Cet OS a été écrit dans le cadre de la 130ème nuit du FoF pour le thème « fille ». Le lien du forum francophone, sur lequel vous trouverez jeux et discussions autour de la fanfiction, se trouve sur mon profil et dans mes auteurs favoris. Rejoignez-nous si le cœur vous en dit !


Cygnus laissa sa femme et ses trois filles franchir la porte de leur maison puis il la referma soigneusement derrière lui, avant d'entamer les remontrances qu'il avait ruminé durant tout le voyage retour en cheminette. La famille Lestrange les avait invités cet après-midi-là, ainsi que les Rosier, frère et belle-sœur de sa femme. Ces derniers attendaient la naissance prochaine de leur héritier et les Lestrange avaient tenu à les recevoir tant qu'ils étaient encore disponibles. Tout était censé bien se passer. A aucun moment, Cygnus n'avait anticipé que son aînée laisserait voir l'étendue de son difficile caractère.

« Bellatrix », l'apostropha-t-il avec le ton d'autorité que ses filles lui connaissaient bien et qui, généralement, ne laissait aucune place à autre chose que de la soumission de leur part. « Peux-tu m'expliquer ce qui t'a pris, toute à l'heure ? »

De la soumission ? C'était loin d'être évident, lorsqu'il s'agissait de Bellatrix. Cette dernière ne se laissait certainement pas dominer si facilement.

« Quoi ? » Demanda-t-elle donc, avec un ton de défi du haut de ses dix ans, réaction malheureusement habituelle dès lors que quelqu'un tentait de discuter avec elle.

« Tu sais très bien de quoi je te parle. Tu t'es montrée d'une impolitesse intolérable au moment de prendre congés de nos hôtes. J'avais honte que tu leur dises au revoir avec un tel manque de considération. Ce genre d'attitude est inacceptable, tu donnes une image déplorable de l'éducation que nous t'avons transmise. »

Evidemment, il n'y avait pas de question directe alors, Bellatrix garda soigneusement le silence. Andromeda et Narcissa, à mi-chemin vers leur chambre, s'étaient arrêtées et observaient les échanges d'un air anxieux.

L'enfant butée qu'il avait en face de lui, Cygnus la connaissait par cœur. Il s'y était déjà frotté à une fréquence qu'il n'était plus capable de mesurer depuis longtemps et il avait bien l'intention de ne pas la laisser s'en tirer. Peu soucieux de leurs deux spectatrices, il relança donc : « alors ? Qu'est-ce qui t'a pris de t'adresser avec tant d'effronterie à Monsieur et Madame Lestrange ? »

Après quelques secondes supplémentaires d'obstination, Bellatrix finit par tenter une justification : « ils m'ont énervée ! »

Bien entendu, ce ne fut pas suffisant. « Oh, voyez-vous ça ? Et que t'ont-ils donc fait qui te mette dans un tel état ? »

Sentant que, quoi qu'elle ait à dire rien ne serait recevable selon les normes paternelles, elle savait néanmoins qu'elle ne pouvait pas se soustraire à ces questions et elle finit par marmonner : « c'est de la faute de Rabastan. »

« Pardon ? » Renvoya sans surprise son père d'une voix cinglante. Il ne goûtait guère que ses enfants se dérobent à leurs responsabilités en détournant les accusations vers quelqu'un d'autre.

Mais Bellatrix lâchait rarement, elle aussi. Les dragons ne font pas des licornes. Elle répéta donc avec aplomb : « c'est de la faute de Rabastan. Lui et Rodolphus jouaient à se provoquer en duel et ils ont dit que je ne pouvais pas jouer avec eux parce que je suis une fille. »

« Ce n'est que ça ? » S'étrangla son père après avoir attendu une suite à cette explication bancale. « Et tu penses que cela t'autorise à te montrer boudeuse et impolie avec les adultes qui te reçoivent chez eux ? »

Bellatrix se doutait bien que « oui » n'était pas la bonne réponse à cette question mais c'est pourtant ce qu'elle ressentait profondément.

« Moi aussi je voulais jouer avec les garçons », intervint Narcissa, inconsciente de la gravité du moment et de l'étendue de la colère paternelle.

« Toi t'es trop petite », répliqua Bellatrix avec hargne, comme si la benjamine de la famille venait soudain de se désigner comme l'exutoire tout trouvé de sa vindicte.

« C'est pas vrai ! T'es méchante ! » La réaction de la plus jeune fut immédiate et à fleur de peau. Les larmes lui montèrent instantanément aux yeux et, en pleurant et en répétant qu'elle aussi voulait être admise à jouer, elle alla se réfugier dans sa chambre pour donner libre cours à son chagrin d'avoir été ainsi violemment rejetée par son aînée.

« Moi aussi je voulais aller avec eux » déclara Andromeda, comme si elle prenait brutalement conscience qu'il n'y avait pas de raison qu'elle soit en reste. « J'aurais pu, moi, hein ? Je suis plus grande que Narcissa ! »

« Ça suffit », interrompit sèchement Cygnus avant que Bellatrix ne puisse à nouveau faire part de son avis. La tristesse si sincère de sa plus jeune fille ne l'atteignait pas, pas plus que les revendications d'être admises dans les jeux des garçons. Il considérait qu'il s'agissait là de pleurnicheries de gamines qui passeraient d'autant plus vite s'il les ignorait. En revanche, il n'avait aucune tolérance pour les ambiances de chahut et s'attachait généralement à y mettre un terme au plus vite.

De fait, Bellatrix et Andromeda se turent mais la première pinçait toujours les lèvres et affichait nettement sa frustration. Cygnus décida de mettre fin à tout débat et asséna d'un ton définitif : « quoi qu'il se soit passé entre vous, la manière dont tu t'es comportée avec Monsieur et Madame Lestrange n'est pas tolérable, tu dois montrer ta gratitude aux familles qui nous reçoivent. Si les garçons ne veulent pas jouer avec toi, qu'est-ce que cela peut-il bien faire ? Tu n'as qu'à les laisser et te trouver un autre jeu. »

La discussion était close et Bellatrix s'en fut dans sa chambre, pas mécontente d'en avoir fini avec les leçons de morale. Mais quand même, cette injonction paternelle à ne jamais faire de vagues et ne jamais rien réclamer la mettait intérieurement en rage. Elle avait bien observé Rodolphus et Rabastan qui, face à leurs parents, avaient le droit de faire valoir leur point de vue. Voire, ils y étaient encouragés. Pourquoi pas elle ?