Petit mot de l'auteure : j'ai pas encore écrit le texte de demain. *Panique*
Jour 15 : Non
Contexte : post tome 2
Non.
Trois petites lettres pour un mot si court qu'il s'imprime immédiatement en vous. Un mot rapide à prononcer, facile à apprendre. Facile à comprendre, également – apprend à dire oui, non et merci dans toutes les langues, et tu te feras comprendre partout dans le monde, lui avait dit un jour son père. Et Inej l'avait cru. Elle avait glané quelques expressions étrangères au détour de ses voyages, pour se faire un maigre bagage linguistique. Et alors qu'elle répétait pour elle-même les mots appris, Inej se sentait puissante, intelligente, invulnérable. Quelques lettres, et elle détenait le pouvoir de l'oralité universelle.
Elle avait été bien idiote de le croire.
Elle l'avait compris rapidement, trop rapidement, alors qu'elle tombait dans le piège de la Ménagerie. Elle avait dit non aux hommes venus l'arracher à ses terres, mais ils l'avaient emmenés quand même.
Elle avait dit non à Heleen, mais elle l'avait paré d'or et de soies quand même.
Elle avait dit non aux hommes qu'on lui mettait entre les bras, mais ils avaient arraché un à un les pétales de son enfance quand même. Comme si elle n'avait rien dit.
Elle s'était naïvement dit qu'elle ne se faisait peut-être pas bien comprendre, que son kerch n'était pas aussi sûr que ce que ses souvenirs d'enfant voulaient lui laisser croire. Alors elle avait interrogé les filles autour d'elle, les clients, avaient appris à mieux articuler.
Elle avait redit non.
Encore et encore.
Jusqu'au jour où elle avait cessé de le dire – c'était le jour où Heleen l'avait frappé jusqu'à ce que ses soies soient tâchées de rouge et qu'elle comprenne qu'à continuer de résister comme cela, Heleen allait finir par ordonner son meurtre.
Alors Inej s'était tue, hurlant dans son esprit ce non qu'elle n'avait plus le droit de dire.
Et c'était bien parce que ce soir elle savait qu'elle pouvait dire non si elle le voulait qu'elle s'apprêtait à se dévoiler à Kaz. Parce qu'elle avait envie de connaître ce que Nina appelait les « merveilles de l'amour », qu'elle avait envie de voir Kaz sans son armure et qu'elle avait envie de sentir son regard sur elle. Et si elle se sentait prête à essayer, ce n'était pas juste parce qu'elle était amoureuse du brun. C'était aussi parce qu'elle savait qu'à tout moment, elle pourrait faire marche arrière.
Elle allait pouvoir regagner ce « non » qu'on lui avait si violemment arraché, tout comme elle saurait l'écouter si Kaz venait à l'utiliser.
Alors oui, ses traumatismes passés ne s'envoleraient pas en un instant. Mais forte de ce pouvoir, elle se sentait prête à dépasser cette peur qui la tenaillait depuis tant d'années.
