Cet OS a été écrit pour la trente-huitième nuit du Fof, en une heure et des bananes, pour le thème « incertitude ». Le Fof est un forum de discussion où l'on peut jouer, parler de fanfictions ou demander de l'aide. Rejoignez-nous, le lien se trouve dans mon profil et dans mes auteurs favoris.

Disclaimer : la saga Harry Potter appartient intégralement à J.K. Rowling.


Si l'on avait demandé à Regulus quel était son plus grand désir, il aurait répondu « redevenir un enfant ». Au moins, il ne se posait pas de question. Depuis qu'il était en âge de comprendre les choses et de réfléchir par lui-même, Regulus avait l'impression que sa vie n'était faite que d'incertitudes.

Comment pouvait-on être aussi sûr de soi que Sirius ? Regulus l'enviait. Certes, l'absence de toute modération dans les grands discours plein de beaux principes que débitait son grand frère l'agaçait souvent, mais au fond, il sentait bien qu'il était jaloux.

D'ailleurs, toutes ses incertitudes étaient de la faute de Sirius. S'il avait sagement suivi ce qui était attendu de lui, Regulus n'aurait jamais autant douté !

Son entrée à Poudlard, qui n'aurait dû être que joie de perpétrer la longue lignée familiale et d'avoir enfin sa place dans la cour des grands, était devenue un imbroglio de sentiments impossibles à démêler. La joie de voir les proches de la famille le féliciter, de voir Narcissa lui sourire à l'autre bout de la table des serpentards et d'imaginer les lettres de ses parents qu'il recevrait dès demain, avait été largement entachée par le regard de Sirius depuis la table des gryffondors. Un regard que Regulus n'avait pas su déchiffrer. Que disait-il ? De la déception ? De la colère ? Du mépris ? Rien de bon, en tous les cas.

C'est là que les doutes avaient commencé. Aurait-il dû suivre son grand frère chez les lions ? Rien que d'y penser, Regulus en frissonnait. La scène vécue au Square Grimmaurd en septembre dernier, lorsque ses parents avaient appris la répartition de leur fils aîné, faisait encore rétrospectivement trembler le jeune garçon. Jamais il n'aurait pu supporter cela, lui.

Et puis, rapidement, la fierté de sa famille avait exilé ses doutes trop envahissants dans un coin reculé de son esprit.

Malheureusement, si le goût de son frère pour l'opposition avait pu s'arrêter là...

A chaque vacance, au Square Grimmaurd, Sirius se disputait de plus en plus violemment avec ses parents. Regulus, lui, se révélait incapable de prendre parti. Il se sentait horriblement mal lorsque son frère le traitait de lâche, mais il ne se sentait guère mieux lorsque ses parents louaient sa valeur.

Sa valeur, justement, il n'en était plus très sûr. Qui était-il ? Quelle était sa véritable personnalité, à lui ? N'existait-il qu'en se pliant à ce qu'on attendait de lui ?

Non, ce n'était pas vrai. Quoi qu'en dise Sirius, il ne se contentait pas d'obéir au doigt et à l'œil à ses parents. Il avait fait des choix d'options qui ne correspondaient pas à ce qu'ils voulaient, il avait refusé d'aller passer une semaine chez les Rosier parce qu'il ne s'entendait pas avec Evan. Simplement, lorsque lui s'opposait, ça paraissait toujours minable par rapport aux colères si expansives et destructrices de Sirius.

Pendant plusieurs années, Regulus avait réussi à se consoler ainsi. Mais ensuite, Sirius était brutalement parti en claquant la porte et tout s'était accéléré.

Regulus se souvenait, et comment, des nombreuses incertitudes qui avaient précédé son engagement chez les mangemorts. Mais aujourd'hui, il avait l'impression que tout s'était passé comme dans un énorme tourbillon et qu'il s'était retrouvé là, prisonnier de son destin, sans pouvoir y faire grand-chose.

Oh, mais que c'était facile, comme façon de penser ! Bien sûr, qu'il aurait pu y faire quelque chose. Très probablement. Sirius l'avait fait, alors pourquoi pas lui ? Tandis qu'il tremblait de devoir faire un choix, son grand frère mettait dans le même temps sa baguette au service de la lutte contre le Seigneur des Ténèbres. Avait-il été incertain de sa position, lui ? Certainement pas, ce n'était pas son genre.

Alors, pourquoi était-ce son genre, à lui, Regulus ? Regretter maintenant d'être devenu un assassin semblait risible. S'effarer de ce dont le Seigneur des Ténèbres était capable en disait long de sa naïveté.

Au moins possédait-il une certaine intelligence. C'était déjà ça. Il avait découvert le secret de l'immortalité de son maître, et il en ferait quelque chose avant de mourir.

Ca sonnait un peu comme un acte désespéré. L'acte désespéré de celui qui espère obtenir une rédemption dans la mort, tant obtenir celle-ci de son vivant lui semblait insurmontable. Trop de démons qu'il lui faudrait combattre.

Son mot à l'attention du Seigneur des Ténèbres était écrit. Le faux Horcruxe était prêt et Kreattur l'attendait. Il ne lui restait qu'une seule question à résoudre et non des moindres : devait-il envoyer une dernière lettre à son frère ?

Bien sûr, il avait envie de lui dire ce qu'il avait fait. Il aurait aimé que Sirius sache qu'il s'était opposé à son maître, qu'ils combattaient désormais un ennemi commun. Il aurait aimé que son frère soit fier de lui.

Mais... Et s'il se moquait, en recevant sa lettre ? Regulus pouvait l'entendre d'ici : « Et bien, petit frère, c'est maintenant qu'on se réveille ? Tu en auras mis, du temps. Et tu en es mort, imbécile ».

Regulus jeta un dernier regard sur sa plume et son parchemin vierge, posés sur le bureau de sa chambre d'enfant. Il ne les rangea pas, en signe de cette dernière incertitude qui, lui semblait-il, comportait à elle seule toutes celles qui avaient jalonnées sa vie.

Puis il tourna les talons, empocha sa baguette et claqua la porte de sa chambre derrière lui. Il appela Kreattur et, l'elfe trottant à ses côtés, quitta définitivement sa demeure du Square Grimmaurd afin d'accomplir sa dernière tâche.

Il se sentait étrangement serein, si ce n'était la question de ce qu'aurait pensé son frère qui ne cessait de venir le déstabiliser.


Bon bon bon, thème pas facile et je n'ai pas toujours été très sûre de mon coup, mais je serais très heureuse de savoir ce que vous en avez pensé !