Cet OS a été écrit dans le cadre de la 136ème nuit du FoF pour le thème « rejet ». Le lien du forum francophone, sur lequel vous trouverez jeux et discussions autour de la fanfiction, se trouve sur mon profil et dans mes auteurs favoris. Rejoignez-nous si le cœur vous en dit !
Andromeda se sentait si mal, si inadaptée lorsqu'elle peinait, comme aujourd'hui, à supporter les pleurs de sa fille. Elle avait volontiers laissé Ted, plus patient qu'elle, prendre le relais. Mais tout de même. Ce sentiment d'incompétence mêlé d'un agacement qui ne parvenait pas à s'apaiser, ça lui faisait violence d'une force…
Depuis des mois, Nymphadora les tannait pour aller jouer au parc non loin de chez eux. C'est vrai que c'était tentant, lorsqu'ils passaient à côté et qu'elle voyait d'autres enfants rire et courir et jouer. C'est vrai que son quotidien, seulement rythmé par les rares visites de leurs amis, ne lui donnait que trop peu d'opportunités de se faire des copines.
A vrai dire, les amis en question étaient essentiellement ceux de Ted. Des sorciers rencontrés à Poudlard mais aussi, des relations moldues issues de son enfance et des liens que ses parents entretiennent depuis toujours avec quelques familles proches.
Quant à elle, après l'éclat de son mariage hors des lignes de son milieu, elle ne pouvait plus guère compter sur des amitiés d'enfance ou d'adolescence. Il y avait bien l'une ou l'autre copine qui ne lui avait pas complètement tourné le dos. Mais elles se voyaient peu alors, pour la plupart du temps, il lui avait fallu s'appuyer sur des relations de substitution. Elle avait tissé des liens plutôt confortables, dans l'ensemble, avec les épouses des amis de Ted. Et puis, à travers ses parents elle pouvait trouver, si elle le souhaitait, une famille de substitution. A mille lieues des débats hystériques autour du sang ayant cours chez les sorciers, ils l'avaient adoptée plutôt facilement. Mais ça ne compensait pas toujours ses propres absences. Ça suffisait rarement, en réalité.
De fait, les quelques relations sociales de Nymphadora étaient permises grâce aux enfants des amis de Ted. Généralement, ça se passait bien et dès l'instant où ils partaient, la petite en redemandait. Souvent, elle se disait triste de fréquenter trop peu d'enfants avec lesquels jouer. Alors, bien sûr, ce parc représentait tout un rêve, à la fois si accessible mais si loin de son univers.
Andromeda ne souhaitait pas qu'elle s'y rendît. Elle avait exprimé son opposition à maintes reprises, enjoignant sa fille à oublier cette perspective, à en faire son deuil et à en trouver de nouvelles. Elle pouvait être heureuse sans parc, tout de même !
Mais Ted, pour sa part, y était favorable. Il avait le souvenir de sa propre enfance, des terrains de jeux dont il avait pu profiter, des rires et des premières bêtises et des expériences qu'il y avait faites. Il espérait la même chose pour sa fille, ne voulait pas qu'elle évoluât dans une enfance solitaire ou trop protégée du reste du monde.
Sauf que Nymphadora n'était pas n'importe quelle enfant. En plus d'être sorcière, elle était née métamorphomage. Ses manifestations de magie spontanées ne consistaient pas seulement en quelques rares événements impromptus dont il n'y avait qu'à prier qu'ils ne se produisent pas au mauvais moment, mais il s'agissait de transformations régulières, quasiment journalières et totalement incontrôlées, de ses traits physiques.
Bien entendu que ça se passait bien avec les enfants des amis moldus de Ted, parce que ces derniers connaissaient l'existence du monde magique et que ça ne les effrayait pas. Ils trouvaient des manières de détourner les questions et de répondre partiellement à la curiosité de leurs bambins. Mais dans un parc, avec des mômes parfaitement inconnus et leurs parents ?
« On se débrouillera », assurait Ted. « On trouvera quelque chose à dire. On prétextera une bizarrerie génétique, une maladie quelconque… Ça ira ! »
Alors aujourd'hui, elle en avait eu marre de son insistance, marre d'être sans cesse la méchante s'opposant au bonheur simple de sa fille, marre que Ted et elle se disputent en reprenant sans cesse les mêmes argumentaires. Aujourd'hui, elle avait cédé.
Et comme de bien entendu, ça ne s'était pas bien passé.
Pourtant, il n'y avait eu aucune transformation inopinée de sa couleur de cheveux ou de la taille de son nez à déplorer… C'était presque miraculeux. Mais ça n'avait pas suffi. Les autres enfants l'avaient traitée de « bizarre » quand même. Non qu'elle ait fait référence au monde magique (elle était bien conditionnée à ne pas le faire) mais dans ses attitudes, ses postures… Elle avait une manière étrange et inhabituelle de se mouvoir, de jouer avec son corps. Un médecin de Ste-Mangouste leur avait dit que c'était une spécificité des enfants métamorphomages, que ça s'estomperait en grandissant. En réalité, c'était devenu si propre à leur fille qu'ils n'y prêtaient même plus attention. Leurs quelques rares amis non plus, apparemment.
En revanche, on pouvait toujours compter sur le monde environnant pour relever tout ce qui n'était pas ordinaire, tout ce qui ne ressemblait pas à « comme les autres ».
Et voilà. C'est ce qui s'était produit et Nymphadora pleurait. Ted déployait des trésors de patience et d'imagination pour la consoler, la convaincre qu'il y aurait d'autres endroits super où elle pourrait s'amuser.
Et elle… Elle fulminait de l'intérieur. Tout ça lui avait semblé facilement évitable. Que ne l'avait-on pas écouté, encore ? Elle voulait que ces pleurs s'arrêtent. Que cette incommensurable tristesse enfantine s'arrête. Après tout, c'est ce qu'elle lui avait toujours dit : le parc n'était pas fait pour elle. Ce n'était pas grave, il fallait l'oublier et trouver autre chose. Ça n'était quand même pas si compliqué et certainement pas la fin du monde. Il y avait des milliers de façons de vivre son enfance. En ce qui la concernait, elle n'avait jamais eu de parc, jamais eu des tas de copains pour se fabriquer des souvenirs et elle ne s'en était pas portée si mal.
La vie était dure et violente. Ce n'était pas nouveau et pas la dernière fois que sa fille devrait faire face à la déception. Vraiment, Andromeda ne comprenait pas que Ted tente de l'en préserver ainsi. Il lui semblait au contraire plus judicieux de l'y préparer dès à présent.
