NB : Et voilà un nouveau chapitre! Merci à CarlaHG pour ta review, je suis contente que l'histoire te plaise! N'hésitez pas à laisser votre avis, c'est toujours agréable d'avoir des retours! Bonne lecture!
Chapitre 4 : Une revanche
Puisqu'ils en avaient terminé avec les entrainements, Maze avait décidé de passer sa dernière journée au Capitole enfermée dans sa chambre. Elle avait envie d'être tranquille et c'était un bon moyen d'éviter Polly et ses déclarations d'affection. Sérieusement. Depuis que les notes de tributs avaient été annoncées, Polly s'était découvert une profonde amitié pour Maze. Elle avait passé tout le dîner à clamer haut et fort qu'elle avait toujours su que Maze avait les capacités pour aller loin et que si elle s'était montrée désagréable avec elle, c'était afin de l'endurcir. La bouche pleine de hachis, Maze avait marmonné qu'elle aurait adoré avoir les capacités d'être loin d'elle. Maze avait ensuite voulu continuer en lui indiquant où elle pouvait mettre sa nouvelle affection envers sa personne mais un coup de pied décoché sous la table par sa Mentor l'avait fait taire. Elle avait jeté plusieurs regards en direction de Kenai et elle s'était sentie vaguement mal. Son regard était comme éteint, il n'avait rien avalé et personne ne lui prêtait attention. Ni Polly, ni Blight. Comme s'il n'existait déjà plus. Maze avait voulu lui parler mais Johanna avait hoché négativement la tête. Elle supposait qu'il passait la journée enfermé dans sa chambre également.
A midi, Johanna lui avait fait apporter un plateau et était restée manger avec elle. Elles ne parlèrent ni des Jeux, ni des Tributs. Johanna lui posa beaucoup de questions sur ses frères. Sûrement pour qu'elle n'oublie pas de se battre. Maze lui en fut reconnaissante. Il y avait de nombreuses questions qu'elle voulait poser à Johanna sur sa famille mais elle n'osait pas. Elle savait que Johanna ne répondrait pas.
Après s'être amusée à lancer et rattraper plusieurs fois une pomme, Maze se décida à croquer dedans.
« - Dans une heure, nous partirons, l'informa Johanna. Tu vas rejoindre ton équipe de préparation. Pour l'interview avec Caesar. »
Maze jura.
« - Hors de question que je me déguise à nouveau en arbre. Le ridicule va finir par me tuer avant les Jeux. »
Johanna eut un sourire.
« - Ne t'en fais pas pour ça. Octavius a subi quelques pressions pour réaliser une tenue moins banale.
- Des pressions ? de qui ?
- De moi, surtout. Et de Polly aussi, depuis hier. »
Maze leva les yeux au ciel.
« - Je sais que tu ne l'aimes pas, commenta-t-elle. Mais crois-moi, c'est une excellente chose de l'avoir avec nous. »
Maze ne savait pas si Johanna parlait de Polly ou d'Octavius mais l'un dans l'autre, elle n'eut pas l'air franchement convaincu.
« - Comment va se passer l'interview ?
- Comme à la Parade, le but est d'attirer les sponsors. Caesar va te poser beaucoup de questions. Sûrement des questions gênantes. Peu importe combien tu auras envie de l'envoyer balader, ne le fais pas. Domine-toi. Quand tu ne sais pas quoi répondre, contente-toi de sourire et il mettra ça sur le compte de la timidité.
- D'accord. Comment on fait, pour s'attirer la sympathie des sponsors ? »
Maze avait parfaitement conscience de ne pas être d'un abord facile. Elle ne souriait que rarement et elle avait une manière très brusque de s'adresser aux personnes, quand elle daignait leur parler.
« - Je ne sais pas, lâcha finalement Johanna. Je n'ai jamais réussi. »
Maze s'étrangla avec sa pomme.
« - Dis ce qu'ils veulent entendre, que tu adores le Capitole, marmonna sa Mentor. Que c'est tellement mieux que là d'où tu viens. Ne prétends pas te battre pour le Capitole, c'est la stratégie des Carrières et ils ont l'avantage. Caesar va sûrement te parler de tes frères. Et de ta sœur. Parle d'eux. Mais n'en fais pas trop, que tu n'aies pas l'air faible. »
Maze hocha la tête, bien qu'elle n'ait pas la moindre idée de comment elle allait se débrouiller.
« - Il va essayer de te faire dire tes points forts mais n'en dis pas trop. Il faut que tu gardes quelques atouts dans ta manche. Pareil s'il te parle de tes alliances. »
Johanna s'arrêta un moment, comme si elle vérifiait si elle avait tout raconté.
« - Ah ! Ne te censure pas trop. Réplique. Mais avec le sourire. Ca passera pour une plaisanterie et Caesar adorera ça. »
A nouveau, Maze hocha la tête. Répliquer, ça, elle savait faire. Avec le sourire, c'était une autre histoire.
« - Tu as trouvé quelque chose sur Xander ? demanda Maze doucement. Le tribut du District 12. »
La jeune fille s'était appliquée à ne rien laisser paraitre pourtant Johanna lui jeta un regard curieux.
« - Non, admit-elle. J'ai essayé de saouler son Mentor pour qu'il me parle mais il est resté muet. »
Elle avait l'air franchement mécontent Maze, elle, ne savait pas ce qu'elle éprouvait. Elle ne parvenait pas à se sentir soulagée et elle ne comprenait pas non plus pourquoi elle voulait se sentir soulagée. Ce n'était pas comme si Xander poursuivait un but différent des autres tributs. Il était là pour gagner. Simplement, il le cachait mieux.
Maze reposa sa pomme à moitié mangée. Elle n'avait plus faim.
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Comme lors de son arrivée au Capitole, ses préparatrices l'avaient assaillie dès qu'elle eut passé la porte. On avait mis à sa disposition une immense loge qui aurait pu servir de logement à une famille de six. Alyzia et Lucia l'avaient entrainée dans la salle de bain où elles avaient nettoyé, brossé, enduit de crème et rincé chaque millimètre de son corps. Quand ce fut fini, Maze avait l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur. Un rouleau compresseur bienfaiteur qui aurait rendu sa peau toute douce. Ensuite, Alyzia avait décidé de s'occuper de ses cheveux, se plaignant néanmoins qu'ils fussent trop courts pour des coiffures trop élaborées. Jamais Maze n'avait été plus ravie de sa décision de les raccourcir quelques semaines plus tôt. Une fois brossés et démêlés, ils lui arrivaient entre son menton et ses épaules. Maze ne s'était pas rendu compte qu'ils avaient autant poussés.
Après, Alyzia lui avait tendu une chemise bleue informe et elles avaient regagné la pièce principale où Octavius devait les rejoindre. Il y avait des divans, des fauteuils, un téléviseur, une table recouverte de petits gâteaux, une coiffeuse avec un immense miroir ainsi qu'un impressionnant attirail disposé un peu partout. Maze devait admettre n'avoir jamais vu la plupart de ces objets. Astrée, elle, préparait le maquillage comme un peintre préparerait sa palette. Maze avait le rôle de la toile vierge et même si elle avait été agréablement surprise du maquillage élaboré pour la Parade, elle n'était pas certaine d'apprécier ce rôle. Elle déplora l'absence de Johanna qui l'avait abandonnée à son sort en promettant d'arracher les vers du nez du mentor du District 12, qu'il le veuille ou non –sans l'avoir jamais vu, Maze doutait pourtant fortement qu'il se montre coopératif. Ses préparatrices ne lui parlaient pas vraiment, comme si elles n'imaginaient pas que Maze puisse les comprendre. Alors, elles se contentaient d'instructions ou de vagues commentaires. Lucia était la plus excitée. Elle avait répété plusieurs fois de sa voix perçante que Maze allait adorer sa robe mais quand Maze avait demandé des informations, Lucia avait refusé de répondre. Alors Maze était restée sceptique.
Les minutes passaient et Maze commençait à s'impatienter. L'interview devait commencer à dix-neuf heures et il était déjà dix-sept heures passées. Elle n'était pas pressée de devoir se déguiser mais elle commençait à frissonner, vêtue d'une simple chemise. Ses préparatrices avaient refusé de s'occuper de sa coiffure ou de son maquillage tant qu'Octavius ne serait pas là. Assise en tailleurs sur le divan, Maze attrapa un petit gâteau et l'avala au moment où la porte s'ouvrait. Polly entra et sembla sur le point de faire une remarque désobligeante à Maze sur ses manières avant de se souvenir qu'elle l'adorait.
« - Que tu… Que tu es propre ! » s'exclama finalement Polly au comble de la joie avant d'aller féliciter Alyzia, Lucia et Astrée pour leur dur travail.
Maze leva les yeux au ciel.
Finalement, Octavius arriva, trente minutes plus tard, un large sac sur l'épaule.
« - Et voilà ! » s'exclama-t-il, ravi, en montrant ledit sac.
Maze le regarda, perplexe. Elle espérait vivement que la robe soit à l'intérieur et que la robe ne soit pas ledit sac.
Devant le manque de réaction, Octavius sembla réaliser qu'il avait oublié quelque chose d'important et posa délicatement le sac sur un fauteuil avant de faire lentement glisser la fermeture éclair. Puis, il brandit la robe et l'agita sous les yeux de Maze.
« - Ta-da ! »
Quand il cessa enfin de s'agiter, Maze put voir la robe. Le vêtement étant d'un blanc éclatant, Maze ne vit tout d'abord pas le rapport avec son District.
« - Le papier, c'est blanc ! » expliqua Octavius avec un air supérieur.
Maze n'en dit rien mais fut persuadée que l'idée lui avait été fortement soufflée –ou aboyée- par Johanna. Un sentiment de gratitude l'envahit.
« - Lucia ! dit Octavius. Aide-la à la passer. »
La jeune femme s'empara de la robe de sa main droite et de Maze de sa main gauche et les entraina derrière un grand paravent.
Maze ôta sa chemise et leva les bras quand Lucia fit passer la robe par-dessus. Elle arrangea les plis et le jupon avant d'émettre un sifflement satisfait et de pousser Maze à l'extérieur du paravent. Maze aperçut son reflet dans le miroir et se figea.
« - Ce n'est pas… un peu trop décolleté ? » osa-t-elle murmurer néanmoins, constatant que la robe mettait sa poitrine un peu trop en valeur.
Pour toute réponse, Polly et ses préparatrices éclatèrent de rire alors qu'Octavius secouait la tête avec dépit.
« - Quand on a des atouts, on les montre. »
Maze jeta un regard peu convaincu à son reflet. Ses seins, des atouts ?
« - Tu dois te dire que cette robe est d'une affligeante simplicité, n'est-ce pas ? »
D'un côté, Maze ne pouvait lui donner tort : il était difficile de faire plus banal qu'une robe blanche à son avis mais de l'autre, elle avait tellement craint de se retrouver à nouveau déguisée en arbre que cette robe lui apparaissait tout bonnement magnifique. Si on exceptait le décolleté plongeant. La robe était longue, un peu trop même, mais Alyzia lui affirma qu'elle tomberait parfaitement une fois qu'elle aurait chaussé ses chaussures à talons.
Allons bon.
Lucia et Astrée l'aidèrent donc à enfiler des chaussures aussi immaculées que la robe et qui paraissaient aussi hautes qu'une échelle à Maze. Alyzia avait raison. La robe tombait à présent parfaitement. Maze avait l'impression qu'elle allait s'écrouler sur le sol au premier pas, mais apparemment, cela ne semblait gêner personne d'autre.
« - Ce n'est pas tout ! annonça Octavius. Cette robe est beaucoup plus belle qu'elle n'en a l'air. Tourne sur toi-même ! »
Maze hésita, non pas parce que l'ordre lui paraissait idiot mais plutôt parce qu'elle craignait de tomber. Finalement, elle s'exécuta.
Au fur et à mesure qu'elle tournait, la robe perdait sa blancheur. Des lignes se dessinaient et il fut bientôt évident qu'elles formaient des fleurs. Une multitude de fleurs était en train d'éclore sur sa robe, du moins c'était l'impression que cela donnait, et Maze ne put s'empêcher de trouver le spectacle ravissant.
Octavius avait l'air très fier de lui-même.
« - C'est un jeu avec les lumières et des dessins sur le jupon, expliqua-t-il sommairement en haussant les épaules. Ce sera encore plus éblouissant sur scène. »
Cette fois, Maze le crut.
« - Maintenant, les accessoires ! »
A nouveau, Maze fut soulagée car en guise d'accessoire, il se contenta de lui coudre deux broches en origami sur ses bretelles. Rien d'autre.
Ce fut quand Octavius voulut passer à la coiffure qu'ils eurent leur premier désaccord depuis la Parade.
Il brandissait une perruque bouclée sous le visage fermé de Maze, arguant que ça lui donnerait l'air plus féminin et était soutenu par les préparatrices qui hochaient frénétiquement la tête.
« - Essayez de me coller ça sur la tête et je jure de vous étrangler avec les boucles. » déclara simplement Maze en leur jetant un regard noir.
Contrairement à ce qu'elle pensait, cette menace fonctionna et Octavius reposa prestement la perruque. Cela avait sûrement à avoir avec la note que les Juges lui avaient attribuée ou alors ils avaient réalisé qu'elle venait de passer une semaine à s'entrainer à tuer.
Après plusieurs minutes de débat, Maze finit par accepter les extensions capillaires qu'Octavius lui proposait, à la condition que la coiffure finale soit le plus simple possible. Et qu'elle puisse se débarrasser desdites extensions dès l'interview finie. Comme promis, Octavius se contenta de lui boucler les cheveux légèrement et d'y accrocher deux origamis en forme d'oiseaux pour lui dégager le visage.
Maze se trouva jolie.
Polly s'essuyait les yeux. Apparemment, elle pleurait –bruyamment- d'émotion. Maze regrettait presque le temps où elle la détestait ouvertement.
Enfin, Octavius demanda à Astrée de s'occuper du maquillage. Maze lui fit confiance et se laissa faire, se contentant juste de se raidir à chaque fois qu'un instrument s'approchait un peu trop près de ses yeux.
Johanna pénétra dans la loge au moment où Astrée posait la touche finale et eut un sourire approbateur.
« - Pas mal, Octavius. Pas mal…
- Pas mal ? s'étouffa-t-il. C'est un chef d'œuvre ! »
Maze rejoignit Johanna et se laissa tomber sur le divan, ignorant l'air outré d'Octavius. Il semblait toutefois plus agacé par le traitement réservé à son œuvre que par les manières de Maze à nouveau, Polly voulut faire une remarque désobligeante mais se retint en se mordant l'intérieur de la joue. Maze apprécia beaucoup la grimace qu'elle esquissa sous la douleur.
« - Ca va bientôt commencer, la prévint Johanna. Tu devrais passer d'ici une demi-heure, je pense. Nous rejoindrons les coulisses un peu avant. L'interview en elle-même devrait durer environ cinq minutes, mais on ne sait jamais avec Caesar. Quand c'est fini, tu reviens ici tu remonteras sur scène avec tous les autres tributs à la fin.
- Très bien. »
Johanna posa une main sur son épaule.
« - Ca va aller. »
Elle n'en savait rien mais elle apprécia tout de même l'effort de Johanna.
Quelques instants plus tard, l'équipe de préparation de Maze vint s'asseoir à leurs côtés et le téléviseur s'alluma immédiatement, montrant le visage de Caesar en gros plan.
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Le public avait semblé littéralement subjugué par les tributs des Districts 1 et 2. Leurs interviews s'étaient éternisées et quand Caesar y avait finalement mis un terme, l'audience l'avait hué –il en avait ri. Johanna s'était penchée vers elle et lui avait murmuré de ne pas s'inquiéter, que les Carrières impressionnaient toujours. Mais qu'ils n'étaient pas imbattables pour autant. Maze avait hoché la tête. Les Tributs du District 3 passèrent relativement inaperçu mais Maze supposa que c'était normal –ils passaient juste après les favoris après tout.
La jeune fille se raidissait et grimaçait à chaque fois que Caesar éclatait de son rire horripilant. Et il riait beaucoup. Tout ce que les tributs disaient semblait être une plaisanterie.
Finalement, la fille du District 4 entra et Maze sentit son intérêt se réveiller. Son styliste avait vraiment fait un travail formidable, même si la jeune fille avait l'air terriblement mal à l'aise. Maze espérait apprendre quelque chose sur elle, n'importe quoi. Elle avait complètement oublié son existence toute cette semaine et rentrer dans l'arène avec une telle inconnue ne lui plaisait pas du tout.
« - Maudits soient Finnick et Len ! marmonna Johanna. Ils ont trop bon goût en matière de vêtements.»
Maze haussa les sourcils mais ne répondit pas.
Ce fut probablement l'interview la plus courte et la plus mémorable de toutes les éditions des Hunger Games, selon l'avis de Maze. La tribut du District 4 ne décrocha pas un mot, malgré les multiples tentatives de Caesar et l'agacement manifeste du public. Déjà, elle s'était affalée sur le fauteuil sans même saluer l'hôte ni lui prêter la moindre attention. Puis, elle s'était contentée de l'ignorer mais sans dévier son regard de la caméra. Maze l'avait trouvée vraiment courageuse. Ou folle. En tout cas, elle l'avait fait sourire et pas parce que son attitude la plaçait en tête des tributs à abattre au sein de l'arène. Parce qu'elle appréciait ladite attitude. Même Caesar avait paru exaspéré par son comportement et au bout de trois minutes, la foule avait commencé à hurler pour passer à l'interview suivante. Alors Jess, c'est ainsi qu'elle s'appelait, s'était levée et avait salué. Comme un acteur après un spectacle. Surprise, l'audience s'était tue. Maze, elle, avait vu son regard frondeur. Quelque chose dans son regard lui noua les entrailles mais elle n'aurait su expliquer quoi. Un peu comme si elle assistait à un évènement d'une importance vitale sans néanmoins pouvoir le concevoir en tant que tel à ce moment-là.
Johanna soupira et Maze comprit qu'elle était reconnaissante d'avoir un tribut moins ingérable. Elle sourit.
Les interviews suivantes se déroulèrent de manière plus conventionnelle mais Maze devait admettre qu'il devait être difficile de faire moins traditionnel que l'entretien du tribut féminin du District 4. Lorsque le garçon du 5 sortit, Johanna lui fit signe qu'il était temps d'y aller.
Maze hocha la tête et se leva. Alyzia et Lucia arrangèrent une dernière fois les plis de sa robe et lui firent signe qu'elle pouvait sortir. Alors Maze suivit Johanna dans les coulisses.
Elle se plaça derrière les tributs du District 6.
Bientôt, ce serait son tour.
Maze sentait ses jambes trembler et elle s'efforçait de respirer profondément mais son cœur ne semblait pas décidé à ralentir ses battements. La fille du District 6, Gwen, s'avança sur la scène. Il y avait des écrans dans les coulisses, pour que chacun puisse assister à chaque seconde de l'émission, mais Maze en avait assez entendu. Elle en avait assez vu. Elle n'avait pas besoin de savoir combien de personnes les attendaient chez eux, combien de promesses de retour ils avaient prononcés ou combien leurs frères et sœurs seraient inconsolables s'ils ne rentraient pas. Elle avait assez de ses propres promesses à porter.
Johanna posa une main sur son épaule.
« - Ca va aller. »
Mais ça sonnait plutôt comme « ça doit aller ». Alors Maze acquiesça.
La fille du District 6 quitta la scène sous les applaudissements polis de l'audience et fut remplacée par le garçon de son district.
Maze avança mais fut arrêtée par une femme lourdement fardée qui tendit son bras pour l'empêcher de s'approcher davantage.
Les cinq minutes suivantes lui parurent rapides. Trop rapides, même. Le garçon sortit à son tour de la scène et regagna les coulisses. Maze ferma les yeux et inspira longuement.
Puis, la femme ôta son bras et la poussa en avant alors que son nom retentissait.
« - Et maintenant, du District 7… Maisie Chance… »
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La lumière l'aveugla dès qu'elle entra sur scène et elle se figea quelques secondes. Ses oreilles bourdonnaient à cause des applaudissements et des cris. Elle voyait les lèvres de Caesar bouger mais elle n'entendait rien. Il tendit la main vers elle alors elle avança. Chaque pas qu'elle faisait était hésitant et son équilibre devait sembler des plus précaires. Petit à petit, elle s'habitua à la lumière et put distinguer quelques visages bariolés au milieu de la foule. Son cœur battait toujours trop vite et elle avait l'impression qu'elle allait être malade. Son déjeuner, pourtant bien loin, semblait se retourner dans son estomac.
Maze sursauta quand elle constata que Caesar, tout sourires, lui tapotait sur l'épaule. Ses paupières et ses yeux étaient maquillés de rouge on aurait dit qu'il saignait. Perdue dans l'étude de son visage, elle ne réalisa pas tout de suite qu'il lui parlait.
« - Pardon ? » répondit-elle timidement, provoquant l'hilarité de Caesar et de l'audience.
Caesar secoua la tête avec désinvolture.
« - Ah là là ! s'exclama-t-il avec joie. Il semblerait que nous ayons une grande timide ! »
Maze s'efforça de ne pas se raidir alors qu'il tapotait frénétiquement son épaule et força même un sourire, peu certaine toutefois du résultat.
« - Je disais que c'était un plaisir de te recevoir au Capitole, Maisie…
- Maze. » l'interrompit-elle.
Un silence suivit son interruption et elle se rendit compte de sa brusquerie. Caesar haussa ses sourcils écarlates et Maze commença à se justifier. D'abord hésitante et bégayante, elle finit par déclarer :
« - Tout le monde m'appelle Maze. C'est mon grand-frère qui avait commencé à m'appeler ainsi… »
A nouveau, elle tenta un sourire.
Elle retint son souffle jusqu'à ce que Caesar éclate de son rire si horripilant.
« - Adorable ! s'écria-t-il soudainement. Tout bonnement adorable ! »
Maze poussa un soupir de soulagement alors que Caesar la guidait sur le fauteuil.
« - Si je ne m'abuse, Maze, tu es la quatrième enfant Chance à venir au Capitole, c'est bien cela ? Oh là là, j'adore quand nous avons des fratries ici ! C'est tellement excitant ! Espérons que dans quelques années, nous aurons aussi le plaisir de recevoir tes petits-frères ! »
Maze fut surprise qu'il parvienne à achever cette phrase sans s'étouffer.
« Non. J'espère être la dernière. » songea-t-elle tout en s'efforçant de garder le sourire.
Exubérant, Caesar demanda à l'audience s'ils se souvenaient des frères et sœur de Maze et un immense brouhaha lui répondit. Il adorait provoquer ce genre de réaction, Maze le voyait d'assez près à présent pour remarquer que ses yeux brillaient quand le public s'emballait.
« - Nous avons retrouvé les archives de Jeux des Chance, nous avons pensé que ça vous ferait plaisir de les voir… Ou de les revoir ! »
Maze se figea. Non. Hors de question. Elle n'était pas prête. Elle ne le serait jamais. Elle ne voulait pas voir Elliott, Jeff ou Meg. Elle glissa un regard paniqué vers les coulisses mais ne vit pas Johanna. Caesar posa une main sur son genou.
« - Cela va vous faire plaisir de les revoir, n'est-ce pas, Maze ? »
Il ne cessait de prononcer son nom. Comme si elle lui avait fait un cadeau immense en l'y autorisant.
Ne pouvant y échapper, elle tourna la tête vers l'écran derrière eux et des images d'Elliott et des jumeaux défilèrent. Elle vit le sourire timide de Jeff, qui semblait se demander ce qu'il faisait là elle vit Meg rire et elle se souvint qu'elle racontait une histoire drôle sur Cody et elle vit Elliott se grattant régulièrement la joue. Il faisait souvent cela lorsqu'il était embêté par une question ou une situation. Puis, ils montrèrent des extraits de leurs Jeux. Elliott avait été envoyé dans une arène au climat polaire Maze pouvait voir la neige s'accrocher à ses cils et des traces de sang sur son visage. Elle aurait voulu détourner les yeux mais elle voulait voir son frère. Il lui manquait tant... Ensuite, il y eut les Jeux des jumeaux. Jeff dans un arbre, tentant de se cacher. Il avait le visage sale et plusieurs égratignures. Sans compter des traces de brûlure sur les joues. Il n'avait aucune arme avec lui. Puis, il y eut Meg. Elle avait réussi à s'emparer d'un arc et d'une dague et se faufilait en rampant dans les buissons, tel un chat. La gorge nouée, Maze ne put détourner les yeux de sa sœur quand celle-ci bondit et asséna un coup de couteau dans l'estomac d'une des tributs. La jeune fille s'écroula, les yeux écarquillés. Alors qu'elle tombait, Maze eut l'étrange impression de l'avoir déjà vue. Ses yeux gris lui semblaient familiers. Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage, la caméra zooma ensuite sur le visage féroce de Meg. Alors Maze se figea. Ce ne pouvait pas être sa sœur. Meg était douce et gentille. Meg… Ne pouvant affronter la violence contenue dans ce regard, Maze baissa les yeux.
Puis, l'écran devint noir.
« - Ouh là là, commenta Caesar, je vois que cette petite digression t'a beaucoup émue, Maze… »
« Comme si ce n'était pas le but recherché… » songea-t-elle.
Ce fut seulement là que Maze se rendit compte qu'elle pleurait. Johanna lui avait conseillé de ne pas paraitre faible et elle, elle pleurait. Elle sécha ses larmes d'un geste rapide alors que le public poussait des exclamations compatissantes.
« - Penses-tu pouvoir faire mieux que tes frères et sœur ? »
L'interview commençait pour de bon.
« - Donnez-moi des sponsors et vous verrez. » répliqua-t-elle avec un sourire.
A nouveau, Caesar éclata de rire. Et Maze laissa échapper un soupir de soulagement.
Entre deux questions, Caesar haranguait le public, le faisant hurler de rire ou d'une fausse indignation. Maze demeura souriante même si elle devait admettre que son sourire n'était pas des plus épanouis.
« - Maintenant, raconte-nous… Comment s'est passée ta Moisson ? » demanda-t-il avec une voix pleine de fausse sollicitude.
Maze resta interdite quelques secondes. La première réponse qui lui vint à l'esprit était tellement ironique qu'elle risquait fort de ne pas être très appréciée.
« - Je veux dire : tu t'attendais à être Moissonnée ?
- Plutôt. Dans le district 7, on sait que le sort n'est jamais en faveur des enfants Chance une fois qu'ils ont seize ans. »
Caesar hocha la tête comme s'il comprenait. Il ne comprenait rien.
« - C'est vrai que ta famille a fourni de nombreux tributs pour les Hunger Games. Entre Elliott, Jeff et cette chère Meg, qui avait l'étoffe d'un vainqueur, selon toi ? Qui aurait dû survivre ? »
« Tous, pensa Maze. Ils n'auraient jamais dû y aller. Ils n'auraient jamais dû mourir. »
Maze se demanda combien de temps il restait avant que l'interview ne s'achève. Elle avait l'impression que les secondes devenaient des heures et elle n'avait qu'une envie : fuir le plus loin possible de Caesar et de ses horribles questions. Après l'avoir envoyé se faire voir, de préférence.
« - Elliott, murmura-t-elle néanmoins. Il aurait pu s'en sortir. »
Et parce qu'elle savait pertinemment que les jumeaux ne seraient rentrés qu'à deux ou pas du tout.
« - Et toi, tu te sens prête ? Sur quoi mises-tu pour gagner ? »
Le sourire de Maze s'élargit.
« - Je ne vais rien vous dire, Caesar. Je préfère vous laisser la surprise. »
Encore une fois, il éclata de rire et s'exclama qu'il adorait sa répartie. Et encore une fois, Maze fut soulagée.
« - Bien, bien, sourit-il. Je ne peux pas insister, je suppose ! »
Il rit.
« - Bon, dernière question avant que je te laisse partir : comment se sont passés les adieux avec tes petits frères ? Je suppose que dans la famille, les adieux sont devenus une habitude… »
Le public éclata de rire et Maze se figea. Elle se mordit d'abord l'intérieur de la joue pour éviter de répondre trop violemment et se força à compter jusqu'à dix dans sa tête pour éviter d'envoyer Caesar et le Capitole au Diable.
« - Ce ne sont pas des adieux, riposta Maze en fronçant les sourcils. Parce que je reviendrai. »
Pour la première fois depuis le début de l'interview, sa réponse ne provoqua aucun rire.
En se levant, elle repensa aux modifications qu'Octavius avait apportées à sa robe. Alors, elle redressa la tête et tourna sur elle-même quelques secondes. Elle ne perdit pas l'équilibre et demeura droite après quelques instants, elle entendit les exclamations surprises et ravies de l'audience.
« - C'est une robe formidable ! s'écria Caesar. Dire que nous aurions pu passer à côté de ce spectacle ! Ton styliste va devenir très demandé, après les Jeux. Entre cette robe et celle pour la Parade… »
Maze se contenta de sourire, la tête haute.
Elle n'était pas sûre d'avoir réussi à se faire apprécier. Mais elle était certaine d'avoir réussi à faire une impression.
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Ses jambes tremblaient encore lorsque Maze se laissa tomber sur le divan dans sa loge. Le téléviseur diffusait la suite des interviews mais les oreilles de Maze bourdonnaient tant qu'elle ne percevait rien d'autre que des sons qui paraissaient très lointains et très embrouillés. Elle ne savait pas trop comment elle avait réussi à regagner sa loge entre ses talons, les escaliers et ses jambes flageolantes mais peu lui importait. Ce ne fut que lorsqu'elle sentit une serviette humide sur son front qu'elle se rendit compte qu'elle avait énormément transpiré. Son cœur battait toujours à un rythme erratique alors elle s'efforça de se calmer.
C'était terminé, à présent.
Elle se tourna finalement vers Johanna qui s'était assise à côté d'elle.
« - C'était un désastre, hein ? »
Elle avait l'impression de n'avoir rien contrôlé du tout et pire, de n'avoir suivi aucun des conseils que Johanna lui avait prodigué.
Mais cette dernière secoua la tête.
« - Tu t'es bien débrouillée, compte tenu des circonstances. Personne n'aurait pu prévoir que Caesar ressortirait les archives. Ca déstabiliserait n'importe qui. »
Le ton de Johanna était sec mais Maze comprit que sa colère était dirigée vers Caesar –et sans doute le Capitole en général pour faire bonne mesure- et non vers elle. Elle soupira de soulagement. S'il y avait une chose qu'elle ne souhaitait absolument pas, outre mourir dans ces Jeux, c'était mettre Johanna Mason en colère.
Maze prit la serviette humide et la fit glisser sur ses joues et dans son cou.
« - Il y a eu un petit changement, poursuivit Johanna. Nous rentrons dès la fin des interviews. Les tributs ne retourneront pas sur scène. Les entretiens se sont trop éternisés.»
« Tant mieux ! » pensa immédiatement Maze.
Caesar interviewait le garçon du District 9 lorsque Maze eut suffisamment repris ces esprits pour suivre l'émission. Elle se rendit à peine compte qu'elle avait complètement manqué le passage de Kenai. Il n'avait pas dû faire grande impression à en juger par le regard de Polly.
Maze se concentra sur l'interview.
Le garçon semblait confiant et malgré l'insistance de Caesar, il ne dévoila rien de ses plans. Il ne laissait pas Caesar le manipuler. Il faisait ce que Maze aurait dû faire.
Il ne parla pas de sa famille et fut assez drôle pour faire rire l'audience.
Il fut congédié au milieu d'assourdissants applaudissements et la fille du 10 entra.
Les interviews suivantes furent moins intéressantes les tributs étaient moins maîtres d'eux-mêmes et moins divertissants. Clairement, ils ne trouvaient pas amusant d'être là. La tribut féminine du district 10 était très souriante et répondit aimablement aux questions mais elle ne souleva aucune ardeur auprès du public son co-tribut était très distant et pas très bavard dans la mesure où il ne semblait répondre que par monosyllabes.
C'était comme si leurs mentors avaient oublié de leur dire l'objectif de l'interview. A savoir, se faire apprécier. Maze eut l'impression d'observer une condamnation à mort et pourtant, cela ne la mit même pas mal à l'aise. Elle pensa seulement qu'elle pouvait les battre.
Les tributs du 11, eux, savaient pourquoi ils étaient là. Ils semblèrent confiants et le public parût les apprécier. Il était assez rare que les tributs des Districts aussi éloignés provoquent ce genre d'engouement et que les sponsors se donnent la peine de les aider mais Maze comprit qu'ils étaient dangereux. Les tributs, pas les sponsors, bien sûr. Si on leur en laissait le temps, ils deviendraient vite menaçants.
Maze échangea un regard sombre avec Johanna et sut que sa Mentor pensait la même chose.
Elle était soulagée de constater qu'elle parvenait à conserver une certaine distance par rapport aux autres tributs, chose dont elle se serait crue incapable quelques jours plus tôt.
Puis la fille du District 12 fit son entrée et Maze se sentit au bord de la nausée. C'était la plus jeune de tous les Tributs de cette édition et elle ne paraissait même pas avoir l'âge minimum requis. Petite et frêle, elle semblait perdue au milieu de la scène la lumière blafarde éclaira son visage et Maze eut le temps de voir une expression de terreur s'y peindre brièvement. Sa robe sombre flottait autour de sa silhouette comme si elle menaçait de l'engloutir, ce qui la rendait encore plus minuscule. Elle avait le regard clair et grave, le teint olivâtre et ses cheveux d'un noir de jais tombaient sur ses épaules. Ce n'était encore qu'une enfant, une fillette.
La fillette s'avança timidement vers Caesar et Maze baissa les yeux. Cette enfant allait sans doute périr lors du bain de sang et cela ne semblait gêner personne. Ce n'était qu'un tribut. Dans quelques jours, elle allait mourir et alors ce serait comme si elle n'avait jamais existée.
« Une de moins… » ne put-elle s'empêcher de songer.
Maze ferma les yeux quand l'horreur de la situation et de ses pensées lui souleva le cœur.
Cette gamine n'aurait jamais dû être là. Aucun des tributs, d'ailleurs. Mais ils n'avaient pas le choix. Ils ne l'avaient jamais eu. A quel point cette société était-elle donc malade pour souhaiter voir des enfants s'entretuer et y prendre plaisir ?
La voix de la fillette était calme et posée quand elle répondait aux questions de Caesar. Elle souriait même, parfois.
Elle se débrouillait bien pour grimper aux arbres et pour poser des pièges. Elle le dit elle-même.
Maze se mordit violemment l'intérieur de la joue, le goût du sang dans sa bouche la dégoûta. Elle s'enfonça les coudes dans les côtes pour s'empêcher de se boucher les oreilles. Elle ne pouvait pas se permettre d'avoir des scrupules ou toute considération qui risquerait de la distraire.
Il y avait cependant quelque chose d'insoutenable à regarder cette petite fille dévoiler ses points forts au public et à ses adversaires, sans même qu'elle ne s'en rende compte. Le sourire de Caesar s'élargit, il n'avait sans doute jamais eu un tribut aussi manipulable.
« - Espèce de misérable petit rat… » marmonna Maze entre ses dents en s'attirant un regard compatissant de Johanna.
« - Shhh ! » s'exclamèrent Polly et Octavius pour qu'elle se taise.
Maze leur jeta un regard noir.
« - Le Mentor du District 12 n'est pas exactement quelqu'un de fiable…, chuchota Johanna alors que la fillette quittait la scène. Il n'a jamais été d'aucune aide pour ses tributs. »
Maze ne répondit pas –qu'aurait-elle pu répondre, de toute manière ?-, ses yeux suivaient la silhouette de Xander qui s'avançait vers Caesar.
Maze pouvait voir dans sa démarche et dans ses yeux qu'il n'était pas aussi naïf que la petite fille.
Tant mieux.
Peut-être.
Maze ne savait plus ce qu'elle souhaitait ou ce qu'elle devait souhaiter.
Caesar serra la main de Xander et la brandit en l'air, s'attirant les cris du public. Puis, ils allèrent s'asseoir.
Maze ne détourna pas les yeux de Xander. Son équipe l'avait bien préparé. Il portait une chemise noire et propre. Lors des entrainements, Maze n'avait pas réalisé qu'il avait les épaules aussi larges. Elle fronça les sourcils. Elle s'était doutée qu'il cachait son jeu mais elle aurait bien aimé lever un peu le mystère avant le début des combats. Ses cheveux sombres étaient peignés et brillants à cause du produit que son équipe lui avait mis pour les plaquer sur son crâne.
Ils avaient fait pareil à Kenai, elle l'avait croisé en sortant de scène. Par contre, l'équipe de Kenai n'avait pas jugé utile de souligner ses yeux de khôl, contrairement à celle de Xander. Ils avaient cherché à le mettre en valeur et il fallait admettre qu'il avait un regard intense.
A peine cette pensée l'eut-elle effleurée que Maze serra les poings. Comme si c'était le moment d'avoir des pensées de ce genre !
Caesar lui posa des questions sur le District 12 et Xander répondit aimablement. Il souriait facilement. Du moins, c'est ce que crût Maze avant de réaliser que si ses lèvres s'étiraient souvent, la joie n'atteignait jamais ses yeux qui demeuraient sérieux.
Néanmoins, Xander plaisait. Les encouragements et les cris du public résonnaient dans la loge de Maze.
« - Chers spectateurs, cette édition est une édition exceptionnelle ! Je le dis chaque année, mais cette année, c'est vrai ! »
Il éclata de rire.
« - Pour la première fois de tous les Hunger Games, nous allons pouvoir assister à une incroyable revanche ! N'est-ce pas excitant ? Nous avons, dans cette édition, les cadets de deux Tributs qui se sont battus l'un contre l'autre, il y a quelques années ! N'est-ce pas formidable ? »
Le public devint comme fou et Maze eut l'étrange impression de se retrouver soudainement déconnectée. Les sons se brouillaient et sa vision également. Son cœur tambourinait. Ses mains devenaient moites. Une partie de son cerveau semblait avoir compris alors que l'autre avait décidé de tout déconnecter pour fuir la réalité.
« Non, non, non, non, songeait-elle désespérée. Ce n'est pas possible… »
Elle plongea son regard dans celui de Xander. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'un drame allait se passer si elle baissait les yeux. C'était parfaitement ridicule mais elle ne pouvait pas le quitter des yeux. Parce qu'en regardant dans ses yeux, elle saurait. Elle saurait si c'était vrai.
Elle retint son souffle quand Xander leva les yeux pour regarder fixement la caméra. Des yeux gris clairs. Des yeux qu'elle avait déjà vus un peu plus tôt.
Des yeux que sa sœur avait fermés à tout jamais.
Maze étouffa un gémissement alors que pour la deuxième fois de la soirée, Caesar diffusait le passage où Meg assassinait froidement le tribut qui était apparemment la sœur de Xander.
Le public explosa de joie et Maze eut l'impression que leurs cris faisaient trembler les murs de la loge avant qu'elle ne réalise qu'elle était la seule à trembler.
Elle jeta un regard éperdu à Johanna.
Cette dernière haussa les épaules. Que pouvait-elle faire, de toute façon ?
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La peur. Ce sentiment qui avait infiltré chaque cellule de son corps et de son esprit. Cette sensation qui remettait en doute la moindre décision. Devait-elle tourner ? Continuer tout droit ? La peur lui nouait les entrailles. Depuis qu'elle était entrée dans cette arène, une étreinte glacée lui enserrait le cœur. Elle était apeurée et perdue. Elle regardait frénétiquement autour d'elle, à la recherche du moindre signe, du moindre indice. Elle s'était assez éloignée des autres combats mais elle n'était pas en sécurité pour autant… Tant qu'elle serait dans cette arène, elle ne connaitrait pas la sécurité…
Elle se figea brusquement.
Elle aurait mis sa main à couper qu'elle avait perçu le craquement d'une brindille. La main serrée sur la garde de sa dague, elle se retourna brusquement. Elle n'eut pas le temps de lever son arme qu'elle sentit une lame glacée s'enfoncer dans son ventre alors qu'une main derrière sa nuque la maintenait immobile.
La douleur se diffusait dans tout son corps comme un halo elle porta sa main à sa blessure et la retira, poisseuse. Elle sentait ses larmes couler sur ses joues. Elle sentait l'odeur de la terre et celle du sang. Elle sentait la transpiration de celle qui l'avait poignardée. Bientôt, elle vit son visage.
Meg.
Si l'apparence était bel et bien celle de sa sœur, elle ne la reconnaissait pas. Ses yeux hagards et injectés de sang lui évoquaient ceux d'une étrangère.
« - C'est moi… » murmura-t-elle alors que Meg accentuait la pression du couteau.
Le ciel s'assombrit. Le regard de Meg devint féroce quand il se posa sur elle.
« - Tu sais ce que ça fait, maintenant… » chuchota-t-elle.
Mais ce n'était pas la voix de Meg.
C'était celle de Xander.
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Maze ouvrit brusquement les yeux.
Il lui fallut quelques secondes pour s'habituer à l'obscurité de sa chambre.
Machinalement, elle porta la main à son flanc. Elle avait l'impression de pouvoir sentir le sang s'écouler de sa blessure mais il n'y avait rien.
Elle se redressa péniblement. Ses vêtements lui collaient à la peau, elle se dégagea des draps rendus humides par sa transpiration. Ses bras et ses jambes tremblaient les battements de son cœur étaient irréguliers.
Elle ferma les yeux pour se calmer mais immédiatement, elle revit le visage de Meg. Alors, elle les rouvrit.
Une fois que ses tremblements se furent calmés, Maze se leva et sortit de sa chambre. La suite était plongée dans le silence. Telle une ombre, elle glissa sur le carrelage jusqu'à la baie vitrée. Le sol était froid sous ses pieds nus mais peu lui importait. Par delà le champ magnétique, elle pouvait percevoir les lumières du Capitole. Elle supposait que c'était toujours vibrant de vie, même au beau milieu de la nuit. C'était ainsi qu'elle se l'imaginait, petite.
Elle croisa ses bras sur sa poitrine et appuya son front contre la vitre.
Les images de son rêve commençaient enfin à s'estomper mais Maze doutait de pouvoir un jour les oublier. Elle avait été idiote. Elle n'avait passé qu'une semaine ici et elle s'était aperçue qu'elle avait changé. Elle avait perdu son innocence, elle ne savait pas exactement à quel moment, mais c'était un fait. Jour après jour, elle se transformait en démon pour le Capitole. Comment avait-elle pu croire que ses frères et sa sœur avaient traversé les mêmes situations en restant les mêmes ? Cet endroit transformait tous les tributs en monstres.
Elle l'avait vu dans le regard de Meg. Dans son rêve et quand elle avait tué la sœur de Xander.
La sœur de Xander. La sœur du tribut qui avait voulu qu'ils s'allient.
Elle se souvenait de chacun des mots qu'il lui avait adressés. Pire encore, elle se souvenait de chacun des regards qu'il lui avait lancés. Elle eut un petit rire incrédule. Elle avait été stupide. Non pas qu'elle ait réellement pensé à pouvoir s'en faire un allié… Elle soupira. Elle ne savait plus. Par moment, il lui avait semblé pouvoir lui faire confiance et…
Au moins, maintenant, elle comprenait pourquoi il avait voulu faire une alliance avec elle avant même de voir ce qu'elle valait. Il voulait se rapprocher d'elle pour l'éliminer. Il voulait se venger.
Maze déglutit péniblement alors qu'une boule se formait au fond de sa gorge et que des larmes commençaient à couler sur ses joues.
Pleurer ne servirait à rien, elle en avait conscience mais elle avait passé le reste de la soirée à feindre une indifférence qu'elle était loin de ressentir et il fallait qu'elle laisse éclater sa frustration sinon elle risquait d'exploser. C'était soit pleurer soit jeter tous les objets passant à sa portée à travers la baie vitrée. Elle aurait largement préféré la dernière solution mais malheureusement, du point de vue de la discrétion, elle laissait fortement à désirer.
Elle demeura immobile, le front collé à la vitre, pendant longtemps. Ses larmes avaient fini par se tarir et le calme était revenu. Pourtant, elle ne retourna pas se coucher. Elle resta là à regarder la nuit se changer en jour et le soleil se lever.
Quand les rayons du soleil l'éblouirent, elle était prête.
A suivre...
