Chapitre 9 : Ce qui se passe dans la cabine reste dans la cabine

Les musiciens ouvrirent le compartiment avant d'échanger un regard. Il n'y avait pas de place pour tout le monde, même après avoir laissé leurs bagages au wagon dédié. Ils avaient choisi une compagnie économique pour ce long trajet, et le train était certes confortable, mais assez vintage. Il y avait donc toute une rame pour les affaires des passagers, ce qui arrangeait les jeunes adultes qui se voyaient mal trimballer tout leur matériel musical sur les sièges. Ils n'avaient le droit qu'à un sac avec eux, pour limiter l'étroitesse des cabines.

- On ne passera pas à plus de huit, affirma Constance.

- Je vais dans celle d'à côté, dit alors Antonio qui ouvrait déjà la porte du compartiment voisin.

Florian lui jeta un regard.

- Je le suis. Restez entre vous, ce sera plus sympa pour passer ces longues heures, je gère notre ami emo.

Et, sur un clin d'œil, il entra à la suite de Salieri, s'asseyant en face de lui.

- Est ce que ça va ?

- Mmh.

- Et avec des mots ?

L'italien soupira avant de le regarder.

- Oui ça va.

Les cernes qui enserraient lourdement ses yeux semblaient affirmer le contraire, bien qu'il ait tenté de les dissimuler sous un maquillage sombre sur l'intégralité de ses paupières et leurs alentours. Il sembla capter le regard sceptique de Florian puisqu'il reprit.

- Je suis juste fatigué, je ne dors pas beaucoup en ce moment.

- Tes insomnies, encore ?

- Ouais.

- Et bien dors maintenant. T'as une sale tronche.

- Toi même.

Il suivit néanmoins son conseil et s'allongea sur la banquette avant de fermer les yeux. Le roulement du train qui prenait de la vitesse et le silence lui permirent de sombrer dans le sommeil rapidement. Florian ouvrit son sac pour en sortir un livre, et il l'ouvrit pour commencer sa lecture. La première heure passa lentement dans leur cabine, les seuls sons qui perturbaient le calme étaient la respiration presque inaudible du jeune homme endormi, et le léger brouhaha qui provenait du compartiment voisin, malgré une bonne isolation, ce qui témoignait de l'énergie de leurs camarades. La porte s'ouvrit alors sur Wolfgang.

- Florian, ils ont besoin de toi à côté, une histoire d'origines de partitions, apparemment c'est toi l'expert.

- C'est vraiment nécessaire ? demanda le concerné dans un soupir. Et chuchote, il dort.

L'autrichien tourna la tête pour voir ce que le batteur désignait et il se retint de faire un commentaire sur la vision qui s'offrait à lui.

- Je crains que oui, c'est en train de partir en guerre leur débat. Vas-y, je reste ici en attendant.

Florian hésita.

- Tu me promets de ne pas le réveiller, ni de le faire chier ?

- Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer.

Roulant des yeux face à son immaturité, il rassembla ses affaires et quitta la cabine, laissant sa place au blond qui s'assit en posant son sac à dos près de lui. Il regarda alors attentivement Salieri. Assoupi, il semblait bien plus apaisé, et moins tourmenté. Quelques mèches noires s'étaient échappées de sa queue de cheval et tombaient doucement sur son visage. Il était vraiment magnifique. Quand un quart d'heure fut passé, Wolfgang comprit que le débat avait eu raison de Florian, et il continua d'admirer son voisin endormi. Le plus âgé s'agitait de temps à autre, et plusieurs fois, il poussa de légers gémissements qui firent sourire le blond, attendri par le spectacle. Ce fut une demi heure après qu'il s'éveilla, se redressant sur la banquette en se frottant les yeux dans une attitude bien trop adorable. Il posa son regard sur l'homme en face de lui, mais ce n'était pas le batteur des Danaïdes. Il sursauta en reconnaissant l'autrichien, et le blond eut un bref rire.

- Du calme, maestro, ce n'est que moi. Florian a été appelé pour gérer un débat conflictuel à côté.

Antonio n'en fut pas surpris, il connaissait le sens rhétorique de son ami. Mozart se leva alors, plein d'énergie.

- Je vais me chercher un café au wagon restaurant, vous voulez quelque chose ?

- Non, ça va. Merci.

Le jeune homme quitta le compartiment pour revenir quelques minutes plus tard avec un gobelet fumant. Salieri était concentré sur son téléphone pour ne pas avoir à parler, mais après un instant un juron le fit lever la tête, et il vit que Wolfgang avait renversé sa boisson sur sa chemise.

- Maestro, ça vous dérange si je me change ?

- Non, je m'en tape.

Il tourna la tête vers le paysage qui défilait si vite pour appuyer son indifférence, et Mozart retira sa chemise salie avant d'ouvrir son sac à dos pour en sortir un t-shirt. Antonio ne put s'empêcher de jeter un œil sur le jeune homme, et il dut lutter pour ne pas garder la bouche ouverte tant la vision fut attirante. Le chanteur de Requiem portait un pantalon taille basse qui affinait la forme de ses cuisses comme celle de son postérieur et de son entrejambes. Il n'avait pas un torse très musclé, mais il était fin et bien dessiné, de légers abdos se dévoilant sur sa peau. Ses bras par contre étaient assez développés, sans doute la conséquence de porter tous les jours de lourds instruments. Ses clavicules ressortaient profondément, et son cou gracile était tout aussi sublime. Sans même vouloir l'imaginer, Salieri se vit déjà parcourir ce corps exquis de ses mains ou de ses lèvres, et très vite, tout un tas de pensées plus explicites prit place dans son esprit. Il sentait la chaleur affluer dans son bas ventre et il détourna le regard pour éviter d'être surpris dans son admiration, mais il était trop tard, l'autrichien avait enfilé son t-shirt et le regardait avec un air amusé.

- Me voilà encore flatté, murmura-t-il. Il vous suffit maintenant de me voir torse nu pour avoir une érection ? Je suis très fort décidément...

Gêné, le plus âgé resserra les jambes pour cacher l'objet de son embarras, ne faisant que causer une douleur sur la zone qui cherchait à s'exprimer. Wolfgang rigola doucement avant de venir s'assoir à côté du compositeur, et il susurra à son oreille.

- Malheureusement, les toilettes du train ne sont pas bien isolées, et si je sors sans raison pendant autant de temps pour vous laisser de l'intimité, les autres vont se poser des questions, aussi, puis je vous suggérer autre chose ?

Salieri ne comprit pas de quoi il parlait, et la proximité qu'il y avait entre eux ne l'aidait pas à réfléchir.

- Qu.. Quoi ? balbutia-t-il.

Le blond fut alors plus explicite, il souleva doucement la chemise de son aîné pour caresser son ventre avec délicatesse avant de poser ses doigts sur la boucle de sa ceinture.

- Vous permettez ?

Incapable de parler, Antonio, le visage rougi, hocha simplement la tête. Avec des gestes mesurés, Mozart défit la sangle, déboutonna le pantalon et baissa la fermeture éclaire. Il plongea ses doigts sous le vêtement, il sentit que le brun cessait de respirer, puis sous le caleçon pour les enrouler autour du sexe durci. Machinalement, Antonio se cambra avant de coller brusquement son dos contre le torse de l'autrichien, qui murmura alors.

- Au toucher, j'en déduis une taille très impressionnante, maestro.

Il commença alors de vifs mouvements, et Salieri coula dans ses bras en gémissant. Il bascula la tête en arrière, la posant sur l'épaule de son cadet, qui savourait cette vision érotique. Wolfgang gardait pourtant à l'esprit que ce n'était ni le lieu, ni le moment, aussi se concentrait-il pour canaliser son propre désir, se contentant de soulager son partenaire. Pendant de longues minutes, le seul bruit qui résonna dans la cabine fut le souffle saccadé et haletant du leader des Danaïdes, ponctué de gémissements bruyants. Le blond était fasciné par les réactions physiques de son aîné, qui roulait des hanches pour accentuer les sensations sans même s'en apercevoir. Il essayait d'être aussi rapide que possible dans ses mouvements de poignets, mais la présence des vêtements, juste légèrement abaissés, le limitaient. Finalement, l'italien se libéra entre ses doigts, et Mozart retira sa main, refermant le vêtement comme la boucle de sa ceinture avant de le regarder avec intensité, se léchant les doigts tout en ronronnant.

- Ce fut un réel plaisir... Toutefois, je pense que vous devriez changer de caleçon une fois à l'hôtel, le voilà bien rempli.

Embarrassé, les joues brûlantes, Antonio se redressa pour se replacer près de la fenêtre tandis que l'autre retournait s'assoir à sa place initiale. Quand Florian ouvrit la porte du compartiment, il fut perplexe en voyant son ami, jambes et bras croisés, le regard tourné vers le paysage et l'expression contrariée, tandis que le leader de Requiem, assis en tailleur, le regardait avec un grand sourire.

- Désolé, ça a été plus long que prévu.

- Aucun problème, répondit le blond. J'ai pu avoir une conversation très intéressante avec le maestro Salieri.

Il se leva pour partir, laissant la place au batteur tout en refermant la porte du compartiment, et celui ci posa son regard sur le brun.

- Maestro Salieri ? C'est vraiment comment ça qu'il t'appelle ?

- Il semblerait.