Oui je suis en avance oui oui
Disclaimer : la plupart des personnages appartient à Hidekaz Himaruya.
Merci pour votre enthousiasme sur le chapitre I ! J'espère que ce deuxième chapitre vous plaira.
Playlist YouTube : /playlist?list=PLiAGOJyChRm1TSoJ3vgRzb0frcy6GPqZq (elle subira de grandes modifications très bientôt)
Bonne lecture !
Chapitre II
Lovino était de garde devant les baraquements où les Heinkel He 51 avaient été rangés pour la nuit. La troupe de Lovino avait rejoint une base allemande pour quelques opérations groupées dans les montagnes, et cela faisait plusieurs semaines déjà qu'il essayait de trouver un moyen de s'enfuir. Dans les montagnes, ça serait facile de se terrer, mais il fallait d'abord réussir à partir... Ce qui était plus ardu, puisqu'il n'était que simple soldat volontaire et -ce qui le faisait grincer des dents- qu'il était rarement seul. Son occupation de cette nuit et son désespoir des semaines précédentes le menèrent à considérer l'idée de voler un avion pour -enfin- quitter leur camp, les hangars, la routine et, surtout, surtout, les fascistes.
Il se donna d'abord une claque mentale pour avoir eu cette idée -au niveau discrétion, ce n'était pas terrible, et on avait tôt fait d'abattre un avion en vol... Mais il devait reconnaître que, s'il s'y prenait correctement, intelligemment, ça valait peut-être la peine d'envisager une évasion aérienne comme plan B -le plan A étant toujours inexistant, une idée de secours pouvait déjà arranger son désespoir croissant et le consoler un tant soit peu, histoire qu'il tienne jusqu'à l'Idée qui lui éviterait de se tirer une balle dans la tête faute de mieux.
Il décida donc d'aller investiguer pour repérer le terrain. Il fit coulisser aussi silencieusement qu'il le put la porte du hangar et se glissa à l'intérieur, agile et furtif comme s'il s'agissait de rejoindre les catacombes de sa patrie trop lointaine. Il entendit des cliquetis et un bruit d'outils malmenés et fut aussitôt sur ses gardes. Personne n'était censé se trouver là et pourtant, ce genre de bruits ne se produisait pas tout seul... Sa main trouva par réflexe le chemin de son arme, il se tint prêt à tirer s'il trouvait quoi que ce soit qui le menacerait. Ses yeux qui commençaient à s'acclimater à l'obscurité repérèrent une faible lueur et il décida de s'approcher de son origine, contournant pour cela le nez de l'avion le plus proche. Il dérangea quelque outil en marchant dessus et laissa échapper un juron alors que la lampe arrivait dans son champ de vision, et par delà, un homme assis à même le sol sous la carcasse du Heinkel, entouré de clefs et d'outils divers, qui pointait un revolver sur lui.
« Ma che cazzo... T'es qui, toi ? »
L'homme ne cilla pas et rétorqua placidement avec un fort accent allemand mêlé à son italien :
« Gott sei dank tu n'es pas un Espagnol révolutionnaire. »
Lovino eut une grimace incrédule.
« Heu, non ? Tu te crois où ? Chez les Républicains ? Qu'est-ce que tu fous ici ? »
« Je répare l'avion. »
« Ce n'est plus l'heure. Le couvre-feu a commencé. »
« Il doit partir demain à la première heure. Il ne me reste que quelques réparations minimes. Je voulais finir le travail. Mais, toi. Que fais-tu là ? »
« Donne-moi tes noms, rang et matricule. »
« Je suis pas de l'armée, Soldat. Je suis juste technicien, mécano. Mais je m'appelle Gilbert. Gilbert Beilschmidt. Et toi ? »
Il tendit une main pleine de cambouis que Lovino hésita à prendre. Puis il se rappela que lui-même n'avait rien à faire là non plus et que, s'il voulait éviter que Gilbert cafte, il fallait peut-être gagner sa confiance, voire sa sympathie. Il serra la main offerte.
« Lovino Vargas. Je suis soldat volontaire. »
« Hé bien si tu veux bien attendre quelques instants... J'en ai pour une minute. J'ai un peu de bière avec moi, si ça te tente. »
Lovino haussa les épaules et s'assit sur un bidon d'essence, pendant que Gilbert rangeait son revolver et se remettait à donner quelques tours de clef et chipoter à des fils. L'homme, sous la crasse héritée de son travail actuel, avait une peau très pâle et des cheveux blancs en bataille que le jeune volontaire avait déjà repérés une fois ou deux dans le camp -il l'avait pris pour un vieil officier, au début, mais il constatait à présent que ce n'était pas un vieux, loin de là : il ne devait avoir qu'une dizaine d'années de plus que lui, mais était albinos. L'éclat rubis des yeux ne trompait pas. Il était musclé, massif, mais devait être assez court sur pattes. Le genre de gars qui ne devait pas supporter d'être plus petit que les autres, d'ailleurs.
Il travaillait sur l'avion que Lovino reconnut comme étant celui piloté par un dénommé Hermann, petite prouesse aérienne révélée par la guerre civile espagnole, qui laissait un cheval fait de chiffons sur son tableau de bord pour lui porter chance en vol. Les pilotes avaient tous ce genre d'habitudes superstitieuses, et secrètement Lovino espérait que cela ne leur serve à rien.
Gilbert émergea bientôt de sous la carcasse et se remit sur ses pieds pour récupérer deux bouteilles de bière -allemande bien entendu- qui trônaient parmi d'autres dans sa boîte à outils. Lovino haussa un sourcil amusé mais attrapa la bouteille et la fit tinter contre celle de Gilbert.
« A une rencontre hasardeuse. » suggéra Gilbert. « Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu étais venu faire dans ce hangar. »
« Je devais le surveiller. » répliqua Lovino qui, à présent, avait retrouvé son sang-froid et son aplomb. « J'ai entendu du bruit à l'intérieur et j'ai décidé d'aller voir. »
Gilbert fit une grimace qui signifiait qu'il lui accordait le bénéfice du doute et haussa les épaules.
« Tu vas peut-être devoir retourner à ton poste alors, soldat. »
« Et toi dans ton baraquement, civil. »
« Et tu ne devrais peut-être pas boire en service. » s'amusa le Germanique.
Lovino haussa un sourcil et avala une longue gorgée sur un air de défiance.
« Aaaaah. Fallait peut-être pas me proposer à boire, Beilschmidt. »
oOo
Lovino émergea de son baraquement le lendemain matin avec le sentiment rassurant de n'avoir rien à faire avant plusieurs heures. Après s'être assuré que Gilbert avait quitté le hangar la veille, il avait veillé jusqu'à quatre heures du matin sur les avions, et de ce fait, il était en repos pour une bonne partie de la journée. Il avait toutefois décidé de se réveiller assez tôt pour pouvoir fouiner un peu partout -peut-être que l'illumination qui le mènerait à l'évasion et à la liberté était pour aujourd'hui. Il ne portait pas son uniforme intégral et profitait du soleil matinal et d'un simple café infâme auquel il s'était habitué au cours des semaines précédentes. Le camp était en pleine effervescente, une mission de reconnaissance aérienne se préparait. Nazis et fascistes étaient tous surexcités quand une opération donnait potentiellement l'occasion de tirer à vue sur des rebelles qui se terreraient dans la montagne.
Le pilote monta dans son engin avec son copilote, l'avion quitta le hangar et puis le camp. Il n'avait pas décollé depuis une minute qu'une étrange fumée commença à s'échapper d'un réacteur pour que, peu de temps après, le feu prenne, gagne le moteur, et qu'une détonation se fasse entendre. Sous les regards médusés de tout un camp présumé fidèle à Franco, un avion venait d'exploser en vol et s'écrasa au sol. Le silence tomba sur les troupes avant que les plus vifs ne réagissent. Quelques-uns eurent tôt fait de traverser en courant la petite distance qui séparait le camp de l'endroit du crash. Peut-être qu'on pourrait encore sauver les occupants... ?
De son côté, Lovino, dont l'envie de café était passée, réfléchissait à toute allure. Il n'était pas vraiment du genre à croire aux coïncidences, et là... Là, c'était trop gros. En sortant du hangar, l'avion était passé quasiment à côté de Lovino. Il était certain d'avoir repéré le cheval de chiffons trônant à sa place d'honneur sur le tableau de bord.
Il regarda autour de lui et repéra une silhouette qui regardait le ciel, une main le protégeant du soleil du matin, une expression d'incrédulité sur le visage qui parut forcée aux yeux de Lovino -mais peut-être était-il trop aveuglé par ses soupçons. En tout cas, il fonça droit sur le mécanicien albinos et le força à le suivre en l'attrapant par le bras, et il le mena à l'écart de tous les autres qui s'étaient rassemblés à l'entrée pour tenter de comprendre ce qu'il s'était passé. De loin, Lovino entendit des soldats allemands annoncer, bouleversés, que les pilotes n'avaient pas survécu à l'explosion.
« Hé ! Hé ! Lâche-moi, Vargas ! » exigea Gilbert à mi-voix une fois qu'il eut reconnu son agresseur.
L'ordre ne fonctionna pas, aussi le Germanique choisit-il de mettre à profit ses muscles saillants contre les bras minces de l'Italien qui, en toute honnêteté, n'avaient aucune chance. Gilbert se dégagea sans trop de problème et Lovino se frotta le poignet.
« Qu'est-ce que tu me veux ? » cracha Gilbert.
« Vraiment, Beilschmidt ? Me prends pas pour un con ! » l'avertit Lovino en chuchotant avec véhémence.
« Quoi ? Je ne comprends pas de quoi tu veux parler... »
« C'est ça ! La ferme, Beilschmidt. Je t'ai vu traficoter cet avion hier soir, tu te rappelles ? Surprise ! Ce matin, il explose en vol. Il n'a pas été attaqué par des rebelles si près du camp. On n'a entendu aucun coup de feu, aucune détonation. Il a été saboté. Par toi. »
« C'est pas l'avion dont je m'occupais hier. » tenta Gilbert, un peu paniqué.
« Je sais très bien que c'était celui-là. Celui d'Hermann. »
Gilbert renifla dédaigneusement et, avec désinvolture, attrapa Lovino par le col de sa chemise et le plaqua contre la paroi d'un baraquement voisin, dégainant au passage le revolver que l'Italien avait déjà rencontré la veille. Le canon sur le torse de Lovino le fit déglutir avec appréhension.
« Et tu comptes faire quoi de cette information ? Me dénoncer, petit fasciste de merde ?! »
« Hé... Hé là, calme-toi ! On est du même côté ? »
« Hein ? Ouais, bien sûr. Je suis pas un nazi, moi. »
« Non, bha ça, j'avais compris ! Je suis pas fasciste, cazzo ! »
« Ah non ? »
« Non ! Je suis un Partigiano, putain. »
« C'est pour ça que tu es un soldat volontaire. Ah oui, c'est très logique, Vargas. »
« C'était le seul moyen de quitter le pays légalement avant qu'on me dénonce. J'ai été trahi. »
Gilbert scruta ses yeux ambrés à la recherche d'une étincelle de mensonge, mais n'en décela aucune. En gardant la main serrée à la gorge de Lovino, il s'écarta un peu et rangea l'arme à feu menaçante.
« Voilà qui est intéressant. Que faisais-tu contre le régime ? »
« Je suis journaliste. Avec quelques collègues, on publiait un journal clandestin qui donnait de vraies informations sur ce qu'il se passait vraiment, et que le Duce ne voulait pas voir publié. »
Gilbert siffla, admiratif.
« Si ce que tu dis est vrai, bravo, petit. »
« Et toi ? Qu'est-ce que tu fais là si t'es pas un nazi ? »
« Je t'ai déjà dit que je ne faisais pas partie de l'armée. »
« T'es quand même dedans. »
« Je travaillais dans l'industrie aéronautique, mais mon usine a fermé à cause de la Dépression. La Wehrmacht recherchait des techniciens capables de réparer leurs avions, et il se trouve que j'en suis un. T'aurais vu l'Allemagne à l'époque, quand tu avais une opportunité de travail, tu ne te posais pas de question, tu acceptais... ! »
« Pourquoi tu... Fais sauter leurs avions, alors ? »
« Déjà entendu parler des lois de Nuremberg, Vargas ? »
Lovino hocha la tête.
« Je suis pas là pour que ces fils de chiens tuent des gens libres, tu vois. »
« Moi non plus. » confessa Lovino. « En fait, hier... Je reconnaissais les lieux en espérant trouver le moyen de m'enfuir. »
« Je suis content de te l'entendre dire. »
Gilbert relâcha complètement Lovino, lui faisant comprendre qu'il lui faisait suffisamment confiance pour ça, et poursuivit :
« Quand j'ai vu un soldat entrer dans le hangar, j'ai vraiment paniqué, parce que je n'avais aucun ordre qui m'autorisait à être là. C'était du sabotage gratuit. Heureusement que t'as rien dit... »
« Je ne dirai rien. Ils ne sauront pas que c'est toi. »
« Tu as intérêt à tenir ta langue. Et, en échange... Je t'inclus à mon plan brillant d'évasion. »
« Tu as un plan ?! » fit Lovino d'une voix étonnamment aiguë en écarquillant les yeux.
« Hé ouais ! » répliqua Gilbert, fier comme un paon. « Il faut encore peaufiner les détails, mais j'ai un plan. Beilschmidt et Génie, ce sont des synonymes. Tu t'en rendras vite compte. » conclut Gilbert avec un clin d'œil.
Notes
Heinkel He 51 : petit avion de chasse allemand
Partigiano (partisan) est un terme employé notamment pour désigner les membres de la Resistenza italienne.
Les lois de Nuremberg sont des lois promulguées en 1935 par Hitler et qui entérinent l'antisémitisme dans divers aspects du quotidien (mariages, emplois, etc)
Traductions
Ma che cazzo : c'est quoi ce bordel (italien)
Gott sei dank : dieu merci (allemand)
On se retrouve aux environs du 15 mars pour le chapitre III !
A bientôt.
