Chapitre 2:

On frappa à la porte.

Simultanément, Snape et Harry lâchèrent un juron.

La porte s'ouvrit. Harry savait que ce ne pouvait être Lockhart, cette fois, car il dormait replié dans sa coquille. Mais en toute franchise, ce ne fut guère mieux. Narcissa Malfoy fit une entrée spectaculaire, robe vaporeuse, parfum capiteux et pose aguicheuse.

« Severus », roucoula-t-elle.

« Oh non », se dit Harry, effondré, intérieurement réduit à l'état de flaque sur le carrelage. Snape n'accueillit pas l'intruse comme il avait accueilli Lockhart.

« Narcissa ! Quelle charmante surprise ! »

Il éteignit le feu sous le chaudron, sans un regard pour la potion amoureusement concoctée par Harry. Celui-ci, le cœur brisé, n'osa pas protester mais tourna des yeux lourds de haine vers la blondasse.

L'abjecte créature, maquillée à la truelle, marcha vers Snape en lui tendant la main. L'homme la prit et la porta à ses lèvres. Pouah ! La viande devait être un peu avariée, vu son grand âge et sa vie sexuelle orgiaque !

« Je n'arrive pas à croire à votre présence ici, dit-il, dans mes cachots sinistres. Votre beauté les illumine. »

Et gnagnagna et gnagnagna. La décolorée lui fit un sourire d'une niaiserie affolante. Ils restèrent un moment les yeux dans les yeux.

Harry saisit la louche qui traînait dans le chaudron et vint l'agiter devant la robe immaculée qui fut éclaboussée de vert gluant. Narcissa Malfoy fit un bond en arrière avec un braiement d'âne.

« Mille pardons, madame », fit Harry avec contrition.

« Potter ! » cracha-t-elle.

Elle ne roucoulait plus du tout. Elle considérait Harry comme s'il était une créature magique particulièrement immonde. Harry lui rendit son regard avec audace. Le Magenmagot avait innocenté cette grue des crimes de Lucius, dont elle avait curieusement divorcé le lendemain de la défaite de Voldemort. Mais que cette garce se pavane encore, avec la même arrogance qu'avant, relevait d'un cas pathologique !

Harry Potter incarnait sa défaite, une claque dans sa face liftée. Et il en était ravi.

Snape manipula sa baguette d'un mouvement nonchalant.

« Evanesco. »

Les tâches sur la robe disparurent. Narcissa tourna vers son sauveur un œil étincelant de gratitude tandis que l'autre œil fusillait Harry de son courroux. Ce ne fut pas sans un rude effort pour ses muscles oculaires.

« Que puis-je pour vous, Narcissa ? » demanda Snape.

« Très cher ami ! Je suis courroucée que vous pensiez qu'il me faille un motif pour venir ici… J'ai grand besoin de votre talent. »

Harry leva les yeux au ciel. Décidément, ce n'était plus une école ici, c'était « Severus service, 24 heures sur 24 ». Le sorcier devrait être rémunéré pour ses prestations : il n'aurait plus besoin d'enseigner.

Narcissa dévida des flatteries sur les dons de Snape en potions pendant une bonne minute, sans en venir au but, et sans que Snape ne l'interrompe. Evidemment, il en profitait, comme un chat ronronne sous les caresses. Harry serra les poings.

« … Bref, je sais que votre potion est la seule à réaliser l'effet tenseur sur les cellules de l'épiderme et à lutter contre les radicaux libres responsables du vieillissement. »

« Qui vous a dit ça ? »

« Lucius… Paix à son âme. J'ai pensé que vous, mon plus cher ami, accepteriez de m'en fournir une fiole. Parce que je le vaux bien. »

« Certainement, Narcissa. Je vous avertis, toutefois, que la formule est très active. Il est possible que vous ayez quelques effets secondaires, bénins je vous rassure. Potter, allez dans la réserve : placard de gauche, troisième étage à partir du haut, la fiole marquée skin perfect ».

Harry s'exécuta. Il revint avec la fiole qu'il tendit à Narcissa. Celle-ci la déboucha et la porta à ses lèvres.

« Non ! s'écria Snape. En application cutanée ! »

Elle enduit alors ses doigts d'une dose généreuse et s'en tartina avec délectation. Elle se tourna vers Snape.

« Alors, de quoi ai-je l'air ? »

« Eh bien… », commença-t-il en écarquillant les yeux.

La peau ivoirine, si bien lissée par les soins du docteur Nip-Tuck, se couvrait de pustules rougeâtres, de bubons suintants et de poils noirs. Apparemment, Narcissa ne sentait rien mais l'air atterré de Snape l'alarma. Elle regarda frénétiquement autour d'elle. Obligeamment, Harry lui tendit un miroir. Elle poussa un cri.

« Quelle horreur ! Severus, immonde charlatan ! C'est ça, vos effets secondaires bénins ? »

« Pas du tout, c'est bien la première fois… »

« J'espère pour vous que ça passera très vite ! menaça-t-elle, vociférante. Sinon je vais vous faire retirer votre titre de Maître des Potions ! Vous faire enfermer à Azkaban ! Vous entendrez parler de moi ou je ne m'appelle plus Malfoy ! »

« Vous ne vous appelez plus Malfoy depuis votre divorce », fit remarquer Snape.

Furieuse, Narcissa plaqua sa cape sur son visage, façon tchador, et quitta les lieux.

Le laboratoire sembla soudain très calme après le départ de la harpie défigurée. Snape regarda Harry d'un air soupçonneux.

« Faites-moi voir cette fiole. »

Il avisa l'étiquette et soupira :

« Je vous avais dit de me rapporter skin perfect, pas skin insect ! Vous ne savez ni lire, ni distinguer l'étagère de gauche de celle de droite, semble-t-il ! »

L'air contrit du garçon n'était pas entièrement feint.

« Si cette folle vous crée des ennuis, dites bien que c'est entièrement ma faute. Je me suis trompé de potion. »

Snape garda le silence un instant. Harry se recroquevilla, attendant l'explosion qui ébranlerait sûrement Poudlard dans ses fondations même… Mais l'homme dit tranquillement :

« Je ne pense pas que l'ex madame Malfoy mette ses menaces à exécution. Elle se terrera chez elle jusqu'à disparition des symptômes, d'ici trois ou quatre jours. »

« Vous n'êtes pas fâché contre moi ? »

« Vous n'avez pas agi à dessein. Je suis accoutumé depuis belle lurette à vos bévues lamentables, votre incompétence abyssale, votre ignorance incommensurable… »

« Oh, ça va, ça va… »

« A présent que l'intrusion est terminée, vous allez reprendre la potion de Sommeil sans rêve. Ne vous tracassez pas pour Narcissa. »

« Oh, je ne ferai pas de cauchemars pour cette p… personne ! Même sans potions de Sommeil sans rêve ! »

Snape ajouta d'un ton neutre :

« Vous rappelez-vous de votre premier cours de potions, Potter ? Je disais qu'avec une potion tout est possible. Aujourd'hui, vous avez appris que, grâce à ce noble art, il est possible de donner à une femme une apparence qui reflète exactement sa beauté intérieure. »

Harry éclata de rire.

HPHPHPHP

Le soir, dans son lit, Harry fit un nouveau bilan. Les points négatifs étaient assez nombreux, hélas ! Déjà, s'il croyait être seul avec Snape dans son laboratoire, il s'était fourré le doigt dans l'œil jusqu'au coude. C'était pire qu'une plage au mois d'août. Entre Dumbledore qui apparaissait plusieurs fois par jour pour vérifier qu'ils ne s'étaient pas entretués ; madame Pomfresh qui se croyait à l'épicerie et faisait ses courses, sa liste à la main : « Il me faudrait deux fioles de pimentine, un bocal de poussos… » ; et bien sûr les pauvres nazes qui venaient mendier à la fois des remèdes et les attentions de Snape, c'était un défilé permanent.

Qui aurait cru que Severus Snape, affublé par les élèves de noms d'oiseaux, avait un tel succès ? Les hommes, les femmes… Ne manquaient plus que les elfes de maison. Harry se promit de surveiller Dobby la prochaine fois qu'il viendrait sous le prétexte fallacieux d'apporter le thé.

Séduire son ancien professeur ne serait pas chose aisée. Harry devait compter avec une forte concurrence. Heureusement, il avait su l'éliminer du tableau avec une certaine classe.

Quelle classe ? Ses actions étaient mesquines et déloyales. De plus, se débarrasser de ses rivaux ne signifiait pas que Snape allait lui tomber dans les bras. Du moins, pas avant que Harry ne soit le dernier humain sur terre…

Bon. Il fallait passer aux points positifs avant que Harry n'ouvre la fenêtre de la tour et ne s'y jette sans balai.

Il y avait bien un point positif, quand même !

Snape ne l'avait pas tué, c'était déjà ça, alors qu'il le méritait amplement. Il lui avait même demandé (ordonné, plutôt) de revenir le lendemain. C'était encourageant, non ? Ah bon. Tant pis.

Harry s'endormit. Il fit d'atroces cauchemars où Snape ne cessait de le repousser, de tourner ses sentiments en ridicule ; il finissait par s'éloigner, la main gauche dans celle de Lockhart et la main droite dans celle de Narcissa.

Harry avait complètement raté sa potion de Sommeil sans rêve…

Ce fut un jeune homme démoralisé, aux yeux cernés, qui rejoignit le laboratoire le lendemain. Il se mit au travail mécaniquement, sans enthousiasme. Snape l'observait du coin de l'œil.

« Il s'agirait de vous réveiller, Potter ! Avec cet air ahuri, vous êtes mûr pour surpasser Londubat dans ses cataclysmes. »

En temps ordinaire, Harry aurait réagi vigoureusement pour se défendre. Mais la déprime le laissait aussi amorphe qu'une limace…

Au fait.

« Comment va Lockhart ? » s'enquit-il.

« Bien. L'effet de la potion a cessé. Il a repris son aspect normal et il a demandé une salade pour dîner. »

Harry hocha vaguement la tête et retomba dans son mutisme. Snape le regarda un long moment sans rien dire.

La matinée s'écoula. Ils n'étaient que tous les deux. Snape s'était seulement absenté un moment pour contacter quelqu'un par cheminette. A présent, il mélangeait savamment les ingrédients préparés par Harry. Il ôta sa robe et apparut en jean noir moulant et chemise entrouverte. Harry avala difficilement sa salive. Cet homme était un véritable supplice de Tantale. Il devait se retenir de se précipiter et de coller sa langue dans son palais…

Le destin du Survivant était vraiment cruel…

On frappa à la porte.

Ah non, m... !

Draco Malfoy fit son entrée, ce qui arracha un gémissement étouffé à Harry. Il ne manquait plus que le fils de Lucius. Le Mangemort en réduction. Le bonsaï. Curieusement, il y avait dans sa démarche une grande similitude avec celle de sa mère la veille ; le déhanchement, surtout.

« Bonjour, Severus », susurra-t-il avec lenteur, comme s'il suçait un bonbon délicieux.

Sa voix était un véritable appel à la luxure. Harry sentit que ses yeux menaçaient de sortir de leur orbite. Il lui en ficherait des bonbons à sucer ! Et depuis quand la sale fouine avait-elle permission d'appeler Snape par son prénom ? Depuis que sa mère avait pris le voile ?

Draco vint se suspendre au bras du professeur avec une telle vivacité qu'il était étonnant que le bras en question ne s'allonge pas de dix bons centimètres sous le poids. Pour décrocher un tel parasite, il faudrait une tenaille grand modèle.

Harry, écoeuré, consterné, voyait le plus éphèbe de Poudlard faire autour de Snape la danse de la séduction. Il n'avait pas l'ombre d'une chance contre le Serpentard.

(à suivre)