CHAPITRE 1

- Pas si seule -


Mercredi 15 septembre 1976

Une semaine était passée depuis la pleine lune et Sofia avait rapidement trouvé son rythme à Poudlard. Elle se levait très tôt le matin pour éviter de croiser ses camarades, se préparait rapidement, puis allait déjeuner lorsque la Grande Salle était presque vide. Ensuite, soit elle partait se promener dans le parc, soit elle errait dans les couloirs du château. En somme, sa vie se déroulait tranquillement. Elle avait pris l'habitude d'éviter de croiser Rosier et sa bande, et de simplement les ignorer lorsqu'elle se retrouvait face à eux. Les autres élèves s'étaient peu à peu désintéressés de la nouvelle et Sofia pouvait se déplacer sans sentir tous les regards sur elle, ce qui était assez agréable.

En dehors de sa taille gigantesque, Poudlard était sensiblement différent de Durmstrang. Tout d'abord, on avait l'impression d'y être hors du temps. Sofia le savait, dehors c'était la guerre. Voldemort décimait des lignées entières de sorciers nés-moldus, de "traîtres à leur sang" et de moldus. La peur était omniprésente et l'ambiance générale plutôt sinistre. Poudlard était différent. Une joie étrange y régnait en permanence, comme si la guerre n'avait pas d'emprise entre ces murs. En dehors de cette atmosphère étonnement joyeuse, Sofia avait découvert avec surprise que les cours qu'elle recevait ici étaient très différents de ceux qu'on lui dispensait en Russie. Il y avait beaucoup moins de pratique et les approches étaient moins concrètes : la théorie tenait une place centrale dans les apprentissages, ce qui ne lui plaisait pas beaucoup.

Malgré cela, ce matin, Sofia était de bonne humeur. Elle avait pu manger des biscuits à la noix de coco lors de son petit-déjeuner et sa promenade dans le parc lui avait permis d'observer une biche en lisière de la forêt. Elle n'avait pas encore croisé ce stupide Rosier et sa clique d'abrutis, ni les pimbêches qui partageaient son dortoir. Tout était parfait. Peut-être un peu trop.

Lorsque Sofia se dirigea vers son premier cours du matin, un cours de Sortilège, elle comprit qu'elle aurait dû rester coucher. Alors qu'elle arrivait devant la salle de classe, elle fut surprise par une grosse fumée rouge qui envahit rapidement le couloir. Elle commença à paniquer, pensant à une attaque de Voldemort, et se saisit de sa baguette d'une main ferme pour se défendre, la gorge serrée. Elle n'eut pas le temps de lancer un sortilège que la fumée se dissipa aussi vite qu'elle était apparue. C'est alors que Sofia comprit l'ampleur des dégâts : tout le monde avait les cheveux rouges. Elle attrapa, dubitative, sa queue-de-cheval et constata que son blond s'était également transformé en un rouge criard.

Tous les élèves semblaient partagés entre l'étonnement et la rage. Sofia penchait beaucoup plus pour le deuxième : elle était folle de colère. Qui pouvait oser faire une blague aussi stupide en de telles circonstances ? Elle avait cru à une attaque ! Les temps n'étaient pas aux blagues et aux plaisanteries pouvant mettre la sécurité des gens en doute. Elle sentait encore la pression que la peur avait exercée sur son cœur quand elle avait cru à une attaque. Qui que soit le responsable de cette mauvaise blague, il allait l'entendre. La jeune femme lissa sa robe de sorcière et plissa les yeux. Elle allait découvrir qui avait fait cette mauvaise blague et lui faire payer sa stupidité et son audace.

OoOoO

L'attente ne fut pas longue. Au déjeuner, la Grande Salle résonnait des rumeurs sur la nouvelle blague des maraudeurs sur les Serpentard de septième année. Sofia en eut vent pendant qu'elle mangeait ses pommes de terre en laissant traîner ses oreilles auprès de ses camarades. Elle planta alors une fourchette rageuse dans ses pommes de terre et jeta un regard mauvais à la table de Gryffondor. Les quatre garçons qu'elle avait aperçu à la sortie du train étaient connus sous le nom de maraudeurs. Il y avait James Potter, le joueur de Quidditch imbu de lui-même et son acolyte Sirius Black, le tombeur torturé ; mais également Remus Lupin, le grand maigrichon à l'aspect maladif et Peter Pettigrow, le faire-valoir.

Elle avalait le dernier bout de son steak quand elle vit les maraudeurs se lever de table, un sourire satisfait sur les lèvres. Ils se dirigeaient vers les portes de la Grande Salle, apparemment très fiers d'eux. Sofia vit rouge et se leva immédiatement, reversant son verre d'eau sur une deuxième année qui n'osa pas le lui faire remarquer. Elle se dirigea vers la porte derrière laquelle les maraudeurs avaient disparu d'un pas rapide et décidé. Elle les rattrapa sans mal et se planta devant eux, le regard noir et les mains sur les hanches. Même Peter, qui était le plus petit des quatre, la dépassait d'une bonne tête, mais elle n'en avait absolument rien à faire. Elle enfonça son index dans le torse de James Potter et articula :

Vous n'êtes qu'une bande de crétins écervelés inconscients des réalités de la vie.

James observa ce petit bout de femme qui osait se mettre en travers de leur chemin et éclata de rire. Elle avait les cheveux aussi rouges que tous les Serpentard de septième année. Leur plan avait vraiment marché à la perfection. L'accent russe de la jeune fille n'arrangea pas les choses puisque Peter et Sirius pouffèrent, tandis que Remus affichait un air gêné. Sofia plissa à nouveau les yeux et dit d'une voix calme :

Vous vous pensez intelligents à faire ce genre de blague avec ce qu'il se passe dehors ? Plusieurs élèves, dont moi, ont cru à une attaque de mangemorts. Vous n'êtes vraiment que des crétins.

À la mention des mangemorts, les garçons se calmèrent quelque peu et commencèrent à avoir l'air gêné. Peter, cependant, prit la parole et lui demanda d'une voix sèche :

Comme si une attaque de mangemorts te dérangerait, sale serpent !

Sofia réagit au quart de tour et attrapa sa baguette qu'elle planta entre les deux yeux du garçon. Sirius, James et Remus sortirent aussitôt la leur, prêt à défendre leur ami. Mais elle ne jeta aucun sort et articula juste, les dents serrées :

Ne t'avise plus jamais de dire ça, mudak.

Peter hocha doucement la tête et Sofia baissa sa baguette. Elle regarda les quatre garçons comme s'il s'agissait d'enfants pris en faute et leva les yeux au ciel.

Vous ne comprenez pas ce qu'est la guerre. Vous ne savez pas ce qui se passe dehors. Et vous êtes complètement stupides de faire ce genre de blagues qui peuvent être mal interprétées en des temps pareils. Vous n'êtes que des enfants.

Elle leur tourna le dos et s'éloigna en direction de son dortoir, bien décidée à éliminer toute trace rouge de ses cheveux. Remus la regarda s'éloigner, dansant d'un pied sur l'autre, signe qu'il était mal à l'aise. Tandis que le groupe des garçons prenaient le chemin du cours d'Histoire de la Magie auquel ils devaient assister, le loup-garou avança :

Elle n'a pas tort sur certains points les gars, on y a peut-être été un peu fort. Imaginez si l'un des élèves avait jeté un sort défensif en pensant à une attaque et qu'il y avait eu des blessés ?

Arrête un peu Lunard, répondit Sirius, cette fille a l'air d'adorer s'écouter parler et d'avoir un caractère sacrément pourri. Ne va pas te mettre dans la tête qu'elle a raison.

Un sacré caractère ça tu l'as dit, ajouta Peter, j'ai bien cru qu'elle allait me faire sauter la tête !

Comme si on l'aurait laissé faire, enfin Queudver, tu sais bien qu'on l'aurait eu avant, rigola James, détendant ainsi l'atmosphère.

Remus rigola avec ses amis, mais ne put empêcher sa petite voix interne de lui dire que Sofia n'avait peut-être pas tort sur le fait que les blagues pouvant faire penser à une attaque n'était pas d'actualité en ce moment. Chaque jour, le journal proposait une page de nom, moldus et sorciers confondus, qui avaient été retrouvé mort la veille. À cela s'ajoutait quelques fois une première page faisant état d'une attaque de village moldus, d'un raid d'inferis, de tortures ou de disparitions inquiétantes. Le temps n'était pas aux plaisanteries vaseuses, c'était bel et bien la guerre.


Jeudi 16 septembre 1976

Le lendemain, les cheveux de Sofia avaient retrouvé leur traditionnel blond polaire. Alors qu'elle était dans la salle commune, chose assez rare pour le noter, elle fut abordée par un cinquième année qu'elle reconnut assez facilement. C'était un garçon de sa maison que Sofia appréciait pour son originalité. Il n'avait pas l'air d'être un mouton comme ceux qui suivaient Rosier, et passait beaucoup de temps à lire et à écrire. Elle lui adressa un regard interrogateur et s'autorisa un sourire, chose rare.

J'ai entendu dire que tu avais remis mon frère et sa bande d'amis stupides à leur place hier. Je voulais te dire que je trouvais ça bien que certaines personnes leur remettent les idées en place. Et je trouve que ce que tu as dit était juste, tu sais, sur le climat actuel et tout ça, il agita sa main d'un air désinvolte.

Son frère, Sirius Black. Cela semblait être un des grands dramas de l'école. Sirius Black, le seul Black à être allé à Gryffondor, la honte de la famille, le fils rebelle et fugueur. Sofia avait entendu cette histoire déjà une dizaine de fois alors qu'elle n'était à Poudlard que depuis deux semaines.

Merci beaucoup, c'est gentil. Et il faut dire que le rouge n'est pas vraiment ma couleur.

Regulus rigola légèrement et regarda ses longs cheveux blonds tellement fin qu'on aurait dit des fils de soie. En effet, le rouge ne semblait pas être la couleur de Sofia. Il désigna la chaise qui était en face d'elle et demanda gentiment :

Je peux me joindre à toi ? J'ai un devoir de potion à terminer.

Je t'en prie, répondit-elle en souriant.

C'est ainsi que Sofia eut son premier rapport amical de l'année avec un garçon un peu étrange de deux ans son cadet.


Samedi 2 octobre

Aujourd'hui était une grosse journée. Tout d'abord, une sortie à Pré-au-Lard, le village sorcier, était prévu toute l'après-midi. Mais aujourd'hui avait également lieu les sélections de Quidditch pour l'équipe de Serpentard. Sofia avait beaucoup hésité à se lancer dans l'aventure Quidditch à Poudlard au vu des relations qu'elle entretenait avec sa maison actuellement. Mais elle aimait ce sport, elle le pratiquait depuis sa plus tendre enfance. Elle avait donc décidé de participer à ces sélections et de voir ce qui se passerait par la suite. Les sélections étaient seulement à 16 heures et elle avait logiquement le temps d'aller rapidement visiter le village de Pré-au-Lard en début d'après-midi.

Sofia était donc en route vers le village. Elle avait opté pour une tenue classique pour l'époque : un jean et un pull très chaud et trop large pour elle. Sofia n'avait jamais été une grande fan de mode, préférant largement le confort à la beauté. C'est pourquoi elle portait la même paire de basket depuis ses quatorze ans. Elle avait tout de même enfilé une cape de mi-saison et une écharpe, le temps s'étant largement rafraîchi depuis le début de l'année. Elle avançait donc, joyeuse et solitaire, dans le froid de l'automne, en direction du petit village sorcier qui l'intriguait tant depuis qu'elle y était arrivée en train un mois plus tôt.

De nombreux élèves lui avaient parlé des Trois Balais, le pub local, qu'elle s'était promis de visiter pour goûter la spécialité britannique : la bièraubeurre. On lui avait aussi vanté le magasin de friandise Honeydukes, tout comme le magasin de farces et attrapes de Zonko. Il paraîtrait également qu'une des maisons du village était hantée depuis une petite dizaine d'années, Sofia était curieuse de voir tout ça. Elle hâta le pas, sachant qu'elle ne disposait pas d'un temps illimité pour sa petite visite si elle voulait participer aux sélections.

La jeune femme décida de pénétrer chez Honeydukes dans un premier temps. La boutique était très colorée et tape à l'œil, elle sentait le sucre et la réglisse. Tout avait l'air absolument délicieux ! Il y avait des chocolats et des caramels de toutes sortes, mais aussi des tonnes de friandises que Sofia n'avait jamais vues. Des bulles baveuses, des baguettes magiques à la réglisse, des gommes de limaces, des fondants du chaudron... Et, au détour d'une allée, Sofia tomba sur ce qui allait devenir la chose qu'elle demanderait tous les ans à son anniversaire : des cubes de glace à la noix de coco. Elle en acheta une dizaine, ainsi que quelques caramels, des fizwizbiz, des dragées surprises, des bonbons explosifs et une baguette à la réglisse.

Alors qu'elle sortait de la boutique avec un sac énorme, elle croisa Regulus. Celui-ci jeta un regard amusé à son sac de friandise et plaisanta :

Tu souffres d'hypoglycémie ?

Sofia éclata de rire et lui répondit :

On peut dire ça comme ça. Il se trouve qu'on ne trouve pas les mêmes friandises en Russie, j'ai voulu m'organiser une petite dégustation. Tu voudras y participer ?

Je n'aime pas le sucré malheureusement, répondit Regulus.

Comment cela est-il possible ? demanda Sofia, horrifiée.

On m'a élevé comme ça, répondit Regulus en haussant les épaules.

Je vais t'aider à changer ça. Tu ne peux pas passer à côté de la noix de coco toute ta vie. On se retrouve ce soir dans la salle commune, après les sélections !

Tu y participes ? demanda Regulus sans relever le ton autoritaire de Sofia

Oui, répondit celle-ci en haussant à son tour les épaules.

Le garçon se contenta de hocher simplement la tête, comme pour enregistrer l'information. Sofia le remercia intérieurement de n'avoir fait aucun commentaire sur le fait qu'elle allait au-devant des ennuis vu la composition de l'équipe : Rosier et Avery y étaient.

À ce soir alors, la salua Regulus.

Sofia en déduisit qu'il acceptait sa dégustation en binôme et lui offrit un grand sourire et un signe de la main tout en s'éloignant. Elle prit la direction de Zonko pour voir à quoi pouvait bien ressembler un magasin de farces et attrapes. Elle ne s'était jamais intéressée à tout cet univers, trouvant cela particulièrement puéril et inutile. Quel pouvait bien être l'intérêt de perdre son temps pour surprendre et humilier les autres ? À dire vrai, elle trouvait même cela particulièrement immature et méchant. Elle repensa à la "blague" des maraudeurs il y a deux semaines de cela et la colère la submergea à nouveau. Elle avait réellement cru à une attaque. À aucun moment cette plaisanterie, si on pouvait appeler cela comme ça, n'avait été amusante pour les victimes. Depuis ce jour, les garçons l'ignoraient royalement, hormis Remus qui lui offrait parfois des sourires d'excuses au détour d'un couloir, comme s'il était conscient qu'ils n'étaient qu'une bande d'imbéciles.

Elle trouva rapidement la boutique, car elle était d'une couleur rouge-orangé très prononcée. Elle poussa la porte, légèrement hésitante, et entra dans la boutique dont l'intérieur était tout aussi coloré. Des pancartes avec des flèches immenses étaient dispersées dans toute la boutique pour indiquer des promotions ou de nouveaux produits. Tout comme Honeydukes, la boutique était pleine d'élèves de Poudlard. Elle repéra plusieurs élèves, plus jeunes, qui effectuaient leur première visite du village, tout comme elle. Ils avaient des étoiles pleins les yeux et semblaient s'émerveiller de tout. Elle allait s'approcher d'une étagère pour regarder les produits proposés lorsqu'elle entendit une voix dans son dos.

Ce ne serait pas Madame Je-suis-trop-bien-pour-faire-des-blagues ?

Sofia se retourna d'un bloc, le regard noir et avisa James Potter face à elle, qui la fusillait de ses yeux noisette. Avant qu'elle ne puisse répondre, Remus s'était avancé et avait posé un bras sur celui de son ami en murmurant :

James laisse tomber, tu vas nous attirer des ennuis...

James repoussa gentiment son ami et continua à défier du regard la jeune femme. Celle-ci parcourut la bande de quatre garçons du regard et articula :

J'aimerais profiter de ma journée sans être dérangée par des imbéciles. Merci.

Qu'est-ce que tu fais dans cette boutique ? Tu nous avais bien fait comprendre que les farces ne t'intéressaient pas et que tu les trouvais stupides, ajouta Sirius en ignorant sa réponse.

C'est toujours le cas. Cela n'empêche pas de venir visiter les boutiques.

Sirius observa la jeune femme d'un air désinvolte. Elle ne les regardait pas et s'intéressait à une étagère offrant des plumes à encre magique arc-en-ciel, argentée ou encore dorée. Sofia ajouta par ailleurs :

Cette boutique n'offre pas uniquement du matériel pour réaliser des farces stupides pouvant mettre en danger des élèves.

Sirius jura et l'apostropha :

Tu te penses meilleure que nous hein ?

Bien évidemment, répondit honnêtement Sofia.

Je comprends mieux pourquoi tu es dans cette maison de dégénérés alors, cracha Sirius.

Sofia se retourna et lui fit face, sa colère ravivée.

Si ce que j'ai entendu est juste, tu aurais du aussi y être Black.

Les trois autres maraudeurs commencèrent à s'agiter, sachant que Sofia était en train de s'aventurer sur un terrain glissant. James regretta amèrement d'avoir provoqué la jeune fille, car il savait maintenant qu'après "ça", son meilleur ami serait énervé pour la journée entière et qu'il serait morose pour quelques jours supplémentaires.

Tu penses me connaître en ayant entendu quelques rumeurs ? Tu ne sais absolument rien de ma famille de déséquilibrés alors tu ferais mieux de te taire avant que ça n'aille trop loin.

Je connais ton frère et il semble parfaitement équilibré. Peut-être que tu es le déséquilibré de cette famille, insinua Sofia.

Elle regretta aussitôt ses paroles lorsqu'elle vit les yeux gris de Sirius se teinter d'une pointe de tristesse noyé dans un océan de rage. Sirius lui attrapa le bras et la tira en dehors du magasin, tandis que Remus tentait de la calmer. Il se planta devant elle, en plein milieu de la rue principale et dit :

Tu ne sais rien, ok ? Tu ne sais absolument rien ! On n'a pas tous eu la vie facile que tu mènes, princesse !

Ce fut au tour de Sofia de s'énerver. Vie facile ?! Elle avait perdu sa mère à sa naissance, son père de maladie, il y avait à peine deux ans, et elle s'était retrouvée orpheline, rejeté par une belle-mère qu'elle n'avait jamais aimé et exilée dans un pays à plus de deux mille kilomètres du sien. Elle planta ses yeux dans ceux de son adversaire et un échange silencieux eut lieu. Sirius comprit que ses paroles étaient fausses quand il vit la rage dans les yeux bleus de Sofia et la tristesse qui les englobaient. Il lâcha son poignet, mais continua à l'observer. Elle vit qu'il avait compris. Il avait compris qu'elle n'avait pas eu une vie simple et elle concéda d'un regard que lui non plus. La colère retomba des deux côtés.

Sofia fut la première à détourner le regard et elle se détourna de lui et de ses amis pour s'éloigner dans la rue, sans un mot supplémentaire. Cet échange silencieux n'avait duré que quelques secondes, mais il avait valu mille mots.

Peter fut le premier à poser la question qui brûlait toutes les lèvres :

C'était quoi ça ?

Très bonne question Pete, j'allais demander la même chose, ajouta James qui avait du mal à se remettre des dernières minutes intenses qu'ils avaient vécus.

Une discussion, répondit simplement Sirius.

Il observait Sofia s'en aller. Il avait reconnu son regard, celui qu'il avait lui-même eut tant de fois. Celui des personnes qui ont tout perdu et qui essayent malgré tout d'aller de l'avant. Il n'écouta pas James lui demander quel genre de discussion ils avaient eu et dit simplement :

Venez j'ai envie d'une Bièraubeurre.

OoOoO

Sofia enfila sa tenue de Quidditch, tentant toujours de comprendre ce qu'il s'était passé avec Sirius Black deux heures plus tôt. Cette conversation silencieuse qu'ils avaient eu l'avait profondément affectée sans qu'elle ne sache pourquoi. Elle avait aussi fait remonter des souvenirs que Sofia avait quelque peu mis de côté ces derniers temps : les derniers jours de son père. Son nom résonna dans la pièce, rompant le fil de ses pensées.

Petrov, t'es prête ? On va commencer.

Sofia hocha la tête et attrapa son balai, un Flèche d'Argent. Il s'agissait du dernier balai produit par Leonard Jewkes. Il était taillé pour la vitesse, ce qui le rendait difficilement maniable, mais Sofia avait décidé de l'acheter durant son été au Chemin de Traverse. Il lui avait coûté un bras, mais l'argent placé par son père pour elle avant sa mort, lui permettait d'acheter ce genre d'objets sans qu'elle ne se pose réellement la question du financement.

Elle sortit du vestiaire et se rendit sur le terrain d'entraînement, toute trace de Sirius effacée de son esprit. Elle avait cet avantage de pouvoir compartimenter ses pensées et ainsi éloigner celles désagréables lorsqu'elle le souhaitait. Elle se plaça au milieu de tous les autres candidats et écouta le discours du capitaine. Il s'agissait d'un Serpentard de sixième année, Théodore Nott. Un garçon assez apprécié à Serpentard, plutôt discret, mais qui était réputé pour être un tyran à l'entraînement. Sofia appréciait ce genre de personnalité. On n'a rien sans rien.

Pour le moment, l'équipe ne comprenait que quatre membres. Le gardien et capitaine Théodore Nott, deux poursuiveurs, Louis Parkinson et Evan Rosier, et l'attrapeur Scott Avery. Il n'y avait aucun batteur, le poste que Sofia visait. Elle avait donc toutes ses chances. Il y avait au total une dizaine de candidats, de la quatrième à la septième année.

Les sélections commencèrent assez rapidement. Il y eut plusieurs épreuves : une course de vitesse, une course d'adresse, divers exercices de vol, ... Sofia réussit plutôt bien l'ensemble des épreuves, malgré son balai difficilement maniable. Six personnes en revanche ne passèrent pas ces sélections et Nott les congédia en leur conseillant de s'entraîner avant de retenter leur chance l'année suivante. Puis il distribua des notes aux élèves restant. Sofia eut un 89/100 en vitesse, ce qui était la meilleure note, un 78/100 en technique, se classant deuxième, eu un 56/100 en maniabilité du balai, ce qui la classa sixième sur dix.

Une fois ce premier tri effectué, les sélections par poste commencèrent. Pour le poste de poursuiveur, il s'agissait de marquer le plus de but possible dans un temps limité avec Nott aux anneaux. Ce fut une fille de quatrième année qui brilla à cet exercice, à la surprise de tout le monde : Lisa Bulstrode. Elle réussit à marquer sept fois en deux minutes, et Nott ne parvint à arrêter que deux de ses neuf tirs. Elle était réellement impressionnante et promettait de rapporter beaucoup de points à Serpentard durant les matchs.

Il y avait six candidats, dont Sofia, pour les sélections au poste de batteur. Nott proposa aux candidats de se munir d'une batte et de renvoyer le plus de cognards possibles sur les mannequins volants parcourant le terrain. Sofia sourit pour la première fois des sélections : elle adorait frapper des cognards. Elle se saisit d'une batte au hasard et enfourcha son balai, décollant immédiatement. Nott lâcha six cognards pour l'occasion. Ce fut alors un joyeux bazar. Une fille de cinquième année dont Sofia avait oublié le nom eu le nez cassé, un autre candidat perdu envoyait les cognards sur ses coéquipiers, un autre, encore, oublia de regarder devant lui et s'écrasa dans les anneaux. Sofia brilla lors de l'exercice, défonçant joyeusement quatre mannequins et en amochant trois autres. Aussi, elle ne fut pas étonnée d'entendre son nom lors des sélections. Elle ferait équipe avec Harry Rowle, un cinquième année qui la dépassait de deux têtes et était aussi large d'épaule que grand. Une véritable armoire à glace.

OoOoO

Lorsque Sofia se coucha dans son lit ce soir-là, après avoir dévoré des bonbons avec Regulus qui finalement aimait beaucoup le sucre, elle se dit qu'elle avait eu une sacrée journée. Elle éteignit son réveil, souhaitant se reposer le lendemain. Qui savait ce que Poudlard pouvait encore bien lui réserver ?


Vendredi 8 octobre 1976

Sofia courait sous la pleine lune, ses longs poils blancs de loup volant au vent. Elle savourait comme toujours la liberté que cette nuit lui offrait. Il n'y avait plus de barrières, plus de limites. Elle pouvait faire ce qu'elle voulait, comme elle le voulait, sans se soucier des normes qu'on imposait aux êtres humains en temps normal. Elle voulait se rouler dans la boue … Elle pouvait. Elle voulait courir après un lapin pour le dévorer cru … Elle pouvait. Elle voulait crier son amour à la lune … Elle pouvait.

Depuis sa plus tendre enfance, Sofia avait accompagné son père, lui-même lycanthrope, dans ses pleines lunes. Ils avaient parcouru les bois à deux, il lui avait appris à connaître la liberté, et à l'exercer sans se soucier du regard des autres. Ils avaient chassé ensemble, ils s'étaient baignés dans des rivières glacées, ils avaient hurlé ensemble. Vladimir Petrov, son père, lui avait finalement appris à chérir les soirs de pleine lune comme des trésors.

Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elle parcourait la forêt interdite de long en large lorsqu'elle entendit un hurlement qu'elle reconnut immédiatement. Un autre loup ! Elle s'élança immédiatement dans la direction du cri, reniflant à droite et à gauche pour tenter de flairer son odeur. Elle n'avait pas couru avec un autre loup depuis la mort de son père et c'était très certainement une des raisons pour lesquelles il lui manquait le plus.

Sofia parcourut la forêt pendant près de deux heures, tentant de flairer l'odeur de ce mystérieux lycanthrope qu'elle mourrait d'envie de rencontrer. Mais elle ne parvenait pas à distinguer l'odeur du loup de l'odeur d'autres animaux. Où qu'aille le loup, elle flairait une, deux voire trois odeurs mélangées à la sienne. Elle ne parvenait pas à le pister.

La lune était en train d'amorcer sa descente dans le ciel et Sofia prit la décision de retourner à la clairière où elle avait laissé ses affaires. Une fois qu'elle y fut, elle n'eut pas à attendre plus d'une dizaine de minutes avant de redevenir humaine. Nue, à quatre pattes dans la clairière, elle se redressa et s'étira. Elle attrapa sa culotte et l'enfila rapidement avant de passer son jean et un pull. Elle enfila sa traditionnelle paire de basket et attacha rapidement ses cheveux en un chignon lâche, histoire de les tenir en place le temps d'avoir une brosse à cheveux sous la main. Puis elle prit la direction du château. Elle savait qu'elle en avait pour une bonne heure de marche avant de rejoindre la lisière de la forêt : du temps qu'elle allait mettre à profit pour tenter d'en découvrir plus sur ce mystérieux ami lycanthrope.