Cet OS a été écrit dans le cadre de la 28ème nuit du Fof, en une heure sur le thème « orage ». Le Fof est un forum de discussion où l'on peut jouer, parler de fanfictions ou demander de l'aide. Rejoignez-nous, le lien se trouve dans mon profil et dans mes auteurs favoris.

Disclaimer : le même que d'habitude.

Bonne lecture !


Quand ils étaient petits, Sirius et Regulus étaient aussi proches que des frères pouvaient l'être. Ils se chamaillaient souvent, bien sûr, et souvent pour des bêtises. Mais ils se réconfortaient aussi. Et dans cette grande demeure du Square Grimmaurd, l'ambiance n'était pas toujours joyeuse, loin de là. Alors, du réconfort, ils en avaient bien besoin.

Ainsi, si leurs jeux les divisaient régulièrement, tantôt sur les règles à appliquer, tantôt sur les tricheries que remarquait l'un et que déniait l'autre, les orages en revanche les rapprochaient invariablement.

Les orages entre leurs parents, bien sûr. Car si Londres n'était pas privé d'orages dans le ciel, ce n'est cependant pas ceux-là qui terrifiaient les garçons.

Orion et Walburga Black s'aimaient. Probablement. Mais peut-être ne savaient-ils pas comment s'y prendre avec cet amour ? Ils avaient tous deux été contraints à un mariage forcé dont leurs familles respectives attendaient beaucoup. Ils avaient tous deux appris dès leur plus jeune âge à se défendre de leurs sentiments.

Alors, quand ils s'étaient rencontrés, ils s'étaient vraisemblablement reconnus, d'une certaine manière, et aimés. Mais quel amour était possible, lorsque la relation était faussée dès le départ ? Non qu'Orion et Walburga aient grandi dans des relations simples et naturelles, mais tout de même. Il s'agissait là de touts autres enjeux.

Donc de fait, ils se disputaient. Ce qui, en soi, avait au moins le mérite de se prouver qu'ils n'étaient pas indifférents l'un à l'autre. Mais ces disputes, Sirius et Regulus s'en seraient volontiers passés, et peu importe ce qu'elles pouvaient bien signifier de leurs émotions enfouies !

Disputes qui éclataient invariablement le soir, lorsque chacun ne pouvait plus prétendre vaquer à ses occupations pour s'éviter. Alors, on envoyait les garçons au lit, et comme personne ne vérifiait vraiment, car Kreattur lui-même était prié de déguerpir pour laisser à Monsieur et Madame Black leur intimité, les enfants se rejoignaient dans la chambre de l'un ou l'autre dès que c'était possible.

Ces soirs-là, Sirius et Regulus se regardaient d'un air triste et leurs yeux parlaient pour eux : « encore un orage ». Car les orages du dehors, ceux qui éclataient dans le ciel en faisant beaucoup de bruit, étaient presque rassurants par rapport aux orages dans la maison. Ceux de dehors, au moins, on savait que le lendemain on n'en verrait plus trace. Ceux de dehors, au moins, ne faisaient pas mal au ventre et ne provoquaient aucune envie irrépressible de pleurer. Ceux de dehors, au moins, ne vous donnaient pas l'impression que 'bonheur, 'rire, 'joie, 'simplicité, étaient des mots inventés juste pour les autres. Ceux de dehors s'accompagnaient toujours d'une forte pluie qui battait les carreaux et parvenait presque à vous bercer, lorsque vous fermiez les yeux pour vous concentrer uniquement sur les sons.

Alors que les cris, ça ne berçait personne, surtout pas Sirius et Regulus. Par conséquent, ils se retrouvaient, se parlaient d'abord tout bas par peur qu'on ne les entende, puis de plus en plus fort, comme personne ne les entendait de toute façon tant seule la dispute parentale comptait. Ils parlaient de leurs parents, qui ne cessaient jamais de s'opposer. Puis parfois, lorsqu'ils parvenaient à être suffisamment forts pour ignorer les cris, ils parlaient de tout autre chose. Ils rêvaient de quand ils seraient grands, des exploits qu'ils accompliraient et de la reconnaissance que le monde leur témoignerait. Et ils y croyaient, et comment ! Ainsi, lorsque leurs parents étaient sur le point d'aller se coucher à leur tour et qu'ils se voyaient contraints de se séparer, ils se sentaient invincibles. Les disputes de père et mère n'avaient soudain plus d'importance, du moins jusqu'à la prochaine.

Ensuite, ils étaient allés à Poudlard, où ils se côtoyaient très peu. Mais lorsqu'ils rentraient, pour les vacances, rien n'avait changé. Toujours autant d'orages, avec cette impression que quoi qu'il se passe dans le reste du monde, Orion et Walburga Black, eux, ne bougeaient pas d'un pouce. Oui mais voilà, les orages devenaient d'autant plus insupportables qu'ils en étaient épargnés durant l'année. Sirius n'avait de cesse de raconter à Regulus que chez les Potter, les orages comme ça, ça n'existait pas. Et Regulus ne le comprenait pas, le croyait à peine. Chez les serpentards, personne ne parlait des choses intimes de sa famille, mais Regulus était sûr, parce qu'il le sentait, qu'il y avait autant d'orages chez ses camarades que chez lui.

Mais de changement, il en survint finalement un radical. Lorsqu'ils se rejoignaient pour se réconforter, il était de plus en plus difficile pour Sirius et Regulus de trouver quoi se dire. Un temps, ils étaient restés sur les discussions du passé, mais ça ne coulait plus aussi naturellement. Dans les rêves de Sirius, à présent, James occupait une place de choix. Et Regulus, lui, ne savait plus trop ce qu'il pouvait, ce qu'il devait rêver.

Alors, lorsque Sirius se confrontait de plus en plus violemment à ses parents, à sa mère en particulier, les orages prenaient soudain une toute autre tournure, une tournure tellement plus angoissante. Sirius en était souvent la cible, et il pensait que Regulus se complaisait dans son rôle d'enfant modèle. Regulus était isolé, immobile et silencieux, et il pensait que, fier de sa rébellion, Sirius n'avait eu aucun mal à faire une croix sur son petit serpentard de frère.

Mais, lorsqu'ils se retrouvaient chacun dans leur chambre, sans être capable de ravaler leur fierté pour aller se parler, sans être capable de tenter de se retrouver en dépit de leurs différents, ils ignoraient que tous deux se comportaient exactement de la même manière. Ils se recroquevillaient sur leur lit dont ils ne défaisaient pas les couvertures, mettant leurs bras autour de leur ventre pour essayer d'atténuer la douleur qui leur vrillait les tripes. Là, ils fermaient les yeux et tentaient de s'endormir, pour ne plus penser, pour ne plus regretter une enfance où tout semblait si facile. Une enfance où on se disait qu'on ne deviendrait jamais si malheureux quand on serait grand, où on se disait qu'on ne serait jamais seuls face aux orages.


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