le cœur de Harry. Il le comprenait mieux que personne, mais il ne savait pas comment l'aider. Les autres enfants étaient encore assez jeunes pour reprendre une vie normale, aller à l'école et avoir confiance en les adultes qui les entouraient, mais ce gamin qui avait endossé tant de responsabilités et qui n'avait jamais été scolarisé resterait probablement toute sa vie extrêmement méfiant…
— C'est bien. C'est une chouette gamine, vous savez. J'l'ai trouvé dans une poubelle, elle devait pas avoir un an. Elle a jamais su parler, on s'est toujours demandé pourquoi, mais… ici personne ne s'occupe d'aller voir les docteurs.
Drago jura brusquement, alors que ses poings se crispaient.
— Merde ! On ne peut pas vous laisser là comme ça ! Ce n'est pas possible !
Harry lui posa une main sur l'épaule pour le calmer, surtout en voyant le mouvement de recul de Peter Pan. Pour ne plus effrayer ces gosses traumatisés, le blond se dégagea brusquement et s'éloigna, quittant l'abri précaire pour faire quelques pas dans l'allée des Embrumes les poings serrés.
Tranquillement, Harry s'assit sur le sol poussiéreux et invita d'un geste les enfants à l'imiter.
