Chapitre 9 : Invitation
L'autrichien prit une inspiration et frappa à la porte. Le majordome lui ouvrit, et aussitôt, le blond lui tendit une lettre en parlant.
- Monsieur Salieri m'attend pour travailler, je vous promets que je ne mens pas, voici le courrier qu'il m'a écrit, je peux entrer ?
L'homme sourit doucement.
- Inutile de vous justifier, monsieur Mozart. Il m'avait averti que vous viendriez aujourd'hui. Il semblerait qu'il ait changé d'avis concernant le droit que vous avez d'entrer dans cette maison.
Il dégagea le passage et le plus jeune entra dans la grande demeure.
- Monsieur est dans son bureau, je ne vous montre pas le chemin, il semblerait que vous le connaissiez déjà depuis votre effraction.
Wolfgang rit brièvement à ce souvenir et il emprunta les escaliers. Une fois à l'étage, et voyant que le domestique était retourné à ses occupations, il ne résista pas à l'envie de fouiner un peu. Il ouvrit une première porte et tomba sur la salle de bain. Il eut un sourire niais, jaloux de cette pièce qui avait le privilège de voir le corps nu de son maestro très régulièrement. Il poursuivit son périple et appuya sur une autre poignée, mais la pièce était verrouillée. Dévoré de curiosité, il força pendant quelques secondes, mais il n'y avait rien à faire. Qu'est ce qui méritait donc d'être caché à la vue du public ? Il rentra dans une autre pièce et sa frustration s'amenuisa. La chambre d'Antonio. Une armoire massive sur la gauche, longeant le mur et un grand lit à baldaquins en face du meuble. En face de la porte, une grande fenêtre ouverte pour aérer la salle. Il fit quelques pas à l'intérieur. L'endroit semblait si peu personnel. Pas de livres sur des étagères, rien à traîner sur la table de chevet, aucun vêtement délaissé. Wolfgang se demanda comment dormait son aîné. Comment était-il habillé pour la nuit ? Était-il seulement vêtu ? Il posa sa main sur les draps si doux, imaginant le corps délicat du brun entre ses couvertures.
- Si vous me dites que vous vous êtes perdu, je ne vous croirai pas.
L'autrichien sursauta avant de se retourner pour voir Salieri dans l'encadrement de la porte.
- Je me suis perdu.
L'autre roula des yeux avant de lui indiquer d'un geste de la tête de sortir. Mozart le suivit innocemment en direction du bureau. Ils passèrent devant la porte close, et il ne put s'empêcher de le questionner.
- Qu'y a-t-il derrière cette porte ci maestro ? Elle est verrouillée...
- Rien qui vous concerne Mozart.
- Bon, je suppose qu'il faudra que je trouve la clé.
L'italien s'arrêta, se retournant pour lui faire face, et le blond se heurta à son torse.
- Je vous interdis de fouiller chez moi Mozart. J'espère être bien clair sur ce point.
- Euh... Oui, maestro.
- Bien.
Ils rentrèrent dans le bureau et Salieri ferma la porte derrière eux. Il avait installé un second fauteuil à côté du sien pour cette séance de travail. Agacé de ne pas avoir pu avancer pendant le créneau qu'il avait réservé à son collègue, il lui avait écrit dès le lendemain, lui annonçant que la journée suivante était libre dans son emploi du temps et lui proposant donc de le rejoindre chez lui pour poursuivre leur composition. Ils commencèrent à travailler la partition, et cette fois, Antonio fut fidèle à sa réputation, intransigeant et professionnel.
- Il faudra tester cela au piano avant que vous ne partiez, dit-il en relisant les notes. Mais cela me semble pas mal. Il n'aura pas beaucoup de modifications à faire je pense. Vous êtes impressionnant, Mozart.
- Je vous retourne le compliment.
- Je fais pourtant beaucoup de brouillons lorsque je compose, tout votre contraire. La musique semble naître à la perfection dans votre esprit.
- Je suis un éternel rêveur, maestro. Je ne fais que transcrire ce qui accompagne mes pensées. Je n'ai ni votre rigueur, ni votre professionnalisme en revanche. D'ailleurs, mon temps de concentration est également limité. Pourrions nous faire une pause ?
Le maître de la chapelle lui jeta un regard avant de hocher la tête.
- Si vous voulez.
Aussitôt, Mozart se laissa retomber contre le dossier de son fauteuil, et Salieri sortit un nouveau document, rédigeant quelques lignes dessus. Le blond l'observa en silence tandis qu'il écrivait. Ses lettres étaient fines, avec de jolies courbes, une écriture des plus élégantes et distinguée, à l'image du personnage. Une pulsion le prit alors, et il se redressa, s'approchant de l'homme, ou plus exactement de son cou, où il vint déposer un délicat baiser. La plume ripa sur le papier, causant une rature noire et le maître de la chapelle se figea. Mais sa tête se pencha machinalement sur le côté, offrant à son cadet un accès plus grand. Celui ci en profita, et il se délecta du cou gracile du brun, le dévorant avec douceur. Sa main vint se poser sur la cuisse du plus âgé, et ce geste fit parcourir dans le corps de l'italien un courant électrique. Il se redressa alors soudainement, reprenant ses esprits.
- Hum... Si vous le voulez bien, essayons notre symphonie au piano, et terminons cette séance de travail pour la journée.
Souriant, l'autrichien acquiesça. Ils s'installèrent côtes à côtes sur le banc et commencèrent un jouer. Comme ils s'y attendaient, la musique était divine. Leurs compétences combinées formaient la plus merveilleuse des mélodies. La cour de Vienne allait adorer. Le morceau terminé, Antonio hocha la tête avec satisfaction.
- Je ne pense pas qu'il faille trop y retoucher. Il faut surtout trouver une façon de conclure sans gâcher l'harmonie trouvée.
- Maestro, pourriez vous jouer l'un de vos morceaux ? Vous m'avez vu jouer, ou diriger un orchestre, mais moi je ne vous ai jamais vu à l'œuvre en solo. Je ne connais votre talent qu'au travers de votre renommée.
Salieri ne répondit pas, mais il posa de nouveau ses doigts sur le piano, jouant avec aisance l'une de ses mélodies. Mozart n'avait jamais remarqué que les ongles de sa main gauche étaient peints en noir. Il aimait bien. La musique était belle, et il ne faisait aucun doute que le compositeur méritait sa place et sa réputation. Encore une fois, il le désira. Sans même s'en rendre compte, il s'était approché de l'homme, et il avait de nouveau posé ses lèvres dans son cou, mais cette fois, il avait été plus doux, comme si le maestro était du verre. Il se fit toutefois vite plus énergique, mordillant sa peau, et l'embrassant à répétitions, remontant vers sa mâchoire, ou circulant jusqu'à ses clavicules, autant que le permettait le col de sa chemise. Perturbé, l'italien fit plusieurs fausses notes avant de finalement s'arrêter.
- Mozart...
Wolfgang se stoppa, revenant à la réalité. Pas gêné le moins du monde, il sourit doucement.
- Vous êtes facile à déconcentrer...
- Uniquement quand c'est vous.
- Dois je comprendre par là que ce que je vous ai fait est déjà arrivé ?
Il hocha la tête doucement.
- Une femme à qui je donnais des cours...
- Et vous n'avez pas réagi ?
- Non... Je lui ai dit de cesser, et je lui ai demandé de partir. Je ne l'ai plus revue.
- Vous êtes rude. Allez vous me demander de partir ?
- Non.
Il n'avait pas voulu répondre ça, il n'avait pas voulu répondre si vite. Il tourna la tête vers le mur, et le blond lui saisit le menton pour le forcer à le regarder.
- Vous êtes fascinant, maestro.
Son pouce caressa doucement les lèvres de l'italien, et il sentit toute l'envie de ce dernier, tout comme sa détresse.
- J'ai passé un très bon moment en votre compagnie, j'espère qu'il y en aura bien d'autres... Mais j'ai suffisamment joué avec vos nerfs aujourd'hui. Je ne veux ni vous forcer, ni vous effrayer avec mes avances. Je vais vous laisser, même si je meurs d'envie de vous embrasser, et plus encore.
Il se leva du banc, et récupéra ses affaires avant de partir, après avoir laissé ses doigts frôler l'épaule du brun.
