Je suis Remus
Remus se réveilla, le corps endolori. Il avait des courbatures partout. Comme si on avait étiré tous ses os, tous ses muscles, pour jouer avec comme de la pâte à modeler.
Ce qui n'était d'ailleurs pas très loin de la verité. Le loup garou était bien plus grand que l'humain, et tout son corps et ses organes devaient s'y adapter.
La douleur semblait mortelle et insupportable à chaque fois. Il n'y avait pas eu une seule pleine lune durant laquelle il n'avait pas cru mourir.
Mais il se réveillait toujours le matin, honteux et tremblotant.
Ses amis l'avaient couvert d'une cape. Il soupira et essaya de se lever. L'infirmière ne devrait pas tarder. Il ne voulait pas qu'elle le voie si misérable – une fois de plus.
Il se redressa sur son coude, et força son corps à se soulever.
Rien à faire... Il retomba en arrière avec un gemissement de douleur. Il réessaya encore et encore, jusqu'à ce qu'une main attrape son bras et l'aide.
Il baissa les yeux et remercia doucement l'infirmière.
Elle lui attrapa le menton et souleva son visage.
« Il n'y a pas de quoi avoir honte, Remus. Reste le regard fier et le dos droit. »
Sur ce, elle lui tendit une fiole sans s'attarder plus sur ce sujet.
« Voila ta potion de renforcement. »
Il l'avala d'une traite. Immédiatement, il sentit la douleur s'atténuer. Assez pour qu'il puisse marcher.
Mme. Kader lui prit la main et le guida jusqu'à l'infirmerie.
« Remus, je suis très embêtée. »
« Je suis désolé, Mme. Kader...Si vous êtes ennuyée, si vous ne voulez plus faire ça, je comprendrais parfaitement... Vous n'êtes p...»
« Oh, arrête, Remus. Ce qui m'embête, c'est ton état. D'un point de vue physique, tu supportes parfaitement, et encore mieux que beaucoup d'adultes, crois-moi. Mais j'ai peur que cela ne nuise à ton état psychologique. »
« Je me sens bien. J'ai juste un peu mal. »
Ils étaient à présent arrivés dans l'infirmerie. Il passèrent entre tous les lits, et entrèrent dans la petite pièce qui lui servait de bureau. Elle lui fit signe de s'asseoir sur la chaise face à sa table. Puis elle la contourna et s'assit à son tour.
« Dis moi la verité, Remus. Comment tu te sens ? »
Il se tut un moment. Il ne voulait pas dire des mots à tord et à travers. Il commença avec prudence :
« Je le supporte bien mieux qu'avant, croyez moi. Ca me semble normal, de faire ça, c'est... dans mon quotidien.»
Elle éclata de rire.
« Merlin ! Remus, tu es un bien étrange élève. Je n'ai pas rencontré beaucoup de loups garou qui disent que les jours de pleine lune fait désormais partie d'un quotidien banal. »
Il y eut soudain un grand bruit. Ils sursautèrent, et Remus vit de la peur dans les yeux de l'infirmière.
Elle se leva, et sortit pour vérifier qu'il n s'était rien passé de grave.
« Merlin ! Qu'est-ce que vous faites là ! »
Remus perdit toute couleur. Etait-il possible que cette personne ait tout entendu ?
Il sentit les battements de son cœur accélerer. Son souffle devint difficile. Il hésita entre se lever et aller vérifier, et resta là à se cacher et éviter de regarder la vérité en face.
Il repensa aux paroles de l'infirmière, qui lui demandait de rester le regard fier et le dos droit.
Etait-en en se cachant ici qu'il la remercierait pour tout ce qu'elle faisait ? Et après tout, il était un gryffondor !
Il se leva, le regard dur. Si son heure était venue de quitter l'école, il le ferait dignement. Pas en se roulant en boule et attendant qu'on vienne le chercher et le mette dehors de force.
Il sortit de la pièce à son tour, et vit l'infirmière faire face à une élève. Il s'approcha encore pour voir de qui il s'agissait.
C'était une serpentard.
Génial...Pensa t-il.
Son départ serait d'autant plus rapide.
Comment s'appelait cette fille, déjà ? Il se rappelait d'elle...C'était la fille que tout le monde surnommait la traînée. Beaucoup de rumeurs circulaient à son sujet – comme si elle était déjà une légende vivante – et la plupart concernaient ses aventures amoureuses. On disait qu'elle était une « marie couche toi là ». Personne ne l'aimait beaucoup – surtout pas les filles – Remus compris. Il avait l'impression qu'elle était une fille très superficielle, le genre de fille riche et sans problème qui regarde tout le monde de haut.
C'était sans doute la raison pour laquelle elle n'avait aucun ami, même chez les serpentards. Cependant, les garçons la suivaient du regard avec admiration partout où elle allait, et il était sur que beaucoup d'entre eux auraient donné un bras pour qu'elle leur accorde de l'attention.
Olivia Abel, voilà son nom ! Sirius et Peter parlaient parfois d'elle – en termes très élogieux pour le corps et assez insultants pour le reste.
« Salut, Abel. »
L'infirmière sursauta et se retourna. Il vit l'étonnement dans ses yeux à le trouver ici.
Abel, quant à elle, répondit d'un hochement de tête comme si de rien n'était.
Remus, confus, haussa un sourcil. Pas de grands cris révoltés, pas de menaces, pas de hurlements répugnés ? Qu'est-ce qu'elle attendait ?
Mme. Kader prit les choses en main.
« Qu'est-ce que vous faîtes là, Abel ? »
Elle baissa les yeux et ne répondit pas. L'infirmière posa son regard sur les débris de verre qui trainaient sur le sol. Les restes d'une fiole brisée, dont la chute avait dû entraîner le bruit qui les avait fait sursauter ainsi.
« Merlin, vous êtes venue voler une potion ? »
Abel ne répondit pas. Remus se demanda si Mme. Kader essayait de reporter l'attention de la serpentard sur sa propre culpabilité.
Elle se pencha et passa l'index sur les gouttes éparpillées sur le sol, et la porta à son nez. Elle renifla brièvement, et son visage se décomposa. Elle reporta un regard bien moins sevère sur la jeune femme devant elle.
« Un philtre de paix. »
Elle s'éclaircit la gorge, puis pointa l'index sur la porte menant à son bureau.
« Nous allons parler, tous les trois. »
Elle fit apparaître une chaise de plus, et prit bien soin de fermer la porte derrière elle, cette fois.
Une fois qu'elle fut installée face à eux, elle posa ses coudes sur la table et rejoignit ses mains. Puis elle se tourna vers Abel.
« Bien. Commençons par cela : Olivia, est-ce la première fois que vous venez voler un philtre de paix ? »
Abel répondit d'une voix étonnament calme et sereine. Comme si elle se fichait d'absolument tout.
« Ca fait 2 ans que je viens en chercher régulièrement. »
Mme. Kader se passa une main dépitée sur le visage. Remus n'était pas sur de saisir la gravité de la situation. En revanche, lorsqu'il regarda Abel, il comprit que contrairement à lui, elle en était parfaitement consciente. Mais qu'elle s'en fichait.
« Olivia... Vous auriez pu venir m'en parler. »
« Non. J'avais juste besoin de ce philtre. »
« Ce philtre entraîne tolérance. Et dépendance. Avez-vous augmenté les doses ? »
« Non. J'en prends plus fréquemment, c'est tout. »
« Ce philtre peut tuer, Olivia. »
Pour la première fois, la serpentard détacha son regard de celui de l'infirmière. Elle détourna la tête, puis répondit :
« Et bien je suis encore vivante. J'attends votre punition pour le vol. Mais ce que j'ai fait avec cette potion ne vous concerne pas. »
Remus aurait voulu souhaiter du courage à l'infirmière. Mais il n'arrivait pas à croire que la serpentard puisse avoir un ton aussi administratif et froid.
« Bien. Mettons que j'ai choisi la punition. Vous devrez venir pour une consultation une fois par semaine pour vous détacher de cette dépendance. »
« C'est ma punition ? » S'étonna t-elle.
Mme. Kader acquiesça. Olivia Abel soupira, puis admit :
« Je suppose que c'est juste. Je suppose aussi que je devrais penser que c'est même très clément de votre part. »
C'était dit d'un ton qui n'était pas véritablement reconnaissant en soi. Juste une constatation.
« Maintenant je voudrais aborder un autre sujet avec vous, Olivia... » Commença l'infirmière.
Abel soupira, et jeta un bref regard à Remus. Ce dernier bougea sur sa chaise, mal à l'aise.
« Je m'en fiche » Déclara t-elle en appuyant bien les mots et ancrant son regard dans celui de la dame face à elle avec beaucoup de sérieux.
« Vous vous fichez de quoi ? » Demanda t-elle.
« Je me fiche que Remus Lupin soit un loup garou. »
Remus crut que son estomac était au bord de ses lèvres.
Mais Abel ne s'attarda pas plus là-dessus et se releva, en demandant :
« Est-ce que ça suffit ou est-ce que je dois jurer sur l'honneur de n'en parler à personne ? »
Mme. Kader eut un soupir fatigué.
« Je vous fais confiance, Olivia. »
Cette dernière eut un dernier regard pour Remus et sortit de la pièce.
Le gryffondor avait la désagréable sensation de ne pas avoir tout saisi dans ce qui venait de se passer. L'infirmière y remédia :
« Remus...Je vois que tu es confus. Laisse moi t'expliquer. Cette fille a developpé une dépendance au filtre de paix. Ce qui pourrait être comparable chez les moldus à une dépendance à de la drogue. Tu comprends ? »
Il fit oui de la tête.
« Mais pourquoi prendre ce filtre aussi souvent ? Ou plutôt...pourquoi avoir commencé à le prendre ?»
Mme. Kader soupira.
« C'est justement ce que je voudrais bien savoir... Mais tu as du te rendre compte qu'elle fait partie de ces gens à qui il faut arracher les mots des lèvres. Tout ce que je peux te dire, c'est que cette fille a de gros problèmes. Et qu'elle se sent assez mal dans sa peau pour s'oublier grâce à ce filtre, pour passer des moments de bonheur éphémères et illusoires... »
Elle se perdit dans ses propres réflexions. Et Remus dans les siennes. Il n'aurait jamais cru que cette fille se sentait mal...
Certes, Olivia Abel était une fille solitaire, qui regardait tout le monde de haut, dont toutes les filles étaient jalouses, car elle avait un physique parfait. Que ce soit pour le visage ou le corps, Olivia Abel était certainement la plus belle.
Remus ne l'aimait pas. Il ne la connaissait pas, certes. Mais il devinait quel genre de fille elle était : méprisante, hautaine, superficielle...Il détestait les gens qui se croyaient supérieurs alors qu'ils n'avaient rien vu ni vécu, alors qu'ils ne savaient pas ce qu'était souffrir...
Il était certain que cette serpentard avait un problème dérisoire. C'était son habitude du luxe qui avait du la plonger dans cet état, il n'y avait aucun doute.
A la limite, on pouvait considérer que c'était l'absence d'amis qui la faisait souffrir. Mais même cela lui semblait impossible, puisqu'elle n'avait jamais présenté de sympathie envers quiconque.
« Remus, est-ce que je peux te demander un service ? »
Le garçon sursauta et dirigea son attention vers l'infirmière.
« Bien sur. »
« J'aurais besoin que tu gardes cette jeune fille à l'œil. Je ne te demande pas de la surveiller en permanence, ou de la paterner...Juste que tu me tiennes au courant si tu vois quelque chose de révélateur. Tu crois que ça serait possible ? »
Remus acquiesca. De toute façon s'il y avait quelqu'un à qui il ne pouvait rien refuser, c'était bien Mme. Kader, qui s'occupait de lui lors des pleines lunes...
« De plus, tu es préfet » Remarqua t-elle, comme pour soulager sa propre conscience.
« Il n'y a aucun problème, Mme. Kader. Je vous dois bien ça. »Il eut un sourire reconnaissant, et sortit à son tour de l'infirmerie.
