Tous les plus jeunes prirent place autour de l'homme qui leur avaient amené de la nourriture — et quelle nourriture ! Ils n'avaient jamais rien mangé de si bon, en si grandes quantités ! —, mais Peter Pan eut un mouvement de recul, son regard allant de Harry apparemment inoffensif à Drago qui allait et venait d'un air agacé, les poings serrés, un peu plus loin.
Harry haussa les épaules, sans le quitter du regard, parlant tranquillement.
— Il est un peu perturbé par votre situation. Il pensait que tous les enfants… étaient à l'abri.
Les sourcils de Peter se froncèrent un peu plus, et Harry soupira.
— Je lui ai avoué que j'aurais pu être l'un d'entre vous. Quand j'étais enfant, ma famille moldue ne voulait pas vraiment de moi et… s'ils n'avaient pas été contraints de m'héberger, ma vie aurait été très différente.
Curieux, le gamin s'installa, à bonne distance, mais toujours tendu, avide de savoir ce que l'homme allait dire.
— Drago, lui, il est né dans une famille très riche. Il a vécu dans un immense Manoir et il… Et bien, il a toujours eu ce qu'il voulait. Il n'avait jamais pensé que des enfants puissent être dans cette situation.
Un petit rouquin couvert de taches de rousseur — il aurait pu se fondre dans la famille Weasley sans le moindre mal-, les cheveux ternis par la crasse, âgé d'une dizaine d'années tout au plus, osa prendre la parole, l'air effronté.
— C'est pour ça qu'il est en colère contre nous ?
Harry gloussa doucement, avant de jeter un nouveau coup d'œil à Drago, sans pouvoir retenir un sourire tendre. Puis il secoua la tête doucement.
— Il n'est pas en colère contre vous. Juste contre ceux qui vous ont abandonné. Il est en train de chercher une solution pour vous mettre à l'abri. Tous.
Peter grogna, l'envie se disputant avec la crainte.
— Si on veut pas ? Il s'pass'ra quoi ?
Le brun haussa les épaules, répondant calmement.
— Et bien, ce n'est pas une obligation bien évidemment, mais ça serait bien plus confortable. Vous pourriez aller à l'école par exemple. Vous auriez à manger chaque jour, en quantité suffisante. Des lits confortables. Vous seriez au chaud.
L'adolescent plissa les yeux, méfiant.
— Et on devra faire quoi pour ça ?
Harry fixa le jeune homme dans les yeux, pour lui montrer sa sincérité.
— Rien du tout. Juste grandir tranquillement, apprendre pour avoir un métier quand vous serez grand.
Les plus petits n'avaient pas forcément tout compris des promesses de Harry, hormis que leurs vies allaient changer. Ils étaient surexcités, les yeux brillants, rêvant depuis toujours de cette vie idéale.
Peter finit par hocher la tête l'air résigné. Il se renferma sur lui-même, pensif, et il n'avait pas dit un mot lorsque Drago revint, calmé, mais déterminé.
— Potter. Hors de question de les laisser une nuit de plus ici. Il y a de la place au Manoir, pour parer au plus urgent en attendant de se retourner. Les elfes pourront aider ma mère, et… au pire, on prendra le temps de les aider nous aussi.
Harry eut un sourire en hochant la tête, dévisageant Drago.
— Parfait. Tu devrais aller prévenir tes parents qu'ils commencent à préparer non ? Je peux rester ici, avec eux. Quand tu reviendras, on créera un portoloin pour emmener tout ce petit monde…
Le blond hésita, prêt à protester. Harry était peut-être puissant, mais s'il y avait une attaque alors qu'il était entouré d'enfants, il était certain qu'il ne reculerait devant rien pour protéger les petits.
Cependant, un léger signe de tête en direction de l'adolescent maussade lui fit comprendre que Harry voulait lui parler, et il capitula, bien décidé à ne pas traîner lorsqu'il serait au Manoir.
Il se pencha pour déposer un baiser tendre sur les lèvres du brun, passant la main dans ses cheveux, puis il murmura tout contre son oreille, le faisant frissonner.
— Soit prudent Potter.
Harry eut un rire amusé, et lui fit un clin d'œil moqueur.
— Comme toujours.
Drago transplana, et connaissant le blond, Harry attaqua immédiatement, certain qu'il reviendrait aussi vite que possible.
— Tu ne sembles pas spécialement ravi de notre intervention, Peter.
Le gamin lui lança un regard empli de colère et haussa sèchement les épaules.
— Bien sûr que si. C'est bien que tout le monde soit à l'abri. Mais quand vous en aurez assez de vous occuper d'un groupe d'enfants miséreux, vous allez faire quoi ?
— Je ne suis pas du genre à renoncer, et nous ferons en sorte que vous soyez à l'abri jusqu'à ce que vous soyez en âge de trouver un bon métier. Nous n'allons jeter personne à la rue, ni maintenant ni plus tard.
L'adolescent renifla, à moitié convaincu. Harry se pencha vers lui, les yeux brillants.
— Et si tu me disais ce qui ne va vraiment pas ?
Finalement, le gamin détourna la tête, essayant de paraître indifférent.
— C'est juste… les p'tits vont me manquer. J'ai l'habitude de m'occuper d'eux…
Harry fronça les sourcils, perplexe.
— Tu ne vas pas être séparé d'eux, si c'est ce qui t'inquiète.
L'adolescent laissa échapper un ricanement mauvais, crispé, prêt à détaler à toutes jambes au vu de ses muscles contractés.
— Oh, j'suis pas stupide même si j'ai jamais été à l'école ! J'sais que j'suis bien trop vieux pour apprendre tous vos trucs !
Harry resta silencieux un long moment puis il souffla doucement.
— Tu n'es pas trop vieux pour apprendre, Peter. Et tu n'es certainement pas trop vieux pour que quelqu'un prenne soin de toi. Je ne peux pas te dire exactement ce qui va se passer, parce que je ne sais pas moi-même comment nous allons nous organiser. Cependant, je peux te faire une promesse, c'est de ne pas t'abandonner.
Harry lui tendit doucement la main, et l'adolescent le fixa l'air méfiant, essayant visiblement de déterminer s'il était sincère ou non. Il sembla soudain s'affaisser sur lui-même, alors qu'il se laissait un peu aller, et il attrapa la main tendue alors que des larmes perlaient à ses paupières.
Il les essuya de sa manche d'un air rageur, agrippé à la main de Harry et se laissa attirer dans une étreinte telle qu'il n'en avait jamais connu de sa vie…
Lorsque Drago revint, accompagné de son père, il ne fut pas vraiment surpris de voir que Harry avait le bras passé sur les épaules de Peter, le serrant contre lui comme pour le rassurer, et qu'il était penché vers une fillette minuscule, brune aux yeux noirs comme le charbon, qui lui racontait quelque chose avec animation en faisant de grands gestes.
Il prit un instant pour observer son compagnon, pensant une fois de plus qu'il avait de la chance de l'avoir dans sa vie, et qu'il ne laisserait personne les séparer…
Puisqu'ils étaient encore en froid, Lucius ne fit pas la moindre réflexion et regarda autour de lui, évitant la direction où se tenait Potter et le groupe de gamins en guenilles.
Il s'était peut-être attaché à la gamine qu'il avait sauvée — il ne parvenait même pas à comprendre lui-même pourquoi — mais il n'avait jamais aimé les enfants. En tout cas, pas au point d'en vouloir une ribambelle. Un seul héritier lui suffisait, merci bien.
Lorsque son fils était revenu pour annoncer qu'ils avaient trouvé une troupe de gamins des rues livrés à eux-mêmes et qu'il avait suggéré qu'ils soient hébergés au Manoir le temps de trouver une solution, il était prêt à refuser et à incendier Drago pour ses idées stupides — probablement dues à la fréquentation de Potter.
Cependant, Narcissa avait immédiatement accepté sans le consulter, visiblement ravie d'avoir une occupation. Et loin de s'en contenter, Drago avait ajouté que ce serait la façon parfaite de redorer son image, en prenant soin des gosses abandonnés de l'allée des Embrumes.
Avant même de comprendre ce qui se passait, il avait été invité à suivre son fils pour l'aider à rapatrier les petits va-nus-pieds pendant que sa tendre moitié s'affairait à préparer quelques chambres pour qu'ils puissent y dormir.
Avec une grimace écoeurée en regardant autour de lui, Lucius songea qu'il préférait de toute façon une troupe d'enfants à des adultes.
Il laissa son fils aller chercher les mioches tandis qu'il restait au milieu de l'allée, la canne fermement plantée dans le sol, essayant de ne pas détailler la misère et la crasse qui l'entourait.
Drago se doutait de ce que son père pensait, mais il se moquait bien de savoir si son idée lui plaisait ou non.
Autrefois, Lucius Malefoy avait profité d'un gamin maltraité, il avait essayé de le tuer à plusieurs reprises. Prendre soin d'enfants serait un juste retour des choses, puisque Harry avait décidé de jouer les bons samaritains et de le laisser sortir de prison malgré ses crimes.
Il le laissa sur place et retourna près de Harry dans l'abri de tôle des enfants, souriant.
— Prêt à quitter cet endroit ?
Les enfants se levèrent tous, les plus jeunes suivant juste le mouvement, gagnés par l'excitation de leurs aînés. Harry se leva et tendit la main à Peter, pour l'aider à se relever à son tour. Il attira l'adolescent dans une étreinte ferme et Drago ne put s'empêcher d'avancer et de poser une main sur l'épaule de Harry pour lui montrer son soutien. Il ne savait pas trop ce qui s'était produit entre le gosse et lui, mais visiblement son Sauveur de compagnon avait encore accompli des miracles.
Il y eut un instant de confusion, où tout le monde tournait en rond, les trois adultes hésitant visiblement sur la façon la plus sûre de transporter un grand nombre d'enfants sans en perdre en route.
Peter eut un petit sourire en coin et rassembla efficacement les enfants, formant des binômes : les plus vieux étaient en charge des plus jeunes.
Drago hocha la tête d'un air satisfait.
— Bien joué.
Lucius avança d'un pas conquérant, mais il ne put pas vraiment ignorer le groupe d'enfants qui le fixait, fasciné par cet homme imposant. Il retint un grognement — s'il effrayait les enfants et provoquait une catastrophe, sa douce épouse risquait de le lui faire amèrement regretter — et métamorphosa une longue corde effilochée qui traînait dans un coin en portoloin.
Harry expliqua avec douceur aux enfants de tous agripper le portoloin et chaque adulte fit en sorte de se placer près des plus jeunes.
Bien que les enfants paraissent familiers avec le concept, le brun était plutôt nerveux avec autant de jeunes enfants sous sa responsabilité.
Ils arrivèrent dans le salon du Manoir sans le moindre incident, et les gamins, impressionnés par le décor luxueux, se regroupèrent les uns contre les autres, inquiets, les yeux écarquillés.
Narcissa cligna des yeux face au spectacle de ces enfants malheureux, sales et dépenaillés et resta de marbre, mais Harry pouvait lire la détermination de s'en occuper dans ses prunelles claires.
La petite que Lucius avait ramenée, Hope d'après Peter, laissa échapper un cri de joie en les voyant et se jeta dans les bras de Peter, un large sourire aux lèvres, ravie de voir son protecteur près d'elle.
En la voyant propre et vêtue de vêtements coûteux, les joues roses, ses cheveux joliment nattés, et visiblement à l'aise malgré sa timidité naturelle, Peter se détendit pour de bon et lança un regard plein de gratitude aux deux détectives qui avaient fait irruption dans leur petit univers. Les larmes aux yeux, il murmura un remerciement étranglé pour avoir pris soin de Hope.
Drago haussa les épaules, un peu gêné, et lui proposa de le conduire en premier à la salle de bain pour une bonne douche chaude, puisqu'il était le plus vieux et donc totalement autonome. Peter hocha la tête, intimidé, mais il se laissa entraîner par Drago.
Pendant que Harry restait près des enfants, pour les rassurer et répondre au mieux à leurs questions, Narcissa ordonnait à ses elfes de trouver des vêtements propres pour tout le monde. Puis, elle vint rejoindre Harry avec un sourire.
— Les elfes ont transformé plusieurs chambres d'invités en un grand dortoir, nous verrons comment les enfants veulent s'organiser, mais nous avons supposé qu'ils seraient plus… détendus de ne pas être séparés.
— Merci Narcissa.
Elle eut un vague geste négligent, comme si ce n'était pas grand-chose.
— Peu importe, ces enfants seront à l'abri. Et au moins, ils pourront manger un peu. Je ferais venir le médicomage de la famille, il avait suivi Drago enfant…
Harry hocha la tête, les yeux dans le vague, ne voyant pas Lucius qui s'approchait tranquillement. Sans faire cas de son mari, Narcissa poursuivit.
— Il est évident qu'ils peuvent rester autant que nécessaire.
Harry eut un sourire de gratitude, mais il secoua lentement la tête.
— Drago a eu l'idée de les amener ici pour dépanner, dans l'urgence, mais je me doute que ce n'est pas agréable pour vous et votre époux d'être soudain envahi d'enfants inconnus. Dès que nous aurons trouvé qui ils sont, nous chercherons à leur trouver un vrai foyer ou au moins un endroit où grandir tranquillement.
Narcissa laissa échapper un rire cristallin.
— Nous sommes indécemment riches, Harry. Peut-être qu'il est temps de faire une bonne action ? Je serais ravie d'avoir des rires d'enfants autour de moi, même si je n'aurais jamais imaginé en avoir autant d'un coup !
Harry laissa échapper un rire amusé et se passa la main dans les cheveux en contemplant ce groupe d'enfants trop calmes, tous serrés les uns contre les autres, assis à même le sol comme s'ils craignaient de salir le mobilier.
— Je ne suis pas certain que Lucius soit d'accord avec votre idée.
La voix de l'homme s'éleva alors, derrière lui, le faisant sursauter.
— En fait monsieur Potter, je songeais justement à une petite solution pour votre problème tout en… aidant ces enfants. Bien évidemment, je devrais mentionner leur présence chez moi et ma grande générosité de les prendre en charge, mais ça me semble être un détail mineur.
