Bien le bonjour !
Disclaimer : les personnages appartiennent à Hidekaz Himaruya.
On se retrouve ce mois-ci pour un chapitre un peu court, mais fort important pour les personnages qu'il introduit. J'espère qu'il vous plaira, n'hésitez pas à me dire ce que vous en aurez pensé !
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Bonne lecture !
(Toutes les traductions se trouvent en fin de chapitre.)
Chapitre IV
« Antonio... Antonio ! »
Le Républicain sortit de sa torpeur en sursaut et menaça aussitôt de son couteau celui qui avait eu l'audace de l'approcher dans son sommeil. Les yeux comme fous, la respiration courte, le front en sueur, l'Espagnol eut besoin de plusieurs longues, interminables secondes pour réaliser que celui qu'il avait en face de lui et qui l'avait réveillé en l'appelant par son nom et en restant à bonne distance n'était autre que son plus vieil ami.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda le brun.
« Alfred et Arthur ont abattu un avion allemand qui allait vers la France. Ils vont s'assurer qu'il n'y a pas de survivant. Ils voulaient que tu sois au courant. »
« J'arrive. »
Francis acquiesça d'un mouvement de la tête et quitta l'alcôve où Antonio avait son lit pour lui permettre de s'habiller en toute intimité. Au-dessus de sa chemise d'un blanc défraîchi tirant sur l'écru, le Républicain enfila une chemise de flanelle brune et lassa ses bottes usées. En quittant sa demeure de fortune, il attrapa sa carabine et son chapeau, puis suivit Francis à l'extérieur de la scierie désaffectée qui leur servait de repère. Le Français le mena plus bas dans les vallées qui bordaient leurs coteaux.
oOo
La première chose que Gilbert perçut après le violent juron qui avait franchi les lèvres de Lovino et sûrement les siennes inconsciemment, ce fut une douleur lancinante, piquante, acérée et somme toute insupportable dans son bras qui lui fit pousser un cri déchirant dans l'obscurité. Son bras droit avait réceptionné tout le poids du mécanicien, mais aussi celui de l'Italien. Bien que ce dernier fût un poids plume, le choc avait été rude et le Germanique était à peu près certain d'avoir une fracture ou deux.
Par chance, dans sa panique en montant à bord de l'avion, Lovino s'était attaché un parachute sur le dos sans trop savoir ce que signifiaient toutes les sangles. Quand Gilbert avait été certain du crash imminent, il lui avait ordonné d'ouvrir la porte de l'avion et ils avaient sauté tous les deux, lui cramponné au soldat volontaire, pour ouvrir le parachute à une distance bien trop réduite du sol pour être sans danger. Leur atterrissage avait certes été plus doux que l'écrasement de l'avion, mais fort violent malgré tout -en témoignait le bras de Gilbert réduit en miettes ou peu s'en fallait.
D'un coup de bassin, et en maintenant son bras immobile autant qu'il le put, Gilbert déplaça Lovino qui l'écrasait et l'empêchait de respirer pleinement. L'Italien roula sur le sol comme une pierre, comme un poids mort.
« L-Lovino ? »
Pas de réponse. Au loin, Gilbert entendit des craquements de branches et des bruissements de feuilles qui étaient trop forts pour être l'œuvre du vent. Bientôt des bruits de pas se firent entendre distinctement et il espéra de tout cœur que ce n'étaient pas des franquistes. Pas sûr qu'il pourrait plus facilement raisonner avec des Républicains, ceci dit.
« They must have landed around here. »
« You sure you saw them jump ? »
« You shoot, I watch. That's what we do, isn't it ? »
Une langue que Gilbert ne comprenait pas. La douleur lui arrachait des larmes mais au moins il était certain que les nouveaux arrivants n'étaient ni des Allemands, ni des Italiens, et autant qu'il sache pas des Espagnols non plus peu importait leur bord : ce langage ne sonnait pas ibérique.
Une lumière aveuglante le frappa en pleine tête et il ne vit plus rien autour de lui. Les bruits de pas se rapprochèrent.
« Found them ! » fit une voix guillerette.
Gilbert chercha son arme à tâtons, mais se souvint qu'elle se trouvait coincée dans la poche de son bleu de travail, à hauteur de sa cuisse, du côté de son bras blessé. Évidemment, c'était le droit... Il aurait dû se contorsionner beaucoup trop pour récupérer le revolver de sa main gauche, et imposer beaucoup trop de pression à son bras cassé. Impensable donc. Aussi, il valait peut-être mieux se montrer pacifiste ?
Les deux hommes qui arrivèrent dans son champ de vision portaient tous deux des lampes-torches pour fendre l'obscurité de la nuit. L'un d'eux était assez petit, ou alors l'autre était un géant. Blonds tous les deux, le plus grand, qui semblait aussi plus jeune, beaucoup plus jeune, portait des lunettes et une veste d'aviateur en cuir, molletonnée, et sûrement héritée d'un père dans l'armée de l'air.
« Hey, you alive, German bastards ? »
« Alfred. Shut up. »
Gilbert leva une main ouverte en signe de reddition et espéra de toutes ses forces qu'ils remarqueraient qu'il ne portait pas d'uniforme. Ce n'était hélas pas le cas de Lovino, mais son parachute cachait plus ou moins son corps inerte.
« He's surrendering... I guess. »
« The other hand! Show us the other hand! »
Le grand blond fit le geste de lever ses deux mains vers le ciel. Gilbert comprit ce qu'il attendait de lui –hand, ça ressemblait à sa langue- et tenta de lever son bras droit comme le gauche, mais n'en retira qu'une intense douleur qui fit à nouveau monter des larmes dans ses yeux rubis alors qu'il serrait les dents. Il adressa un signe de tête négatif aux deux hommes et articula :
« Gebrochen. Kaputt. »
Le plus petit acquiesça.
« He has a broken arm. He won't go far like that, he's not a threat. »
Gilbert abaissa sa main gauche et désigna son bleu de travail. Après des années d'athéisme, il se mit à prier pour qu'on le comprenne et qu'on le laisse en vie. Derrière les deux hommes, des bruits de pas pressés résonnèrent sur les roches et deux silhouettes vinrent compléter le tableau. Les accents des langues changèrent, et enfin Gilbert crut identifier de l'espagnol, que les quatre Républicains employèrent à tour de rôle.
« Que s'est-il passé ? » demanda un jeune homme brun au teint hâlé.
« Un avion allemand qui allait vers le nord... On l'a abattu mais les occupants ont sauté en parachute. On a prévenu Francis par radio... »
« Il n'y a qu'eux ? » demanda un blond qui portait les cheveux longs noués en chignon lâche.
« On n'a trouvé personne d'autre. »
« Ils ont dit quelque chose ? »
« Le gaillard pâlot a le bras cassé. Je ne pense pas qu'il soit de l'armée, ce doit être un ouvrier... L'autre n'a pas bougé, il doit être inconscient. »
Le brun, d'une démarche souple, alerte et assurée, franchit la distance qui le séparait des deux échoués en parachute et détailla Gilbert de près, le tâta en évitant soigneusement son bras meurtri qui reposait mollement à son côté. Il trouva le revolver et le confia au binoclard, avant de sourire à Gilbert de toutes ses dents et de lui annoncer quelque chose dont il ne comprit un traître mot.
« Bienvenue en Espagne libre. »
Il se détourna alors de lui en confiant sa surveillance aux autres, et repoussa le parachute loin de Lovino. Les bras en croix, l'Italien ne présentait aucune blessure apparente. C'était Gilbert qui avait tout pris.
« Un bleu et un soldat italien... » marmonna l'Espagnol. « Qu'est-ce que c'est que cette affaire... »
Il inspecta Lovino comme il l'avait fait pour Gilbert, en palpant tout son corps. Les contacts durent stimuler le jeune volontaire, car il se mit à remuer et, bientôt papillonna des paupières. Son arme lui fut confisquée également.
« Rien de cassé, petit ? » demanda le Républicain quand deux yeux ambrés parfaitement ouverts mais voilés se mirent à le dévisager sans comprendre qui il était ou ce qu'il disait.
Le soldat tourna la tête et vit Gilbert, vivant quoique sa mine était épouvantable, et sentit un tantinet de soulagement réciproque.
« Ils sont vivants tous les deux. » annonça Antonio à son équipe. « On va les interroger séparément. Francis, le bleu a besoin de soins, emmène-le au QG. J'emmène le gringalet dans les montagnes. On doit savoir ce que cet avion annonce comme ennuis pour nous... On comparera leurs versions pour déceler les mensonges. Donnez-moi la radio. »
Alfred en déchargea Arthur et la tendit à l'Espagnol, qui enfila le paquet compact sur son dos. Il remercia brièvement ses hommes avant de tendre une main à Gilbert. Ce dernier roula sur son côté gauche en maintenant son bras droit en place puis se souleva à demi pour saisir la main tendue et, en s'appuyant sur ses jambes miraculeusement fonctionnelles, il se hissa en position statique. Le dénommé Francis prit la relève à partir de là.
« Arthur, ton écharpe. »
L'homme s'exécuta et Francis eut tôt fait d'enrober le bras du blessé du morceau de tissu pour le nouer dans son cou. Le pliage ne se fit pas sans douleur et grimaces de la part de l'Allemand, mais au moins il serait un minimum protégé des chocs durant le trajet.
« Bandez-lui les yeux. » leur rappela Antonio alors qu'il s'occupait du soldat sonné désormais.
oOo
Le trajet passa pour Lovino dans un flou indistinct. Il pensa vaguement le mot « commotion » mais ses pensées ne formaient rien de cohérent. Il ne savait pas qui était l'homme qui le soutenait et le forçait à avancer tout en lui parlant dans une langue inconnue -c'était plus un monologue à voix haute qu'autre chose. Il avait compris que Gilbert était vivant et s'en réconfortait, mais c'était à peu près la seule réflexion sensée qu'il se faisait sur le moment, et comme en boucle. Les mêmes idées tournaient en rond dans son esprit alors qu'il contemplait ses pieds qui avançaient tous seuls vers une destination inconnue. Il se sentait éreinté et à peine conscient. Il ne s'inquiétait même pas de savoir ce qui allait lui arriver, ce qu'allait lui faire cet homme qui l'emmenait loin de son seul allié dans cette guerre, de quel côté il était ou même si on allait le torturer ou l'exécuter. Il n'était pas en état d'avoir ce genre de pensées.
Après un temps à la fois interminable et très court aux idées égarées de Lovino, à bout de forces, l'homme qui l'avait quasiment porté sur plusieurs kilomètres le laissa tomber sans grande délicatesse contre un mur de bois, sur un sol de terre battue où brins de paille côtoyaient mauvaises herbes. Cependant, il faisait moins froid à présent, mais toujours aussi sombre, jusqu'à ce que l'homme craque une allumette et allume une lanterne dans la nuit. A la faible lueur, Lovino ne distingua que l'éclat de ses yeux. Il lui tourna le dos quelques instants pour remuer un bric-à-brac avec suffisamment de bruit pour que le cerveau de Lovino recommence à danser la carmagnole. Puis il sentit une étoffe relativement douce, et fort épaisse, qu'on étalait sur tout son corps allongé. Une couverture.
« Duerme. »
Lovino ne comprit pas ce mot mais son esprit brumeux fit une connexion heureuse. On l'avait couché sur le sol et on lui avait offert une couverture. L'ordre était sans doute de dormir. Quel que fût le traitement qu'on lui réservait, il attendrait vraisemblablement le prochain lever du soleil.
Traductions
« They must have landed around here. » Ils ont dû atterrir ici quelque part.
« You sure you saw them jump ? » Tu es sûr que tu les as vus sauter ?
« You shoot, I watch. That's what we do, isn't it ? » Tu tires, je regarde. C'est comme ça qu'on fait, non ?
« Found them ! » Trouvés !
« Hey, you alive, German bastards ? » Hé, vous êtes vivants, bâtards allemands ?
« Alfred. Shut up. » Alfred. Ferme-la.
« He's surrendering... I guess. » Il se rend... Je suppose.
« The other hand! Show us the other hand! » L'autre main ! Montre-nous l'autre main !
« Gebrochen. Kaputt. » C'est cassé. Cassé.
« He has a broken arm. He won't go far like that, he's not a threat. » Il a un bras cassé. Il n'ira pas loin comme ça, il n'est pas une menace.
« Duerme. » Dors.
Le chapitre 5 est déjà écrit, il sortira sans faute aux alentours du 15 mai !
