Cet OS a été écrit pour la 115ème nuit du FoF, en un peu plus d'une heure, pour le thème « étreinte ». Le FoF est un forum francophone où l'on peut venir jouer et discuter de tous sujets concernant la fanfiction (lien sur mon profil ou dans mes auteurs favoris).

Disclaimer : rien à moi, à JKR.


Sirius n'avait jamais été à l'aise avec le contact physique ou plutôt, on lui avait appris précocement à s'en protéger.

Sa mère n'avait jamais débordé de démonstrations d'affection à son endroit. Bien sûr, elle l'avait pris dans ses bras. De temps en temps. Pas récemment non, même pas lorsque leurs oppositions connaissaient quelque période d'accalmie. Elle restait engoncée dans son implacable exigence. En revanche, lorsqu'il était enfant, elle se laissait parfois aller à d'infimes moments de tendresse, comme des parenthèses irréelles, hors de l'espace-temps, un peu préservées d'une ambiance stricte et d'un quotidien austère.

Sirius s'en souvient. Il s'en souvient comme de moments privilégiés, où il se sentait au centre du monde de sa mère, où il avait l'impression d'être quelqu'un de spécial au moins pour elle. Mais lorsqu'il y repense maintenant, il lui semble que ses étreintes étaient maladroites. Comme si elle n'était pas vraiment sûre, comme si elle-même se demandait si elle devrait le faire, si elle avait raison de se laisser surprendre à aimer ainsi. Quand elle passait un bras autour de ses épaules ou une main dans ses cheveux, c'était généralement rapide, souvent un peu brusque.

Il ne saurait pas dire de quand datait sa dernière étreinte. Probablement, s'il avait su que c'était la dernière, il en aurait profité davantage.

A Poudlard, James s'était révélé plutôt tactile avec ses amis. Sirius ne l'avait jamais repoussé, mais il avait toujours tâché de faire suffisamment le mariole pour que sa gêne passe inaperçue. Quant à lui, pour ce qui le concernait, il ne balançait que tapes dans le dos et coups de poing virils pour manifester son affection.

Bien entendu, ce n'était pas le seul élément qui différenciait James de Sirius. Lorsque James s'inquiétait de ce que ses parents allaient dire sur tel ou tel sujet, Sirius devait généralement se retenir de faire une remarque peu amène sur le fait que, vraiment, il avait le don de se prendre la tête pour des histoires insignifiantes.

A la réflexion, il ne se retenait pas toujours, d'ailleurs. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire, que le Professeur McGonagall envoie une lettre chez lui ou bien, qu'il ait fait une promesse un peu vite qu'il n'avait pas été capable de tenir ? Qu'est-ce que ça pouvait bien faire, que ses parents lui passent un savon ? Il allait s'en remettre, non ? D'accord, ça n'était jamais bien agréable. Sirius voulait bien en convenir. Lui aussi, en son for intérieur, pouvait admettre qu'il détestait affronter les hurlements de sa mère et les regards silencieusement désapprobateurs de son père. Mais bon, tout finissait par passer, ce n'était pas la peine de ruminer une déception parentale une fois que l'on ne l'avait plus en face de soi !

Ce point d'achoppement avait persisté entre eux durant des années. Parfois dans une simple incompréhension indirectement exprimée, parfois plus bruyamment.

Jusqu'au jour où Sirius était parti de chez lui. Il s'était enfuit dans la nuit et dans un état plus que second, arrivant chez James à l'instinct, sans avoir même été en mesure de se poser la question du dérangement qu'il pourrait occasionner à la famille Potter.

Arrivé devant la porte, il avait soudain repris contact avec la réalité et avait eu un mouvement de recul. Il était presque reparti dans la direction d'où il venait, psychologiquement prêt à errer jusqu'à ce qu'une meilleure solution ne s'offre à lui. Mais, dans un geste réflexe et inconscient - qui l'avait amené par la suite à se dire que le cerveau humain s'adaptait décidément bien aux circonstances - il avait glissé sa main gauche dans sa poche et avait saisi, sans même y penser, son miroir à double sens.

Il avait appelé James et lui avait expliqué d'une voix tremblante qu'il se trouvait devant chez lui. Il lui semblait que verbaliser ce qu'il venait de faire rendait la chose désormais inéluctable et il s'était retenu de toutes ses forces de fondre en larmes.

Son meilleur ami avait été à la hauteur de l'enjeu. Au-dessus, même, de tout ce que Sirius aurait pu rêver. Il était venu lui ouvrir et, en silence car il était encore tôt, l'avait amené dans sa chambre. Lorsqu'il avait entendu ses parents s'éveiller, il lui avait demandé d'attendre et était allé leur expliquer la situation.

Sirius s'était assis sur le lit de James, la tête basse et le cœur battant, tapant du pied pour tromper son angoisse. Lorsque la porte s'était rouverte, il avait relevé les yeux et s'était levé précipitamment, en s'apercevant que c'était la mère de James qui se trouvait sur le seuil.

La bouche entre-ouverte, immobile et ridicule, il avait tenté de trouver à toute allure ce qu'il pouvait dire. Il n'avait pas vu venir l'étreinte dans laquelle Madame Potter l'avait enveloppé.

Il se souvient de cette étreinte comme d'un moment de confusion indéniable. Il n'est pas capable de rendre compte du moindre mot prononcé alors par la mère de son meilleur ami, il se souvient juste d'un ton doux de réconfort et d'accueil. Il se souvient aussi de son propre corps, tendu à l'extrême, les bras ballants, incapable d'esquisser le moindre mouvement jusqu'à ce que l'étreinte ne se relâche.

Sans doute était-ce comme ça que l'on souhaitait la bienvenue, dans la famille de James. Sirius ne s'était pas du tout senti à l'aise, même s'il se serait fait piétiner par un troupeau d'hippogriffes plutôt que de l'admettre.

A cette étreinte cependant, en avaient succéder de nombreuses autres au cours de cet été particulier. Le soir avant d'aller se coucher, le matin en se levant, lorsque James et lui sortaient pour les enjoindre à faire attention à eux ou encore lorsque le hibou amenant les résultats de leurs BUSEs était arrivé...

Sirius n'irait pas jusqu'à dire qu'il s'y était habitué mais force était de constater qu'il y avait pris goût. Ressentir ainsi la préoccupation affectueuse de quelqu'un pour lui ne cessait jamais de lui faire un effet d'étrangeté, mais il se sentait... Il ne saurait nommer comment, toutefois c'était un sentiment qui mettait un peu de chaleur et de tendresse dans sa tête, alors qu'il ne savait pas qu'il en manquait.

Etait-ce cela, l'amour maternel dont on entendait parler parfois comme d'un instinct coulant de source ? Lui, ça lui avait toujours semblé terriblement abstrait et dégoulinant de bons sentiments qui le rendaient malade. Mais, lorsque Madame Potter l'enveloppait dans une de ses étreintes dont elle avait le secret, Sirius se prenait à penser qu'il comprenait mieux, maintenant, que James se sente aussi fébrile à la simple idée de décevoir ses parents.