Chapitre 4 : Le jeu commence
Vyenn n'avait pas encore ouvert, mais pour préparer la soirée, l'établissement avait permis aux deux groupes de venir s'exercer depuis la matinée afin que tout soit prêt pour l'ouverture au public. Les habitués du bar avaient tellement aimé l'enchaînement des Danaïdes et de Requiem qu'ils avaient demandé à les revoir jouer, et le bar, également satisfait de leurs performances comme des bénéfices que cela avait donné, avait proposé au deux groupes un contrat pour jouer toutes les semaines. Antonio avait accepté pour leur faire plaisir, appréciant l'endroit. Wolfgang, lui, avait dit oui car il s'agissait de la première opportunité de gagner de l'argent avec son groupe. Il était d'ailleurs très flatté d'être mis en avant au même titre que le collectif musical le plus réputé de la ville. Les musiciens étaient donc rassemblés dans la salle, préparant le matériel, s'entraînant sur quelques morceaux, ou discutant entre eux. Wolfgang ne cessait de jeter des coups d'œils à Antonio, qui s'était isolé avec son batteur un peu plus loin. Vêtu d'une chemise noire à manches longues et d'un jean ébène troué, il était comme d'habitude sublime. En réfléchissant, l'autrichien n'était pas sûr d'avoir déjà vu Salieri porter de vêtements à manches courtes, et il en était déçu, persuadé que ses bras devaient êtres agréablement musclés s'il en croyait la force aisée avec laquelle le leader des Danaïdes transportait les instruments les plus lourds. Une seconde chose frustrait le jeune virtuose, son crush l'ignorait royalement. Il avait d'abord pensé qu'il agissait ainsi avec tout le monde, ne parlant qu'aux membres de son groupe, mais quand il l'avait vu discuter en souriant avec Constance puis Joseph, il avait du se rendre à l'évidence. Il l'évitait. Était ce à cause de leur première conversation ? Mozart gonfla les joues, ignorant ce que lui disait Franz à propos de sa dernière partition, il était vexé. Salieri posa la guitare avec laquelle il jouait, et il se dirigea vers les toilettes. Wolfgang fixa la porte pendant un instant, hésitant, puis ils se leva pour le suivre, s'excusant auprès de son interlocuteur qui se coupa dans son monologue.
Antonio remonta son pantalon et il se retourna vers le lavabo se laver les mains. Il se frictionnait les mains sous l'eau quand la porte s'ouvrit sur celui qu'il avait le moins envie de voir. Wolfgang Mozart. Le jeune virtuose s'approcha de lui, le regard posé sur ses mains.
- Dites, commença l'autrichien avec un sourire espiègle, le vernis sur les ongles d'une seule main, c'est vraiment subtil comme gay code...
Salieri crut qu'il allait s'étouffer, il garda cependant contenance, ne se permettant qu'une légère exclamation méprisante.
- C'est simplement mieux pour jouer de la guitare, la manucure s'abîme trop vite sinon.
Wolfgang se mit juste derrière lui, le forçant à se retourner pour lui faire face, et plaça ses mains sur le lavabo, de chaque côté du musicien.
- Ah, vraiment ? Vous m'en direz tant...
Salieri déglutit discrètement. Pourquoi se sentait-il pris au piège à cet instant ? Mozart approcha son visage de celui de son interlocuteur, analysant toute la gêne qui naissait sur son expression malgré le contrôle qu'il essayait de garder.
- Maestro...
Salieri frissonna. Ce surnom, que seul le leader de Requiem lui donnait, avait une définition presque particulière en sonnant à ses oreilles.
- Vous savez, continua Mozart en plongeant dans son regard, j'adore cette façon que vous avez de lutter pour maîtriser vos pulsions, alors que je sais pertinemment que je vous fais beaucoup d'effet.
Par fierté, Antonio répliqua malgré son état, avec une grimace dédaigneuse.
- Et qu'est ce qui te fait penser ça ? Tu es d'une arrogance sans limites...
Mais son interlocuteur sourit, se rapprochant de son oreille pour susurrer.
- Disons que c'est une supposition, d'abord vis à vis de votre réaction à ma musique, qui a trouvé confirmation aujourd'hui, maintenant... Parce que... Maestro, cela ne fait quelques secondes que je suis entré, je ne vous touche même pas malgré notre proximité, et pourtant vous bandez comme un forcené...
Dès qu'il eut terminé sa tirade, l'italien baissa les yeux et vit que ce que lui disait Mozart n'était pas une plaisanterie. Ses joues rougirent avec violence et Wolfgang eut un bref rire en reculant enfin de son aîné.
- Je me savais doué en séduction, mais là vous me flattez. Sachez que vous me plaisez aussi, bien plus que vous ne l'imaginez, mais votre fierté provoque mes sens, et j'ai l'intention de jouer avec vous... Le plus longtemps possible.
Il laissa sa langue sortir et humidifier ses lèvres, malicieux.
- Je vais sortir, vous avez besoin d'un peu de temps et d'intimité pour régler votre petit souci, mais ne tardez pas trop, maestro, vos musiciens vous attendent pour répéter. Si vous voulez, je peux vous aider...
Il plissa les yeux, prit une pose théâtre, et imita les paroles qu'il pourrait avoir s'il était en train de coucher avec l'italien.
- Oohhh, Antonio, encore s'il te plaît, je veux plus... Tu es si bon aaaaahhhh...
Le tutoiement soudain, les gémissements factices, Salieri ne sut ce qui le fit tiquer, mais il saisit le pain de savon qui reposait sur le lavabo et il le jeta violemment sur le jeune effronté qui se moquait de lui. L'objet rebondit sur le torse de Wolfgang, qui éclata de rire avant de quitter les toilettes, fier de lui et laissant un compositeur aussi furieux que gêné. L'italien se couvrit le visage des mains, embarrassé de ce qu'il venait de se passer. Il n'avait pas le choix quand à la suite, et il s'enferma dans une cabine pour faire disparaître son érection, et à sa grande horreur, il n'avait dans ses pensées que l'autrichien, qui avait effectivement vu juste, il lui faisait beaucoup d'effet. Quand il parvint enfin à calmer ses ardeurs, il ressortit se laver les mains, déterminé à ne pas laisser l'homme se jouer de lui par fierté. Il fixa son reflet dans le miroir, reprenant son air impassible de coutume, avant de sortir de la pièce. Son bassiste, Ludwig Beethoven, se tourna vers lui.
- Et bien, t'en as mis du temps, lança-t-il. T'as mal digéré un truc ou quoi ?
Du coin de l'œil Antonio vit Mozart ricaner et il prit soin de l'ignorer.
- Non ça va.
Florian se leva alors et vint l'emmener à l'écart.
- T'as pas recommencé ici ? chuchota-t-il en saisissant son poignet pour le regarder.
Salieri se dégagea aussitôt en secouant la tête.
- Non, je suis pas stupide. Je vais bien, je t'assure.
Les deux hommes retournèrent auprès de leurs camarades, après tout, ils avaient un concert à préparer.
