Petit mot de l'auteure : ça me gratte de partout

Jour 12 : Bonjour

Contexte : post tome 2

Sa canne fermement plantée dans le sol, Kaz ne bougeait pas.

Du moins, c'est ce qu'un observateur non averti aurait pu croire – et il aurait été difficile de lui en vouloir. Le brun avait le dos droit, les jambes solidement ancrées dans le sol (même la mauvaise des deux), ses yeux fixaient résolument l'horizon. Et pourtant, malgré cette apparente immobilité, un tremblement nerveux agitait les mains de l'homme. Sous ses gants, les secousses n'étaient pas très visibles, mais était bien là. Elles traduisaient le capharnaüm d'émotions qui se jouaient dans l'esprit de Kaz.

Là encore, le jeune homme avait prit l'habitude d'exercer un contrôle de fer sur la moindre de ses pensées dissidentes. Mais ce matin là, il n'arrivait pas à les contrôler. Car ce matin là n'était pas comme les autres.

Ce matin là, c'était le matin où Inej était censée revenir à Ketterdam.

Elle avait réussi à lui envoyer un message en mer pour lui annoncer rentrer. C'était la première fois qu'elle voyageait vers Kerch depuis qu'elle c'était envolée combattre démons et pirates de mer. En recevant sa missive, Kaz avait joué à celui qui ne se laissait pas émouvoir plus que cela par la nouvelle. Mais sitôt seul, il avait déplacé tous ses rendez-vous, afin d'avoir le champ libre le jour où Inej lui avait dit devoir rentrer.

Jour qui était enfin arrivé, d'ailleurs, ce qui expliquait sa présence sur le port où il l'avait laissé quelques mois plus tôt.

Alors qu'il attendait de voir surgir le bâtiment, Kaz réfléchissait à ce qu'il pourrait bien lui dire. Six mois avaient passé depuis son départ. Six mois qu'il avait passé à négocier, menacer, voler, molester, arnaquer - en somme, des mois ordinaires, où il avait été aussi occupé que d'habitude, mais où il c'était sentit encore plus solitaire que jamais. Car si il avait été entouré, Inej n'était pas là. Elle n'était pas là, et sans elle, le monde avait beau être rempli qu'il lui semblait terriblement vide.

Ce constat avait effrayé Kaz et, alors que ses retrouvailles avec la suli s'approchaient, expliquait ses tremblements. Comment était-il censé accueillir Inej pour mieux la laisser repartir, alors qu'elle emporterait avec elle son cœur une nouvelle fois ?

Et surtout, autre problème de taille : comment faire pour qu'elle ne se rende pas compte de ce qu'il éprouvait ? Il refusait catégoriquement qu'elle réalise ses sentiments ; tout d'abord parce qu'il était Kaz Brekker, et qu'il était hors de question que qui ce soit s'aperçoive qu'il soit capable d'amour. Mais s'il était tout à fait honnête envers lui-même, il admettrait qu'il avait surtout peur que ses sentiments ne soit pas retournés. Inej lui avait bien dit accepter de l'avoir sans son armure, mais tant de temps c'étaient passés... Elle avait eu le temps de changer, de rencontrer des personnes fabuleuses, ou de tout simplement se rendre compte qu'il n'était qu'une petite fripouille indigne d'elle.

Toutes ces pensées tournaient encore et encore dans son esprit. Lorsqu'il aperçut Le Spectre percer les flots, elles devinrent si violentes qu'il crut s'évanouir. Et pourtant, il demeura droit comme un I, un faux air imperturbable sur le visage.

Inej descendit enfin du vaisseau. Elle avait un peu changé, sa peau plus halée, ses yeux plus murs. Et pourtant, lorsqu'elle fut enfin à son niveau et qu'elle lui dit « Bonjour », Kaz comprit que rien n'avait véritablement changé entre eux. Et ce n'était pas pour lui déplaire.