NB : Et voilà le chapitre 10 ! Merci à ceux qui ont pris la peine et le temps de laisser une review, ça fait vraiment très plaisir; merci également à ceux qui ont lu sans laisser de message. J'espère que ce chapitre vous plaira ! Comme d'habitude, je remercie ma Beta Azkadellia pour son aide et ses conseils! Sans elle, j'aurais possiblement abandonné cette fic au chapitre 4. Allez faire un tour sur son profil, y a de la lecture !

Chapitre 10 : La fin des Carrières

L'explosion avait dévasté la forêt sur au moins cinq kilomètres autour de la grotte mais, heureusement, tous les débuts d'incendie avaient été éteints. La pluie, même si elle n'avait que peu duré, avait été la bienvenue. En quittant Xander, elle était revenue sur ses pas, jusqu'à la grotte. L'issue était bloquée par de lourdes pierres et Maze ressentit une pointe de culpabilité. L'idée que des personnes puissent être prisonnières de la caverne lui donnait envie de vomir, même si elle les y avait condamnées. Malgré elle, elle imagina leur terreur, leur peur, leur fatigue et leurs yeux qui se fermaient, peut-être pour la dernière fois, alors que l'oxygène se raréfiait.

Elle-même avait cru étouffer et devenir folle pendant les deux jours qu'elle avait passés dans ces cavités; certains moments, elle pensait qu'elle y mourrait et le fait de ne peut-être plus jamais revoir le ciel l'avait angoissée encore davantage. La gorge serrée, elle pensa à Chad, mort à l'intérieur pour les sauver alors qu'il aurait voulu voir le ciel une dernière fois.

Elle inspecta les alentours, dans un rayon de six à sept kilomètres, accroupie à la recherche d'empreintes qui lui indiqueraient par où étaient partis les tributs survivants. Mais le souffle de l'explosion et la pluie qui avait suivi rendaient toute recherche compliquée.

Maze déglutit mais sa gorge était si sèche que cela lui fit mal. Elle réalisa alors qu'elle n'avait pas bu une goutte d'eau depuis des jours. Elle leva les yeux au ciel, le soleil brillait et inondait les bois de sa chaleur.

"- Courage! se dit-elle. C'est bientôt terminé, les tributs ne doivent plus être nombreux…"

Elle continua d'avancer lentement pour pouvoir étudier les environs et éventuellement repérer des traces. Au bout de dix minutes, alors que la mi-journée était passée d'au moins deux heures, elle se figea. Elle s'approcha d'un bosquet et s'agenouilla. Les feuilles avaient été écrasées, sans doute par quelqu'un qui courrait. Soulagée d'avoir enfin trouvé une trace, Maze détermina la direction prise par le coureur et la suivit. Elle vérifiait régulièrement la présence d'empreintes qui lui montreraient qu'elle était toujours sur la bonne voie. Elle s'enfonça dans les bois en direction du nord pendant plusieurs kilomètres, suivant les feuilles écrasées et les traces sur le sol meuble. Elle demeurait sur ses gardes également, elle ne pouvait être certaine qu'elle ne se dirigeait pas tout droit vers une embuscade.

D'après la taille de l'empreinte, elle était quasiment certaine d'être sur les traces d'un garçon; et si sa mémoire était correcte, il n'y avait que trois candidats : Hadrien, le garçon du 2; Murray, le tribut du 3e district et Lynch, celui du 4e qui avait rejoint les Carrières. Aucune de ces possibilités n'était vraiment réjouissante : elle les avait vus lors des entraînements, ils étaient mortels. Elle n'avait qu'à espérer qu'ils soient plus affaiblis qu'elle…

L'après-midi était déjà bien avancé lorsque Maze remarqua une trace d'une nature différente. Du sang. Une traînée assez importante; s'il appartenait à la même personne, ladite personne ne serait pas en état de présenter un quelconque danger. Autour des traces de sang, les empreintes étaient moins nettes. Il fallut quelques secondes à Maze pour identifier deux empreintes différentes : celles qu'elle suivait depuis plusieurs kilomètres et deux traces sensiblement plus petites. Une fille, Maze en était certaine. Laquelle, elle n'aurait su le dire avec certitude mais elle était relativement certaine qu'elle avait attaqué en sautant sur le tribut mâle depuis un arbre; ce qui expliquerait pourquoi ces pieds semblaient arriver de nulle part.

Maze banda son arc et se mit à avancer, les doigts crispés sur le bois de l'arme. Elle progressa sur environ un kilomètre avant de se figer brusquement.

Elle tendit l'oreille.

Elle dût patienter plusieurs secondes avant de l'entendre à nouveau. Un gémissement.

Cela semblait venir de sa gauche. Toujours sur ses gardes, elle se rapprocha, suivant le son. Et puis, elle le vit.

Il était couché sur le sol en position foetale, ses mains agrippant son abdomen. Même à une respectable distance, Maze pouvait se rendre compte de l'énorme quantité de sang qu'il perdait. Son regard allait d'un endroit à l'autre avant qu'il ne se fixe sur elle.

" - 7…" marmonna-t-il.

Quasiment certaine qu'il ne présentait aucune menace, Maze s'approcha lentement.

"- 4."

Elle avait reconnu le tribut du 4eme District, bien qu'il semblât bien moins massif et impressionnant que durant les entraînements.

"-Qu'est-ce qui t'est arrivé?" demanda-t-elle en s'agenouillant près de lui.

Il parût hésiter.

"- Althéa. Elle… Elle m'a sauté dessus depuis un arbre…."

Par pur réflexe, Maze regarda les arbres qui les entouraient, suspicieuse.

"- Elle est partie."

Maze tenta d'examiner la blessure de Lynch mais il la repoussa sèchement.

"- Si j'ôte ma main, je vais me vider de mon sang."

"- Tu te vides déjà de ton sang, l'informa-t-elle. On peut te suivre à la trace. C'est sympa de faciliter le travail des animaux."

Elle ne savait pas pourquoi elle avait rajouté cela mais la répartie le fit blêmir et elle put entrapercevoir de la crainte dans son regard. Il allait mourir, c'était certain; il le savait et elle savait. Mais la perspective de servir de repas aux animaux de l'arène semblait le terrifier, or Maze avait l'impression que passer par sa peur était le meilleur moyen d'obtenir un renseignement. A savoir la direction prise par Althéa.

Il ôta les mains de son abdomen et Maze put repérer cinq plaies, sûrement faites avec un poignard. Aucune d'elle n'était fatale. Mais elles condamnaient la victime à se vider de son sang. Lentement.

Maze frissonna devant un tel sadisme. Elle savait que les Carrières étaient formées pour les Jeux mais vu qu'au fond, ils n'avaient pas plus le choix qu'eux, jamais Maze n'aurait pu penser qu'ils y prenaient vraiment plaisir. Pourtant, à voir les blessures de Lynch, réalisées pour qu'il se vide lentement de son sang, le doute n'était plus permis…. Et encore, Lynch était un allié, Maze n'était pas certaine de vouloir savoir quel traitement Althéa réservait aux autres, elle compris.

"- Par où est-elle partie ?" demanda Maze alors que Lynch ne se donnait même plus la peine de comprimer ses blessures.

Il ricana.

"- Tu penses pouvoir avoir le dessus? Tu rêves!"

Sa voix devint sifflante.

"- Je l'ai vue tuer Hadrien, le gars du 2, à mains nues. C'est là que j'ai décidé d'aller voir ailleurs…

- Pour le bien que ça t'a fait…"

Ils se turent un moment.

"- Je vais agoniser… pendant des heures…. "

Maze hésita à prononcer des banalités rassurantes auxquelles ni lui ni elle ne croiraient pour finalement décider de tenter une nouvelle fois d'obtenir des réponses.

"- Sans doute, lâcha-t-elle avec indifférence. Si ça se trouve, les bêtes te trouveront avant que tu aies fini d'agoniser. L'odeur du sang va les attirer. Elles vont attendre la nuit, bien sûr, et elles vont s'avancer. Si tu es toujours en vie, tu entendras le bruissement des feuilles d'abord, un bruit qui va se rapprocher. Ensuite, tu devrais sentir leur truffe humide sur ta peau, puis leur langue… et enfin, tu sentiras leurs dents s'enfoncer dans ta chair."

La voix de Maze n'était guère plus forte qu'un murmure et pourtant, Maze sentit la peur chez Lynch.

"- Ca suffit!"

Maze haussa les épaules et fit mine de se relever.

"- Attends! Je… Je veux bien te dire par où est partie Althéa. A une condition."

Son regard se fit implorant et alors, Maze sut ce qu'il allait lui demander. Pour toute réponse, elle sortit le poignard de Xander. Si elle frappait en plein coeur, ce serait terminé rapidement. Rationnellement, elle le pensait vraiment. Pourtant, elle ne parvenait pas à se décider, regardant alternativement le poignard et Lynch.

"- Tu as déjà tué, 7. Tu as tué Rozenn. C'est pareil…"

Maze trouvait les deux situations très différentes mais les raisons lui semblaient à la fois bien faibles. Elle avait tué, c'était vrai. Que ce soit dans le feu de l'action n'y changeait rien. Sauf que cette fois, elle verrait la vie de Lynch s'éteindre, elle verrait sa poitrine cesser de se soulever.

"- Le Capitole… Ils… Ils vont adorer… me voir mangé… par les bêtes….. Je veux pas…."

Maze fit tourner le poignard entre ses doigts. Xander lui avait demandé d'échapper au spectacle mais elle avait voulu le garder près d'elle un peu plus longtemps. Elle l'avait supplié et il avait cédé. Cette fois, elle pouvait faire un choix moins égoïste même si elle savait que cette décision la hanterait jusqu'à la fin de ses jours. Elle n'était plus à un cauchemar près.

"-Je le ferai." murmura-t-elle.

Il sonda son regard et dût réaliser qu'elle ne se déroberait pas.

Il désigna un sentier vers ce que Maze identifia comme le nord-ouest.

"- Elle est partie il y a au moins deux heures."

- Merci."

Leurs regards se rencontrèrent.

Maze sentit sa main trembler comme elle se rapprochait de la poitrine de Lynch. Il hocha faiblement la tête et alors, Maze enfonça la lame dans son torse, jusqu'à la garde. Les yeux de Lynch s'agrandirent, comme si au fond il était surpris qu'elle ait respecté sa part du marché, et deux secondes après, c'était fini. Ses mains ensanglantées retombèrent sur le sol et au loin, le canon retentit. Alors, seulement, Maze retira son poignard du coeur de Lynch et l'essuya sur les feuilles avant de se retourner pour vomir.

Maze avait suivi le sentier indiqué par Lynch pendant environ deux heures avant de prendre la décision de s'arrêter. Elle n'avait vu aucune trace sur le sol et en déduisit donc qu'Althéa devait se déplacer dans les arbres. Fait qui n'était pas pour la rassurer.

Elle voyait le soleil décliner derrière les arbres, un peu trop rapidement pour que cela fut naturel. Les Juges et le Capitole devaient s'impatienter. A nouveau, Maze parvint à attraper un lapin. Elle alluma un feu et le fit cuire. Ce fut délicieux. Son estomac semblait se réhabituer à recevoir davantage que des baies -et semblait apprécier. Elle éteignit le feu dès qu'elle eut fini de manger, ne souhaitant ni attirer les bêtes dont elle avait menacé Lynch ni dévoiler sa position exacte aux autres tributs. Elle grimpa dans un chêne et décida de s'y reposer jusqu'au lendemain. Elle s'installa au sommet du tronc, là où il se séparait en plusieurs branches épaisses, après avoir déterminé que c'était l'endroit qui paraissait le plus sûr.

Lorsque le soleil eut complètement disparu et que le ciel fut devenu noir, une lumière bleutée apparût et la voix de Caesar emplit l'arène. Maze se dit que sa voix ne lui avait pas manqué du tout. Elle était toujours aussi horripilante. De sa voix surexcitée, il annonça qu'ils allaient faire le point sur les tributs tombés et enfin, il se tût.

Caleb, le garçon du 1, apparût en premier. Maze eut l'impression que leur rencontre dans la grotte remontait à des siècles. Il fut suivi par les deux tributs du 2 ; Maze se força à ne pas baisser les yeux devant l'image de Rozenn qui elle ne pouvait la voir. Elle la regarda, certaine de se souvenir de son regard et de son air décidé accentué par ses cheveux bouclés tirés en arrière en une sévère queue-de-cheval. Si jamais elle s'en sortait, elle savait que Rozenn, elle, ne faisait qu'entrer dans ses cauchemars. Maze poussa un soupir de soulagement lorsque le prochain visage apparût. Le garçon du 3. Avec un sourire, elle se souvint du jour à l'entrainement où les Carrières avaient tenté de le recruter. Sans succès. C'était un solitaire. Mais Maze sentit son estomac se nouer quand elle réalisa qu'il était sans doute mort seul. La solitude pouvait tout rendre encore plus terrifiant, même la mort… Ensuite, ce fut le visage de Lynch qui apparut. Plus fier et arrogant qu'il ne l'était lorsqu'il l'avait suppliée de l'achever. Maze serra les poings lorsque son visage disparût au profit de celui de Chad. Chad qui s'était sacrifié pour Xander et elle. Chad qui, en faisant cela, elle l'avait décidé, faisait de plein droit partie de sa fratrie en dépit de la malchance qu'elle -la fratrie- se coltinait.

La fille du 11 apparût ensuite. De longs cheveux noirs tressés et une peau d'ébène. Maze se souvenait qu'elle avait passé beaucoup de temps à l'atelier de camouflage lors de l'entrainement. Elles ne s'étaient jamais adressé la parole.

Maze sentit son coeur manquer un battement et enfin se serrer douloureusement dans sa poitrine lorsque le dernier visage s'afficha. Presque immédiatement, des larmes se mirent à couler silencieusement sur ses joues et elle mordit dans son poing à en saigner pour s'empêcher de hurler. Elle eut l'impression que l'image de Xander restait plus longtemps dans le ciel alors elle le regarda tant qu'elle pût. Elle s'imprégna du moindre détail et se remémora sa voix.

Veux-tu, veux-tu,

Au grand arbre me trouver…

Elle se souvint de la chanson qu'il leur avait chantée, à Chad et à elle. Sans s'en rendre compte, elle commença à fredonner les paroles. Ce n'est que lorsqu'elle s'arrêta qu'elle s'aperçut que le visage de Xander avait disparu et que la nuit était devenue beaucoup plus sombre.

Le soleil n'était pas encore levé lorsque Maze s'éveilla mais à la couleur rosée que prenait le ciel, elle devina que l'aube n'était pas loin. Elle entamait son cinquième jour dans l'arène. Les Jeux des précédentes éditions avaient durés environ une semaine, ce qui voulait dire que les Juges allaient sans doute accélerer les choses. Si Maze avait calculé correctement, il ne restait plus que quatre tributs. Les tributs féminins des Districts 1, 4, 6 et 7. Aucun doute, les Juges allaient les pousser aux affrontements pour en finir; le Capitole s'ennuierait ferme à regarder des tributs errer dans la forêt.

Avant de partir, Maze trouva quelques baies comestibles à se mettre sous la dent; puis, elle rangea ses affaires dans son sac, vérifia ses poignards, son arc et ses flèches et se mit en route. Il faisait frais et Maze progressait avec régularité, malgré le terrain inégal. Les branches la griffaient au passage, mais elle continuait d'avancer, mue par une détermination nouvelle. La fin approchait. Jamais elle n'avait été si proche de rentrer chez elle. De revoir Penn et Cody. Elle se rendit compte alors qu'il y avait des jours qu'elle n'avait pas pensé à eux; elle les avait exclus de ses pensées en entrant dans l'arène, craignant que songer à eux ne l'affaiblisse. Elle avait sans doute eu tort. A cet instant, penser à ses frères, à leurs mains couvertes de farine, à leurs sourires, l'emplissait de détermination. Après trois quart d'heure de marche, elle arriva à la lisière de la forêt. Elle s'avança jusqu'à la limite mais ne pénétra pas dans la clairière, elle était beaucoup trop à découvert. Mais elle n'aurait pas le choix, il semblait que la clairière s'étendait jusqu'à l'horizon.

C'est alors que le soleil commença son ascension, inondant les alentours de sa lumière pâle. Les rayons dessinèrent les contours des arbres plus clairement, dévoilant branches et feuilles, avant d'atteindre le sol et de révéler la clairière éblouie par la clarté matinale à Maze qui tomba à genoux comme elle se mettait à distinguer un champ de marguerites. Elle resta immobile plusieurs minutes à regarder la nature s'éveiller et le soleil caresser les fleurs de ses rayons. Presque instinctivement, sa main alla chercher dans sa poche avant que Maze ne se souvienne qu'elle n'avait plus la fleur de Xander. Elle ferma les yeux une fraction de seconde et elle revit la minuscule fleur s'envoler au moment de l'explosion. Elle ouvrit les yeux et elle avait le bras tendu, comme pour en cueillir une. Alors, elle se demanda si c'était la clairière où Xander avait trouvé la marguerite qu'il lui avait offerte. Cela semblait bien loin de la caverne mais après tout, pourquoi pas? Elle aimait se dire qu'il avait vu ce champ et ces fleurs à perte de vue. Elle trouvait l'idée apaisante.

Maze se remit debout et observa le sol, à la recherche de traces. Elle remarqua des marguerites écrasées et put deviner la forme d'une botte. Elle tint compte de l'orientation de l'empreinte pour déterminer la direction prise. Elle n'avait plus qu'à s'élancer mais c'était risqué. Il n'était pas impossible qu'on l'attendit de l'autre côté, un arc à la main. La clairière n'offrait pas le moindre abri et c'est ce qui retenait Maze. Elle regarda les alentours mais aucun autre moyen de suivre les traces en restant à l'abri. Maze prit une grande inspiration et s'élança. Elle n'avait jamais couru aussi vite, elle avait presque l'impression de voler. Elle changeait soudainement de direction, hors de question de facilité le travail d'un potentiel adversaire en courant en ligne droite. Son coeur battait fort dans sa poitrine, mais elle ne ralentit pas. C'était une sensation étrange qui l'envahissait : elle courait à travers champs et se sentait transportée par un sentiment d'invincibilité.

C'était enivrant.

Un coup d'oeil sur la droite et elle se figea. Au loin, elle apercevait la forme de la Corne d'Abondance et devant, les podiums sur lesquels les tributs s'étaient tenus avant de se précipiter vers la mort. Elle avait tourné en rond pendant cinq jours. Ils avaient tous tourné en rond. Peu étonnant de la part du Capitole, songea Maze.

C'était bientôt fini.

Elle détourna son regard de la Corne d'Abondance et reprit sa course. Quelques mètres encore et elle put voir la lisière de la forêt. Encore quelques foulées et elle serait à l'abri au milieu des arbres. Elle y était presque, encore un effort! Ses jambes tiraient tellement qu'elle avait l'impression qu'elles allaient se détacher du reste de son corps. Une dernière foulée la propulsa dans la forêt, à l'ombre des arbres massifs. Elle s'effondra, à bout de souffle.

Maze s'autorisa une heure de pause pour explorer les alentours à la recherche de traces à suivre. Elle ne trouva rien et supposa qu'Althéa, si c'était toujours bien elle qu'elle suivait, avait pris le parti d'avancer dans les arbres, évitant ainsi de laisser davantage de traces et gagnant la possibilité de surprendre l'adversaire. Maze étant ledit adversaire, elle n'aimait pas ce plan. Après un soupir à fendre l'âme et de vaines idées pour trouver un autre moyen, Maze décida de faire de même. Elle n'avait pas l'agilité de sa soeur Meg pour se déplacer d'arbre en arbre, mais elle devait tout de même être capable d'y arriver…

Les deux premières heures furent laborieuses : Maze avançait avec tant de précaution que sa progression s'en trouvait fortement ralentie. Finalement, elle gagna petit à petit en assurance et gagna en rapidité. Rien n'indiquait qu'elle n'était pas seule; elle s'arrêtait régulièrement et tendait l'oreille mais aucun bruit ne venait troubler le silence -hormis les jurons marmonnés entre les dents quand elle prenait une mauvaise prise ou s'aventurait sur la mauvaise branche. Cette quiétude fut rapidement perturbée : vers le milieu de l'après-midi, Maze commença à faire des pauses plus fréquentes comme il lui semblait percevoir des bruissements et des craquements. Pourtant, dès qu'elle s'arrêtait, le silence.

Une fois encore, un bruissement et un craquement derrière elle. Elle se figea et se retourna. Elle saisit son arc et une flèche et se tint prête.

"- Ca suffit!" marmonna-t-elle. "Ce petit jeu a assez duré…"

Aucun bruit mais l'atmosphère était lourde. Même la nature semblait retenir son souffle.

Maze scrutait chaque arbre et chaque branche. Le moindre renflement devenait suspect et le moindre frémissement était une attaque.

Crrrc…

Ses doigts se resserrèrent sur l'arc comme elle levait lentement la tête vers la cime des arbres.

Elle eut simplement le temps d'apercevoir un éclat, comme un reflet; d'entendre un sifflement et de ressentir une douleur lancinante dans le mollet.

Un autre sifflement et Maze recula, ne réalisant plus qu'elle était en équilibre sur une branche. Elle ne pensait qu'à mettre le plus de distance possible entre elle et le sifflement provoqué par une flèche qui la prenait pour cible.

Son pied, en reculant, ne rencontra que le vide.

Elle poussa un cri.

Maze tenta vainement de se rattraper mais ses doigts ne parvenaient à se raccrocher à rien comme les branches la griffaient à mesure qu'elle tombait. Elle heurta le sol avec un bruit sourd -agrémenté d'un juron- et elle laissa échapper un grognement de douleur. La peine, lancinante, se diffusait dans tout son corps, lui coupant le souffle. Elle entendit le craquement des branches et le bruissement des feuilles; enfin, elle entendit quelqu'un atterrir en souplesse sur le sol à quelques mètres de là. Il fallait qu'elle bouge. Elle était certaine qu'il s'agissait d'Althéa. Si elle voulait s'en sortir, elle ne devait pas rester là.

L'adrénaline sembla soudain remplacer le sang dans ses veines et malgré la douleur, Maze se redressa. La flèche qui l'avait faite tomber lui avait entaillé le mollet assez profondément sans pour autant se ficher dedans. Le sang s'écoulait de sa blessure mais Maze risquait davantage une infection qu'une hémorragie ; cependant, s'appuyer sur sa jambe droite serait douloureux. Maze parvint non sans mal à se remettre debout. Dans sa chute, elle avait laissé tomber son arc et ses flèches; ils étaient à présent hors de portée comme Althéa se tenait devant, examinant l'arme avec minutie. Maze attrapa deux poignards et se mit en garde.

Althéa se tourna vers elle.

"- C'est du bon travail, 7. Bel arc."

Maze ne répondit pas mais ne la lâcha pas du regard. Fraiche et dispose, Althéa semblait avoir été parachutée dans l'arène récemment et non d'y avoir passé cinq jours. Ses habits étaient à peine déchirés et elle ne portait aucune marque d'aucune sorte, aucune blessure apparente. Alors même que Maze avait l'impression qu'aucune partie de son propre corps était indemne.

"- J'ai des sponsors remarquables, expliqua-t-elle, devinant ce qui interrogeait Maze. Je n'ai manqué de rien."

Maze avait presque oublié l'existence des sponsors tant ils avaient été absents de ses jeux à elle.

D'un geste sec, Althéa brisa l'arc en deux en l'abattant sur sa cuisse. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire malveillant et l'image de Lynch se vidant lentement de son sang surgit dans l'esprit de Maze.

"- Tu n'en auras plus besoin après tout." dit-elle en jetant ce qu'il restait de l'arc.

Maze se contenta d'hausser les épaules, comme si elle n'avait pas compris le sous-entendu. Il ne fallait pas qu'elle se laisse déstabiliser. Althéa posa son propre arc contre un arbre et se tourna vers Maze.

"- C'est ici que ça s'arrête pour toi, 7.

- Alors, arrête de bavarder pour gagner du temps!" la provoqua Maze, heureuse de voir Althéa se raidir.

Les deux jeunes filles se faisaient face et avant même que la première attaque ne soit portée, le combat paraissait inégal. Althéa était grande et fine, certes, mais sa silhouette était tout en muscle; Maze, plus petite et moins entrainée au combat, pouvait peut-être la surpasser en rapidité. La première semblait prête pour ce combat alors que la seconde était épuisée par cinq jours dans l'arène.

Maze doutait de pouvoir avoir le dessus sur Althéa mais s'il y avait un moyen d'y arriver, il lui faudrait passer par l'arrogance de la Carrière, Maze en était certaine. D'après ce qu'elle avait vu avec Lynch, Althéa ne se contenterait pas de la tuer rapidement, elle allait d'abord jouer avec elle. Maze allait devoir être en mesure de saisir ces occasions pour renverser la situation.

La tâche ne serait pas aisée.

Les deux jeunes filles se tournaient autour, attendant que l'autre porte la première attaque, scrutant l'adversaire, à la recherche de la moindre faiblesse. Althéa tenait un seul poignard, dans sa main droite. Rien qu'à la façon dont elle se mouvait, Maze devina qu'Althéa ne maniait pas le poignard comme une arme extérieure mais plutôt comme une extension de son bras. Son équilibre était parfait et Maze était quasiment certaine qu'elle n'avait pas cillé une seule fois depuis le début de leur duel.

Finalement, Althéa s'élança vers elle, forçant Maze à prendre appui sur sa jambe blessée. Elle tressaillit mais bloqua le bras de la Carrière et la repoussa d'un coup de pied dans le ventre. Althéa recula mais ne perdit pas l'équilibre; elle repassa aussitôt à l'attaque. Maze para autant qu'elle le put mais une feinte d'Althéa la déstabilisa et la lame du poignard lui entailla le bras. Le sourire de la Carrière s'élargit et elle redoubla d'efforts. Maze sentait le sang couler le long de son mollet et de son bras, elle sentait sa jambe faiblir et ses défenses s'amenuiser sous les attaques d'Althéa. Cette dernière la forçait à reculer et bientôt, toute retraite fut impossible comme son dos rencontra le tronc d'un chêne.

Les doigts d'Althéa pianotèrent un instant sur la garde du poignard. Maze avait remarqué qu'elle le faisait souvent avant de frapper avec. Elle n'eut qu'une fraction de seconde pour réagir : le bras d'Althéa fusa vers elle et Maze se baissa, laissant la lame s'enfoncer profondément dans l'écorce. Althéa poussa un grognement de frustration et Maze saisit cette opportunité pour lui porter deux coups de poignards. Malheureusement, un seul porta et de façon superficielle, l'autre fut paré à mains nues. Maze fut plus choquée qu'Althéa de voir le sang dégouliner abondamment de sa paume; elle secoua la main, comme si elle était simplement gênée. Maze n'en revenait pas : elle aurait dû au moins crier, sourciller mais non, elle n'avait paru ressentir aucune douleur. La Carrière riposta aussitôt, abandonnant son poignard dans l'arbre, enchainant coups de poings et coups de pied, feintes et attaques. Maze évitait les coups tant bien que mal, sautant et tentant de se mettre hors de portée mais Althéa feinta et asséna un coup de tête à Maze. Cette dernière s'effondra et sentit sa bouche se remplir de sang. Ses oreilles et sa tête bourdonnaient ; sa vision se troubla. Elle tomba au sol et pendant quelques secondes, elle fut incapable de bouger. Elle sentit ses poignards lui échapper : Althéa les avait dégagés de deux coups de pied bien placés. Maze gémit alors que sa vision regagnait en clarté. Elle aperçut Althéa debout devant elle, la respiration erratique et les cheveux décoiffés. Elle sentit sa botte appuyer sur son mollet blessé. Maze poussa un cri douleur qu'elle ne put retenir.

"- Tu meurs ici, 7. Tu ne peux pas gagner."

La voix d'Althéa lui parvenait comme de très loin; seule la douleur qui se propageait dans tout son corps était concrète. Et le fait que si elle ne faisait rien, elle allait mourir. Althéa accentua sa pression sur la blessure de Maze.

"- Tu iras rejoindre tes frères et ta soeur. Eux non plus ne pouvaient pas gagner. Ils sont morts et bientôt, ce sera ton tour."

Maze ne bougeait plus, elle s'efforçait de rester immobile; il fallait qu'Althéa croie qu'elle était incapable de bouger. Après une longue minute, la pression sur sa jambe disparût ; Maze profita de ce répit pour se redresser en un bond en prenant appui sur ses mains. Elle se jeta sur Althéa qui s'était précipitée pour attraper un poignard et parvint à la plaquer au sol. Elle agrippa son bras qui se tendait vers la garde du poignard et le tira brutalement vers elle, arrachant un véritable hurlement de douleur à Althéa comme ses os produisaient des craquements des plus sinistres. Maze sentit son estomac se retourner lorsqu'elle relâcha le bras d'Althéa qui ressemblait à celui d'une poupée brisée. La souffrance sembla décupler les forces de la Carrière qui se retourna et lui décocha un violent coup de poing dans la mâchoire qui lui fit voir trente-six chandelles. Maze encaissa et resserra ses jambes autour de la taille d'Althéa, essayant de l'immobiliser le plus possible. Le seul bras valide qui lui restait n'était pas entravé : tour à tour, elle frappait, tirait, tordait ce qu'elle pouvait atteindre. Maze crut qu'elle allait lui arracher l'oreille lorsqu'elle parvint, l'espace d'une seconde, à planter ses dents dans son poignet. Un sursaut désarçonna Maze ; Althéa la projeta en avant. Maze retomba lourdement sur le sol; elle grimaça. La souffrance faisait tellement partie de son organisme qu'elle ne perçut pas tout de suite l'inconfort qu'elle ressentait dans son dos. Elle bougea légèrement. Le poignard. Elle était tombée sur l'un des poignards dont Althéa l'avait délestée. Le bras coincé sous son dos, elle tentait de l'attraper.

"-Fini de jouer." dit froidement Althéa.

Leurs regards se croisèrent. Celui de la Carrière était injecté de sang; Maze espérait que le sien reflète la hargne qu'elle ressentait. Althéa se tenait au-dessus d'elle et faisait tourner le deuxième poignard de Xander entre ses doigts.

"-Tu vas mourir lentement, 7." annonça la Carrière. "On nous apprend comment faire durer les choses, dans le 1."

"- Si tu parles de ton monologue, il est bel et bien interminablement long. On vous apprend à le rendre ennuyeux aussi ou c'est un talent personnel?" répliqua Maze, sur le ton de la conversation.

Il était assez difficile d'avoir l'air de tenir une conversation mondaine quand, comme Maze, on avait la bouche remplie de sang -sans doute quelques dents en moins également. Maze fit mine de se redresser et un coup de pied la renvoya au sol. Elle retomba, sa main se rapprochant du poignard sur lequel elle était.

"- J'ai vu ce que tu as fait à Lynch.

- Lynch?

- Le type du 4. Ton allié."

Althéa haussa les épaules.

"- Ce n'était pas personnel, mais il ne reste qu'un vainqueur à la fin."

Maze grogna lorsqu'Althéa posa son pied sur sa poitrine. Elle devait avoir une ou deux côtes cassées, chaque respiration était douloureuse.

"- Ce n'est pas personnel pour toi non plus."

Maze ignorait si elle disait cela pour la rassurer mais en tout cas, cela ne marchait pas du tout. Elle étouffa un gémissement de douleur lorsqu'Althéa s'assit sur son ventre. La lame qu'elle tenait s'approcha dangereusement de ses yeux et Maze rassembla tout son courage pour ne pas les fermer. Elle affronterait cette réalité.

Un cri de douleur s'étrangla dans sa gorge lorsqu'elle sentit la lame s'enfoncer dans son ventre à travers les vêtements. Althéa retira rapidement la lame avant de recommencer un peu plus haut. Rationnellement, Maze savait que les blessures que lui infligeait Althéa n'étaient pas immédiatement mortelles; mais, apparemment, la raison avait tendance à manquer à l'appel dans ce genre de situation. Maze se tortillait sur le sol, cherchant à échapper aux coups, cherchant à… ça y est!

Ses doigts se refermèrent sur la garde du poignard. Lentement, millimètre par millimètre, elle le tira.

Elle se figea lorsque la lame du couteau d'Althéa caressa sa gorge. Et si elle décidait de l'achever? Maze sentait son coeur cogner contre ses côtes, cela lui donna la nausée.

"- Je gagne. Toi, tu vas retrouver tes perdants de frères et soeur." chuchota Althéa à son oreille. "Et dans quelques temps, quelqu'un enverra les petits vous retrouver. Vous serez tous réunis…."

Alors, tout se mêla dans la tête de Maze.

D'un geste brusque, elle sortit le poignard de derrière son dos et le planta dans le cou d'Althéa. Celle-ci se recula et la regarda avec surprise, un rictus ensanglanté se dessinant sur son visage. Maze repoussa Althéa en arrière mais sa lame lui érafla la gorge, laissant une coulée écarlate sur sa peau. Althéa perdait beaucoup de sang mais ne se rendait pas : à nouveau, Maze se précipita sur elle et la poignarda, encore et encore. La lame s'enfonçait inlassablement dans la Carrière. D'abord, elle se défendit en mouvements erratiques puis elle cessa de bouger, mais Maze ne semblait pas le remarquer. Elle continuait de frapper encore et encore.

Elle leva le poignard et se figea.

Boum.

Un canon.

Alors, elle baissa les yeux sur sa victime. Elle regardait le ciel sans le voir; sa bouche était entrouverte comme pour une ultime provocation; son corps était celui brisé et disloqué d'une marionnette.

Maze se recula, horrifiée de ce qu'elle avait fait. Pas du meurtre, non, mais de la sauvagerie à laquelle elle s'était livrée. Elle regarda frénétiquement autour d'elle, le souffle erratique. Tout tournait, elle ne savait plus où elle était et ce qu'elle faisait. Seul le corps d'Althéa ne tournait pas : c'était ce qu'elle avait fait. Elle tomba au sol et hurla, comme pour briser la transe monstrueuse dans laquelle elle avait été emportée.

Finalement, épuisée, elle ferma les yeux et s'endormit.

Maze s'était réveillée en sursaut au bout de quelques minutes. Elle était restée immobile, le temps de reprendre ses esprits, puis elle s'était levée et avait rassemblé ses affaires.

"Plus que deux, se répétait-elle. Plus que deux. "

Elle n'avait qu'une envie : s'éloigner le plus possible du corps d'Althéa. Alors, malgré son épuisement et ses blessures, elle se remit en marche. Le soleil déclinait derrière les arbres. Elle décida d'avancer encore une heure avant de s'installer pour la nuit. Elle grimpa à un arbre et entreprit de soigner ses blessures. Pour les côtes, elle ne pouvait rien faire, mais pour les entailles, elle disposa des feuilles sur les plaies. Ces mêmes feuilles qu'elle avait trouvées le premier jour dans son sac. En une nuit, les feuilles devraient grandement avancer la cicatrisation. Elle estima les dégâts au niveau de sa bouche : la mâchoire ne semblait pas cassée, mais elle avait perdu trois dents dans le combat.

Plus que deux, plus que deux.

Ce soir-là, lorsque le visage d'Althéa apparût dans le ciel, Maze se força à la regarder jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Aucune autre mort.

"Plus que deux, songeait-elle. Plus que deux."

L'arène fut plongée dans les ténèbres comme les Juges avaient décidé d'une autre nuit sans étoiles. Maze ne parvint pas à trouver le sommeil, chaque respiration lui causait de violentes douleurs.

Le cinquième jour s'achevait.

"Plus que deux, pensait Maze comme une litanie. Plus que deux…"

A suivre…

NB : Merci d'avoir lu! J'espère que ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à laisser une review, ça fait toujours (très plaisir!). Je prévois deux chapitres de plus et ce sera la fin de cette histoire! J'espère que vous continuerez à lire, à bientôt au prochain chapitre !