La pluie était à présent drue au dehors. Son chant puissant et régulier emplissait la pièce sombre et n'était interrompu que sporadiquement par le bruit du tonnerre, de la foudre qui s'abattait violemment au loin. Des éclats lumineux aveuglants. Aucune autre sonorité discernable. Le monde extérieur n'existait plus en ce lieu soudainement reclus. Oliver était maintenant seul face à ce destin qu'il avait choisi comme sien à peine quelques instants auparavant, sans prendre réellement conscience du gouffre inextricable dans lequel il plongeait tête la première de son plein grès, victime de son acte irréfléchi. Il était tant reconnaissant de cette pluie qui s'annonçait torrentielle car ce chuchotement omniprésent masquait les battements de son cœur devenus bien trop frénétiques et puissants. Il avait l'impression qu'il allait lâcher à tout instant et n'osait plus même respirer tant l'inspiration d'air lui brûlait le gorge. Il souffrait.

La froidure du dehors s'engouffrait goulûment dans cette pièce étroite, un vent polaire la pénétrant sans pitié par la fenêtre qui était restée grande ouverte après le retour de cet oiseau de mauvais augure. Ce souffle glacial venait titiller malicieusement la flamme fragile de la bougie, chaleur et éclairage unique en ce lieu, qui menaçait de faillir à chaque instant. Il en étirait longuement, vicieusement, presque langoureusement, la flamme mais ne semblait pas encore satisfait de la délectation de ce jeu et se refusait présentement à l'étouffer. Ce souffle caressant cette haute flamme effilée faisait naître des ombres étirées et effrayantes sur les murs qui ne rassuraient pas Oliver le moins du monde. Pourtant il savait qu'il n'avait rien à craindre de ces ombres déformées qui jouaient monstrueusement sur la tapisserie morne et vieillie, elles ne pouvaient lui causer autant de tords, juste le paniquer davantage dans leur danse grotesque. Il avait bien plus à craindre, il le savait, de ce fantôme du passé. De ce fantôme qui était resté si vif à ses yeux depuis toujours et qui était à présent, comble de malheur, face à lui et qui l'observait attentivement sans jamais détourner les yeux.

Que devait-il faire à présent ? Que pouvait-il faire ? Il était prisonnier de cette pièce tout comme son cœur semblait prisonnier de cet homme. Il ne pouvait pas fuir, il ne pouvait plus fuir. Il était venu ici en connaissance de cause, il était venu en sachant ce qui l'attendait, en sachant qu'il cèderait tout à cet homme qu'il avait désiré plus que tout, qui l'avait compris mieux que tous, toutefois, il ne s'était pas attendu à tel choc ! Il aurait été prêt à tout pour lui ! Tout subir, tout donner. Mais jamais, oh grand jamais, il ne s'était imaginé tel cauchemar. C'était impossible !

Jamais il n'avait dessiné les traits de son homme dans son esprit. Il n'aurait su par où commencer. Jamais il n'avait désiré un seul homme avant lui, tout comme il savait qu'il n'en désirerait pas d'autre, alors comment savoir quels traits auraient pu lui seoir ? Quels traits pourraient éveiller ses sens… Le physique n'était réellement pas le plus important à ses yeux concernant son homme. Il était lui. Il le voulait tel qu'il était, il le voulait lui et c'était tout. Qu'importaient ses traits, ce à quoi il pouvait bien ressembler. Pourtant… Il avait voulu connaître son visage, découvrir ses traits. Et alors qu'enfin il pouvait poser les yeux sur cette personne avec qui il avait tant partagé, à qui il avait tant donné, il était berné par telle image !

Flint ! Marcus Flint ! Ancien élève de Poudlard à Serpentard. Ennemi de toujours…

Son homme, celui qui avait su lui faire perdre tout raisonnement logique, toute pensée rationnelle, celui qui était parvenu à lui seul à chasser enfin cette obsession qui l'avait hanté depuis des années, n'était autre que le fantôme qu'il avait cherché à exorciser sans relâche. Ce jeune garçon qui avait fait de ses années d'études un enfer, qui avait tout fait pour le briser à chacune de leur rencontre, qui avait été une ombre à son tableau dans sa carrière… Cet homme… C'était lui. Et maintenant, alors qu'il avait toujours lutté avec virulence, qu'il avait toujours combattu sans s'avouer vaincu, qu'il n'avait jamais courbé l'échine ou baisser les yeux devant lui, il devait admettre sa défaite ? Flint l'avait conquis, Flint l'avait soumis, Flint l'avait dévoré.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées et que la froidure venteuse fouettait son visage, il n'osait plus faire le moindre geste. Il restait là, trempé, gelé jusqu'aux os, sur le pas de la porte à fixer le visage sombre de Flint. Ce visage fermé dont les ombres étaient marquées comme au charbon de bois et dont le sourire narquois ne semblait plus vouloir disparaître.

« Alors, petit faucon, souhaites-tu rester toute la nuit sur le pas de ma porte ? », lâcha Flint d'une voix clairement amusée et moqueuse, « Je ne serais pas un bon hôte si je te laissais ainsi trempé jusqu'aux os dans l'entrée ».

La situation lui convenait telle qu'elle était, Oliver en était certain. Il avait réussi à faire de lui sa chose, un être prêt à obéir au moindre de ses caprices par besoin, par envie, en le trompant de la pire des manières qui soit. En se jouant de lui, en lui faisant croire qu'ils partageaient quelque chose, qu'il éprouvait quelque chose. Mais Flint ne pouvait rien éprouver de la sorte, un quelconque sentiment proche de l'amour ou du besoin. Cet homme n'avait jamais aimé personne, et n'avait encore moins eu besoin de qui que ce soit ! Il avait toujours été solitaire, toujours indépendant. Même lorsqu'il volait glorieusement durant un match, il était toujours seul, prêt à affronter tout ses adversaires, tous ceux qui se dresseraient face à lui, le monde entier. Seul. Il était seul et n'avait besoin de personne.

Oliver ne savait plus quoi faire. Bien sûr, il haïssait toujours autant Flint, ce sentiment ne changerait jamais, il était inscrit dans les moindres fibres de son être et ses cellules le ressentaient fortement. Toutefois, avoir les prunelles d'ébène de Flint posées ainsi sur lui, les sentir le détailler, le jucher, lui rappeler un tout autre sentiment qu'il avait ressenti, quelque chose que les mains de Flint, le corps de Flint lui avait fait découvrir, l'affaiblissait encore davantage. Plus les souvenirs de cet instant qu'ils avaient partagé dans un torrent puissant lui revenait en mémoire plus il se sentait étouffé même exposé à ce vent glacé.

Il ne devait plus penser à cette nuit-là, il devait tout oublier de cet instant unique qui les avait étrangement rapprochés, de ce moment précieux qui lui avait fait espérer un tout autre avenir. Il devait oublier. Chasser toutes ses sensations si fortes qui menaçaient de le submerger alors qu'il luttait de tout son être. Il cherchait à puiser toute la force dans ce mental si puissant qui faisait de lui un aussi bon stratège sur le terrain de Quidditch. Jamais il ne se laissait abattre et il n'était pas prêt à se reconnaître vaincu aussi facilement. Sa raison devait vaincre, elle devait contrôler ses pulsions qui se manifestaient alors qu'il se sentait observé par ces prunelles sans fond. Il devait garder le contrôle et ne pas céder à ce jeu vicieux, à cette pression psychologique qu'exerçait Flint. Mais cela semblait plus facile à dire qu'à faire, car son corps semblait se détacher petit à petit de sa raison, et toute sa volonté ne semblait plus pouvoir lutter à armes égales.

Alors que sa raison lui disait qu'il devait faire marche arrière, qu'il devait abandonner Flint dans cet appartement, seul, et prendre ses jambes à son cou pour se préserver, ses sens lui murmuraient une toute autre histoire. Ce regard haineux, qui ne sillaient pas, qui ne faiblissait jamais, se faisait plus insistant, il aurait presque pu lui brûler la peau. Pourtant bien qu'en cette encre profonde il pouvait lire tant d'animosité et de détestation, aucune hostilité n'était perceptible, aucune malveillance, Oliver y percevait autre chose, quelque chose de bien plus sombre, de bien plus inquiétant. Flint. Etait-il possible que Flint… ?

« Viens ici », lui ordonna cette voix si profonde et grave qu'il connaissait si bien.

Flint lui donnait un ordre. Flint ordonnait.

Pour qui se prenait-il ? Croyait-il vraiment qu'il allait lui obéir au doigt et à l'œil maintenant qu'il savait qui il était ? Certes, il avait su lui faire découvrir des plaisirs qu'il n'aurait jamais même pu soupçonner, il était vrai qu'il avait donné à son corps et à son esprit un plaisir incommensurable, une jouissance parfaite, mais aurait-il su que les larges mains qu'il sentait sur lui étaient celles de Flint jamais il n'aurait ressenti ces sentiments honteux, ce plaisir si fort. Jamais ! Et il lui ferait comprendre !

Alors que son esprit luttait contre ces réminiscences si puissantes et si tentatrices, les jambes d'Oliver se mirent à marcher d'elles-mêmes et en à peine quelque pas, elles étaient face à cet homme. Cet homme nonchalamment avachi sur son canapé sombre. Cet homme qui le fixait toujours aussi intensément.

Il était encore plus impressionnant à cette distance.

Bien qu'assis sur ce canapé si bas, il n'en restait pas moins que sa haute carrure lui donnait une prestance qu'Oliver ne pouvait supporter. Flint, cet ennemi de toujours, était de nouveau face à lui, et le danger qu'il avait toujours représenté n'en était que plus grand, plus accru. Même si debout, il était plus grand que lui, qu'il pouvait le regarder de haut, qui pouvait-il tromper ? Flint était sur son territoire, sûr de lui, ayant toutes les bonnes cartes à abattre en main et, lui, qu'avait-il ? Rien.

Il avait décidé de se donner à l'instant même où il avait tenu entre ses mains cette nouvelle lettre couleur corbeau, de s'offrir à son homme dès qu'il avait quitté son appartement à la hâte, et maintenant, il se rendait compte qu'il était tombé dans un piège sans échappatoire. Une trappe féroce qui s'était saisie de ses ailes et les lui avait étroitement nouées afin de l'immobiliser, de manière à l'empêcher de s'élever dans les airs, de se débattre, de fuir. Fuir ? D'où lui était venue cette idée saugrenue ? Avait-il déjà fui face à Flint ? En avait-il jamais eu l'envie ? Avait-il déjà fui qui ce soit sur le terrain ? Certainement pas ! Et cela ne commencerait pas aujourd'hui ! Il n'était pas un lâche, ne l'avait jamais été et ne le deviendrait pas aujourd'hui ! Il en était absolument hors de question.

Il était devenu ce qu'il était aujourd'hui grâce à sa persévérance et son courage et il ne renierait pas ce qu'il était, pas même face à un adversaire tel que Flint ! Ce fantôme si charismatique de son passé n'effacerait pas ce qu'il était, qui il était, il n'en lui laisserait pas l'occasion. Jamais. Pas pour personne, pas pour Flint, pas pour son…homme. Il était venu avec une idée en tête, pour une raison bien précise : répondre à la dernière lettre qui lui avait été délivrée. Son esprit était trop perdu pour se rappeler exactement du contenu, mais ce qu'il savait c'est ce qu'elle signifiait. Une nuit. Une nuit auprès de cet homme. Il ne faiblirait pas maintenant. Pas maintenant. Pas jamais. Le temps était venu de se battre, de combattre.

Alors que ses yeux si clairs étaient plongés dans l'obscurité de ce regard de rapace, de prédateur illisible, imprévisible, il sentit ses jambes se défiler sous lui. Ses genoux étaient lourds et ses jambes cotonneuses. Il se laissa tomber lentement sur les genoux et se retrouva enfin face à l'homme qui l'observait depuis qu'il était entré dans ce sombre et exigu appartement. Des yeux que seule éclairait la froide lumière de la bougie, flamme qui mourrait tantôt, un reflet qui semblait leur donner vie, les rendre plus inquiétants qu'ils ne l'avaient jamais été.

Oliver se raidit. Aussi impressionnant et opprimant que soient ses yeux, ils n'auraient pas raison de lui. Jamais ils n'avaient pu le briser, et ce soir ne ferait pas exception. Il lutterait à sa manière, il lutterait autant que son corps endolori et son esprit embrumé le lui permettraient. Il leva alors fièrement le visage vers celui de son opposant, redressa son dos et durcit son regard comme il le faisait toujours inconsciemment lorsqu'il se positionnait devant ses buts.

« Mon faucon est toujours aussi fier », lui susurra Flint alors qu'il lui saisissait durement le menton et qu'il ancrait un regard étrange sur lui.

Oliver trembla à ce seul contact. Le dégoût ? L'appréhension ? Un souvenir ? Il n'aurait su le dire. Pourtant son corps réagissait à ces mains puissantes qu'il reconnaissait, qu'il chérissait, alors que son esprit se débattait contre cet être qu'il connaissait, qu'il exécrait et qu'il avait appris à combattre et à redouter. Une bataille bouillante se livrait en lui-même dont Oliver ne pouvait pas même ressentir l'ampleur et les aboutissants. Comment vaincre Flint alors que lui-même ne savait plus où il en était ? Qu'importe. Il lutterait.

Mais contre qui ? Contre quoi ? Il ne savait plus…

« Tu trembles, Oliver », susurra Flint de cette même intonation qu'Oliver n'avait jamais entendue dans la voix de son adversaire de toujours, cette voix qui faisait naître en lui des sensations qu'il n'aurait jamais dû pouvoir provoquer en lui.

« Tu dois être gelé avec ces vêtements trempés », continua-t-il de cette voix si rauque et si suggestive, « Laisse-moi m'occuper de ce petit problème. »

Oliver écarquilla les yeux ne comprenant que trop bien ce que Flint avait en tête. Il s'y était préparé, mais à présent il sentait une terreur indescriptible lui nouer les entrailles. Il avait décidé de faire face dignement à cette situation quoiqu'il advienne, de subir tout ce que Flint lui imposerait par dignité, pour laver son honneur. Il le fallait. Il ne pouvait pas reculer face Flint, fuir face à ce fantôme de toujours. Pourtant, il était effrayé, paralysé. Ses ailes refusaient de se déployer. Et un faucon au sol était un faucon mort.

Il sentit les mains de Flint se poser lourdement sur épaules devenues de verre, comme si des cognards à pleine puissance venaient de s'y abattre. Ces mains de fer glissèrent lentement sur ses bras sans attendre davantage, dénudant ses épaules et exposant son corps humide à la froidure ambiante. Lentement, langoureusement, Flint le débarrassait de tous ces vêtements devenus inutiles qu'il avait sur le dos et qui étaient les seuls remparts qu'il avait encore pour le protéger de ce qui allait s'ensuivre. Flint savourait cette effeuillage comme un chat prend plaisir à s'amuser avec la souris qu'il vient de capturer avant de la dévorer férocement. Pétale par pétale, Oliver sentait les vêtements trempés quitter son corps, se décoller de sa peau alors qu'ils étaient la dernière protection qu'il avait. La seule chose qui le préservait encore de ce regard de braise consumée. Ces yeux d'encre sur sa peau lui donnait l'impression de se noyer comme dans un marais de goudron, il ne pouvait plus bouger, il se sentait sali jusqu'à dans son âme, sa peau absorbant cette encre comme un papier buvard trop humide.

Les larges mains de son bourreau remplacèrent rapidement les vêtements retirés et couvrirent cette peau si sensible, cette peau gelée devenue bleutée depuis qu'Oliver avait eu à subir la pluie qui s'était abattue sur lui comme pour annoncer l'Apocalypse qu'il allait vivre. Sa peau nue, comme celle d'un nourrisson qui vient de naître, était exposée à la froideur qui s'engouffrait par vagues par la fenêtre qui était restée grande ouverte et le froid n'en était que plus cuisant. Toutefois, la brûlure du froid fut bientôt remplacée par l'incandescence de ces mains si larges et puissantes. Oliver pouvait sentir ces mains parcourir son corps, en détailler les moindres recoins, les plus petits galbes, le découvrir, le marquer ? Jamais il n'oublierait cette sensation, cette brûlure si profonde. Pouvait-on jamais oublier la douleur d'être marqué au fer rouge ? Pouvait-on survivre à souffrance affligée volontairement sous les yeux si satisfaits de son bourreau ? Les plumes du faucon devenaient goudronneuses… Pourrait-il un jour les déployer à nouveau après cela ? Pourrait-il à nouveau connaître la lumière des Cieux après avoir touché du bout de ses ailes si légères l'ombre lourde des ténèbres ?

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La pluie semblait encore plus forte à présent. Elle battait frénétiquement contre les volets qui avaient été ouverts par les rafales de vent si puissantes, ces rafales qui s'engouffraient à présent sans pitié dans la pièce sombre. La pluie pénétrait rageusement l'appartement, laissant une tache sombre et moite sur la moquette rugueuse. Elle en pourrirait très certainement.

C'était la seule chose qu'Oliver pouvait voir. Son champ de vision était très réduit et le seul spectacle qui s'offrait à ses yeux, la pluie qui tombait telles des lames de rasoir acérées sur ce sol si stérile, si froid, symbolisait à la perfection ce que son cœur ressentait. Aussi froid et vide que ses yeux de tilleul fané.

Il avait du mal à inspirer de l'air pur. Sa respiration se faisait haletante. Se coupait.

La tête plaquée contre un coussin minuscule. Il ne pouvait bouger le moins du monde. Il étouffait. Il avait à peine pu placer son visage sur le côté de manière à pouvoir inspirer de cet air si glacial et brumeux qui régnait dans la pièce et qui lui lasserait la gorge.

Son corps était si ankylosé qu'il ne le sentait presque plus. Mais ne plus rien sentir aurait été une bénédiction, un luxe que son charmant hôte n'était pas disposé à lui offrir. Ce lourd corps qui s'abattait sans relâche et sans pitié sur le sien lui rappelait sans cesse, toutes les secondes qui s'écoulaient, qu'il était bien là, bien présent, qu'il n'était pas qu'un simple spectateur extérieur, mais réellement un acteur de ce qui se jouait.

Pourtant sa participation active n'était pas réclamée. Seul son corps l'était, et avec virulence. Oliver n'essayait même plus de bouger, connaissant par avance le sort qui l'attendait et l'affliction à venir. Les uniques fois où il avait tenté de se positionner de manière à ne pas avoir à subir aussi douloureusement ces assauts, ces mains si puissantes l'avaient à nouveau soumis, à nouveau plaqué contre ce maudit canapé si étroit. Seul sa jambe pendait inerte, permettant un accès moins laborieux, son genoux raflant la moquette rugueuse. Une brûlure qu'il ne ressentait même pas. Il ne pouvait pas même tenir sur ses coudes, ce corps était trop puissant pour le sien, plus imposant que sa petite carrure, ce corps si impressionnant qui recouvrait le sien et qui l'immobilisait sans en pâtir. Il devait supporter ce corps sur le sien, la place sur le canapé étant clairement inexistante. La cohabitation sur ce canapé n'était pas envisageable. Un seul d'eux pouvait y siéger et en être maître. L'autre devait tolérer et subir.

Encore une fois il était acculé, encore une fois il était vaincu.

Et pourtant… Ce bras… Ce bras si puissant et si musclé que son bourreau avait laissé se perdre autour de sa taille, ce bras qui le tenait fermement, ce bras qui l'avait emprisonné, celui-ci même était venu le soutenir se positionnant sous son cou douloureux afin de lui permettre de ne pas étouffer dans ce coussin, celui-là même qu'il agrippait de toutes ses forces afin de ne pas crier, de ne pas pleurer, de lui faire autant de mal qu'il en subissait. C'était douloureux. Ce bras paierait et serait lacéré. Il y voyait déjà de profondes griffures et de légères traces de sang. Cela le soulageait.

Alors qu'il croyait avoir atteint le paroxysme de cette violence qui lui était imposée, les dents de son bourreau, qui s'étaient montrées cajoleuses jusqu'alors, le mordillant amicalement dans le dos et au creux de ses reins en feu, vinrent s'enfoncer durement dans son épaule. Le sang jaillit dans un cri déchirant. Oliver n'avait pu retenir ce cri de jaillir du fond de sa gorge, lacérant ses cordes vocales, ce cri qui était né depuis longtemps dans son corps douloureux et qu'il avait empêché de franchir ses lèvres pour ne pas satisfaire cet homme. Flint sembla en effet satisfait et lassa sa langue venir apaiser la douleur, suivi de légers baisers, comme pour appliquer un baume sur une peau meurtrie. Ces attentions parvinrent à prendre le pas sur cette douleur omniprésente, cette proximité lui apporta une chaleur qu'il croyait à jamais perdue. Encore une fois, Flint menait la danse et savait étrangement comment mêler agressivité et tendresse, douleur et plaisir.

Oliver, haletant à présent, trop faible pour retenir ses gémissements, sentit ce corps s'abattre plus fortement et de manière plus répétée sur lui. La fin devait être proche. Enfin. Il n'osait plus espérer. Mais plus les coups étaient puissants et calculés plus ils étaient insupportables. Il mordit enfin ce bras coupable plus fort qu'il ne s'en serait jamais cru capable, faisant craquer cette chaire étonnement tendre et chaude. S'attendant à une punition à la hauteur de la provocation, il contracta tous ses muscles involontairement dans le but de pouvoir subir au mieux ce qui allait lui tomber dessus, provocant ainsi malheureusement un regain de souffrance à son propre corps, mais les seules réprimandes qu'il subit fut un grognement rauque suivi de petits baisers furtifs sur son front et de petits mordillements sur son lobe et sa mâchoire.

Il sentait la tête lui tourner. Il savait qu'il ne ferait plus long feu. La douleur était trop grande, pire que tout ce qu'il aurait jamais pu imaginer. Malgré le dessin léger des doigts qu'il sentait à présent glisser presque inconsciemment sur sa peau, malgré ce souffle chaud contre son oreille, dans son cou, et ce bras si puissant qui le tenait étroitement et solidement, tout comme ce corps collant de sueur tout contre lui, il était gelé.

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Quand il ouvrit les yeux, la pluie ne faisait plus rage et il pouvait juste entendre un doux chuchotement murmuré par les légères gouttes qui clapotaient sur les toits environnants.

Il était toujours sur ce canapé. Dans la même position. Et Flint était toujours présent. Son corps ne montait plus le sien, et il n'en sentait plus le poids si lourd. Il était apparemment contre lui, également sur le canapé, mais plaqué de manière à ce que juste une partie de son corps recouvre le sien. Il n'étouffait plus. Il n'avait plus à lui faire face.

Avait-il réussit quoi que ce soit ? Avait-il gagné ? Avait-il prouvé quelque chose ?
Il n'en savait rien.

La respiration de son ennemi était régulière et calme. Apaisée. Il devait dormir. Et lui ? Pourrait-il un jour retrouvé un sommeil tranquille sans cauchemar ?

Il doutait fortement que Flint se souvienne de quoi que ce soit à son réveil ou qu'il ne garde comme marque rien de plus que les blessures qu'il avait infligées à ce bras qui avait voulu se faire croire compatissant, ce même bras qui était toujours sous son cou.

Il regarda longuement ce bras meurtri et ressenti un plaisir malsain à l'idée plaisante que Flint en garderait des marques. Des marques qu'il aurait lui-même apposées. Il avait lui aussi réussi à le marquer, à sa façon.

Il laissa ses doigts encore endoloris glisser sur ces traces qu'il avait lui-même dessinées et se sentit un peu mieux. Sans se rendre réellement compte de ce qu'il faisait il laissa ses doigts vagabonder calmement sur cette peau si pâle et les fit glisser jusqu'aux doigts ennemis. Collant sa paume à celle de Flint il ne put que se rendre à l'évidence de la différence qui existait entre eux deux. La main de Flint était si grande, si puissante, si masculine. Elle donnait l'impression que la sienne était celle d'une jeune femme fragile, d'une jeune femme qui avait besoin de tendresse et de réconfort. Ces mains devaient pouvoir protéger la personne chérie en toute circonstance. Il noua ses doigts plus fins à ceux de cet homme qui lui avait tout pris et se laissa aller à un sommeil sans rêve, se blottissant contre ce corps qu'il ne voyait pas mais qui dégageait une chaleur déconcertante et apaisante.

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Quand Oliver ouvrit à nouveau les yeux, il prit seulement conscience qu'il s'était endormi. Il n'avait pas dû dormir très longtemps car il faisait toujours nuit dans la pièce. La flamme avait décliné. La pluie semblait s'être enfin arrêtée. Il ne faisait plus froid. La fenêtre avait dû être fermée. Il ouvrit lentement les yeux. Il avait du mal à les garder ouverts. Ils étaient collants. Sûrement les larmes qu'il avait versées.

Ce qu'il vit quand son regard s'habitua un peu mieux à la pénombre fut une ombre blanche qui se tenait devant lui. Il se frotta doucement les yeux comme pour chasser un tableau imaginaire, mais quand il regarda à nouveau devant lui il constata que cette tâche lumineuse n'était pas due à son imagination, elle était bien là.

Devant lui, près de la fenêtre se tenait celui qui avait été son ennemi depuis son premier jour à Poudlard, son adversaire si tenace lors de ses années de club et enfin celui qu'il avait haï de tout son cœur la nuit passée. Des sentiments si forts. Si forts qu'ils en paraissaient intarissables.

Et là, cet être diabolique, sournois et surpuissant était redevenu un être humain normal, debout à côté de la fenêtre toujours ouverte, grattant à nouveau la tête de cet oiseau de malheur qu'Oliver haïssait à présent encore plus qu'auparavant. Cet oiseau n'avait cessé de le fixer un seul instant alors qu'on l'humiliait, qu'on le blessait, qu'on le soumettait ! Et à chacun de ses cris, un croassement moqueur était sorti de son bec de malheur ! Il l'aurait plumé s'il n'avait pu ne bouger qu'un seul orteil, mais il savait bien qu'il en était incapable. Il n'était pas même nécessaire de tenter de bouger, il savait par avance qu'il n'y parviendrait pas, que son corps s'y opposerait !

Dans un long croassement, qu'Oliver eu envie de lui faire ravaler, le bestiau déploya ses ailes sombres et s'envola. Flint le regarda s'éloigner toujours aussi perdu dans ses pensées. Il était étrange de pouvoir le regarder alors qu'il se croyait seul, pas observé. Sa stature était réellement imposante, elle se découpait de manière impressionnante, et dans cette minuscule pièce, il n'en avait l'air que plus grand. Il avait une forte carrure, des épaules carrées et une musculature puissante. Dans cette lumière lunaire éblouissante, avec sa peau de lait diaphane, il rayonnait comme un être de lumière. On ne voyait plus que lui dans cette obscurité, d'une blancheur pure et immaculée, comme un ange plongé dans les ténèbres.

Oliver faillit s'étouffer à cette comparaison. Flint un être pur ? Un ange ? Qui raillait-il ? C'était un démon sans cœur, sans compassion, sans pitié ! Alors qu'une nouvelle bouffée de haine envahissait sa poitrine, Flint déposa des yeux inexpressifs sur lui. Il avait remarqué sa présence. Il avait senti sa haine.

Les yeux de Flint n'étaient pas inexpressifs, ils ne l'avaient jamais été, ils étaient plutôt si intensément expressifs et muets qu'Oliver ne pouvait les déchiffrer. Il était de certaines émotions et expressions que Flint masquait si bien qu'il était difficile pour quiconque de les lire sur son visage et en cet instant Oliver crut sentir qu'il ratait quelque chose, un indice, un message. Mais il ne pouvait saisir quoi.

Le regard de Flint était si perçant et insistant qu'Oliver en resserra la couverture épaisse qui le recouvrait et ne prit conscience qu'en cet instant du fait que s'il avait eu plus chaud c'est parce que Flint s'était donné la peine de le couvrir. Pourquoi ? Ca ne lui ressemblait pas. Oliver était anxieux. Il n'aurait pas été surpris que Flint le chasse à présent de chez lui à coups de pieds dans le derrière, maintenant qu'il avait eu tout ce qu'il pouvait désirer, son corps, sa fierté, son honneur. Il l'imaginait très bien le jeter à la porte comme la première traînée venue. Pourtant Flint ne faisait pas le moindre mouvement et ne laissait transparaître aucune rage à son égard. Que se passait-il ? Oliver était perdu.

Ce silence était plus pesant que ce qu'il avait dû endurer jusqu'alors. Mas il ne baisserait pas les yeux ! Certes, il avait eu son corps, il avait fait de lui ce qu'il désirait et lui-même l'avait laissé faire. Mais à présent, il ne faiblirait pas ! Pas maintenant ! Pas après tout ce qu'il avait subi.

Flint sembla comprendre le message et décela quelque chose dans le regard d'Oliver, une détermination que ce dernier ne semblait plus avoir. Il quitta alors la fenêtre où il était resté longuement debout à regarder la ville endormie, pensif, comme Oliver ne l'en aurait jamais cru capable. Il alla s'asseoir lentement sur un petit fauteuil qui se trouvait à l'autre extrémité de la pièce, dans l'ombre, près d'une petite bibliothèque et c'est là qu'un détail frappa Oliver de plein fouet.

Il boitait ! Flint boitait !

Comme il était grand, ce qui aurait pu être un détail chez quelqu'un d'une plus petite taille était incontournable chez lui. Il semblait traîner lourdement sa jambe gauche derrière lui, comme un lourd fardeau.

« Flint, ta jambe ! », lâcha Oliver ne se rendant même pas compte qu'il prononçait ces paroles.

Se faisant, suite à la surprise de cette découverte, le jeune homme avait tenté de s'asseoir, mais il déchanta rapidement lorsqu'il se fut assis. Une douleur inouïe lui déchira les entrailles et il sentit les larmes lui monter immédiatement aux yeux. Ca faisait un mal de chien ! Il avait l'impression qu'un troupeau d'hippogriffes enragés lui était passé dessus. Mais ce troupeau n'était autre que Flint. L'ordure n'y avait pas été de main morte !

Alors qu'il tentait de se repositionner de manière à avoir moins mal, chasser cette douleur semblait tout simplement relever de l'utopie, il glissa fort peu gracieusement du canapé et se retrouva sur la moquette rêche en moins de deux. Son souffle se bloqua instantanément et il tenta de retrouver son calme aussi bien que possible et de réguler sa respiration. Quelle douleur insupportable !

Flint qui s'était assis sur le fauteuil, et qui avait de nouveau cette position nonchalante qui semblait exprimer son désintérêt du monde entier, se mit à rire. Ciel qu'il pouvait le haïr. Une haine viscérale qui ne disparaîtrait jamais !

« Alors, ma petite pucelle tente de se sauver des draps nuptiaux », lâcha Flint d'une voix pleine d'ironie et de moquerie.

Comme Oliver aurait voulu lui faire ravaler cette remarque et ce sourire. La faute à qui s'il ne pouvait même pas tenir assis, alors ne songeant même pas à se mettre debout ? Ses yeux se posèrent instantanément sur les draps qui étaient restés enroulés autour de sa taille et les découvrit couverts de tâches de sang. Cela ne le surprit guère. La douleur éprouvée laissait bien à supposer qu'il avait été blessé, qu'il avait été déchiré, déchiqueté et qu'il avait saigné. Une plaie encore ouverte qui n'était pas prête de se refermer.

« Peut-être devrais-je montrer ces draps à tes fans… », Continua Flint toujours aussi mesquin, « Ou alors faire un petit cadeau aux journalistes… Je suis sûr que même certains fétichistes pourraient être intéressés… »

Oliver aurait voulu l'étrangler. Comme il le haïssait ! Mais il ne se laisserait pas prendre au jeu. Il savait ce que Flint cherchait à faire, il voulait changer de sujet, le pousser à bout afin de prendre le dessus et de laisser en suspens ce qu'Oliver avait découvert. Cette blessure ignoble qu'il semblait vouloir cacher. Ce boitement prononcé qui marquait sa démarche, qui salissait sa grandeur, brisait sa prestance.

Ne pouvant se lever, Oliver n'était pourtant pas prêt à abandonner maintenant après tout ce qu'il avait été prêt à subir. Il se surprit à saisir la solution la plus simple et la moins douloureuse qui s'offrait à lui. Il se mit à ramper tant bien que mal vers les pieds du fauteuil sur lequel trônait Flint, qui se trouvait non loin. Ce fut la première fois qu'il fut satisfait du manque d'espace dans cette pièce. Ramper sur cette moquette si drue n'était absolument pas une partie de plaisir et c'était encore moins agréable à faire sous le regard pesant de Flint qui semblait ne pas souhaité le quitter des yeux ! Ce vautour devait prendre son pied ! Ordure !

Une fois suffisamment proche pour pouvoir poser ses mains sur cette jambe qui l'interpellait, Oliver se saisit du jogging noir à pressions que Flint portait sans même penser à ce qu'il faisait et sans que ce dernier ne s'y attende. Ce qu'il découvrit lui glaça le sang. Une cicatrice énorme, une marque proéminente qui souillait cette peau si laiteuse. Alors qu'il posait la main sur cette cicatrice, cette horreur, cette abomination, Flint le repoussa brutalement de sa jambe meurtrie.

« Dégage ! Je t'interdis de me toucher », lâcha-t-il dans un sifflement haineux.

Pourtant Oliver ne pouvait se contenter de ce rejet, il avait besoin de savoir ce qui était arrivé à cet homme. Ce qui avait pu se passer pour effacer ce fantôme si puissant de sa vie. Qu'avait-il pu se passer pour que Flint se terre dans un petit appartement aussi miteux et qu'il vive reclus et caché ?

« Comment ? », murmura lentement Oliver qui avait du mal à articuler tant sa gorge s'était serrée, il n'était pas réellement capable de parler.

Flint se tue un très long moment le regardant haineusement, près à exploser à chaque instant. Puis de manière tout à fait inattendue, un sourire froid se dessina sur ses lèvres fines et il reprit la parole.

« Je ne pense pas que mes petits malheurs t'intéressent vraiment, Wood… Mais pour satisfaire ta curiosité maladive, sache juste que certains de mes charmants coéquipiers de la grande et belle époque n'appréciaient pas vraiment ma façon de jouer, ni même ma façon d'être et me l'ont gentiment fait savoir… »

Le regard de Flint était vide, effrayant.

Mais cette histoire l'était encore davantage. Il ne voulait pas rentrer dans les détails, choses qu'Oliver comprenait parfaitement mais il avait du mal à croire que les propres coéquipiers de Flint aient pu faire ça ! Lui-même l'avait détesté durant des années, mais jamais il ne lui serait venu à l'esprit de lui faire CA ! De s'en prendre à son corps, de le blesser ainsi pour le priver de sa passion, de ce sport qu'il affectionnait tant et qu'il savait transcender ! Les gens étaient ignobles quand jaloux et envieux ! Flint n'avait pas mérité ça ! Son jeu était dangereux et menaçant mais fabuleux à regarder ! Ils n'avaient pas le droit de le priver de ça, de les priver de lui ! Des monstres !

Oliver ne pouvait contenir le flot d'émotions qui jaillissait en lui. Il avait mal pour Flint bien plus qu'il n'avait mal pour lui-même. Et cela devait être clairement lisible dans ses traits car ceux de Flint se durcirent très nettement.

« Wood ! Tu peux garder ta pitié pour toi ! Je ne suis pas un faible, je n'en ai nullement besoin ! Sois heureux, ça t'a permis de devenir ce que tu es aujourd'hui, une star, un faucon resplendissant, avec moi dans le jeu, jamais tu n'y serai parvenu ! Jamais ! Tu devrais les remercier ! »

La voix de Flint se faisait de plus en plus dure, de plus en plus menaçante. Il se comportait comme un animal encerclé. Il se sentait menacé.

« Ne me regarde pas comme si j'étais devenu impuissant ! Je ne suis pas un infirme ! Je pourrais te briser quand bon me semblerait, ne l'oublie pas ! »

Un animal mortellement blessé qui tente de panser ses plaies en se terrant, se sentant traqué. Près à montrer les crocs et à mordre au premier signe de menace. Cette dernière remarque le fit sourire. Jamais il n'aurait douté du fait que Flint put le briser aujourd'hui encore. La douleur lancinante qu'il éprouvait en chaque muscle de son corps le lui rappelait bien assez péniblement, comme son coccyx semblait bien être en miettes.

Oliver ne pouvait rien répondre à cela. Mais comment Flint pouvait-il croire qu'il éprouvait de la pitié à son égard ? Comment aurait-il seulement pu ? Mais il ne le laisserait pas continuer à se cacher au regard du monde. Il avait arrêté le Quidditch à cause de cette monstrueuse blessure qui l'empêchait de jouir de la mobilité de ses jambes. Mais avait-il seulement essayé de déployer ses magnifiques ailes après cette agression ? Oliver ne le laisserait pas abandonner aussi facilement.

Il se saisit tendrement de cette jambe et laissa ses doigts effleurer la cicatrice, la traçant de ses doigts si fébriles et tremblants. La peau y était si fine et si douce qu'il en fut surpris. Il sentit les muscles de Flint se contacter, mais ce dernier ne fit pas le moindre mouvement de fuite cette fois-ci. C'était très certainement la première fois que quelqu'un autre que lui-même touchait cette blessure honteuse. Elle n'enlaidissait en rien ce corps si musculeux et si parfaitement sculpté, mais elle lui faisait honte. Il fallait que Flint l'accepte enfin et qu'il vive avec. Les lèvres d'Oliver vinrent rejoindre ses doigts sans qu'il en prenne conscience et il commença à baiser la moindre parcelle visible de cette cicatrice, laissant sa langue la titiller tendrement. Il avait été hypnotisé par cette blessure, il voulait la couvrir de toutes les attentions du monde.

Il continua à baiser cette chair si fragile jusqu'au pied où la cicatrice était également fortement visible. Ce pied était devenu si envoûtant qu'Oliver ne pouvait s'empêcher de le couvrir affectueusement de baisers furtifs et de coups de langue moins tendres, plus suggestifs.

« C'est bien là qu'est ta place, Wood. A mes pieds. Jamais tu ne m'es arrivé à la cheville… », Lâcha Flint d'une voix rauque, empreinte d'un plaisir mal contenu.

Aussi posé et contrôlé soit-il, même Flint ne pouvait rester indifférent à certains traitements. Oliver ne s'était pas trompé sur lui, il en avait la confirmation à présent. Flint ne parlait jamais beaucoup et ne le faisait que par automatisme pour blesser les gens, les éloigner de lui et ainsi se protéger et se préserver. Par contre, quand son corps parlait, il était honnête. A chaque fois il avait été passionné lors de leurs jeux et c'est sur un balai qu'Oliver l'avait toujours trouvé merveilleusement troublant, fabuleusement attirant. Quand il l'avait pris, sa main qui le caressait l'avait trahi, Oliver en prenait à peine conscience, tout comme lors de leur première rencontre où il l'avait tendrement embrasser sur le front. Son corps avait toujours été étroitement collé au sien, pouvait-on désirer être aussi proche de quelqu'un que l'on haïssait ? C'était impossible. Tout comme les lettres qu'il lui avait envoyées, il avait dû penser qu'il pouvait se permettre de tout lui révéler car ils ne se rencontreraient jamais, mais il n'avait pu résister à l'envie de le posséder, de l'avoir à lui.

Ce fantôme qui avait hanté toute son existence de jeune homme avait lui-même vécu dans l'obsession d'un faucon insaisissable. Oliver voulait lui faire comprendre que ses ailes pouvaient encore se déployer et atteindre les firmaments les plus élevés et rejoindre ce faucon solitaire qui se perdait de plus en plus dans ce merveilleux ciel lumineux vide de tout.

Oliver se rendait bien compte que quelque chose n'allait pas. Pourquoi était-il si accroché à Flint, pourquoi se sentit-il si proche de lui ? Il ne pouvait pas trouver de réponse rationnelle à ce sentiment, mais tout ce qu'il savait c'est qu'il avait envie de le découvrir, de le goûter, de le toucher enfin ! Il laissa enfin ses mains donner libre cours à leur envie et glisser sensuellement sur cette peau qu'il dévoilait un peu plus à chaque caresse, cette peau qui lui était enfin offerte. Il dévorait chaque partie de cette jambe meurtrie qu'il découvrait et qu'il exposait à la lumière lunaire qui la rendait pratiquement brillante. Flint était délicieux. Un goût particulier qu'il n'avait jamais pu saisir chez une femme.

Ses mains étaient à présent sur les cuisses puissantes et il les laissait jouer avec les muscles durcis qu'elles y découvraient avec délectation. Ces jambes étaient encore puissantes. Aucune pitié pour cet homme, juste un désir incontrôlable, une faim insatiable.

« Toujours aussi impétueux et prétentieux, mon faucon », souffla Flint dans un murmure rauque qui ne fit que confirmer les pensées d'Oliver. Flint lui cédait, il baissait ses gardes. C'était le moment où jamais de le posséder à son tour.

Il se leva avec grande peine et trouva les bras puissants de Flint comme soutien qui le hissèrent jusqu'aux genoux dénudés de leur propriétaire. Oliver s'assis tentant de ravaler cette douleur qu'il ressentait encore. Ca n'était rien, il devait oublier. Le plus important était de chasser ce fantôme nostalgique du visage de Flint, annihiler cette expression qu'il y voyait en ce moment-même. Plus jamais telle souffrance ne devait être visible sur ses traits. Plus jamais il ne le permettrait. Il le consolerait autant de fois qu'il le faudrait, s'offrirait autant de fois qu'il le faudrait pour lui faire comprendre qu'il était temps de revenir dans le monde des vivants, de lui revenir.

Le faucon avait de nouveau déployé ses ailes et s'était posé sur le giron de cet homme si puissant qui avait toujours attiré ses yeux et qu'il avait toujours secrètement admiré sans vouloir se l'avouer. Maintenant il était enfin face à lui, leurs visages à à peine quelques centimètres l'un de l'autre. Il ne voulait plus jamais y lire cette souffrance, plus jamais. Quelle expression avait-il quand il était heureux, quand il aimait quelque chose ? Avait-il ce même sérieux que lorsqu'il jouait de manière passionnée ? Lui arrivait-il de sourire vraiment ? D'apprécier quelque chose ? Et quels étaient ses traits quand il était satisfait ? Quand il jouissait ? Oliver voulait le savoir.

Il n'était pas très habile, il en était conscient. Jamais il n'avait connu autre homme et le peu de cette expérience ne lui disait nullement comment séduire Flint, comment lui faire plaisir. Mais ce qu'il savait c'est qu'il se sentait prêt, encore humide, n'ayant pas pris de douche après leur dernière « altercation », et cette seule idée l'excita encore davantage. Il se laisse glisser sur le membre toujours aussi fier de Flint et bloqua sa respiration quand il sentit une nouvelle fois cette intrusion violente. Il tenta de se calmer, de gérer la situation, de s'offrir lentement et précautionneusement. Mais rien n'y faisait la douleur était présente.

Il commença un lent mouvement de va-et-vient essayant de se protéger le plus possible, n'osant pas encore laisser toute la longueur de ce membre engorgé le pénétrer tout entier. Il laissa sa tête se poser sur cette épaule si puissante, si réconfortante. Il laissa ses bras se nouer dans le cou de cet homme qui lui faisait perdre toute raison y trouvant un réconfort surprenant. Il voulait lui faire l'amour tel un amant expérimenté, mais il sentait bien que son inexpérience était très fortement remarquable, mais il espérait que cela ne pâlirait en rien le plaisir qu'il pouvait donner à Flint, à son homme.

Il resserra un peu plus son étreinte et vint blottir son nez dans le cou si large de son amant. Comme il était bon d'être contre lui, de pouvoir le serrer contre son corps, de sentir ses muscles bouger, rouler sous sa peau et se dessiner sous ses doigts. Bien plus que la douleur, c'était le fait de ne pas pouvoir le toucher qu'il l'avait meurtri, il avait besoin de le sentir vibrer sous ses doigts, de le sentir vivant sous ses mains.

Quand les mains de Flint lui entourèrent la taille il ne put retenir plus longtemps ses soupirs. C'était trop bon d'être tenu par Flint, d'être cajolé par lui. Quand ce dernier s'immisça entièrement en lui, Oliver crut mourir et laissa échapper un sanglot aigu.

« Petite nature », lui glissa Flint à l'oreille d'une voix langoureuse.

« Je…ne…suis pas…une…pet…ite nature… », Réussit à articuler Oliver entre ses soupirs de plus en plus prononcés au fur et à mesure que Flint se permettait de venir et sortir de lui lentement, « C'est toi…qui est…hors norme ! »

Alors qu'il tentait tant bien que mal de tenir en équilibre sur les genoux de son amant, ce dernier lui fit changer quelque peu de position et alors qu'il le possédait à nouveau Oliver crut perdre la raison.

« Marcus ! », gémit-il hors de lui, ayant perdu tout contrôle sur son corps et tremblant comme une feuille.

« C'est meilleur comme ça ? », lui demanda Flint d'une voix emplie de désir.

« Ou…Oui », réussit à lui répondre Oliver qui venait de perdre définitivement pied avec la réalité, à chaque coup de rein, Flint lui faisait voir les étoiles, il avait découvert en lui un point qui le faisait frémir de tout son être, qui le faisait vibrer.

C'était bon. C'était délicieux.

« Encore ! », gémit-il alors qu'il s'agrippait avec fougue aux épaules de son amant et que ce dernier satisfaisait à sa requête. Leurs yeux se rencontrèrent finalement et Oliver put enfin lire ce qu'il avait tant souhaité découvrir dans les yeux de son fantôme : la passion.

Plus jamais il ne le laisserait lui montrer une autre expression que celle-ci. Plus jamais il n'accepterait de voler seul sur les cimes qui s'offraient à lui. Son merveilleux rapace l'y accompagnerait. Ses ailes n'étaient pas brisées, ils n'avaient pas réussi malgré toutes leurs manigances à éteindre ce feu insatiable qui se consumait en lui ! Les rayons du soleil ne seraient plus rien sans la présence de cet homme à ses côtés, le soleil à son zénith n'aurait plus de sens sans son odeur, sans ses bras, sans ses caresses.

Le faucon avait enfin trouvé son compagnon et c'était à lui de lui faire quitter le nid où il avait trouvé refuge, où il était venu panser ses plaies. C'était à lui de le faire voler à nouveau. C'était à lui de lui redonner sa passion. A lui seul.

Il était à lui seul.