Bonjour tout le monde!

Voilà le chapitre six ! Profitez-bien de votre lecture!

Mais avant de commencer: les triggers warning.

/!\ Triggers warning /!\s

Cette fanfiction aborde des thèmes plus ou moins sombre comme le deuil, les addictions et la dépression. Il y a également des mises en scène de prises de drogues et de relations sexuelles.


Chapitre six : la pizza et la partie de poker.


Law commençait à penser qu'il était bien parti pour passer toute la nuit au poste lorsque la porte de la petite pièce dans laquelle il avait été poussé pour la fouille au corps et l'interrogatoire s'ouvrit à nouveau. Ce n'était pas le grand-père d'Ace, ou Monkey Garp comme il s'était présenté officiellement, qui apparut, ni l'autre officier, Sakazuki, qui l'avait interrogé. C'était Sengoku qui se tenait là, dans son uniforme habituel, couvert de médailles et sa casquette vissée sur la tête. Il ne broncha même pas en voyant Law ici, comme s'il était déjà au courant de la chose.

_Je pensais que tu avais dit que tu avais arrêté.

Il fallut quelques instants à Law pour comprendre de quoi il parlait et il se tendit à cette insinuation flagrante de son passé.

_Je l'ai fait, assura-t-il aussi calmement qu'il le pouvait, malgré le venin dans sa voix.

C'était fou qu'après tout ce qui c'était passé, après le démènement de Cora pour l'éloigner du gang de Joker et de tout ce petit monde, Sengoku puisse encore croire qu'il n'avait pas totalement lâché le trafic. Comme si Law n'avait aucun respect pour l'homme qui avait risqué sa vie pour lui. Comme si tous les efforts et tous les sacrifices de Cora n'avaient servi à rien. Comme si Law n'avait aucune reconnaissance pour lui.

Sengoku resta silencieux quelques secondes, analysant clairement sa réponse puis il s'approcha.

_D'accord, je te crois. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver mais Garp s'est emporté. A l'avenir, reste loin de lui et de son petit-fils, marmonna le vieil officier en ouvrant la menotte qui retenait l'un de ses poignets à l'accoudoir de la chaise.

Oh, il n'y aucun problème pour cela, pensa Law en se levant. Il n'avait plus rien à faire avec Ace et après ce qui venait de se passer, il resterait aussi loin que possible de son grand-père. Ce n'était pas comme s'il attendait avec impatience la prochaine fois qu'il serait arrêté et conduit au poste. Les quelques fois où cela s'était produit lorsqu'il faisait partie du gang de Joker et qu'il était soupçonné de revente (heureusement Law avait toujours été assez intelligent pour que rien ne puisse le prouver) avaient été largement suffisantes. Il n'avait même jamais imaginé une seconde depuis qu'il avait décroché et qu'il avait repris le court d'une vie stable (du moins autant que pouvait être la sienne quand on avait un travail comme le sien) que cela puisse à nouveau arriver.

C'était cependant étrange que tout se termine aussi vite et facilement. Malgré son agacement d'être à nouveau confronté à Sengoku, Law était secrètement reconnaissant que le vieil officier soit au commissariat en pleine nuit pour le sortir de là. Ce n'était pas comme s'il avait fait quoi que ce soit d'illégal, il aurait été relâché à un moment ou un autre mais à la manière que Garp et Sakazuki avaient eu à l'interrogé sans écouter ce qu'il avait réellement à dire et seulement pour conférer des accusations à son égard, il n'avait pas pensé pouvoir sortir d'ici avant le lendemain, au moins.

_Attends deux petites secondes, lui demanda Sengoku alors qu'il récupérait ses effets personnels dans l'un des bacs en plastique que lui avait donné l'une des officiers derrière le bureau d'accueil. Il faut que tu te fasses discret, à présent. Jusqu'au procès.

Il n'avait pas besoin de préciser de quel procès il parlait. Malgré ses réticences, Law était bien conscient qu'il n'existait qu'une infime chance que Joker soit emprisonné. Pourtant, la pensée que Doflamingo soit traduit devant la justice n'avait cessé de tourner dans son esprit depuis que Sengoku lui en avait parlé.

_Si jamais il a la moindre impression que tu y es pour quelque chose, il pourrait s'en prendre à toi.

Law acquiesça légèrement en levant les yeux au ciel. Comme s'il avait cherché à être amené ici. Mais il comprenait ce que Sengoku voulait dire, il le comprenait certainement mieux que la plupart des personnes qui travaillaient sur le dossier de Joker. Il l'avait, après tout, fréquenté de près et il avait vu ce dont quoi il était capable. Et rien ne l'arrêtait. Si Law n'avait pas été tué en même temps que Cora c'était tout simplement parce que l'occasion n'avait pas dû se présenter et que cela ne lui apportait rien. Peu importe l'affront que cela avait été que Law quitte la famille pour se ranger et commencer une nouvelle vie décente en se consacrant à ses études, si Doflamingo l'avait vraiment voulu, il aurait déjà eu une multitude de possibilité de mettre fin à sa vie. Law le connaissait, il savait à quel point cet homme était un sadique qui prenait certainement bien plus de plaisir à savoir qu'il avait laissé une trace indélébile dans sa vie que de le savoir mort. C'était plus que probablement jouissif pour lui de savoir à quel point la vie de Law était pathétique, morne et désastreuse depuis qui avait quitté son gang. Il était même possible, fortement, que d'une manière ou d'une autre il le surveille. Et si c'était bien le cas et que l'un de ses sbires avait vu Law amené au poste de police et qu'il le lui répétait, il y avait de grandes chances qu'il soit suspecté d'avoir été interroger sur leur ancien lien.

Et par « s'en prendre à toi », Sengoku faisait clairement allusion à être tué. Même la folie décadente de Joker avait ses limites, si Law représentait le moindre problème, il n'hésiterait pas à le régler. Définitivement.

Law n'attendit pas plus pour quitter Sengoku, surtout qu'il pouvait voir par-dessus son épaule Garp fulminer et ne pas le lâcher des yeux. Il était presque certain qu'il allait le suivre jusqu'en dehors du commissariat mais il n'en fit rien, comme si Sengoku avait pris les devants et avait dit à Garp qu'il devait le laisser tranquille.

Ce qui le surpris davantage, cependant, c'était qu'Ace se trouvait en dehors du poste. Il fumait nerveusement sur le trottoir, comme s'il l'attendait. Il se redressa dès qu'il le vit, laissant sa cigarette tomber par terre et il l'écrasa avec son pied.

_Hey, je… je suis vraiment désolé pour tout ça.

Law ne répondit pas, bien déterminé à l'éviter. Il était plus de 23h et il était en retard de plusieurs heures au travail. Il n'avait aucune envie d'expliquer à ses supérieurs les raisons de son arrivée tardive et au point où il en était, il pourrait très certainement rester chez lui mais il n'avait non plus aucunement l'envie de rentrer. Ace, cependant, ne sembla pas capter le mémo et il le suivit à grandes enjambées pour le rattraper.

_Je sais pas trop quoi faire… laisse-moi au moins t'offrir le dîner pour me faire pardonner.

Law fit comme s'il n'avait rien entendu, ni que la faim avait commencé à s'installer au creux de son ventre ces dernières heures. Il était déterminé à faire ce qu'il avait dit à Sengoku, rester loin d'Ace et de son grand-père. Le jeune homme aux taches de rousseur, néanmoins, semblait lui aussi déterminé à ne pas le lâcher d'une semelle. Fait chier.

_Ou un café, comme dédommagement, insista le plus jeune.

Ace continuait de le poursuivre, étant presque obligé de courir à cause des jambes élancées de Law.

_Je suis vraiment désolé, si tu me laissais la possibilité de heu…

_Ça suffit, le coupa Law en se stoppant net au milieu du trottoir. Ne peux-tu pas te taire et me laisser tranquille ?

Cela sembla faire son effet, le rouge monta immédiatement aux joues d'Ace qui commença à bégayer des excuses. Il semblait vraiment déboussolé et pour une raison quelconque, Law ne poursuivit pas son chemin et, à la place, il écouta son bafouillage.

_Pardon… vraiment, je, euh…j'ai parlé à Garp, je suis vraiment désolé… pour ce qu'il t'a fait et… ça n'aurait jamais dû arriver, eh bien…

Law le toisa du regard, attendant qu'il continue mais rien ne vint. A la place, Ace avait le visage baissé pourtant, l'interne pouvait tout de même apercevoir ses oreilles rougies sous les mèches de ses cheveux noirs.

Il n'y avait certainement pas plus différent qu'Ace et lui. Le jeune homme n'avait pas l'air de prendre ses études au sérieux, ni quoi que ce soit d'autre en réalité et il semblait volage. Pas de la même manière que Shachi qui ne cessait d'avoir des intérêts différents tous les quelques jours. Chez Ace, cela paraissait traduire davantage la réalisation que rien ne lui convenait, rien n'attirait son attention ou n'en était digne d'intérêt. Et Ace semblait aussi peu sûr de lui qu'extraverti et confiant selon les moments, comme s'il oscillait sans cesse.

Law, n'avait rien de tout cela. Il n'avait pas les sourires faciles qu'il lui avait déjà délivrés à de rares occasions, ni ne parlait autant. Son assurance à lui ne signifiait que sa froide indifférence aux autres et l'habitude de vivre seul, et de préférer la solitude. Solitude qui, d'une manière ou d'une autre, malgré l'énergie qu'Ace dégageait à certains instants, avait l'air de lui peser mortellement. Law se demandait si c'était à cause de cela qu'il lui faisait penser à un tournesol en train de dessécher au sol et de partir en charpie.

En bref, il n'y avait certainement rien de moins comparable qu'eux deux et pourtant, quelque chose lui rappelait dans son comportement le garçon qu'il avait été avant l'intervention de Cora. Sur ses gardes, dépassé et incapable de savoir comment agir, se laissant emporter par le courant dévastateur et mortel des émotions qu'il était incapable de comprendre. Et c'était peut-être cela qui le poussa à demander d'une voix morose :

_Où veux-tu manger ?


La nourriture gratuite ne se refuse pas, se répétait Law, stérilement. Ce n'était qu'un essai infructueux de se convaincre qu'il y avait un véritable but derrière son acceptation à suivre Ace alors que la médiocrité des dernières heures ne revenait qu'à lui et lui seul. Et, peut-être un peu, au manque de chance de Law de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment mais il ne voulait pas s'attarder là-dessus, ni sur son apparence qui avait toujours été à l'origine de bien des mésententes.

La nourriture gratuite, en effet, ne se refusait pas même s'il n'était pas dans le besoin financier. Mais il était vain de tenter de se convaincre que c'était la raison pour laquelle il était ici, assis dans un petit bouiboui, perdu il ne savait où dans les petites rues de la ville qu'il n'aurait jamais eu la présence d'esprit de visiter. Et pour cause, ces rues ressemblaient trop à celles qu'il fréquentait pour sa revente, il y a encore quelques années.

La nourriture avait été déposée devant eux depuis un petit moment maintenant et il n'avait pas échangé un seul mot. Law n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait dire et Ace avait toujours la bouche pleine, au point où l'interne se demandait si manger autant n'était pas pour lui un moyen d'éviter une conversation des plus gênantes. Alors Law en profita pour rester lui-même silencieux, essayant d'apprécier autant qu'il le pouvait son plat. Étonnamment, le Dhal qu'il avait commandé était délicieux, ce que l'apparence de l'endroit, un petit restaurant indien qui semblait sur le point de tomber en ruine, ne laissait pas envisager.

Finalement, Ace arriva à la fin de son plat, un curry de veau que Law était surpris qu'il ait pu dévorer en si peu de temps s'en s'étouffer, et comme pour ne pas avoir à parler, il commença immédiatement à piocher dans l'assiette des naans au fromage que la patronne du restaurant leur avait offert. Après en avoir avalé deux comme si ce n'étaient que des olives, il tendit la main pour en prendre un troisième avant de se rétracter. Son visage devint blême et Law se demanda s'il était sur le point d'être malade lorsqu'Ace se racla la gorge.

_Pour ce que ça vaut, je suis vraiment désolé pour ce qui est arrivé.

Ce ne fut que lorsque les secondes passèrent dans le silence que Law se rendit compte qu'Ace attendait qu'il dise quelque chose en retour. Mais que pouvait-il répondre, de toute façon ? Il ne pouvait pas démentir, soutenir que cela n'était pas sa faute et que ce n'était pas grave.

_Ton grand-père est un connard, fut tout ce qu'il trouva à répondre après un moment et pour ne pas avoir à parler plus, il recommença à manger.

_Ouais, c'est sûr, marmonna Ace. C'est lui qui m'a élevé, tu sais, ajouta-t-il après un silence.

Non, Law n'en avait aucune idée et il n'y avait aucun moyen qu'il soit au courant. Ce n'était pas non plus ses affaires, pourtant Ace continua.

_Il peut sembler bourru comme ça, mais il a fait de son mieux avec moi. Ma mère ne pouvait pas toujours être là, elle travaillait beaucoup et Ro… mon père n'a jamais fait partie du tableau, en quelques sortes. On est pas lié, biologiquement je veux dire, et pourtant il s'est occupé de moi comme si j'étais de son propre sang.

_Ça ne veut pas dire qu'il n'est pas un connard à te crier dessus comme il l'a fait, dit Law malgré lui mais Ace secouait déjà la tête.

_Tu ne sais pas tout, en fait. Il a pris des risques en s'occupant de moi, de gros qui auraient pu mettre sa carrière en jeu.

C'était son choix, pensa Law mais il s'abstint de commenter. Il était tard et il était déjà suffisamment en retard pour son travail. Quand il eut terminé son Dhal, il dit à Ace qu'il devait partir et qu'il lui laissait le dernier naan, et malgré son empressement à les dévorer plus tôt, Ace semblait vraiment déçu.


Les jours se succédaient avec une lenteur que Law ne reconnaissait pas, et il ne comprenait pas pourquoi. Chaque matin, ou dès qu'il avait une pause dans ses quarts de nuits et que le journal avait déjà été livré, il en prenait un dans le kiosque de l'hôpital et le feuilletait. Nulle part il n'y avait ne serait-ce qu'une quelconque mention de Joker, et encore moins d'un procès, et il commençait à se demander si les espoirs de Sengoku n'avaient pas été encore plus éphémères que Law avait pu le penser.

Petit à petit, l'ecchymose qui s'était formée sur sa tempe lorsque le connard de grand-père d'Ace l'avait plaqué contre la porte en bois commençait à se résorber, de même que la douleur que cela avait engendré dans son épaule gauche. Seule sa mâchoire semblait être toujours aussi sensible mais rien qui ne soit insurmontable ou dont il devait s'inquiéter. Eh bien, si ce n'étaient que des blessures mineures, Law n'avait pas pu éviter de devoir expliquer pourquoi il avait été absent une bonne partie de ses horaires de travail il y a quelques nuits de cela et pourquoi, subitement et au même moment, son visage était revenu « couvert de bleus » - ce n'était pas lui mais les remarques exagérément démesurées d'Hiluluk, un autre des chirurgiens en chef qui était continuellement en rivalité avec la vieille Kureha. Law n'avait pas menti dans ses explications, il n'avait pas eu l'envie de le faire, ni le temps et encore moins l'énergie de trouver des excuses crédibles. Au moins, il pouvait dire à tous ceux qui le questionnaient d'appeler directement le brigadier en chef Sengoku et même leur donner son numéro personnel, ce qui n'était qu'une petite vengeance pour toutes les fois où le mentor de Cora l'avait contacté inlassablement pour les périodes des fêtes.

Bien évidemment, il n'avait pas mentionné Ace à ses supérieurs et collègues, il avait simplement dit qu'un vieux flic l'avait sur la base de simples soupçons dû à son apparence arrêté (ce qui ne dérogeait pas de la réalité) et cela avait semblé tous les convaincre. Il n'avait même pas, malgré ses doutes, été appelé dans le bureau du directeur Vegapunk alors Law pensait que cette histoire en était terminée. Si la plupart de ses collègues semblaient encore plus l'éviter qu'auparavant ce n'était qu'un dommage collatéral bénéfique à sa petite aventure qu'il acceptait volontiers, surtout après que d'autres, au contraire, semblaient toujours avares de plus de détails et essayaient véritablement de l'approcher pour de la drogue.

Les seuls à qui il avait raconté toute l'histoire était Bepo, Penguin et Shachi. Eh bien, il en avait avant tout parlé à Shachi qui n'avait cessé de lui casser les oreilles et de le suivre partout pendant et en dehors de ses quarts de pauses pour savoir ce qui était arrivé. Et, fait au combien non surprenant, quand il l'avait su, il n'avait pu s'empêcher de le raconter à Penguin et Bepo. Certainement que Law aurait dû être en colère s'il ne le connaissait pas tant, mais Shachi était son ami depuis des années maintenant et il savait pertinemment en lui en parlant qu'il ne pourrait pas se taire à ce sujet. C'était même arrangeant qu'il se soit chargé pour lui de faire passer l'information à Penguin et Bepo, au moins Law n'avait pas à faire face directement à leur réaction. Ou du moins, il avait eu un peu de temps pour s'y préparer.

_Bonjour, monsieur le délinquant, Pen pensait apparemment que c'était une façon hilarante pour le saluer. Alors, comment c'est la garde à vue ?

_Très drôle, Law répondit-il sarcastiquement sans pour autant s'arrêter.

Il n'avait pas le temps de parler, et certainement pas de ce sujet. Mais depuis qu'il connaissait son ami, il aurait dû mieux savoir. Pen, bien que plus court que lui en taille, avait, semble-t-il, pris l'habitude de ses grandes enjambées et il n'avait pas autant de mal que les autres de le suivre. Ce qui était frustrant, vraiment, quand Law ne pouvait plus simplement marcher pour éviter les discussions ennuyeuses – même si au fond de lui il devait reconnaître qu'il était touché de la persévérance de ses amis.

_Tu sais que Bepo est en train de se faire un sang d'encre, non ? Je crois qu'il est en ce moment-même en train de préparer une intervention ou quelque chose comme ça.

_Une intervention pourquoi ?

Pen haussa les épaules, continuant de marcher à côté de lui en trottinant comme si de rien était.

_Je sais pas mais il est très impliqué.

Law grimaça, il n'avait pas besoin que Bepo commence à s'inquiéter plus qu'il ne le faisait déjà pour tout. Ni d'une intervention.

_Tu vas nous le présenter un jour ?

_Qui ?

_Ce gars… Ace, c'est ça ?

Si Law n'était pas tant élancé pour aller à la cafétéria avant qu'il ne doive retourner dans le bureau de Kureha, il se serait certainement arrêté net.

_Pourquoi ?

_Oh, allez, sourit Pen et Law n'aimait pas du tout cela, tu n'as pas eu de petit-ami depuis une éternité. En fait, je ne crois même pas t'avoir déjà vu engagé avec quelqu'un d'une manière ou d'une autre qui ne se résume pas à une nuit à peine. Et encore, Pen sembla-t-il bon de rajouter, tu n'as approché personne depuis des mois à ma connaissance.

_Ace n'est pas mon petit-ami ou quoi que ce soit, soupira Law, déjà fatigué par toute cette conversation qui se dirigeait vers un terrain glissant et qu'il n'aimait pas beaucoup.

Heureusement, Pen n'ajouta rien mais le sourire narquois sur son visage, qu'il essayait définitivement de cacher derrière un faux air innocent, ne le dupait pas. Law, néanmoins, fit comme s'il ne faisait pas attention et continua son chemin.

_La prochaine fois je t'apporterai une petite cuillère cachée dans un gâteau, capt'aine, ricana Pen assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre. Tu sais, histoire que tu creuses un tunnel !

Cette fois-ci, et à bas le règlement, Law lui fit un doigt d'honneur tout en continuant son chemin. Et alors qu'il pouvait entendre le rire de Penguin derrière lui, il se fit la réflexion qu'il n'avait aucune idée si ses amis se montraient le plus souvent amicaux comme de véritables personnes ou s'ils étaient tout simplement des connards.


Ce n'était pas que Law pensait activement à éviter Ace, mais il n'avait rien à faire au cinquième étage et même lorsqu'il devait le traverser pour se rendre dans une autre partie de l'hôpital, il y avait toujours d'autres chemins empruntables. Une fois, semblait-il, il avait l'impression de l'avoir croisé dans le hall d'entrée principal mais quand il s'était retourné, il n'était nulle part en vue. Et avec la disparition d'Ace de sa vie, les rêves érotiques n'étaient plus d'actualité, eux non plus. Dans un sens, Law était soulagé mais pas totalement. L'anniversaire du décès de Cora approchait et ces dernières semaines, sa rencontre avec Ace avait permis de lui changer les idées. De le garder sain d'esprit à défaut de le tenir éloigné de la prison, pensa-t-il sarcastiquement.

Maintenant que Law n'avait rien pour occuper son esprit en dehors des heures de travail et que Kureha l'avait menacé que s'il restait encore plus longtemps que ses horaires habituels elle trouverait un moyen de le faire passer en conseil de discipline, il n'avait d'autre choix que de faire face à ses pensées. Et de cette manière, il s'était tourné à nouveau vers toute l'enquête qui couvrait l'assassinat de Cora. Oh, il connaissait les fichiers par cœur et cela n'avait aucun autre but que de le replonger dans ses souvenirs. Il lui arrivait d'en rêver aussi, de revivre l'infiltration de Cora dans le gang de son frère et toutes les interactions qu'ils avaient eu alors.

Dès le premier jour, Law ne lui avait pas fait confiance. Il ne faisait confiance à personne à l'époque, même à la grande famille Don Quichotte qui clamait l'avoir adopté, mais quelque chose paraissait être encore plus étrange avec celui qui se présentait sous le nom de Corazon. Pas aussi pourri que l'était Doflamingo mais étrange et factice. Et quand finalement il avait découvert la vérité, ou plutôt que l'officier la lui avait révélée, le premier réflexe de Law avait été de fuir. Il avait d'abord pensé que c'était un piège, une ruse de la famille pour le tester mais, un sentiment persistant que tout cela n'était pas faux l'avait empêché d'en parler avec Doflamingo ou n'importe qui d'autre. Et d'une manière ou d'une autre, Cora lui avait fait confiance et il avait grandi sur lui, Law l'avait cru à son tour et le plus vieux avait tout fait pour le sortir d'ici.

_Pourquoi moi et pas les autres ? Law avait-il demandé un jour, quelques mois après qu'il ait suivi Cora, abandonnant une autre vie derrière lui.

Pourquoi lui et pas Baby 5 ou Buffalo, était une question qui l'avait taraudé pendant longtemps.

_Les autres enfants forment une véritable famille avec mon frère, toi, tu as toujours été distant avec eux. J'aurai souhaité faire plus mais il n'y a que toi que je suis en mesure d'aider. De sauver. Tu as encore la vie devant toi, Law, ne vas pas la gâcher. Fais quelque chose qui te rends fier de toi-même. Fais-le pour toi.

Ses paroles, malgré toutes les émotions qu'elles lui avaient fait ressentir, étaient restées incompréhensible à Law pendant des années, jusqu'à ce que Cora soit assassiné. C'était Sengoku qui était venu frapper à la porte de l'appartement qu'il partageait avec l'officier. Law s'en souviendrait probablement toute sa vie. Ses examens de deuxième année venaient d'être validés et sa vie avait basculé à tout jamais, une fois encore. Tout ce à quoi Law avait pu penser pendant des mois et des mois avaient été de se venger de Doflamingo. La colère et la soif de vengeance s'étaient emparées de tout son être. Il avait voulu se venger du monde entier pour la perte de sa famille et de Cora, et s'il avait renoncé ce n'était pas parce que ses amis avaient été là ou parce que Sengoku avait, à son tour, essayé de s'incruster dans sa vie. C'était bien plus lamentable que cela. Law en était seulement venu à la réalisation, une évidence, vraiment, que certaines choses, mêmes les plus désirées, étaient inatteignables. Il n'avait pas les ressources pour s'en prendre à Doflamingo.

Et tout ce qui lui restait à l'époque, étaient un vieux dessin de sa famille, quelques photographies de Cora, sa collection de livres et ces quelques mots qui l'incitaient à faire quelque chose de sa vie.


D'une manière des plus ironiques, les choses semblaient vouloir se répéter. Lorsque Law recroisa le chemin d'Ace à nouveau, c'était plutôt lui qui tomba sur sa route. Ou, qui une fois encore, marcha droit devant sa voiture, manquant de peu de se faire renverser. Si le Destin existait réellement, Law pourrait le qualifier de farceur de merde.

Et pour une raison qui lui échappait complètement ou très certainement parce qu'il avait perdu toute raison, Law proposa à Ace de le conduire. En réalité, il ne lui laissa pas vraiment le choix, il lui dit d'un ton sec de monter dans sa voiture, « et plus vite que cela », et qu'il le ramenait chez lui.

Tout était étrange, même la tension entre eux deux qui n'avait plus rien à voir avec celle sexuelle des autres fois qu'Ace avait été dans sa voiture. Au début, ils ne parlaient pas vraiment mais alors que la route se faisait de plus en plus ennuyante et longue, Law, redoutant de s'endormir au volant, questionna Ace sur ses études.

_J'ai abandonné, lui révéla-t-il en haussant les épaules comme si cela avait été quelque chose d'inévitable dès le premier jour.

_Qu'est-ce que tu vas faire ?

_J'sais pas. J'ai trouvé un travail de nuit dans une station essence pour l'instant. Peut-être que je ferai quelque chose d'autre un jour.

_Et ton rêve de devenir business man ? demanda Law alors qu'en réalité il se rendait compte n'avoir jamais demandé à Ace avant ce vers quoi il se dirigeait, ni quels étaient les débouchés d'une école de commerce.

D'ailleurs, cela sonnait faux dans sa bouche mais, au moins, ses mots eurent le méritent de faire rire Ace un peu. Quelque chose de brisé et de moche.

_Ça n'a jamais été mon rêve, mais c'était soit m'engager dans des études qui ne me feraient pas finir au Pôle emploi, soit passer le concours de flic. Le choix était vite fait et comme mes notes n'étaient pas trop mauvaises en économies, je suis parti en école de commerce.

_Et parce que ton connard de grand-père connaissait le directeur.

Surpris, Ace le toisa du regard avant de rire à nouveau, visiblement pas contrarié pour un sou par l'insulte.

_Oui, c'est ça. Je suis surpris que tu t'en rappelles.

_On ne voit pas du népotisme-positif tous les jours.

_J'imagine.

Law fredonna, plus concentré sur le feu qui venait de passer au rouge que sur la perspective, que dans un autre monde, Ace pouvait faire partie de la police. Ce qui aurait pu être cocasse si c'était lui qui l'avait arrêté.

_Tu n'as pas une idée de ce que tu voudrais faire ?

_Pas vraiment, marmonna Ace.

Puis, il ajouta après un silence :

_Ma mère voulait ouvrir un café pour les lecteurs, c'était un projet qui lui tenait vraiment à cœur. Mais je n'aime ni la lecture, ni le café.

_Pourquoi ne pas choisir quelque chose qui te plaît ? demanda Law en prenant un tournant.

D'ordinaire, il n'était pas aussi loquace avec les gens mais apparemment, aujourd'hui, conduire lui déliait la langue.

_ « Fais quelque chose qui te rends fier de toi-même. Fais-le pour toi ». C'est le conseil qu'un… ami m'a donné il y a quelques années. Si ça peut t'aider.

_C'est un conseil bidon. Est-ce que ton ami a toujours des phrases toutes faites comme celle-là ?

_Eh bien, il est mort.

_Oh, marmonna Ace, visiblement gêné.

Mais étrangement, il ne s'en excusa pas comme le faisait la plupart des gens et Law dut s'obliger à ne pas lui jeter un coup d'œil en coin pour rester concentrer sur la route.

_Ma mère est décédée il y a six mois, révéla alors Ace et Law commença à se demander à quel moment ce trajet en voiture s'était transformé en déballage de vie et de traumatismes. Elle ne m'a jamais dit quoi faire de ma vie, je pense qu'elle voulait m'en laisser pleinement le choix et elle a toujours travailler d'arrache-pied pour que je choisisse la vie que je voulais. Elle a mis pas mal d'économie de côté pour si un jour je voulais faire une grande école, et au final tout ça n'a servi qu'à payer une école de merde de commerce que je ne vais jamais terminer.

Law n'avait pas besoin de l'entendre dire pour comprendre à son ton résigné et moqueur qu'Ace regrettait sa décision. Qu'il avait l'impression d'avoir gâché tous ses efforts, et franchement, Law le pensait aussi. Mais ce n'était pas Ace qui avait forcé sa mère à faire cela.

_Hey, tenta Ace pour changer de sujet, pourquoi tu es en médecine ? Pour sauver des vies ?

_Quelque chose comme ça, marmonna-t-il en réponse, les yeux toujours concentrés sur la route.

En réalité, Law ne s'était jamais réellement posé la question. C'était comme si ce chemin lui était tracé depuis toujours. Ses deux parents avaient été médecins, sa mère cancérologue et son père généraliste. Il ne se rappelait pas un souvenir d'enfance évoquant son avenir professionnel dans lequel ses parents ne faisaient pas allusion à perpétrer la tradition familiale. Mais ce n'était pas comme s'il allait s'en plaindre ou qu'il n'aimait pas son travail. C'était juste comme si cela coulait de source, qu'il devienne chirurgien, même s'il ne savait pas comment cette envie lui était venue. Peut-être bien que l'unique fois où il avait perdu cet objectif de vue était lorsqu'il avait rejoint la famille Don Quichotte. Et lorsque Cora l'avait remis sur les rails du plus ou moins droit chemin, et qu'il lui avait dit de ne pas gâcher sa vie, c'était tout naturellement qu'il s'était tourné vers des études de médecine.

_Je ne sais même pas en quoi tu te spécialises, d'ailleurs.

_Je n'en ai jamais parlé.

Il y eut un silence avant qu'Ace n'ouvre à nouveau la bouche :

_Alors, heu, tu vas me dire ? Ou tu préfères te taire et rester mystérieux ?

Law n'était pas certain de vouloir lui répondre, toute cette conversation tournait trop au personnel et aux détails sur leur vie. C'était putain d'étrange et dérangeant. Mais au point où ils en étaient, pensa-t-il avec un soupire.

_Chirurgie cardiaque.

_Woah, c'est un gros truc. Et tu as suivi le conseil de ton ami, ça te rend fier ?

La question, en soit, malgré l'implication personnelle qu'elle demandait en tant que réponse, n'avait rien de surprenant. Pourtant, Law ne sut quoi répondre et il haussa les épaules, en marmonna un « peut-être », mimant d'être trop concentré sur la route.

_Tu vois, continua Ace, personne ne réussit à être fier de ce qu'il accomplit.

Et Law ne savait pas si ce commentaire s'adressait à lui, Ace lui-même ou quelqu'un qui n'était pas ici, avec eux dans la voiture.


Il n'y avait toujours aucune raison pour que Law aille traîner au cinquième étage, les patients en chirurgie se trouvaient davantage au troisième et les quelques ceux qui étaient éparpillés dans d'autres, faute de place, n'étaient pas sous sa responsabilité. Pourtant, depuis les deux semaines écoulées après qu'Ace se soit à nouveau jeté sous les roues de sa voiture et qu'il ait eu la gentillesse de le conduire chez lui, il ne l'avait jamais autant croisé. Ou plutôt, il se doutait qu'Ace partait à sa recherche car il était tombé sur lui à des coins de couloirs, à la cafétéria et dans le hall d'entrée. Comme si dès qu'il venait à l'hôpital (pourquoi aussi souvent, d'ailleurs ? Visitait-il toujours la même personne ? Rares étaient les patients qui restaient autant de temps hospitalisés depuis que l'état avait fait des coupures dans les fonds accordés à la santé), il le cherchait. Et pour ce soudain intérêt à son égard, Law ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même, qu'après toutes ces péripéties au commissariat, il n'ait pas coupé définitivement les ponts et qu'il se soit ouvert à lui, même à minima. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ?

Lorsque cela arrivait, qu'ils tombaient nez à nez l'un sur l'autre, parce que jamais Ace ne le hélait au loin comme s'il ne voulait laisser aucune chance à Law de s'enfuir ou de l'ignorer, eh bien, ce n'était pas aussi dérangeant qu'il aurait pu le penser. Ils ne parlaient que quelques minutes parce Law avait toujours quelque chose d'important à faire mais aujourd'hui, les choses allaient certainement être différentes parce qu'il venait de commencer sa pause déjeuner lorsqu'il avait aperçu Ace. En réalité, il était trop préoccupé par ses propres pensées pour le voir jusqu'à ce que le plus jeune déboule à côté de lui alors qu'il venait de prendre son plateau repas. Après cela, il n'avait pas vraiment eu d'autre choix que de le suivre, et de toute manière, il était trop fatigué pour protester.

Ace ne semblait pas s'en être aperçu parce qu'il tentait tant bien que mal de faire la conversation, posant les questions les plus improbables.

_Je pensais à un truc, poursuivit Ace et Law savait déjà que cela n'allait pas lui plaire, ça fait quoi de « découper » des gens ?

Eh bien, personne ne lui avait encore posé cette question sobre. D'ordinaire, c'était le genre de chose trop sensible, trop glauque pour être discuté sans que les gens avouent leur curiosité sans un peu d'aide. Ace, cependant, ne semblait pas le moins du monde dérangé par cela, comme s'il lui avait demandé à quoi servait un problème mathématique.

_Ce n'est pas comme découper un steak, répondit Law en se concentrant sur le pavé calciné et dur dans son assiette qui aurait dû être un steak selon le menu de la journée.

_Mais il y a une différence entre couper de la viande… animale et un corps humain. Je veux dire, tu ne t'es jamais dit que c'était la même chose ? Est-ce que tu ressens un certain dégoût en le faisant, c'est quand même pas anodin.

Ce n'était pas quelque chose dont Law avait discuté avec ses collègues, ni avec ses amis. Ils n'avaient non plus jamais eu de cours à l'université les préparant à ce que cela faisait de « découper quelqu'un », ni de prévention mentale à cela. En réalité, Law n'avait jamais été dégoûté par une opération, il y avait même quelque chose d'extrêmement hypnotisant à regarder à l'intérieur de quelqu'un.

La toute première fois, évidemment, la sensation avait été des plus étranges et cela n'avait rien à voir avec couper ce qui se trouvait dans son assiette. Mais il n'avait jamais été dégoûté par cela, il ne s'était jamais posé plus de questions et lorsqu'il était en salle d'opération, c'était comme si son esprit se déconnectait du reste pour ne se concentrer que sur cette seule tâche. Et ce depuis le premier jour alors qu'il pouvait encore se rappeler d'un interne qui avait vomi ses tripes dans une poubelle à la sortie du bloc, une fois l'opération terminée.

Il pensait que tout le monde réagissait différemment et avait son propre avis sur la question.

Mais toute cette discussion ressemblait beaucoup trop à une partie de la série Hannibal et pourtant Law n'en avait jamais vu ne serait-ce qu'un extrait d'épisode. Et pourquoi donc Ace se posait-il de telles questions éthiques aussi tôt dans la journée ? Law était trop épuisé pour y répondre après avoir passé six heures d'affilées au bloc opératoire après avoir été recruté en plein milieu de la nuit.

L'arrivée opportune de Bepo lui permit de faire une pause, l'espace d'un temps tout du moins.

_Hey, capt'aine… euh, bonjour.

_Bonjour, je suis Ace.

_Bepo, enchanté.

Et dans toutes ses présentations complètement inutiles, Law en était certain, il garda résolument sa tête baissée sur son plateau repas. Il avait abandonné le morceau de viande pour la salade à côté qui baignait dans la vinaigrette.

_Je t'ai apporté ça.

Et quelques instants après, Bepo déposa devant lui une boite en plastique triangulaire contenant un onigiri. Law l'accepta calmement, ils savaient tous les deux pourquoi il était allé l'acheter au petit restaurant japonais à quelques pâtés d'immeubles de l'hôpital et il n'avait aucune chance de protester. Bepo ne le laisserait pas faire, de toute manière.

Heureusement, son meilleur ami eut la présence d'esprit de ne pas s'attarder ce sur quoi ils savaient mais Law n'était pas certain que questionner Ace et faire sa connaissance soit une meilleure option. Surtout à la vue des coups d'œil et du sourire à peine voilé que Bepo lançait sans cesse à Law, ce dont, franchement, il ne comprenait pas l'intérêt.

Cependant, le moment où les choses commençaient à devenir vraiment risquées ce fut lorsque Shachi apparut à son tour.

_Salut, capt'aine, dit-il d'un ton résigné qui tourna à la surprise en découvrant Ace. Et toi ?

_Oh, bonjour, je suis Ace.

_Oh, Ace. Je suis Shachi.

Et juste comme cela, toute la gravité avec laquelle il s'était joint à eux s'était envolée et Shachi débordait maintenant de fierté et d'un enthousiasme irritant. Heureusement, avant que les choses ne puissent aller plus loin, Ace annonça qu'il devait aller travailler parce qu'il avait des heures supplémentaires à assurer à partir de midi et demie.

_Alooors ?

Shachi souriait beaucoup trop lumineusement une fois Ace hors de vue. Et Law prit la sage décision de l'ignorer. Son ami, cependant, toujours aussi persévérant, prit celle de continuer parce qu'apparemment, il n'avait rien de mieux à faire que de l'embêter.

_Aaaaace, hein ?

C'en était trop pour Law qui le fusilla du regard mais cela n'avait plus aucun effet sur ses amis depuis des années, apparemment. Tout ce que cela provoqua, c'était l'agrandissement du sourire de Shachi et le début du tapotement de ses doigts contre la table.

Il était tout de même reconnaissant qu'ils n'aient pas parlé de l'opération et du décès qui n'avait pu être évité.

_Je pensais qu'après ce qui était arrivé tu l'éviterais, mais regardez-vous à partager un repas !

Eh bien, Law n'allait définitivement pas parler du restaurant indien, ni de sa nouvelle habitude, apparemment, de conduire Ace chez lui dès qu'il se jetait sous ses roues.

_Il était déjà là quand je suis arrivé et il m'a invité.

_Oooh, roucoula Shachi. Vous êtes amis maintenant ?

_Je suppose, quelque chose comme ça.

_Bepo, tu as vu, notre petit Law grandit ! Il se fait des amis !

La manière qu'avait Shachi de sourire, et Bepo de se mordre les lèvres, étaient pour le moins irritantes et Law pensait que c'était le signal de son départ.

_Eh, tu n'as pas mangé ton onigiri, dit Bepo alors qu'il s'apprêtait à se relever et instantanément le visage de Shachi tomba.

_Oh, merdre, mec, c'est vrai. Qu'est-ce qui est arrivé ?

Law n'avait aucune envie d'entrer dans les détails alors il ne dit que quelques mots. L'opération sur laquelle il avait été appelé à la dernière minute au milieu de la nuit devait être réalisée sur un homme victime d'un grave accident de la route et malgré les heures passées au bloc et l'énergie dépensée de l'équipe médicale, le patient était décédé. Law ne savait pas de quelle manière Bepo l'avait appris mais il n'avait pas été surpris lorsqu'il avait déposé l'onigiri devant lui. Ce genre de geste, ce genre d'attention, était une tradition que leur petit groupe avait mis en place lorsqu'en première année d'internat, Penguin avait dû faire face à son premier décès. Au tout premier pour chacun d'entre eux. Law ne se rappelait pas vraiment avoir été particulièrement secoué par le sien, à l'exception de la colère qu'il avait ressentie face à lui-même pour ne pas avoir été capable de faire mieux, mais Pen, lui, avait été vraiment chamboulé.

Comme l'étudiant qui avait vomi dans une poubelle à la sortie de sa première opération, ils avaient retrouvé leur ami en train de vomir dans les toilettes des visiteurs, les larmes aux yeux. Depuis, leur petit groupe s'était mis d'accord pour un pacte : lorsqu'un décès de patient arriverait à n'importe lequel d'entre eux, les autres feraient quelque chose d'attentionné en soutient. Law, bien qu'ayant prêté serment avec eux dans les toilettes, sur le carrelage sale et brisé, n'avait jamais imaginé que ce serait pris au sérieux. Il avait été surpris, lorsque les mois suivants, et qu'il avait été témoin de son premier décès lors d'une opération, ses amis avaient honoré leur pacte qu'il avait alors oublié. Peut-être était-ce parce que pour eux, la mort était quelque chose d'horriblement exceptionnel à l'époque, pourtant, malgré des années passées et des morts entassés, le rituel avait persisté.

_Je pense qu'on peut avancer la soirée pizza à ce soir, annonça Shachi.


Ce n'avait pas été si mal, pensa Law. Eh bien, s'il oubliait que son appartement avait été investi sans qu'il n'ait eu son mot à dire (en réalité, il avait protesté mais ses mots étaient aussi bien entrés par une oreille que ressortis par l'autre tout aussi rapidement), et que Pen et Shachi s'étaient endormis sur son canapé. Il aurait pu les réveiller et les mettre à la porte, mais il était déjà plus de trois heures du matin et ils avaient besoin de dormir avant de tous retourner travailler le lendemain.

_Tu sais qu'ils seront grognons au réveil, lui fit remarquer Bepo en revenant de la cuisine où il avait ramené les bouteilles vides et les plats sales.

Law le regarda étendre la couverture jaune qui trainait habituellement sur son canapé pour recouvrir les deux idiots. Il était bien plus préoccupé par le réveil qui sonnait d'ici quelques heures à peine et toutes les miettes de chips qu'il allait retrouver pendant les prochains jours dans son salon. Il le savait pourtant qu'il n'aurait jamais dû accepter une partie de poker avec des apéritifs comme jetons.

_C'est bon, laissons-les dormir.

Bepo haussa les épaules et il finit de récupérer ses affaires. Mais une fois devant la porte d'entrée, il hésita.

_Tu peux rentrer chez toi, c'est bon.

_Tu es sûr que ça va aller ?

_Ça ira mieux quand je pourrai enfin me coucher.

Bepo semblait toujours incertain mais le message était passé et il quitta l'appartement après qu'ils se soient souhaités une courte mais bonne nuit. Malgré sa réticence précédente, la soirée n'avait pas été aussi mauvaise que Law l'aurait pensé, pourtant il avait hâte de rejoindre sa chambre. Quand la porte d'entrée fut verrouillée, il jeta à peine un regard aux deux autres hommes endormis sur son canapé, dans des positions qui rendraient leur dos et leur nuque douloureux au réveil.

Pourtant, une fois dans son lit et la lumière éteinte, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil à son téléphone. S'il ne passait pas beaucoup de temps dessus, il vérifiait régulièrement ne pas avoir manqué un appel important lui demandant de se rendre à l'hôpital immédiatement. Il n'y avait rien de tout cela mais un message d'Ace, ce qui lui fit froncer les sourcils. Ils n'avaient plus échangé de textos depuis que Law était venu le récupérer à son ancienne école de commerce.

Ace : j'ai dit quelque chose de bizarre tt à l'heure ? tes collegues me regardaient bizarrement

Ace : sinon ils ont l'air cools :)))

Son froncement de sourcils s'accentua à la vue d'un manque flagrant des règles de typographie et des accents. Il n'avait jamais compris pourquoi les gens pensaient qu'il était bon qu'une conversation écrite ne respecte pas le b. a. -ba de la langue française, ni ce besoin d'ajouter des emojis et des émoticônes. Aucune ponctuation ne pouvait ressembler un tant soit peu à de réelles expressions humaines et à quel moment avait-il été approuvé qu'un humain puisse avoir un triple sourire comme celui-ci ?

Cela ne le surprenait pas vraiment que le langage sms d'Ace ressemble à cela, c'était après tout, celui de la plupart des gens aujourd'hui. Mais cela ne lui avait pas sauté aux yeux plutôt, peut-être était-ce une habitude qu'il n'avait pas remarquée auparavant.

Law : Tu n'as rien fait. Ils étaient préoccupés parce que l'un de mes patients est mort lors d'une opération.

Après une dernière vérification que son réveil était bien enclenché et qu'au moindre appel, la sonnerie le réveillerait, Law plaça son téléphone sur sa table de chevet. Mais quelques minutes à peine après, le son des notifications retentit.

Ace : merde

Ace : ça craint

Ace : tu veux en parler ?

Law : Ce sont des choses qui arrivent.

Law : Merci mais je n'en ai pas besoin.

Ace : tu es sûr ?

Ace : tu as besoin de te changer les idées ?

Ace : si tu ne veux pas rester seul

Depuis quand Ace et lui étaient devenus proches au point que ce genre de proposition se fasse ? En plein milieu de la nuit, qui plus est. Il savait que le nouveau travail d'Ace se faisait sur des horaires particuliers mais s'il s'y trouvait ne ferait-il pas mieux de rester concentrer au lieu de venir s'enquérir de lui comme cela ?

Rapidement, Law tapa en réponse qu'il n'était pas seul et qu'il avait passé la soirée avec des amis. Puis, il ajouta qu'Ace n'avait pas besoin de s'inquiéter avant de poser son téléphone sur sa table de chevet. Il sonna une nouvelle fois mais sachant que ce n'était rien de vital pour qui que ce soit, Law l'ignora et s'endormit.


Comme l'avait prévu Bepo, Pen et Shachi étaient grognons au réveil et Law fit de son mieux pour les ignorer. Si son café était trop fort ou que c'était un « crime » qu'il n'ait pas de céréales pour le petit-déjeuner, ce n'était pas son problème.

A la place, il préféra regarder le message qu'Ace lui avait envoyé.

Ace : d'accord :)

_Qui est-ce ? demanda Penguin, à moitié penché au-dessus de son épaule pour attraper la bouteille de lait.

_Certainement son nouvel ami, grommela Shachi en remplissant sa tasse de café avec du sucre.

_Un nouvel ami ?

_Il s'appelle Ace. Tu sais le gars donc le père ou l'oncle est flic.

_Ooooh, roucoula Pen.

Law grimaça. Pourquoi Shachi et lui avaient-ils besoin d'être aussi similaires. S'il entendait un roucoulement de plus à propos d'Ace, il allait s'énerver.

_Je pensais que tu ne voulais plus le voir après ce qui était arrivé.

_C'est exactement ce que j'ai dit !

Pourquoi avait-il laissé ces deux crétins dormir chez lui ? La prochaine fois, peu importe l'heure, la météo ou n'importe quoi, il les renverrait chez eux.


Voilà! J'espère que ce chapitre vous a plu :) On se retrouve la semaine prochaine et surtout n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé :)

A bientôt!

Willoh.