Chapitre 27 : Le panda

Les Danaïdes avancèrent dans les allées aux côtés des membres de Requiem. Encore une fois, ils avaient décidé de sortir ensemble, sur une idée de Thalie et Constance, qui s'entendaient à merveille. Les jeunes femmes avaient appris qu'une fête foraine s'installait en ville, et elles avaient convaincu leurs amis de s'y rendre. Si certains comme Wolfgang ou Florian furent aussitôt emballés, d'autres avaient émis plus de réserve, Antonio et Joseph notamment. Finalement, tout le monde avait cédé. Les lumières clignotantes censées attirer le regard avaient plutôt tendance à repousser le brun, qui suivait le groupe distraitement en priant pour que rien d'imprévu ne se passe. Évidement, c'était peine perdue d'espérer cela alors que Wolfgang était présent, il était l'imprévisible même, incarné en un homme. Le blond lui prit soudainement la main, et il tourna la tête pour le regarder. Mozart avait le visage illuminé tant il était heureux, un véritable enfant. Ses yeux brillaient d'énergie et il sautillait partout avec plus d'entrain que d'habitude, ce qui relevait de l'exploit. Il secoua doucement le bras de son partenaire en pointant du doigt quelque chose en hauteur.

- La grande roue ! Viens Antonio !

- Même pas en rêve, lâcha son interlocuteur.

Le leader de Requiem le fixa avec une moue déçue.

- Mais s'il te plaît...

Ne pouvant résister à son cadet, l'italien soupira et l'autre bondit de joie. Les autres musiciens ricanèrent tout le long du trajet jusqu'à l'attraction, et aussi pendant que les deux hommes prenaient leurs tickets. Juste avant de monter, Antonio leur jeta un regard glacial destiné à les faire taire, ce qui ne fonctionna pas le moins du monde. Installés dans la nacelle, ils commencèrent à s'élever lentement. Le plus âgé, les bras croisés, affichait un air contrarié, et son amant vint poser sa tête contre son épaule.

- Ne boude pas... Je voulais monter pour avoir une belle vue depuis là haut. Tu sais, comme à Paris sur la tour Eiffel. Là où on s'est mis ensemble...

Touché, Antonio posa sur l'autrichien un regard doux, et le plus jeune lui sourit alors avant de redresser la tête pour l'embrasser. Ils profitèrent du moment, du panorama urbain magnifique, et de la fraîcheur de la soirée, leurs doigts entrelacés. Quand ils descendirent de la roue, ils cherchèrent leurs acolytes du regard, mais ceux ci avait disparu.

- Antonio ! Wolfi !

Ils se retournèrent pour voir les autres avancer vers eux.

- Désolés de vous avoir lâchés, mais on a décidé d'aller faire les montagnes russes pendant que vous vous galochiez là haut.

L'italien se sentit rougir tandis que le blond s'écriait.

- Mais moi aussi je veux faire les montagnes russes !

Les autres éclatèrent de rire.

- Alors Antonio, lança Florian avec un air taquin, ça fait quoi de sortir avec un enfant de cinq ans et demi ?

- Je vous hais tous.

Wolfgang fit la moue face à cette réponse, et il bouda. Décision qui dura juste le temps de faire quelques mètres et de passer devant le stand de sucreries pour qu'il sautille de nouveau en criant qu'il en voulait. Tout le monde s'acheta donc un petit quelque chose, et le turbulent musicien, qui avala sa collation très vite, jeta vite un regard envieux sur le cornet de churros que son copain s'était choisi. Antonio, un bâtonnet entre les lèvres, le vit arriver de loin, et quand Wolfgang tendit la main pour lui en voler un, il éloigna sa main, et le cornet avec.

- C'est les miens, siffla le brun en articulant difficilement pour ne pas relâcher le churros qu'il tenait entre ses dents.

Vexé, mais pas prêt d'abandonner, l'autrichien se rapprocha du torse de son amant et il croqua directement le bâtonnet que celui ci mangeait, lui volant un baiser au passage. L'autre le fixa d'un air outré, et après avoir avalé, le plus jeune lui sourit doucement.

- Mets plus souvent du sucre sur tes lèvres, c'est encore plus agréable de t'embrasser, j'ai envie de te manger !

Salieri roula des yeux, rougissant toutefois.

- Comme si j'avais besoin que tu me sautes dessus encore plus que tu ne le fais déjà.

Leurs amis ricanèrent de nouveau, et Antonio soupira.

- J'ai l'impression d'être entouré de hyènes depuis le début de cette soirée, c'est si drôle que ça ?

- T'imagines même pas, sourit Florian tandis que le reste du groupe hochait la tête.

Les deux jeunes femmes, si elles ne riaient pas, ne cessaient de sourire à chaque conversation entre les deux amoureux. Constance posa sa main sur l'épaule du leader des Danaïdes.

- Vous vous êtes vraiment bien trouvés. Vous avez une complicité incroyable et vous êtes si différents que ça vous rend parfaitement complémentaires. Et puis tu sais, je suis vraiment contente de le voir si heureux avec toi. Vous le méritez tous les deux.

L'italien ne put s'empêcher de sourire à ses propos. Une voix le tira néanmoins de la situation.

- Je veux ça !

Le musicien fit volte face pour voir le blond fixer avec un air émerveillé une peluche gigantesque de panda. Il regarda ensuite le stand qui la faisait gagner, et il soupira avant d'approcher du comptoir.

- Faut faire quoi pour gagner ça, demanda-il au forain en désignant le panda, s'attirant l'attention de Wolfgang.

- Un score presque parfait sur la cible monsieur, on laisse quand même une petite marge d'erreur. Vous voulez tenter ?

Antonio fixa les lames. Le lancer de couteau. Un éclat inquiet brilla alors dans les yeux de l'autrichien, qui connaissant ses antécédents avec ce genre d'armes. Il ouvrit la bouche pour parler, mais Florian, lui aussi conscient du risque, le devança.

- T'es sûr de toi là ?

Salieri posa l'argent sur le comptoir avant de saisir les canifs dans sa main. Il fixa la cible, laissant ses doigts caresser machinalement les lames. Elles étaient affûtées, comme la sienne. Près de lui, le blond restait silencieux, anxieux malgré tout. L'italien visa et lança la première lame, qui se figea au centre du cercle. Le forain siffla, admiratif. Le brun sentit la surprise de ses acolytes. Il avait toujours aimé les couteaux, et il ne s'en servait pas uniquement sur ses avant bras. Lentement, avec toute sa concentration, il envoya les autres, également en plein sur la cible. L'organisateur applaudit doucement.

- Vous êtes fort, impressionnant. Je vous décroche le panda géant.

Pendant qu'il s'exécutait, les musiciens félicitèrent leur ami, et Wolfgang sauta de joie en récupérant sa peluche, aussi grande que lui, mais bien plus épaisse. Il fixa ensuite Antonio avec un grand sourire et dit.

- Je la voulais parce qu'elle me fait penser à toi. Avec tes vêtements sombres, ta peau pâle et ton maquillage noir autour des yeux !

Les autres éclatèrent de rire tandis que le concerné perdait son sourire attendri.

- C'est sur toi que j'aurais du lancer les lames, saloperie.

L'autrichien lui envoya un baiser, serrant contre lui le panda à défaut de le faire avec son copain qui fulminait.