Petit mot de l'auteure : j'aime le riz.


Jour 3 : Musique

Contexte : UA série


Ce n'était pas la première fois qu'il voyait Inej faire preuve d'une très grande agilité. Mais il devait admettre que la voir évoluer à quelques mètres de haut, simplement retenue par un frêle ruban, c'était à la fois terrifiant et magnifique. Le Spectre était vraiment impressionnant, pleine de grâce et pourtant faisant preuve d'une force redoutable. Il l'observa ainsi fasciné, et ne sortit de sa contemplation que lorsque le maître forain ne s'adressa à lui :

- Et vous alors, vous savez faire quoi ?

La question lui fit reprendre ses esprits. Kaz fut troublé. Il n'était pas Jesper ou Inej, il n'avait aucun talent pour les arts du cirque. Il pourrait bien faire quelques tours de magie, mais les personnes susceptibles de faire disparaître cartes et objets précieux n'étaient pas vraiment vues d'un bon œil lors de célébrations aussi importantes que celle à laquelle ils se destinaient à infiltrer. S'ils voulaient réussir leur mission, Kaz avait tout intérêt à ne pas trop attirer l'attention des gardes sur ses tours de passe-passe. Il faillit donc se résoudre à répondre qu'il se débrouillerait pour rentrer autrement, lorsqu'il avisa un piano derrière l'estrade. Après quelques secondes d'hésitation, il déclara qu'il pourrait en jouer.

Il passa devant Inej et Jesper, tâchant d'ignorer leurs regards surpris. Et légèrement inquiets aussi – ils devaient s'attendre à ce qu'il fasse quelque chose de louche avec ce pauvre piano. Mais arrivé à sa hauteur, Kaz ne fit rien d'autre que de poser ses doigts sur les touches.

Dans leur pauvre ferme, le piano était leur seul objet de valeur. Son père l'avait offert à sa mère cinq ans avant sa naissance. Il était donc vieux, désaccordé, acheté d'occasion, mais aux yeux de leur famille, c'était un véritable trésor. Malgré son usure, sa mère pouvait y jouer des soirées entières. C'était elle qui lui avait appris le piano. Plus tard, lorsqu'il avait atterrit dans le Barrel, il avait continué à s'exercer. Bien sûr, il n'avait pas pu s'acheter d'instrument – au début du moins, ensuite, quand il en avait eu les moyens, il ne l'avait pas fait, ayant une certaine réputation à tenir. Il s'entraînait donc sur un clavier qu'il avait dessiné et sur lequel il faisait évoluer ses doigts.

Sans s'être entendu durant des années, Kaz craignit donc de produire un enchaînement horrible de bruits. Mais à son grand étonnement, chacune des notes venait comme dans son souvenir, avec autant de fluidité et harmonie que lorsqu'il avait appris.

Lorsqu'il eut terminé son petit morceau, le forain acquiesça alors, signe qui le prenait dans son équipe.

Kaz souffla de soulagement. Alors qu'il regagnait sa place, il ne put que remarquer le sourire narquois de Jesper, ravi d'avoir appris un petit talent caché de son patron. Inej, elle, souriait aussi. Mais son sourire était plus doux, plus nostalgique.

- C'était vraiment beau, murmura-t-elle. Cela m'a rappelé les moments où mon père nous jouait des morceaux au violon. Je ne m'en étais pas rendue compte, mais écouter de la musique m'avait manqué.

Inej étant Inej, elle avait dit cela sans aucune arrière pensée. Mais il suffit de cette phrase pour que Kaz se fasse une promesse : celle de s'acheter un piano pour pouvoir apprendre des musiques traditionnelles sulis et apporter à Inej un peu de l'enfance qu'on lui avait arrachée.