Cet OS a été écrit dans le cadre de la 136ème nuit du FoF pour le thème « plénitude ». Le lien du forum francophone, sur lequel vous trouverez jeux et discussions autour de la fanfiction, se trouve sur mon profil et dans mes auteurs favoris. Rejoignez-nous si le cœur vous en dit !


« Tiens, interroge-moi, James », dit Remus en tendant son livre de sortilèges. « Je sens que tu te déconcentres, alors autant que tu m'aides à réviser. »

« Calomnie, Lunard. Je ne me déconcentre pas du tout, je prends des notes sur les forces et les faiblesses de nos premiers adversaires de quidditch de la saison pour le match de demain. Puisque je te dis que je tente une nouvelle stratégie cette année. Plus de réflexion en amont et moins de recours à l'intuition le jour J. »

« Oh ? » Demande Remus, faussement surpris. « J'ai douté, un instant. Je ne t'ai pas entendu énoncer beaucoup de forces et concernant les faiblesses, tes critiques ne semblaient pas très axées sur les compétences sportives… »

« Oui, bon, quand même, je te rappelle qu'on parle des Serpentard. Qu'est-ce que tu voudrais que je dise d'autre lorsque je pense à eux ? »

« Rien. Je voudrais que tu me poses des questions sur notre premier grand contrôle de l'année. C'était ça, mon point », il insiste en mettant cette fois d'autorité le manuel sur les genoux de James, recouvrant son pseudo tableau de notes sur l'équipe de quidditch de Serpentard.

« Argh mais va-t'en, avec ça ! J'ai pas envie d'y penser maintenant, c'est beaucoup trop tôt ! » Râle Cornedrue en dégageant avec véhémence le bouquin dans l'autre sens.

« Je peux t'interroger moi, si tu veux », intervient Peter. « Comme ça, je réviserai en même temps et ça me fournit une excuse parfaite pour lâcher ce devoir de métamorphose auquel je ne comprends rien. Que je déteste McGonagall quand elle nous demande d'expliquer la logique qui sous-tend des concepts théoriques sur des longueurs de parchemin de trois bras ! »

« Bah, il n'a pas l'air si compliqué que ça, ce devoir », réagit James. « Tu baratines un peu, tu rajoutes quelques trucs inutiles juste parce que tu les connais histoire de remplir ta copie et ça passe… à peu près, avec éventuellement un petit commentaire acide de notre estimée directrice de maison mais ça passe. »

« Mouais, si tu le dis », répond Peter sur un ton de défense. « J'ai dument noté que tu pourras m'aider à écrire pour ne rien dire, alors, parce que je pense qu'avec l'étendue de ce que j'ai *vraiment* à raconter sur le sujet, on en est environ au quart de la longueur exigée. En sautant plein de lignes et en aérant le texte au maximum. »

« Je suis sûr que tu dramatises », le rassure Lunard en lui donnant son livre, heureux d'avoir enfin l'opportunité d'être interrogé comme il le souhaite. Personnellement, je n'ai jamais compris l'intérêt de cette démarche : si les profs posaient des questions dont les réponses consistent en des phrases du cours à mémoriser, nous le saurions.

« Tu t'es endormi, Patmol ? » M'apostrophe James.

Affalé de tout mon long dans l'herbe du parc, mon meilleur ami a certainement noté mon silence depuis plusieurs minutes, assez inhabituel chez moi j'en conviens.

Pourtant, non, je ne me suis pas endormi. Je profite du soleil de ce samedi après-midi d'automne et d'un agréable état de léthargie mais surtout, en écoutant discutailler mes comparses, je prends le temps de remarquer pour moi-même que je me sens bien. Après des mois franchement chaotiques à la fin de l'année dernière où je me trouvais sur les nerfs en permanence puis un été qui a connu des turbulences plutôt inattendues, je me sens bien.

Lorsque je suis parti de chez mes parents au mois d'août, brusquement et sans préméditation, j'avoue que je ne m'attendais pas à autant de réactions de soutien autour de moi. Je m'attendais à de la circonspection, à des paroles prudentes et raisonnables m'enjoignant à bien réfléchir, à des demandes de justification… C'est ce qu'on m'avait toujours demandé, après tout. Justifier ce que je pense et ce que je fais ou même, ce que je ne pense pas et ne fais pas. Autant chez les Black que chez les Gryffondor, comme s'il m'était en permanence exigé de pouvoir expliquer qui je suis.

Or, à mon total étonnement, il n'en a rien été cette fois. Les parents de James n'ont pas cherché à me renvoyer chez moi ou à me convaincre que je ne devrais pas rejeter ainsi en bloc mes origines. Andromeda et Alphard, dans leurs lettres que j'ai reçues avec une pointe d'angoisse après ce qui me semblait être une éternité sans nouvelle, ne m'ont pas dit que j'étais trop impulsif et ignorant des conséquences de mes actes. Au contraire, ils n'ont eu pour moi que des mots de compréhension, de soutien et de réconfort. Ils m'ont dit de ne pas hésiter à me tourner vers eux en cas de besoin. Même McGonagall, que je n'ai pas vue souvent se laisser aller à l'expression d'une émotion personnelle, m'a pris à part deux minutes à la rentrée pour me transmettre son approbation et ses encouragements.

Pour rendre mon bonheur complet, dans ses courriers estivaux puis dans le Poudlard Express lors de nos retrouvailles, Remus a manifesté à mon endroit la préoccupation d'un grand ami. Je crois que nous sommes sortis du malaise pour de bon. Je crois que c'est ce que disent ses paroles et son écoute lorsque je parle de ma famille mais surtout, je crois que c'est ce que dit son attitude. Je n'ai plus l'impression que nous dansons, lui comme moi, autour de tout ce que nous sommes incapables de nous dire depuis que Rogue a découvert sa lycanthropie, suite à une manœuvre trop hâtive de ma part dont je n'ai pas mesuré les enjeux.

Les personnes que j'estime soutiennent ce que j'ai tenté d'affirmer sans savoir complètement moi-même ce que je faisais, mes amis m'entourent… La sixième année à Poudlard commence, il fait beau et c'est le week-end alors, affalé là à côté de James, Remus et Peter, je les écoute bavarder et je prends le temps de remarquer que je me sens bien. Je souris. Est-ce cela, la sensation de plénitude ?