Bonjour tout le monde !

Voilà le septième chapitre! Il a été, je crois, le plus difficile à écrire de tous, certainement parce qu'en l'écrivant, je me rendais compte que cette histoire devait avoir une fin (qui arrivera dans trois chapitres) et que je n'avais pas envie de laisser Law et Ace partir ahah. Dans tous les cas et comme d'habitude, les triggers warning :

/!\ triggers warning /!\

Cette histoire fait référence à des thèmes plus ou moins sombres comme la dépression, la maladie, le deuil et l'usage de drogues. Il y a également une description de scène de sexe dans ce chapitre.


Chapitre sept : les phares dans la nuit.


Roger était encore plus décrépi que la dernière fois qu'il l'avait vu. Ce qui ne remontait qu'à trois jours seulement. Il ne devrait plus en avoir pour très longtemps, pensa Ace, complètement exempte de chagrin.

Le chagrin. C'était un sentiment qu'il ne ressentait pas et ne ressentirait jamais pour cet homme exécrable. Les seules émotions que son géniteur lui inspirait n'étaient liées qu'à la colère et à la fureur. Elles couvaient en lui depuis si longtemps sans qu'il n'ait pu les exprimer, que comme la lave d'un volcan, Ace pouvait les sentir bouillonner dans sa poitrine, prêtes à exploser. Chaque nouvelle visite ne faisait que les accentuer, se rapprochant petit à petit du jour où elles craquèleraient sa surface.

Le dégoût aussi était quelque chose qu'Ace connaissait bien, associé étroitement à Roger. Si au début cela était né de ses actes et de sa conduite, il s'intensifiait depuis qu'il dépérissait, qu'il se rapprochait de l'article de la mort chaque jour un peu plus, et que son corps prenait l'apparence d'un cadavre. Il n'avait plus sa stature forte et droite qu'Ace avait connue des photographies trouvées sur Internet. Ses muscles avaient comme disparus, sa peau était devenue flasque, ridée et tachée. Grise, même, comme la cire d'une bougie inallumée depuis des décennies et que la poussière avait fini par imprégner.

L'homme se décharnait, ses os devenant toujours plus apparents au point que son visage s'était tellement aminci ces derniers mois qu'il ressemblait encore plus à celui d'Ace. Comme deux gouttes d'eau, s'il faisait abstraction des rides et de son crâne chauve. Il n'avait même plus de moustache ou de sourcils, certainement à cause de la chimiothérapie. Pourtant, Ace avait l'impression d'être poussé devant un miroir chaque fois qu'il posait les yeux sur lui. Et cela lui donnait un haut le cœur.

Cette ressemblance, qui avait été la fierté de sa mère, était des plus troublantes. A quel point était-il possible pour une personne, seulement par ses gênes, de ressembler à une autre alors même qu'elles ne s'étaient jamais fréquentées ?

Et depuis qu'Ace visitait Roger à l'hôpital, c'était comme si cette ressemblance se faisait plus frappante à chaque fois. Dans ses souvenirs, Marco lui avait, une fois, parlé d'une étude selon laquelle à force de se fréquenter les gens finissaient par se ressembler. Apparemment, cela arrivait surtout aux couples ou aux personnes vivants ensemble parce que chacun copiait les habitudes et les mimiques de l'autre, mais la même chose pouvait se passer entre un maître et son animal de compagnie. Si cette chose était réelle, Ace ne pensait pas qu'elle s'appliquait à lui et Roger. Tout cela n'était que dû à leur situation. Roger devenait un cadavre desséché et Ace, depuis le décès de sa mère, ne ressemblait plus vraiment à un être humain en bonne santé. Il savait qu'il avait perdu du poids depuis ces sept derniers mois, que son teint était devenu plus blafard et que les insomnies qui le paralysaient pendant des nuits entières certaines fois, rendaient ses yeux mornes.

C'était très certainement, par ailleurs, son point de ressemblance le plus fort avec Roger. Tout comme lui, Ace avait des yeux noirs, abyssaux disait toujours Rouge et elle les aimait tant, et Roger avait eu exactement les mêmes. C'était d'ailleurs ce qui inquiétait le plus Ace lorsqu'il avait découvert la vérité, que quelqu'un fasse une remarque sur son regard un jour. Cela avait toujours surpris les gens, un commentaire récurrent qui pouvait tantôt être un compliment émerveillé qu'un dégoût mal dissimulé, et c'était cette même caractéristique physique que les médias avaient mise en avant lorsque Roger avait été arrêté. « L'homme aux yeux de Démon », l'avaient-ils surnommé.

En réalité, Ace n'avait vu en face les yeux de son géniteur qu'une poignée de fois, lorsque celui-ci n'était pas totalement shooté par les médicaments. Et, à chaque fois, il avait été frappé par le manque flagrant de la fureur qui les caractérisaient sur les photographies, tout autant qu'il en avait eu le ventre retourné lorsqu'il avait eu l'impression que c'était son propre regard morne qu'il fixait.

Sa ressemblance avec Roger semblait ne jamais prendre fin, alors, pensa-t-il amèrement et si le cerveau pouvait goûter des pensées, celles-ci auraient eu un goût âcre et aigre.

Et cette ressemblance n'indiquait pas seulement à Ace à quel point sa propre vie s'était dégradée ces derniers temps, il pouvait sentir le dégoût vis-à-vis de lui-même grandir lui-aussi.

C'est la sonnerie de son téléphone qui le tira de ses pensées. Les trente minutes habituelles de visites s'étaient écoulées, et Ace n'avait aucun scrupule à partir maintenant même s'ils n'avaient échangé aucun mot et qu'il les avait passé à ruminer devant un Roger endormi. Néanmoins, au moment de faire demi-tour, il jeta un dernier regard de dégoût en direction de cet homme, ne pouvant s'empêcher de se demander s'il était condamné à devenir une copie de lui. Puis ses yeux dérivèrent sur la table de chevet à côté de son lit. Dessus étaient empilés quelques livres et magasines, ainsi qu'un jeu de Dames dont la partie inachevée ressemblait bien trop à celle que Roger et lui n'avaient pas terminé la dernière fois.

Tss, quel point voulait-il faire valoir avec ça, se demanda Ace. Que malgré tout il était un père soucieux et aimant ? Quelle blague.

Et sans un regard de plus, il quitta la chambre d'hôpital, prêt à passer à autre chose dans sa journée. C'était juste dommage que son esprit n'ait pas reçu le mémo et ne cesse de tourner en boucle autour de Roger.

Heureusement, tandis qu'il marchait dans les couloirs de l'hôpital, la délivrance d'Ace se profilait à l'horizon dans sa blouse bleue caractéristique. Son pas s'accéléra un peu, se faisant plus léger à l'idée de pouvoir lui parler mais en se rapprochant, il découvrit Law en train d'avoir une discussion avec quelqu'un. Il ne savait pas trop si c'était une autre interne ou une infirmière mais son uniforme semblait vraiment démodé par rapport aux autres.

Law ne l'avait pas vu, et il ne parlait pas assez fort avec sa collègue pour attirer l'attention mais à la manière que le visage de chacun se crispait et à leurs sourcils froncés, il était clair qu'ils se disputaient. Alors, Ace resta en retrait, les observant de loin. Depuis le temps, l'ecchymose que Garp avait provoqué sur le visage de Law avait viré de toutes les couleurs avant d'enfin commencer à s'estomper. Désormais, elle était à peine visible, laissant seulement une petite traînée de marque bleue et verte sur la partie haute de sa pommette.

Ils n'avaient jamais reparlé de cette histoire, malgré les quelques fois où ils s'étaient croisés. Et Ace n'en revenait toujours pas qu'ils passent du temps ensemble. C'était la situation la plus étrange qu'il n'ait jamais vécue. Il avait été persuadé qu'après tout ce qui était arrivé, Law ne voudrait plus jamais qu'il ne l'approche mais il avait accepté de dîner avec lui après avoir été relâché du commissariat et, d'une façon ou d'une autre, ils s'étaient recroisés à plusieurs reprises. Ace imaginait que c'était une bonne chose, il n'était pas certain de pouvoir qualifier Law de son ami mais tisser une nouvelle relation qui n'avait rien à voir avec son groupe d'amis qu'il avait depuis le lycée était pour le moins satisfaisant. Il ne s'en était pas rendu compte avant mais il avait l'impression, certaines fois, d'être maintenu sous l'eau avec Marco, Thatch et Izou alors même qu'il n'existait pas de personnes plus compréhensives qu'eux. Et se confronter à Law qui n'avait pas leur tact, ni leur patience mais surtout qui n'avait vu que les parties pourries d'Ace étaient comme de grandes inspirations d'air frais attendues.

La discussion entre les deux internes s'éternisait et Ace ne pouvait rester ici indéfiniment. Certaines personnes commençaient à lui lancer de drôles de regards parce qu'il était planté en plein milieu du couloir à ne rien faire. Le temps s'écoulait aussi et s'il tardait trop, il serait en retard pour retrouver Marco et les autres. Eh bien, il imaginait qu'il ne pouvait pas voir Law à chaque fois, n'est-ce pas ? Ils auraient le temps de se rattraper plus tard.


Lorsqu'il rejoignit ses amis au bar, Ace était content. il avait été plus heureux de les retrouver et de passer du temps avec eux, pourtant, au fur et à mesure de la soirée, ce sentiment se diluait. Remplacé par une sensation de vide. C'était étrange, après tout Marco, Thatch et Izou étaient ses meilleurs amis. Ils faisaient partis des uniques personnes au courant pour le lien qui l'unissait à Roger et ils avaient toujours étaient là pour lui. Et malgré cela, Ace n'arrivait pas à profiter du moment présent. C'était comme s'il était à la dérive et qu'il n'arrivait pas à rejoindre le rivage où ils se trouvaient.

Il pouvait les entendre parler, sans complètement saisir le sens de leurs paroles et il s'en fichait bien. Comme si rien de tout cela ne pouvait l'atteindre.

comme rien de tout cela avait la quelconque importance.

Puis, à un moment donné sans qu'il ne puisse savoir le temps qui s'était écoulé, c'était comme s'il refaisait surface. Tout redevenait plus tangible, plus réel et il se retrouvait à nouveau précipité dans des discussions.

_Tu as à peine touché ta bière, fit remarquer Marco alors que Thatch se levait, jouant avec le briquet dans sa main.

_Je la finirai plus tard.

Et il se leva à son tour, tâtonnant dans la poche de son blouson pour son paquet de cigarettes. C'était peut-être bien le dernier qu'il possédait pour un moment. Maintenant que Garp l'avait renié, il fallait qu'il fasse des économies et les cigarettes coûtaient trop cher, il allait devoir s'abattre sur des roulés. Rien que cette idée lui donnait envie de grimacer, il ne pouvait pas faire le difficile. En tout cas, ce n'était pas avec le salaire gagné à la station-service qu'il pouvait l'être.

_Tu étais bien silencieux, là-dedans, sourit Thatch lorsqu'ils furent sortis, encourageant comme toujours.

Marco et Izou étaient restés à l'intérieur et Ace se demandait de quoi ils pouvaient bien parler en les attendant.

_Fatigué, je suppose. J'ai encore un peu de mal avec le travail de nuit.

Thatch hocha la tête, en le regardant allumer sa cigarette sans pour autant sortir la sienne.

_Tu en veux une ? lui proposa Ace en tendant son paquet.

_C'est bon, j'ai envie d'autre chose ce soir, sourit-il malicieusement et en dévoilant un joint qu'il cachait dans la poche de sa veste. Comment est le travail, de toute façon ?

_Calme, vraiment. Ou complètement fou. Soit il n'y a personne, soit des mecs louches. L'autre fois, un gars est resté pas loin d'une heure devant le rayon des bonbons sans bouger. Et finalement il est reparti avec une soupe en poudre. Il n'a même pas mis d'eau dedans, je l'ai vu juste avaler la poudre comme ça, sans rien.

_Hm, ils ne sont pas dangereux, au moins ?

Eh bien, pour l'instant personne n'avait essayé de voler la caisse ou quoi que ce soit de relativement cher dans la petite supérette qu'abritait la station-service, alors Ace imaginait que non.

_Je n'ai rien à craindre, répondit-il en haussant les épaules et en essayant de ne pas prêter attention au joint que Thatch était en train d'allumer. Comment va l'école de cuisine ?

_Oh, c'est génial ! s'exclama son ami et il n'en fallut pas plus pour qu'il s'élance ans une description détaillée de ses cours et de ce qu'il faisait de ses journées.

Ace pensait que c'était rafraichissant de voir quelqu'un autant passionné parce qu'il faisait de sa vie. Mais peut-être que Thatch l'était un poil trop, il parlait à toute allure, sans s'arrêter, ni reprendre sa respiration et rapidement, Ace fut complètement perdu dans ce qu'il racontait. Et l'odeur du joint ne l'aidait en rien, ni les volutes hypnotisantes de fumée. Il pouvait sentir sa bouche devenir sèche à cette vue et sa cigarette perdre tout de son goût. Peut-être que finalement, Ace avait réellement un problème.

Eh bien, il le savait plus ou moins mais il l'avait nié fermement, comme si garder ses paupières closes suffisamment longtemps régleraient le problème ou le feraient disparaître. Même alors qu'il avait rejoint les Narcotiques Anonymes après l'esclandre de Garp au commissariat. Il s'y rendait une fois par semaine depuis que c'était arrivé, chaque jeudi, mais il refusait de participer activement aux réunions. Il s'asseyait le plus loin possible des autres, au fond de la salle, à quelques pas de la porte de sortie et juste devant le buffet, qui ne contenait que du café froid qui puait et, s'ils avaient de la chance, des viennoiseries rassies. Quand c'était le cas, Ace se faisait un honneur à toutes les goûter, se convainquant qu'il fallait bien qu'il rentabilise tout ce temps perdu d'une quelconque manière.

Néanmoins, depuis tout ce temps il avait refusé de fumer à nouveau autre chose que du tabac. Kid avait été déçu le lorsqu'il le lui avait annoncé en lui ramenant le vinyle promis et Ace, dont les doigts le démangeaient déjà pour tirer une bouffée sur le joint que le roux avait alors aux lèvres, avait pensé, lui-aussi, que c'était dommage. Depuis qu'il avait renoncé à tout ce qui pouvait être illicite, il sentait l'anxiété croître en lui, l'impression que quelque chose, n'importe quoi, allait mal tourner. Qu'un malheur allait bientôt s'abattre sur lui, patientant jusqu'au moment où il s'y attendrait le moins, comme une épée de Damoclès.

C'était comme si tout était amplifié maintenant et lorsque cela devenait trop, il ne pouvait plus calmer ses nerfs. A chaque fois qu'il se sentait dépassait, il était en colère contre lui-même pour avoir pris cette décision, puis il se rappelait du visage déçu de Garp, peut-être l'une des pires visions de sa vie, après le cercueil de sa mère que sa propre main recouvrait de terre, et il décidait de conserver sa résolution.

J'étais persuadé que tu ne tournerais pas comme lui.

L'irritation, l'angoisse et les maux de têtes n'étaient rien face à cela.


Jeudi était arrivé bien trop vite et si Ace s'écoutait, il n'aurait pas fait l'effort de mettre un pied en dehors du lit pour se rendre aux Narcotiques Anonymes. Il avait terminé à cinq heures ce matin et le temps de rentrer de la station-service jusqu'à chez lui et prendre un repas et une douche, il ne s'était pas couché avant six heures. Quand son réveil avait sonné à midi, il avait eu un mal fou à l'éteindre et à sortir du lit. C'étaient les mots cuisants de Garp qui l'avaient fait s'en lever et rejoindre l'hôpital.

Il existait des dizaines de groupes des NA dans toute la ville et il aurait pu en choisir un plus proche de son appartement mais l'idée de se rendre dans un endroit totalement nouveau l'avait terrifié. Et la possibilité de tomber sur Law était juste un autre bénéfice à celui de devenir totalement clean.

Mais Ace avait tellement trainé à se préparer qu'il était arrivé avec une dizaine de minutes de retard. Un instant, tous les regards s'étaient tournés dans sa direction lorsqu'il était entré dans la petite salle avant de se concentrer à nouveau sur la personne qui avait décidé de prendre la parole, courageuse comme elle était de se montrer ainsi aux yeux de tous. Avec un soupir irrité parce qu'il ne restait que des pains aux raisins - personne ne les aimait alors pourquoi les apporter en premier lieu – Ace s'était assis à sa place habituelle.

Depuis, le temps s'était écoulé à une vitesse affolement lente et, bien entendu, le pain aux raisins était dégoûtant et il avait terminé en charpie sur ses genoux. Finalement, la réunion toucha à sa fin et dès qu'il le put, Ace se leva de sa chaise, prêt à s'enfuir. Ce n'est qu'alors qu'il remarqua l'homme devant la porte de sortie. D'après sa moustache blanche et son crâne dégarni, c'était clairement un vieillard mais il était aussi une armoire à glace d'au moins deux mètres de haut. Ajouté à cela les muscles qui tendaient le tissu de sa veste et le bandana noir qui recouvrait sa tête, il ressemblait à l'un de ces bikers dans une série états-unienne (oui, Ace disait bien états-unienne et pas américaine, l'Amérique était un continent, pas un putain de pays comme certains pouvaient le faire croire !).

_Hey, gamin, le salua le vieil homme sans se pousser. Le buffet n'était pas à ton goût ? demanda-t-il en regardant Ace jeter les restes déchiquetés du pain aux raisins à la poubelle.

_Pas vraiment.

Malgré qu'il soit juste devant lui, l'homme ne broncha pas et il ne se retira pas non plus du passage.

_Je dois sortir.

_Je suis Edward Newgate, se présenta à la place le vieillard en lui tendant la main.

Ace la regarda sceptique, puis il croisa les bras, refusant de répondre à cette tentative de sympathisation, s'il c'était vraiment ce que c'était.

_Je dois sortir, répéta-il.

_Hm, pourquoi ? Tu devrais rester un peu avec les autres, c'est important dans le processus.

C'était quoi cette merde ? Qu'est-ce que ce vioc pouvait en avoir à faire ? Automatiquement, Ace fronça les sourcils, la mâchoire tendue. Il était trop fatigué pour faire preuve d'une quelconque patience. Il se carrait pas mal de l'âge du vieillard ou s'il était trop balèze pour lui, il s'apprêtait à lui dire d'aller se faire foutre lorsque son ventre grogna.

Un sourire moqueur ornait les lèvres du vieillard sous sa grosse moustache puis il explosa de rire, un son guttural qui attira l'attention de tout le monde et qui fit s'enflammer encore davantage le visage d'Ace.

_Allez, je suis sûr qu'on peut te trouver quelque chose à la cafétéria.


Le croque-monsieur dans son assiette était fumant mais Ace ne s'en embêta pas. Il mordit dedans à pleines dents, se fichant de se brûler la langue, et délaissant complètement la pauvre salade en accompagnement. Il n'avait jamais été fan des légumes de toute manière et il ne voyait aucun intérêt à prendre son temps pour manger. Le vioc était assis en face de lui, avec le même plat qu'il n'avait toujours pas touché, et Ace ne voulait pas avoir à faire la conversation. Il avait accepté un repas gratuit, pas de faire la causette.

Le vieux biker n'avait clairement pas le même avis.

_Tu viens depuis plusieurs semaines, pourquoi tu ne participes pas ?

_Cha vous regarde po, répondit-il la bouche pleine.

_Mais tu viens pour une raison, la même que nous tous : arrêter. Et il est très dur de le faire tout seul, c'est un processus long qui requiert autant de soutien que tu peux en obtenir.

Et comme Ace ne répondait pas, continuant de manger comme s'il le vioc n'essayait pas de l'introduire dans une conversation dont il n'avait aucune envie, il reprit :

_Je suis clean depuis 17 ans, j'essaie depuis plus de 23. J'ai failli beaucoup de fois, même avec du soutien et des professionnels pour m'aider. Et il n'y a aucune certitude que je ne replonge pas un jour.

Ace l'écouta parler d'une oreille distraite, raconter ses déboires, comment il était devenu un parrain à son tour et toutes les personnes qu'il avait assisté, de près ou de loin, à s'en sortir. Leurs échecs, leurs réussites et ceux qui ne s'en étaient jamais relevés. Il ne comprenait pas où il voulait en venir avec cela, si c'était l'un de ces gars qui avait besoin de montrer qu'il était une bonne personne malgré le comportement de merde que la drogue lui avait incité à avoir.

Il ne savait pas si c'était son histoire qui était trop longue ou sa faim qui lui avait fait finir le croque-monsieur aussi rapidement, mais trop vite, Ace se retrouva sans rien comme excuse pour ne pas répondre. Et comme si le vieil homme avait attendu ce moment, dès que sa bouche fut vide, il ajouta :

_Je pourrais être ton parrain.

Quoi ? Tout cela pour ça ? Quel était son but, derrière cette proposition ? Avait-il un record de parrainage à battre ? Comme ses parents qui essayaient d'avoir la famille la plus nombreuse qui soit pour entrer dans le Guinness Word Records ?

_Je passe, merci.

_C'était rapide, tu n'as pas eu le temps de réfléchir.

_Je n'ai pas besoin de vous, j'vous dis.

Contrairement à ce qu'Ace aurait pu attendre, Newgate n'affichait aucun air irrité ou énervé. Il souriait sous sa grosse moustache, quelque chose de paternel, et ses yeux brillaient de malice comme pour dire « Oh, je savais que tu dirais ça mais tu vas voir ».

Le vioc se remit à parler de l'importance du soutien et blablabla mais Ace n'écoutait pas. Il venait d'apercevoir les collègues de Law et qu'il pensait être ses amis. Le roux et le brun. Ils l'avaient remarqué eux-aussi et ils lui jetaient des coups d'œil pas si subtils que cela à travers les tables et leurs occupants.

Tout ce cirque rendait Ace mal à l'aise. Certainement était-ce parce qu'ils le reconnaissaient ou peut-être même parce qu'ils avaient connaissance de l'histoire avec Garp mais il avait la terrible présupposition qu'ils savaient pourquoi il était à l'hôpital aujourd'hui. C'était idiot, aucun soignant ne participait ou n'organisdait les réunions. Elles étaient toutes associatives et ne se déroualient à l'hôpital seulement parce que l'administration les laissait emprunter une salle. il n'y avait aucune chance que ces deux-là sachent ce qu'il faisait ici.

_Allez, ça suffit pour aujourd'hui, Newgate le coupa dans ses pensées.

Il fit racler sa chaise en se levant et il poussa son plateau repas en face d'Ace, comme un présent. Une offre. Un parrainage et un croque-monsieur pour guérir d'une addiction. Pas sûr que cela fasse fureur comme slogan. Et pas sûr qu'Ace ait réellement une addiction, juste un petit problème avec l'herbe qu'il devait apprendre à régler.

_Réfléchis à pourquoi tu le fais. Et là tu pourras me rappeler, ou venir me voir à la prochaine réunion.

Ace attendit tout juste que le vieil homme lui tourne le dos et qu'il se soit suffisamment éloigné pour recommencer à manger. Il avait toujours faim et aucune envie de rester ici, ni de faire face aux amis de Law. En quelques minutes et bouchées à peine, il avait terminé et il quittait la cafétéria comme une tornade.


_Qu'est-ce que tu fais ici ?

La voix de Law était froide et ennuyée, comme s'il était fatigué d'avance de faire la conversation avec lui. Ace essaya de ne pas y prêter attention, même si l'excitation de pouvoir lui parler lorsqu'il l'avait vu seul dans le parking de l'hôpital avait clairement prit un coup.

_Quoi, pas content de me voir ? tenta-t-il de dévier le sujet de la discussion, n'ayant aucunement l'envie de lui révéler la raison de sa présence ici.

L'interne cligna lentement des yeux devant lui, comme le ferait un chat contrarié d'avoir été dérangé. Ou une panthère. Law était aussi terrifiant qu'une bête féroce quand il le toisait ainsi. Mais cela n'avait plus rien à voir avec l'ambiance glaçante qu'il dégageait quand ils s'étaient rencontrés la première fois. Ace ne savait tout simplement pas si c'était de l'agacement ou de la fatigue qui se lisait sur son visage. Il était encore plus pâle que d'habitude, ses cernes plus proéminentes et violacées, rendant la limite avec les dernières traces d'ecchymoses difficilement visible. En bref, il avait vraiment une sale tête.

Est-ce que quelque chose était arrivé ? Un autre de ses patients était-il mort ?

Finalement, et à la plus grande consternation d'Ace, Law ne répondit pas et il continua son chemin comme si de rien était.

_Eh, qu'est-ce que tu fous ?

Sa voix résonna étrangement dans le parking sous-terrain mais Law ne broncha pas, continuant son chemin. Alors Ace le poursuivit et lui attrapa violement le bras, sentant la colère gronder en lui. C'était quoi ce bordel ?

Mais il avait oublié ce qui était arrivé les fois précédentes qu'il l'avait saisi d'une façon ou d'une autre. Il n'aurait pas dû être surpris lorsque Law le bouscula contre une voiture. En réalité, il ne le fut pas vraiment mais il sursauta lorsque l'alarme de la voiture se mit à sonner. Law, lui, était imperturbable et il continua de presser son dos contre la carrosserie.

_Tu ne retiens donc jamais ? cracha-t-il et Ace frissonna.

Il ne pensait pas retomber… là-dedans. Pas après la dernière fois et comment les choses avaient subitement pris fin dans son appartement, pourtant ses genoux flageolèrent un instant sous son regard. Et il pouvait déjà se sentir durcir dans son pantalon.

Le silence qui les entourait, hormis l'alarme assourdissante, rendait tout cela irréel. Encore plus parce qu'Ace avait l'impression de rejouer un souvenir. Mais cette fois-ci, il n'allait pas se démonter et il croisa le regard de Law, les dents serrées.

_C'est quoi ton problème ? Tu réponds pas et tu te barres comme ça, toi ?! Mais pour qui tu te prends ?

La prise de Law sur sa veste se raffermit et Ace tenta de lui marcher sur les pieds pour faire valoir son propre point et reprendre contenance alors que son dos s'arquait contre le dôme de la voiture.

_Je croyais qu'on était ami, putain ! C'est quoi ton problème, hein ?!

_Ferme-là, tu me fatigues.

Et aussi simplement que cela, Law le relâcha et il se détourna. Ace le regarda s'éloigna dans le parking, ahuri de ce qui venait d'arriver.

_Tu sais quoi, vas te faire foutre ! hurla-t-il et pour faire bonne mesure, il leva son bras pour lui faire un doigt d'honneur dans sa direction.

Un peu plus loin, un vieux couple, lui jetait des regards outrés et chuchotait.

_Allez-vous faire foutre aussi ! s'énerva-t-il avant de s'éloigner vers la sortie pour rejoindre le bus.


Une semaine était passée sans qu'Ace ne croise Law à nouveau et il mettait tout en œuvre pour ne pas le faire lorsqu'il se rendait à l'hôpital pour visiter Roger, et cela n'avait était qu'une excuse de plus pour éviter la réunion des NA le jeudi, et Newgate par la même occasion. De toute manière, s'il était à nouveau confronté à Law, il ne savait pas s'il l'ignorerait ou l'insulterait. Il était toujours énervé, même hors de lui, après ce qui était arrivé. Il pensait que les choses allaient en s'améliorant, merde. Ils avaient pris l'habitude d'échanger dernièrement, c'était quoi ce bordel?

Et cette frustration qui s'accumulait sans cesse n'arrangeait en rien son sommeil déjà difficile qui à son tour entraînait plus d'irritation. C'était un cercle vicieux, un véritable Ouroboros qui se mordait la queue à l'infini.

Et parfois, Ace se demanda si tout cela ne résumait pas bien sa vie. Une boucle continuelle qui se répétait encore et encore sans qu'il ne puisse avancer réellement. Dès qu'il avait l'impression d'avoir réussi à faire quelques pas en dehors de ce cercle infernal, il y avait quelque chose qui le projetait à nouveau à l'intérieur et il reprenait sa marche interminable vers le néant. Ouais, toute cette merde résumait plutôt bien son existence.

Et son travail de nuit à la station-service n'était que la cerise sur le gâteau. Barbant à mourir et ridicule. Il n'y faisait jamais rien, que de la surveillance et de l'assistance mais comme il n'y avait personne les trois quarts du temps, il somnolait les yeux ouverts.

Parfois, quand il avait de la chance, une personne à peu près normale s'arrêtait en rentrant de soirée ou du travail pour faire le plein et acheter quelque chose à grignoter dans la petite supérette que la station-service abritait. Mais le plus souvent, c'étaient des gars complètement déchirés qui venaient faire une course et même si Ace n'avait pas peur d'eux parce qu'ils chancelaient tellement qu'ils n'arrivaient pas à tenir une canette sans la laisser tomber à cause de son poids, il détestait cela.

Jusqu'à présent, il n'avait jamais eu de gros problèmes. Le pire qui avait pu arriver était un groupe de filles qui avaient essayé de voler discrètement une boite de protections hygiéniques qu'il avait laissé faire, et un gars qui s'était pris les pieds dans rien du tout et était tombé la tête la première contre les réfrigérateurs de boissons fraîches. Il y avait eu un gros BANG qui l'avait fait sursauter et le gars s'était excusé vivement, proposant de rembourser la fissure qui était apparue sur la vitre, ne prêtant pas du tout attention au sang qui ornait son crâne chauve. Il devait être une sorte de gars spirituel avec les anneaux qui agrandissaient ses oreilles et le large sarouel à motif ethnique qu'il portait. Ace, atterré, avait dû insister pour que l'homme, Enel ou quelque chose comme cela s'était-il présenté, reste ici le temps qu'une ambulance arrive et le seul moyen pour qu'il n'essaye pas de partir avait été de lui faire écouter des sons d'Eminem. cette soirée avait été aussi ridicule qu'irréelle.

Voilà à quoi la vie nocturne d'Ace ressemblait ces derniers temps. Et c'était déprimant, vraiment. Qui aurait pensé qu'il finisse ici ?

Avec un soupir, il regarda une énième fois sa montre. 2h58. Cette nuit était des plus calmes. Il n'y avait eu qu'une poignée de clients et rien de particulier n'était arrivé. Absolument rien de divertissant… jusqu'à ce que des phares de voiture illuminent le trottoir de la station-service et la cloche d'entrée ne sonne.

_Oh, putain, marmonna-t-il pour lui-même.

Law venait d'entrer. Qu'est-ce qu'il foutait-là, putain ?

L'interne semblait complètement hors de lui… mais pas hors de lui de colère mais comme hors de son esprit. Il regardait frénétiquement autour de lui, les yeux écarquillés et si Ace ne savait pas mieux, il aurait pensé qu'il avait pris de la drogue.

Quand finalement il le repéra, il vit son visage tomber avant que son air renfrogné ne le remplace rapidement. Puis Law s'approcha à grandes enjambées de lui, ses yeux frénétiques cerclés de cernes violettes et injectés de sang. C'était déboussolant de le voir ainsi.

Ok, peut-être était-il sous l'effet d'une quelconque substance.

_Pas le temps de jouer avec toi, Ace. Y a une ligne fixe, ici ?

_Qu'est-ce que…

_Une ligne fixe ! répéta-t-il en agitant hystériquement ses mains. J'en ai besoin. Maintenant.

Mais avant qu'Ace n'ait pu lui répondre ou faire un mouvement, Law avait repéré le téléphone fixe sur le comptoir et il tendit la main pour le saisir. Il était tellement agité, qu'il renversa les bonbons et les snacks sur le présentoir, ainsi qu'un pot à crayons.

_Bordel, Law, qu'est-ce… !

_T'as un annuaire ? Le numéro d'un dépanneur ? le précipita-t-il, complètement excité.

Ace ne l'avait jamais vu comme cela et alors qu'il lui désignait les numéros d'urgence accrochés sur le tableau derrière lui, il se demanda s'il devait appeler quelqu'un. Soit il délirait à cause de l'ennui, soit cet endroit rendait réellement les gens fous. Il était impossible que le Law qu'il connaissait puisse se mettre dans de tels états, il en venait à penser que la station-service avait une sorte d'emprise sur les visiteurs. Il devait bien exister un film d'horreur là-dessus, non ? Peut-être même que la station-service était à l'origine de certains d'entre eux.

_Où est ton portable ? demanda-t-il le plus calmement possible.

_Cassé. Je l'ai écrasé avec ma voiture.

_Quoi ? Mais pourquoi ?

Law ne répondit pas. Il pressa son index sur ses lèvres dans un signe de se taire puis il passa sa main frénétiquement dans ses cheveux pendant qu'il gardait le combiné collé à son oreille. Bordel, il devait avoir une crise psychotique ou une merde dans le genre, Ace ne savait pas, il n'était pas un putain de médecin. Comment était-il censé faire lorsque le seul médecin ici était celui qui agissait comme un fou ? Sa vie était devenue une blague ou un cirque, et jusqu'où cela irait-il ?

_Bonjour ?... j'ai besoin d'une dépanneuse… Non, je ne suis pas en panne mais mes freins ont été sabotés ou quelque chose comme ça. Soit ça, soit le moteur… Y a quelque chose qui cloche, je vous dis ! J'vais pas reprendre le volant… non ! Vous voulez avoir ma mort sur la conscience ?!... Quand pouvez-vous venir ?... Quoi ?! Pas avant ? Je vais pas rester ici jusqu'à sept heure du mat !

Ace regardait toute la scène, ahuri. C'était quoi ce bordel ? Qu'est-ce qui se passait ? Qu'est-ce qu'il devait faire ?

Law raccrocha en faisait claquer le combiné en plastique, manquant de peu de le cassé. Il ne jeta pas un coup d'œil à Ace et il s'effondra la tête dans les mains, les coudes appuyés sur le comptoir. Ses épaules tremblaient et Ace crut un instant qu'il pleurait avant qu'il ne l'entende ricaner.

Il devenait fou, c'était certain maintenant.

_Hé, tenta Ace en se dégageant de derrière le comptoir pour le rejoindre. Law ?

Comme il ne répondait rien, il continua de s'approcher de l'interne, à petits pas.

_Law ? Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il de sa voix la plus calme qu'il pouvait tandis que son cœur s'emballait dans sa poitrine.

_Il va me tuer, marmonna-t-il, toujours la tête dans ses mains.

Sa voix était chevrotante mais Ace ne savait pas si c'était dû aux ricanements qui continuaient de le secouer ou à de la peur.

_Je me fiche qu'il me tue, je n'ai jamais eu peur de lui mais j'ai promis. Cora ne m'a pas sorti de là pour que je meurs. Pas après tout.

C'était incompréhensible et terrifiant en même temps. Ace ne savait pas du tout quoi faire.

_C'était une perte de temps, et une perte de vie, continuait Law, toujours aussi décousu. La perte de sa vie.

Aussi doucement qu'il le pouvait, Ace posa sa main sur l'épaule de Law. Il aurait dû savoir mieux, il aurait dû le prévoir lorsqu'il se figea. Law attrapa violement son poignet, certainement pour le projeter contre le comptoir mais son geste s'arrêta en cours de route.

_Tu n'apprends donc jamais ?

Ses yeux rouges, injectés de sang, le regardaient frénétiquement, comme s'ils ne pouvaient pas rester sur lui trop longtemps.

_Qu'est-ce qui se passe ? Ace référa-t-il demander à la place. Tu es en danger ?

La compréhension de ce qu'il venait de lui dévoiler, très certainement malgré lui, fit blêmir le visage de Law. Ace pouvait voir son esprit essayer de rassembler tout ce qu'il avait laissé échapper et avant qu'il ne décide de s'enfuir ou peu importe quelle réaction idiote il pourrait avoir, l'ancien étudiant en commerce le fit passer derrière le comptoir pour s'assoir sur le canapé qui trônait contre le mur.

_Il faut que tu te calmes. Et je ne te laisserai pas partir d'ici tant que tu ne m'auras pas donné d'explication.

Sans en attendre davantage, Ace se pencha pour atteindre le mini-réfrigérateur sous le comptoir. Les employés y gardaient des réserves de nourriture et Ace avait déjà manger son repas il y a plus d'une heure. Il aurait facilement pu aller chercher quelque chose dans les rayons à quelques mètres mais il redoutait de s'éloigner trop de Law et que ce dernier s'enfuit en courant. Il n'y avait pas grand-chose de toute façon dans le mini-réfrigérateur alors il s'empara du yaourt glacé à la mandarine que Nami gardait précieusement. Elle allait le tuer quand elle s'en apercevrait mais Ace avait d'autres choses à penser en ce moment-même.

_Que… pourquoi ?

Law regardait, incrédule, la cuillère qu'Ace venait de lui donner et le pot orange qu'il tenait entre ses mains. A cause du froid, ses doigts lui brûlaient et collaient à l'emballage. Mais il l'ignora au profit de s'asseoir à côté de Law sur le canapé, l'obligeant à se décaler. C'était un petit truc vieux, un amas de tissu et de mousse cabossé mais il faisait l'affaire.

_Pour l'ancrage ou un truc du genre. Je sais pas faire de méditation pour lutter contre l'anxiété, mais la bouffe me permet d'éclaircir mes idées...parfois.

Et tu en as clairement besoin, pensa-t-il mais il resta silencieux.

_Allez, insista-t-il en prenant sa première bouchée.

D'ordinaire, il ne faisait aucun doute que Law aurait protesté, ne l'aurait pas écouté. Mais dans son état second, il s'exécuta sans se plaindre. Il fronça seulement le nez lorsqu'il mit la cuillère dans sa bouche, à cause du froid ou du goût. Ace s'en fichait pas mal, il était content que tout semble se calmer pour le moment.

Ils restèrent ainsi, silencieux et mangeant le pot de yaourt glacé jusqu'à le vider de moitié quand Law parla à nouveau :

_Je délire complètement, hein ? Ou tout ça n'est pas réel.

_Eh bien, je suis bien réel, moi. Qu'est-ce qui se passe ?

Ace ne savait pas ce qu'il sous-entendait par-là. Il ne pouvait pas lui assurer qu'il n'avait pas déraillé, mais il pouvait au moins lui dire qu'il était là pour lui, s'il en avait besoin.

_Je ne sais plus quoi croire, marmonna Law avec un petit rire et Ace redouta qu'il ne remette sa tête entre ses mains mais il n'en fit rien. Ton connard de grand-père n'avait pas totalement tort, tu sais. J'ai fait partie d'un gang quand j'étais gamin, j'étais totalement paumé et je faisais des petits trafics pour la famille. Si Cora n'avait pas été là et n'avait pas autant insisté, je sais pas où j'en serais aujourd'hui. Mais il m'a sorti de là. Il avait passé un tiers de sa vie à essayer de coincer son putain de frère et ils l'ont tué. Ils l'ont tué comme un vulgaire chien et maintenant que le procès est proche, ils paniquent. Ils ont essayé de me faire peur, comme si leurs menaces de mort allaient arrêter le procès...

Malgré ces nouvelles informations, Ace n'était pas certain de comprendre toute cette histoire. C'était encore plus fou que tout ce qu'il aurait pu imaginer. Fou et décousu.

_Tu penses qu'ils ont saboté ta voiture ? tenta-t-il de demander pour rassembler les pièces de ce puzzle.

_C'est clairement dans leur domaine de compétence, c'est même la technique favorite de Monet. Et il y a clairement un truc qui cloche avec ma voiture, avec tout ce qui se passe, pas besoin d'être un génie pour faire le rapprochement.

Woah. Eh bien, c'était beaucoup de choses d'un coup.

Woah. Ace avait besoin de digérer tout cela, n'est-ce pas ?

_Tu ne t'enfuis pas ? demanda subitement Law.

Cela faisait quelques minutes qu'ils étaient retombés dans le silence et Ace secoua la tête.

_Ce gang, commença Law avant de faire une pause puis de reprendre, c'était une vraie merde. On jouait dans la cour des grands avec eux, j'ai appris à utiliser un couteau avec eux. J'ai déjà étouffé un flic presque à mort quand je devais m'enfuir.

_Tu cherches à me faire peur ?

Law ne répondit rien. A la place, il tendit sa main qui ne tenait pas la cuillère jusqu'au cou d'Ace et il passa ses longs doigts autour, sans que le plus jeune ne bronche. Sa paume était chaude contre sa gorge et Ace prit une profonde inspiration, faisant glisser sa pomme d'Adam contre.

_Ton pouls s'accélère, fit remarquer Law, ses yeux toujours aussi rouges et cernés mais plus brillants que tout à l'heure.

Qu'ils brillent de folie ou de lucidité, Ace ne saurait le dire. Tout ce qu'il savait c'était qu'il avait presque le souffle coupé à cause de la façon qu'ils le fixaient.

_Ce n'est pas de la peur.

_Qu'est-ce que c'est, alors ?

_Eh bien, tu es très proche…

La prise sur sa gorge se raffermit, le faisant déglutir. Mais Ace n'avait pas menti, ce n'était pas de la peur mais de l'appréhension, le fantasme que quelque chose de plus se passe. A cette moindre idée, son ventre se tordait et se retournait dans tous les sens.

Il était totalement foutu comme personne.

_Tu devrais avoir peur. Pourquoi ? demanda Law, visiblement plus préoccupé par cette question que conscient de l'état dans lequel Ace se trouvait.

_Mec, tu es médecin…

_Interne.

_Presque la même chose. Tu es en passe de le devenir, tu sauves des vies. Contrairement à tout ce qu'on veut nous faire croire, le passé n'est pas tout. On peut se rattraper, changer les choses et toi, tu as décidé d'aider les gens. Je connais pire que toi, tu sais. Tu peux être un vrai crétin mais tu es quelqu'un de bien, je le sais. Et je te fais confiance.

Il ne pouvait pas dire qui l'avait initié, si c'était lui pour faire valoir ses dires ou Law qui avait été subitement pris d'un élan de… de quelque chose. Mais après qu'il ait prononcé ses mots, des lèvres étaient écrasées contre les siennes, et ils étaient en train de s'embrasser fermement. Putain, Ace ne s'était pas attendu à cela mais il n'allait certainement pas s'en plaindre.

Sans plus réfléchir, il abandonna le pot de crème glacée et sa cuillère pour attraper le pull de Law et le rapprocher de lui. Ace était déjà dur dans son pantalon et il balançait ses hanches an avant, à la recherche d'une libération, sans pouvoir l'atteindre ni pouvoir se frotter contre la jambe de l'interne. Frustré, il envisagea une seconde la possibilité de grimper sur ses cuisses lorsque Law lui-même prit les devants et poussa Ace en arrière sur le canapé. Sans plus attendre, il glissa une main jusqu'à son ventre puis ses doigts sous la bordure de son jean. Immédiatement, Ace gémit mais ce n'était pas assez. Il voulait plus que d'être simplement titillé. Il voulait que Law l'agrippe et qu'il continue de l'embrasser comme si sa bouche retenait le souffle de la vie.

Law semblait tout aussi peu satisfait que lui et il ne tarda pas à défaire la fermeture du jean d'Ace en tirant dessus et en grognant parce qu'elle ne cédait pas tout de suite. Quand il réussit, il n'attendit pas plus pour enfoncer sa main complètement dans les sous-vêtements d'Ace et attraper son érection dans une poigne serrée.

C'était putain de bon et Ace n'avait qu'une envie, agiter ses hanches et se branler dans sa main. Mais il ne le pouvait pas. Il ne voulait pas de Law comme cela alors que quelques minutes encore à peine il était à la ramasse. Il avait été si confus en arrivant, si cru et ouvert dans tout ce qu'il lui avait raconté quelques instants plus tôt qu'Ace ne pouvait pas penser une seconde qu'il était dans son état normal. Pas quand il était aussi paniqué et qu'il manquait clairement de sommeil et de rationalité.

_Stop, arrête.

Et il réussit à repousser sa main malgré le froid qui s'empara directement de lui lorsqu'il le fit s'éloigner.

_Qu'est-ce qu'il te prend ? demanda Law, visiblement confus.

_Tu n'es pas en état… Tu n'es pas dans ton état normal. Tu ne le veux pas forcément.

_Ne dis pas de conneries. Je ne serai pas en train de te branler et d'avoir une érection si j'en avais pas envie.

C'était vrai, Ace pouvait sentir la dureté de Law contre son propre genou mais il n'avait aucune idée s'il devait ou non le presser contre. Était-il réellement conscient de ce qu'ils faisaient ? En avait-il réellement envie ? Ace ne savait pas quoi faire et Law prit la décision pour lui en s'éloignant de lui-même. Au moins, pensa le plus jeune, malgré son envie pressante, il n'avait pas besoin de résister plus. Du moins, c'était ce qu'il pensait jusqu'à ce que Law tire brusque sur la bordure de son jean jusqu'à dévoiler l'érection d'Ace qui dépassait de son boxer, le faisant glapir.

_Qu'est-ce que…

Mais Ace ne put rien dire d'autre que de laisser échapper un gémissement lorsque Law se pencha en avant pour presser ses lèvres contre. Oh. Putain. Ace aurait pu venir immédiatement et instinctivement, il se pressa davantage dans le canapé, à bout de souffle. Et Law, lui, tira sur le tissu du boxer et il ouvrit sa bouche en grand pour avaler la tête de son érection.

Ace se retrouvait incapable de penser ou de parler. Le souffle coupé, il ne pouvait que regarder Law de sous ses cils, bouger sa tête entre ses cuisses, ses mains les écartant pour enfoncer son nez contre son ventre.

C'était bon, délicieusement chaud et humide mais ce n'était pas bien, non plus. Au fond de son esprit, Ace le savait très bien et il lui fallut plus de volonté qu'il n'aimait le reconnaître pour repousser complètement Law de l'autre côté du canapé. L'interne avait les sourcils froncés et Ace ne lui laissa pas le temps de protester. A son tour, il s'allongea sur lui et il enfouit son visage de son cou, essayant de calmer les palpitations de son propre cœur et la tension entre ses jambes.

_Pas maintenant, murmura-t-il.

Ace devait se faire force pour ne pas se branler contre les hanches de Law et il lui était impossible de ne pas penser à l'érection brûlante et fuyante contre son propre ventre.

_Pas maintenant, répéta-t-il.

_Je t'ai dit que j'en avais envie.

_Je sais mais attendons demain, d'accord ?

Étrangement, Law n'insista pas plus et Ace, soulagé de ne pas avoir à débattre plus, inspira profondément, enivré par son odeur. Il devait maintenant trouver un moyen de se calmer.


J'espère que ce chapitre vous a plu ! On se retrouve dans une semaine pour le huitième chapitre :)

A la prochaine !

Willoh.