Merci pour vos reviews, c'est super gentil.
Voilà la suite écrite une fois de plus avec Rieval (merci merci encore) En fait je fais une première version qui possède son lots de d'imperfections (envolées lyriques notamment et quelques incohérences) Rieval réécrit les passages en faisant en sorte de mieux les faire correspondrent à la personnalité de Roro. C'est donc un travail à deux mains.
Rieval : j'ai tout gardé sauf le passage où tu parlait de sa voix presque chaleureuse. Pour moi ça ne correspondait pas aux mots qu'emploie Sheppard dans son POV. Idem pour Roro qui sourit, pour moi il ne réagit pas du tout donc pas de sourire.
J'arrête de blablater, bonne lecture. (je préviens j'ai eu une montée de larmes en lisant ce chapitre et pourtant je savais ce qu'il y a dedans, donc sortez les mouchoirs)
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Je me sens sale, si sale ... Je voudrais me débarrasser de cette souillure mais je doute qu'une simple douche parvienne à effacer l'horreur de la dernière heure : Comment de l'eau pourrait-elle effacer les traces de ses mains sur moi, la sensation de son souffle dans mon cou, et tout le reste … je repense à ce kit du petit chimiste, celui que m'avait offert mon oncle Bill, je repense à ces expériences de chimie amusante où l'on peut faire disparaître toute trace d'un liquide par adjonction d'un autre, juste comme ça, par simple dissolution … si seulement cela pouvait être aussi facile, si seulement il suffisait de se plonger dans un bain pour que cette chose en moi disparaisse, quitte mon corps. Quitte mon esprit. Je voudrais que cette pourriture que je sens se développer en moi disparaisse …
Je voudrais disparaître … ou hurler.
Je n'ai rien dit, pendant tout le temps qu'a duré l'attaque, je n'ai pas parlé, pas crié, les bruits qu'Il produisait étaient mon seul univers : Grognements, gémissements, et le schlacschlac de la chair contre la chair … mains maintenant je sens le cri monter en moi, ce cri qui veut hurler toute ma douleur.
Ma douleur … elle me brûle et me consume de l'intérieur et j'ai envie de lui dire Sois sage, ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille. (1) Laisses-moi en paix, va torturer quelqu'un d'autre. Cesse de rugir comme un lion et lâche ce corps meurtri qui est le mien … mais elle refuse de me lâcher.
Elle continue à répéter encore et encore ce qu'il m'a fait. Elle me décrit ce qu'il m'a pris et que je ne récupérerais jamais, une partie de moi, de mon esprit, de mon âme. Elle va finir d'accomplir ce que Sheppard a commencé … sauf si je parviens à la relâcher, sauf si je crie … mais en aurais-je la force ?
J'espère, je veux croire que ce hurlement intérieur deviendra un cri. Qu'il résonnera dans l'immensité de cette pièce lugubre où nous sommes enfermés et peut-être, oui peut-être qu'avec le temps, il ne sera plus qu'un murmure. Mais je sais qu'il m'accompagnera partout, se nourrissant de ce qui me reste de raison ...
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Le temps a passé, ou peut-être pas … je ne parviens pas à me concentrer, je n'arrive plus à réfléchir. J'essaye de penser à autre chose, j'essaye de penser à Atlantis, ses hautes tours d'argent brillants au soleil, à la flaque bleue et froide de la Porte des Etoiles … Mais sans cesse son visage se glisse dans mes souvenirs.
Son visage déformé par la haine. Son regard où brille la folie. Son corps écrasant le mien. Son membre dur qui… Il est toujours en moi. J'ai si mal, que j'ai la terrible impression qu'il est encore en moi. Au plus profond, il tient compagnie à son fluide qui me contamine. Comme un poison, un venin qui me dévore les chairs. J'ai découvert le plus puissant des acides. Il agit avec une lenteur insoutenable, pour que le martyre dure le plus longtemps possible. Pourquoi la souffrance augmente-t-elle? Ne devrait-elle pas s'estomper avec le temps ? Pourquoi la mienne gonfle-t-elle, se dilate-t-elle de seconde en seconde ?
Elle a pris complètement possession de moi, je ne suis qu'une immense douleur.
Elle me fait perdre pied. Je m'enfonce dans le noir, dans le néant qu'est devenue mon âme. Je tombe, je m'effondre en moi-même, sur le sol, contre ce mur témoin de mon malheur. Comme Alice dans le terrier du lapin blanc, ma chute n'en finit pas.
Elle a atterri au pays des merveilles, moi je suis au pays des horreurs.
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Pourquoi Alice revient-t-elle à ma mémoire ? Ce personnage de la littérature enfantine, mon préféré lorsque j'étais enfant. Je connais son histoire par cœur. Ma mère me lisait un chapitre tous les soirs. Elle prenait le livre jauni par le temps, un livre qu'elle avait reçu en cadeau de sa grand-mère puis elle retrouvait le marque-page, une mèche de cheveux de Jenny, et commençait sa lecture. Sa voix n'était que douceur, caresse, jamais je ne l'ai entendu crier, ou ne serait-ce qu'hausser le ton. Elle lisait, bien qu'elle aussi connaisse l'histoire sur le bout des doigts. Elle ne s'est jamais lassée et moi non plus. C'était notre rituel du soir. Elle me bordait, lisait un chapitre et déposait un baiser sur mon front. Tous les soirs, sans exception, jusqu'à ce jour-là.
Ma vie s'est arrêtée avec la sienne. Enfin, c'est ce que je croyais. J'ai recommencé à ressentir des émotions en arrivant sur Atlantis. Grâce à mes amis, j'avais commencé à abaisser ces barrières que j'avais érigées pour éviter d'être blessé. Encore. Aimer, c'est invariablement accepter de souffrir un jour, et j'avais déjà trop souffert.
Je n'aurais pas dû. Je serais tombé de moins haut, ça aurait fait moins mal. A quoi m'attendais-je ? A quoi rêvais-je ? A des accolades, à des discussions sur nos vies respectives autour d'un bon café, à des soirées vidéo ? A de l'amitié … Et maintenant, que me reste t-il ?
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Un murmure. Une phrase prononcée dans un souffle, à peine audible, me sort de ma léthargie, de mes souvenirs. Comment ose-t-il me parler ?
Vous devez manger un peu ou vous allez faire une crise d'hypoglycémie.
Je rêve ! Il se soucie de ma santé ? Non. Je n'y crois pas. Comment pourrait-il s'inquiéter pour moi ? Je ne suis plus rien pour lui, il me l'a prouvé d'une manière des plus convaincantes. Je lève les yeux. Il est en face de moi. Je veux lui donner le change. Je ne veux pas qu'il voit qu'il a réussi à me détruire. Je ne veux pas lui faire ce plaisir. Non. Il n'aura pas cet instant de gloire. Je ne suis pas sa chose, je suis Rodney McKay, astrophysicien de génie multidiplômé, futur prix Nobel, sauveur d'Atlantis, je suis…
Et c'est là que je remarque quelque chose d'étrange … Ses yeux sont rouges.
Il a pleuré.
Je suis furieux. Il n'a pas le droit de pleurer. Ce n'est pas lui qui a eu mal, qui a encore mal à chaque minute, chaque seconde, chaque mouvement. Ce n'est pas lui qui a perdu toutes ses illusions, ses rêves d'amitié à la vie-à la mort, ses espoirs. Ce n'est pas lui qui ressemble à une coquille vide parce qu'on lui a pris son âme. Ce n'est pas lui la victime … Non, ce n'est pas lui qui doit pleurer.
Mais mon cri n'est pas encore assez fort, ma douleur est toujours au fond de moi et je ne lui dis rien. Je l'ignore et reporte mon attention sur le plateau repas.
Je n'ai aucune envie de manger. La vision de ces aliments me donne la nausée mais je porte quand même une bouchée à mes lèvres, et je mâche comme un automate. Je mange au prix d'un effort surhumain et d'un accroissement de ma douleur. Sa voix s'intensifie. Tais-toi ! Tu ne m'auras pas, toi non plus. Vous ne m'aurez pas, ni lui, ni toi.
Je suis plus fort que vous le pensez.
Il n'est plus là. Il est parti. J'ai gagné. Il a compris.
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Depuis combien de temps suis-je là ? Depuis combien de temps ai-je arrêté de bouger … de pleurer … de penser. D'exister.
J'ai faim sans avoir faim.
Pourtant je sais ce qui m'attend : mal de tête, forte transpiration, esprit embrumé. Les tremblements ne vont pas tarder. Les nausées aussi. Si je ne mange pas rapidement, je vais perdre connaissance, puis viendra le coma.
Le coma … S'endormir doucement, ne plus penser, ne plus se souvenir, ne plus le voir. Etre libre. Libéré de la douleur, libéré de la peur. Libéré de moi-même …
Mais je ne sombre pas tout de suite. Je n'ai pas cette chance. Mon corps s'accroche à cette vie qui l'a pourtant déjà quitté … parce que la vie est dans le cœur et dans l'âme, et que j'ai perdu les deux. Je suis mort, mais mon corps ne le sait pas encore.
Il s'approche de moi, je peux entendre sa voix mais je ne comprends pas ce qu'il me dit. Il me parle, mais ces paroles n'ont aucun sens. Normal, mon cerveau est mort, non ?
Il m'attrape, me soulève du sol comme un vulgaire fétu de paille. Je ne réagis pas. Mon corps finit par comprendre qu'il doit capituler. Bien. Il continue de parler, sa voix vient de nulle part. elle est lointaine et je m'en éloigne.
Il se penche sur moi. Je souris … mon corps est presque mort. Je suis presque mort. Et le Colonel John Sheppard est mort lorsqu'il m'a violé.
La boucle est bouclée …
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J'ai fermé les yeux, pas longtemps, juste quelques secondes, j'étais si sûr, si sûr que c'était fini, que nous étions morts, mais il est toujours penché sur moi et mon corps, mon corps le reconnaît Et la peur s'empare de lui … Un geste, un simple geste me ramène brutalement à la vie.
Nonnonnonnonnonnonnon. Le mentra recommence sa litanie. Je veux retourner dans le noir. Je ne veux pas être conscient pour ça ... Mais le coma hypoglycémique est encore loin, mon corps est encore là bien vivant.
Je fixe ses yeux. Je me concentre sur eux, pour ne pas m'évanouir, pour ne pas penser à ce que le reste de son corps est en train de faire au mien. Je reste parfaitement immobile, mon regard plongé dans le sien … et pourtant tout ce que je vois c'est sa main, longue et fine, cette main qui agrippe, qui broie, qui déchire … Ai-je un jour connu cette main ? La main ferme d'un ami, celle qui se pose sur votre épaule pour vous rassurer, celle qui vous pousse par terre pour vous éviter une balle perdue ... Pas la main d'un monstre.
J'entends le bruit métallique … Et brutalement, je suis Alice, Alice qui vient de tomber dans le tunnel et qui tombe, qui tombe, sans fin … Et je finis par toucher terre. Une terre différente de celle où mon corps est étendu, une terre douce, chaude, une terre qui me reçoit comme si elle me connaissait depuis toujours. Je la caresse de la main, je joue un moment avec son sable fin, si fin qu'il coule entre mes doigts … et puis j'entends des bruits.
Je me retourne et je les vois. Deux corps. Deux inconnus, l'un porte mon visage l'autre celui du Colonel Sheppard mais je sais que ce n'est pas possible parce que nous sommes morts tous les deux … Je les observe … avec intérêt et détachement à la fois. Ca ne me fait rien, ce n'est pas moi qui vis ça. C'est un autre, un étranger.
Il ne fait rien à part pleurer, il se laisse faire.
Je sais que je suis cet homme qui se laisse retourner sans se défendre… et pourtant ce n'est pas moi. J'ai disparu de la surface de cette terre.
Je suis un fantôme qui regarde sa propre mort.
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Il ne bouge plus, lui non plus. Le temps s'est arrêté. Je contemple une photo dont la netteté m'effraie. Je veux la voir en détail. Je m'approche …
Des cheveux trempés de sueur, une bouche légèrement entrouverte pour faire entrer le précieux oxygène, des mains encrées dans la poussière ... Un corps lourd, si lourd, qui écrase le sien … le mien ?
Lui, moi … Je ne sais plus … Je tends la main vers ce corps déformé et je le touche … Et je sens sa douleur m'envahir, ma douleur, je la reconnais cette boule qui s'est formée au creux de moi … Moi ?
Et tout me revient en mémoire. J'arrive à peine à discerner les différentes sensations qui m'assaillent et me suffoquent. La peur, l'affolement, la douleur, le déchirement, la honte, la sensation d'étouffer, la poussière…
Je respire la poussière. Multitude de grain de pierre. Moi aussi, je suis en miettes. Mon être n'est plus qu'un tas de pièces disséminées dans l'immensité de notre prison. Je ne pourrais jamais recoller tous ces morceaux de moi.
Je ne suis peut-être pas mort en fin de compte mais je suis … cassé, brisé en des milliers de pièces … éparpillé, je suis ici et partout, là et nulle part. N'est-ce pas cela aussi la mort ?
TBC… Plus qu'un chapitre et c'est fini. Le plus dur est derrière moi, ou alors c'est justement le plus dur qui m'attends…
1 « Recueillement » De Charles Baudelaire 1821-1867 in Les fleurs du mal
