PROLOGUE


Lundi 30 août 1976

Sofia parcourait l'étagère du doigt à la recherche de son manuel de métamorphose, tout en léchant sa glace à la noix de coco. La chaleur étouffante du mois d'août avait eu raison d'elle lorsqu'elle était passée devant le glacier Florian Fortarôme. Elle avait craqué pour un cornet avec deux boules à la noix de coco, de la chantilly et du coulis de chocolat, un délice ! Son doigt parcourait donc les étagères remplies de livres, cherchant l'heureux élu. Finalement, elle le trouva sous une belle couche de poussière et l'attrapa avec un sourire satisfait. Elle avait enfin réussi à réunir tous les articles de sa longue liste de fournitures scolaires pour l'année à venir. Il restait une ligne de sa liste sur laquelle elle hésitait encore cependant : l'animal de compagnie.

Elle avait vite renoncé à adopter un chat, sa nature lycanthrope ne lui aurait pas permis de bien s'entendre avec un félin. Concernant le crapaud, elle ne comprenait pas tellement l'intérêt des sorciers britanniques pour ce petit animal gluant. Enfin, il lui restait la possibilité d'adopter une chouette ou un hibou. La question qui lui était alors venue était « pour qui ? ». Elle n'avait plus personne avec qui correspondre depuis qu'elle avait quitté la Russie, selon la volonté de sa belle-mère. Et elle n'avait pas particulièrement envie de correspondre avec elle. Alors pour qui ? Personne. La jeune femme paya son manuel de métamorphose et alla s'asseoir devant la boutique pour terminer sa glace, ses sacs de shopping à la main. La chaleur de l'été britannique l'étonnait depuis le début du mois. Elle qui avait grandi dans la Russie du nord était beaucoup plus habituée aux gros manteaux qu'aux petites robes fines comme celle qu'elle portait à l'instant.

Arrivée en Grande Bretagne un mois et demi plus tôt, Sofia avait depuis pris ses quartiers au Chaudron Baveur. Elle avait donc l'habitude de se promener sur le Chemin de Traverse afin d'occuper son temps. Cependant, l'atmosphère ambiante était pesante. Un mage noir du nom de Voldemort terrorisait le monde sorcier depuis quelques années déjà, et son action semblait s'intensifier depuis quelques mois. Sofia n'avait encore jamais été témoin d'une attaque, mais elle lisait régulièrement dans les journaux les massacres réalisés par Voldemort et ses mangemorts. Elle avait par ailleurs rapidement remarqué qu'il ne fallait pas prononcer le nom du sorcier, sous peine d'horrifier les personnes alentour. Il fallait désigner le Lord comme Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ou encore Vous-savez-qui. La jeune femme ne comprenait pas très bien l'horreur qu'un simple nom pouvait provoquer, mais elle avait décidé de se plier plutôt docilement à cette pratique.

Une goutte de glace coula sur sa main et alla tâcher sa robe blanche. Un juron russe passa la barrière de ses lèvres et lui attira plusieurs regards surpris. Elle avala rapidement la fin de sa glace, attrapa ses sacs de fournitures scolaires et se dirigea rapidement vers le Chaudron Baveur. Dans deux jours, elle entrait à Poudlard.


Mercredi 1er septembre 1976

Remus Lupin se dépêcha de traverser le portail magique qui permettait de rejoindre le quai de la voie 9 3/4. Il était très en retard et savait qu'il risquait de louper le train s'il n'accélérait pas le rythme. Il joua des coudes à travers la foule de parents rassemblés pour parvenir au train et y monta sans perdre de temps, soulagé d'avoir atteint son but avant l'heure fatidique de 11 heures. Il parcourut les compartiments des yeux, un par un, pour trouver ses amis. Il repéra les premières années, minuscules petits êtres qui tremblaient de peurs et d'excitations, et sourit en se remémorant son premier voyage dans le train. Il y avait rencontré ses meilleurs amis James, Sirius et Peter. Dans un compartiment, il repéra une jeune fille blonde et seule qu'il n'avait jamais vu. C'était très certainement une nouvelle élève, mais pas une première année. La jeune fille leva un regard ennuyé vers lui et le fixa, ce qui le fit rougir et détourner les yeux. Elle leva alors les yeux au ciel et retourna à sa lecture.

Remus se détourna et continua à marcher de wagon en wagon pour trouver ses camarades rouges et or. Il finit par les dénicher dans un des derniers wagons et lui offrit un grand sourire. James l'accueillit avec une accolade amicale et un grand sourire.

Comment tu vas mon vieux ? La forme ? demanda-t-il à Remus.

Du mieux que je peux, je suis content de vous revoir les gars !

Nous aussi on est content Lunard, pourquoi est-ce que tu arrives aussi tard ? demanda Peter.

Mes parents ont eu un problème avec la voiture ce matin et j'ai bien cru que je n'allais jamais arriver du tout ! Heureusement, nous avons pu emprunter celle de la voisine.

Quelle idée d'inventer des choses qui ne fonctionnent pas, ils sont super étranges ces moldus, remarqua Sirius Black.

Remus rit doucement à la réflexion de son ami et hocha la tête, signifiant qu'il était plutôt d'accord avec lui cette fois-ci. Il s'installa sur la banquette et écouta Peter qui était en train de raconter ses vacances à ses amis. Qu'il était soulagé d'être de retourner à Poudlard, avec eux. Alors que Peter achevait son récit, James lui demanda ce qu'il en était pour lui.

Oh pas grand-chose. Je suis resté chez mes parents et j'ai beaucoup lu.

Oh allez Lunard, t'as bien quelque chose de plus croustillant à nous raconter, le taquina James.

Remus eut beau se creuser l'esprit, rien dans ses vacances ne semblaient digne d'un réel intérêt. Ses parents étaient moldus et avaient des moyens plutôt faibles. Il n'était pas habitué aux grands voyages et aux vacances en famille. Chez lui l'été c'était jardinage dans le potager familial, lecture et promenades dans la campagne anglaise. Rien de bien croustillant pour un garçon de seize ans. Puis, il se rappela cette nouvelle élève et décida que ça, ça pouvait intéresser des garçons de seize ans.

J'ai vu une nouvelle élève en vous cherchant. Elle doit être en sixième ou en septième année.

Elle est mignonne ? demanda automatiquement James.

Je croyais que tu te réservais pour Evans, ta chère Evans, l'amour de ta vie et ..., commença à se moquer Sirius.

Un coup de James le coupa dans sa tirade et tout le monde éclata de rire dans le compartiment, y compris le principal concerné. Après avoir calmé son rire, James répondit avec un sourire :

Être au régime ne veut pas dire qu'on ne peut pas regarder ce que la carte propose comme dessert.

Très philosophique Cornedrue, fit remarquer Peter, moqueur.

Et pour répondre à ta question James, je ne l'ai pas trouvé particulièrement jolie. Elle est blonde, pâle et toute petite. Et elle n'avait pas l'air particulièrement aimable, ajouta Remus.

Dommage..., commenta Sirius.

Les discussions continuèrent tout au long du trajet. Ils rirent beaucoup, mangèrent énormément de sucrerie et parlèrent de tout et de rien. Finalement, Sirius aborda le sujet que tous contournaient soigneusement depuis le départ du train : l'ascension de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom.

Il y a eu beaucoup d'attaques cet été, heureusement que les parents de James sont très vigilants et qu'ils font attention à la sécurité du manoir...

Oui, j'ai dû convaincre mes parents de faire appel à une société magique pour protéger la maison. Cela nous a coûté très cher, mais au moins nous sommes un peu plus rassuré, ajouta Peter.

Les miens comprennent le danger mais ne peuvent rien faire. Vivre à l'écart de la ville est obligatoire avec ma condition, mais ce n'est pas rassurant en cas d'attaque, marmonna Remus.

Ne vous en faites pas, Dumbledore et le ministère vont rapidement en finir avec toute cette histoire. Les choses s'arrangeront rapidement, énonça James d'un ton calme.

Je l'espère vraiment, répondit Sirius.

En fin de journée, le train arriva à la gare de Pré-au-Lard. Sofia se leva de la banquette où elle avait passé tout son trajet seule et s'étira longuement, courbaturée par ce long moment passé assise. Elle attrapa sa valise, mais vit que les élèves qui s'agitaient dans le couloir du train ne prenaient pas la leur. Elle haussa donc les épaules et la laissa dans le compartiment, puis elle s'engouffra dans le flot d'élève et se laissa porter jusqu'à la sortie. Tout n'était que bruits et bavardages insignifiants, ce qui l'agaça d'autant plus. Combien de temps fallait-il à tous ces élèves pour enfin sortir de ce fichu train ? Elle vit enfin une porte et put respirer l'air libre du quai en toute tranquillité. Elle aperçut au loin le garçon qui l'avait dévisagé le matin même en compagnie de trois autres élèves, ils rigolaient tous les quatre et avançaient tranquillement dans la direction que prenait la plupart des élèves. Sofia en déduisit que c'était la direction à prendre et commença à s'y engager quand elle entendit une grosse voix prononcer son nom.

Les premières années, par ici s'il vous plait. Les premières années et Sofia Petrov, par ici. Sofia Petrov ?

Elle se retourna et avisa un géant de deux mètres de haut, presque aussi large que haut, qui criait son nom à la foule en la parcourant des yeux. Les quelques premières années qui s'étaient avancés vers lui ne semblaient franchement pas rassurés et elle ne l'était pas tellement non plus. Elle s'avança néanmoins en direction du géant dont le visage sembla s'éclairer à sa vue.

Tu es Sofia ? Sofia Petrov ?

Oui, répondit-elle.

Bien, viens avec moi, je vais te conduire au château avec les premières années pour que tu sois répartie.

Je ne pourrais pas y aller avec les autres plutôt ? demanda-t-elle en désignant du doigt la foule d'élève qui s'avançait vers les calèches tirées par de grands chevaux noirs squelettiques.

A choisir, elle préférait les chevaux de l'enfer au géant ami des enfants.

Ah non désolée Miss. Dumbledore a expressément demandé à ce que tu sois avec les premières années pour ta répartition, énonça le géant.

Bon, très bien alors, capitula Sofia, pas pour autant rassurée.

Elle se rangea aux côtés du géant, attendant qu'il réunisse les derniers élèves de première année. Elle apprit alors qu'il s'appelait Hagrid et qu'il était le gardien des clés et des lieux à Poudlard. Bien. Un garde-chasse en somme. Elle se demanda quelles autres surprises lui réservait encore cette école de magie.

Lorsqu'elle fut assise dans une barque en compagnie de deux premières années, elle comprit que cette maudite école lui réservait encore beaucoup de choses. Sofia n'aimait pas l'eau. C'était froid, sombre, ça s'infiltrait partout et c'est là que vivait les poissons. Cela faisait beaucoup trop de raisons de ne pas aimer l'eau, bien que le froid ne soit pas franchement une bonne raison lorsqu'on avait grandi dans le nord de la Russie et vécu presque toute sa vie avec des températures négatives et de la neige.

Sofia se trouvait donc dans une barque, en train de se diriger vers un immense château qui brillait dans le noir. Malgré sa mauvaise foi, elle était obligée de reconnaître que ce château était très beau, mais il était tellement grand qu'elle était certaine que l'année ne lui suffirait pas pour s'y repérer. Elle soupira. Que n'aurait-elle pas donné pour finir son année à Durmstrang...

Le voyage en barque lui sembla long et elle fut soulagée lorsqu'ils arrivèrent au château. Après avoir monté ce qui lui sembla être l'équivalent de la Tour Eiffel en escaliers, elle parvient enfin dans le Hall où une femme à l'allure sévère l'attendait. Sans réellement savoir pourquoi, Sofia apprécia cette femme. Elle avait l'air droite et stricte, quelqu'un sur qui on peut compter, quelqu'un de fort. Elle aimait ce genre de personne. La femme remercia alors Hagrid qui se dirigea vers une grande porte.

Je suis le professeur McGonagall. Je vous souhaite à tous la bienvenue dans ce château pour les années d'études qui vous y attendent. Lorsque tout sera prêt, nous entrerons par cette porte dans une pièce appelait la Grande Salle et vous serez répartis dans vos maisons respectives. Elles sont au nombre de quatre : Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard. Vos maisons seront pour vous une seconde famille. Vos bonnes actions feront gagner des points à votre maison et vos mauvaises actions leur en feront perdre. Je suis certaine que vous attacherez tous et toutes une grande importance à cela et que vous saurez faire les bons choix. Bien, suivez-moi.

Sofia apprécia ce petit discours d'introduction. Simple et efficace. Elle se mit à la fin du rang des premières années, ne souhaitant pas que sa tête dépasse de toutes les autres. Comment les premières années pouvaient-ils être si minuscules ? Elle ne mesurait qu'un petit mètre soixante-deux et les dépassait tous pourtant de presque deux têtes. C'était bien sa veine, pour une fois qu'elle était trop grande !

Elle entra à la suite des autres dans la Grande Salle et put admirer le plafond de celle-ci. Il reflétait à l'instant un ciel étoilé dégagé, identique à celui qu'elle avait pu admirer à l'extérieur dans les barques. Impressionnant. Mais inutile en soit. Elle baissa les yeux et continua d'avancer, poussant légèrement le première année devant elle qui traînait un peu trop à son goût. Celui-ci ne se fit pas prier et força le pas. Tous les élèves rassemblés dans la Grande Salle fixaient des yeux la petite procession et, bien évidemment, la tête blonde qui en dépassait. Sofia garda les yeux bien haut et un air neutre sur le visage, comme lors des réceptions auxquelles elle assistait avec son père à l'époque.

Le groupe arriva enfin à l'estrade qui hébergeait les professeurs et la répartition commença, par ordre alphabétique. Le professeur McGonagall appelait les élèves les uns après les autres. Ces derniers venaient s'asseoir sur un tabouret et elle plaçait un vieux chapeau sur leur tête. Celui-ci ouvrait alors la bouche pour répartir les élèves dans l'une des quatre maisons. Sofia attendit patiemment son tour.

De l'autre côté de la Grande Salle, à la table des Gryffondor, les maraudeurs observaient Sofia. James avait déclaré que Remus ne voyait pas très clair s'il ne la trouvait pas jolie. Et donc le débat entre les quatre garçons était lancé : la nouvelle était-elle, ou non, jolie ? De petite taille, de long cheveux blonds lisses et fins, et des yeux bleus ronds, elle ne correspondait pas totalement à l'Anglaise typique. Elle avait peu, voire pas du tout, de formes féminines et semblait assez hautaine et froide. James avait déclaré qu'il la trouvait jolie, Remus qu'il n'aimait pas son air supérieur, Peter qu'elle était trop petite et Sirius qu'on aurait dit une petite fille capricieuse. En bref, ils n'étaient pas d'accord.

Sofia Petrov, déclara d'une voix forte le professeur McGonagall.

Sofia s'avança et s'assit bien droite sur le tabouret. Elle sentit qu'on lui posait le chapeau sur la tête et frissonna : elle allait devoir se laver les cheveux ce soir vu le nombre de têtes qu'il avait touché et l'état dans lequel il était. Une voix sifflante résonna dans son oreille et Sofia se retint de justesse de sursauter.

Je ne suis pas sale, fillette. Je suis sage. Et je lis en toi. Courage, détermination, fierté, ambition, une forme de rage aussi... Hum... Un beau mélange de rouge et de vert. Mais je crois que tu seras plus épanouie à ... SERPENTARD !

Le dernier mot résonna dans la Grande Salle et la table qui se trouvait tout à gauche se mit à applaudir. Sofia se leva, et redonna le Chapeau parlant au professeur McGonagall avant de se diriger vers la table de sa maison.

OoOoO

Le banquet commença rapidement après la répartition. Sofia était entourée de plusieurs garçons de sa maison mais n'avaient pas encore pris la parole. Elle se servit une cuillère de purée et attrapa une saucisse qu'elle mangea rapidement, sans prendre la parole. C'était sans compter sur l'un des élèves qui lui demanda poliment :

Tu as été transférée pour ta dernière année ?

Oui, de Durmstrang.

Son accent russe clairement identifiable ne laissa pas planer de doute sur la véracité de sa réponse.

Quelle chance tu as d'avoir pu faire tes premières années là-bas ! Il parait que leur enseignement est beaucoup plus efficace qu'à Poudlard, et au moins, ils n'acceptent pas n'importe qui.

Sofia jeta un regard interrogateur à cet élève, tout en avalant une cuillère de purée.

Bah tu sais, il n'y a que les vrais sorciers qui y sont admis.

Les vrais sorciers ?

Pas les sang-de-bourbe oui.

Sofia suspendit son geste alors qu'elle s'apprêtait à manger un bout de saucisse. Elle reposa sa fourchette dans son assiette et demanda d'un ton froid :

Et tu es ?

Evan Rosier, enchanté.

Bah pas moi.

Satisfaite de lui avoir cloué le bec, elle attrapa à nouveau sa fourchette et la porta à sa bouche, reprenant son dîner silencieux. Le jeune garçon n'eut cependant pas l'air d'apprécier sa remarque et lui attrapa le poignet.

Et toi là, tu te prends pour qui ?!

Sofia le fixa alors durement et articula.

Lâche mon poignet. Tout de suite.

Rosier la regarda méchamment.

Excuses toi d'abord.

Certainement pas.

Ecoute moi bien la bolchévique. Tu n'as pas l'air de comprendre comment cela fonctionne par ici. Je prends les décisions, et tu les suis.

Sofia laissa un sourire méchant apparaître sur ses lèvres et planta ses yeux bleus dans les yeux marron du garçon.

Toi écoute moi bien, petit rosbif. Je vais t'expliquer comment cela fonctionne. Je fais ma vie comme je l'entends et tu me laisses tranquille si tu veux terminer l'année entier. Tu as compris ?

Rosier la défia du regard. Ils restèrent ainsi un long moment, puis le professeur Slughorn s'approcha de la table pour saluer Sofia et les nouveaux élèves. Rosier la lâcha à regret et Sofia continua de le fixer méchamment. Son poignet était cerclé d'une marque rouge qui la lançait légèrement, mais il était hors de question qu'elle y touche en présence de l'autre imbécile. L'imbécile en question se détourna d'elle en murmurant une insulte à son encontre. Sofia lui demanda, toujours énervée :

Tu peux répéter mudak ?

L'insulte russe lui avait échappé. Rosier ne prit même pas la peine de répondre et Sofia ne put continuer l'affrontement car le professeur arrivait pour la saluer. Elle sentait que sa septième année allait être très longue et qu'elle allait la passer en grande majorité seule.


Mercredi 8 septembre 1976

Ce soir, c'était la pleine lune. La première de l'année. Sofia était surexcitée. Elle avait passé une première semaine difficile et était pressée de pouvoir savourer une nuit entière de liberté. Cet imbécile d'Evan Rosier avait décidé de lui rendre la vie difficile et même si elle ne lâchait pas un pouce de terrain, elle savait que l'année était loin d'être terminée. Il était accompagné de deux autres imbéciles qui le suivait partout : Théodore Wilkes et Scott Avery. Wilkes était certes moins radical que Rosier dans ses idées d'après ce qu'elle avait pu voir, mais il suivait son modèle avec une dévotion sans faille. Quant à Avery, il ne lui avait jamais adressé la parole et passait son temps à l'observer à la dérobée. Parfaitement rassurant. Soit il était amoureux d'elle, soit il était extrêmement étrange.

Il y avait également deux filles qui partageaient son dortoir : Mary Flint et Druella Crabbe. Deux pimbêches qui buvaient les paroles de Rosier et compagnie. Sofia avait abandonné ses efforts pour bien s'entendre avec elles à l'instant où elle les avait vues faire les yeux doux à Rosier et Wilkes.

Bref. Sofia était particulièrement heureuse à l'idée de passer une soirée à l'extérieur de ce maudit dortoir qui donnait sur l'une des choses qu'elle détestait le plus au monde : les poissons. Comment le destin pouvait-il s'acharner à ce point sur une seule et même personne ? Après tout ce qu'elle avait subi ces dernières années, voilà que maintenant elle dormait dans un aquarium géant. Décidément, ce château aurait sa peau. Elle avait passé sept jours à se perdre en allant à ses cours et à devoir supporter les réflexions racistes de Rosier sur les Russes et les nés-moldus. Elle ne pouvait donc qu'être heureuse à l'idée de passer une nuit entière à courir dans les bois sous sa forme lupine.

Elle prépara donc sa nuit, comme son père lui avait appris dès son plus jeune âge. Elle attrapa un sac et y fourra une bouteille d'eau, sa baguette ainsi qu'une barre énergétique. Elle y ajouta des sous-vêtements propres ainsi que les livres dont elle aurait besoin pour les premiers cours du lendemain matin. Elle termina alors sa mise en scène en entassant des vêtements sous sa couette pour lui donner une forme rebondie et ferma les rideaux de son baldaquin. Cela devrait suffire à duper les deux cruches qui partageaient le dortoir avec elle. Elle se rendit alors dans le Hall de l'école et au lieu d'aller dîner se faufila à l'extérieur. Elle s'avança vers la forêt en faisant attention à ne pas être suivi et s'y engouffra. Sofia chercha une clairière et y déposa son sac. Enfin, elle se déshabilla entièrement pour ne pas déchirer ses vêtements dans le processus. Elle rangea ses vêtements dans son sac, afin de les réutiliser le lendemain. Le froid mordait sa peau qui rougissait légèrement à certain endroit. Puis, elle apparut : la lune.

La transformation fut rapide et sans douleur, comme à son habitude. Et alors que quelques instants plus tôt une adolescente blonde se trouvait dans la clairière, on pouvait désormais y voir loup blanc beaucoup plus grand que la moyenne et au pelage soyeux. Sofia était enfin libre. Libre jusqu'au matin. Elle s'élança à travers les arbres, le cœur débordant de joie.

Elle ne savait pas qu'à quelques miles de là, un autre loup s'élançait lui aussi, en compagnie d'un cerf, d'un chien et d'un rat.