Bien le bonjour !
Disclaimer : tous les personnages appartiennent à Himaruya.
Playlist dispo sur Spotify, flemme de mettre le lien car ff va le censurer u.u Mais je vais tenter de le mettre dans mon profil.
Concernant ce chapitre : encore assez transitoire, les choses sérieuses reprennent dans le suivant (que je n'ai pas encore commencé mais pas de panique) néanmoins pas mal de progrès quand même. Surtout si certain.e.s attendent toujours un Spamano.
Je vous retrouve pour quelques notes en bas de page, bonne lecture !
Chapitre X
Février 1937.
Lovino fut réveillé en sursaut par un violent roulement du bateau qui manqua de le faire tomber de la couchette du haut.
« Cazzo ! » jura-t-il à haute voix.
Il se rappela ensuite la présence de Gilbert dans la cabine et s'en voulut d'avoir exprimé son mécontentement de la sorte : il savait à quel point l'Allemand avait le sommeil léger, et combien il était compliqué pour lui de s'endormir avec son bras blessé et toujours douloureux. Au dehors, le vent rugissait et le grondement des vagues menaçait. Lovino tendit l'oreille pour tenter de percevoir le souffle de son ami. Il crut entendre une respiration profonde, un peu agitée, mais non moins régulière. Le Berlinois dormait encore. Il soupira de soulagement à l'idée de ne pas l'avoir réveillé.
L'Italien se roula en boule sous la fine couverture et essaya de se rendormir. Depuis quelques nuits, il parvenait à gérer un tant soit peu son sommeil. Mais les nuits précédentes avaient été beaucoup plus clémentes en termes de météo. Ce soir, l'orage faisait rage et déchaînait les flots. Pour Lovino, qui n'était pas habitué à la mer et encore moins à ses impétueux caprices, l'Apocalypse pouvait tout autant avoir lieu en ce moment même. Il ferma nerveusement les paupières, s'intimant de s'endormir rapidement. Quelques secondes plus tard, il avait à nouveau les yeux grands ouverts dans la pénombre.
Il essaya de se concentrer sur sa respiration et de l'apaiser par de longues expirations. Il pouvait à peine entendre son râle au-dessus du chaos des enfers déchaînés à l'extérieur. Enfin, le bateau connut une autre secousse qui lui donna un haut-le-cœur, et il n'y tint plus. Il bondit de son lit, attrapa le ciré de Gilbert qui séchait sur une chaise et quitta la cabine sur un coup de tête.
Bien sûr, il ne réalisa qu'une fois dehors, sous la pluie battante, que son impulsion avait été une bien terrible idée. Décidément, être pragmatique et agir sans réfléchir ne valaient rien à Lovino Vargas. Comment avait-il pu croire que sortir, se rapprocher de la tempête qui ne se trouvait plus qu'à un petit bastingage faiblard de lui, pouvait être une bonne idée ? Quelques nuits auparavant, il avait cherché refuge dans l'air marin quand sa cabine lui était devenue irrespirable. Aujourd'hui, il s'estimerait heureux s'il regagnait sa couchette sain et sauf et non un récif quelconque. Il se sentait trahi. On ne pouvait vraiment pas se fier à la mer. L'enfer était vide et tous les diables l'entouraient.
Un éclair zébra le ciel, suivi d'un grondement sourd de tonnerre. Le pont éclairé pendant un bref instant, Lovino aperçut Antonio, Diego et Willem qui s'efforçaient de maintenir la barre dans la bonne direction pour garder le cap, se criant des encouragements et des directives au-dessus de la tempête. Le roulis le déséquilibra, il se retrouva plaqué au bastingage, contemplant l'abysse béant et noir qui s'ouvrait sous ses yeux. Un autre éclair. Antonio remarqua l'Italien et lui cria de rentrer se mettre à l'abri. Il n'entendit rien, ne s'exécuta pas en tout cas. Le bateau continuait de tanguer si fort que son cœur allait lui repasser entre les lèvres. Il ne bougeait plus. Il ne pouvait plus. Il était tétanisé, pris au piège entre l'envie de se jeter par-dessus bord, la panique, et le besoin de réprimer une violente nausée. La peur gagnait du terrain. Il ne comprenait plus ni où il était, ni ce qu'il était censé faire, il ne savait plus rien. Son esprit s'en était allé rejoindre momentanément les sirènes et autres fantômes marins. On lui criait des mots qui s'entouraient d'échos nébuleux avant de parvenir jusqu'à lui.
Deux bras le saisirent enfin, l'entourèrent et le firent reculer loin du bastingage. Antonio jurait et pestait alors qu'il essayait de ramener Lovino vers la sécurité et que celui-ci se montrait des moins coopératifs. Enfin, il le fit redescendre en-dessous du pont et, une fois au sec, et loin des appels sinistres du gouffre marin, l'Italien sembla reprendre ses esprits. Son cœur battait la chamade et son souffle était court. Sa respiration était incontrôlable et il ne parvenait pas à parler. Ses yeux ambrés s'accrochaient à ceux d'Antonio comme ses doigts dans ses épaules, et ne pouvaient lâcher prise.
« Lovino… Est-ce que ça va ? » demanda l'Espagnol, douceur et inquiétude mêlées dans sa voix profonde.
« Je… Je… »
Il n'aligna aucun mot de plus. Antonio comprit que l'angoisse l'avait frappé, là, dehors, et qu'il n'y avait rien à faire hormis attendre qu'elle passât son chemin. Il se résigna à patienter avec Lovino, qui ne semblait pas décidé à le laisser partir de toute façon. Le regard encore fou, son visage était si proche de celui d'Antonio qu'il pouvait sentir son souffle sur ses lèvres, dans sa nuque. L'Espagnol essaya de lui murmurer des paroles réconfortantes.
« Sh, sh. Ce n'est rien, Lovi. Ce n'est rien. Tout va bien. Diego et Willem en ont vu d'autres, il ne nous arrivera rien. Tu es en sécurité. Ce n'est rien. Calme-toi. Tout va bien. Ce n'est rien… »
L'Italien s'apaisa un peu, au fur et à mesure. Lorsqu'il revint à lui complètement, la pression redescendit en flèche et les larmes se mirent à couler sur ses joues sans aucune retenue. Il marmonna des excuses, des bribes de justifications. Antonio continua de le rassurer. Son visage se cala sur l'épaule de l'Espagnol et il resta ainsi, à inhaler l'odeur salée des cheveux mouillés d'Antonio, jusqu'à ce que les sanglots s'apaisent.
Alors, Antonio emmena doucement le jeune homme jusqu'à sa cabine. Lovino n'opposa aucune résistance. Mais l'Espagnol se rappela la présence de Gilbert, qu'il ne manquerait pas de réveiller en traînant Lovino jusque là et en l'aidant à se hisser sur son lit. Le Républicain effectua un demi-tour en urgence et, après un moment d'hésitation, opta pour ses propres quartiers. Non seulement ils n'y dérangeraient personne, mais Lovino y serait par ailleurs en paix tout le matin suivant pour se remettre de ses émotions – et surtout de sa nuit mouvementée.
Il fit de son mieux pour déposer le jeune homme déjà à moitié endormi délicatement sur son lit. Il lui ôta le ciré complètement trempé, ainsi que ses chaussures, puis arrangea les couvertures autour de lui pour qu'il ne prenne pas froid. Enfin, après un sourire indulgent à l'adresse du corps recroquevillé dans ses draps, il tourna les talons, bien décidé à rejoindre ses compagnons d'infortune là où il les avait abandonnés – sur le pont, au milieu d'un violent orage.
Ses résolutions rencontrèrent pourtant un obstacle de taille. Dès qu'il le sentit ou entendit s'éloigner, Lovino agrippa Antonio plus fermement qu'il ne l'en aurait cru capable, et l'empêcha de partir. C'était impressionnant qu'une si fine main ait autant de poigne et de force autour de son poignet. Antonio soupira, mi-attendri, mi-inquiet pour Willem et Diego. Il s'assit à côté de Lovino, contre la cloison de la cabine. L'Italien se détendit, et s'endormit presque instantanément. Mais Antonio était pris au piège : Lovino était si près de lui que le moindre mouvement pour quitter le lit et accomplir ses desseins le réveilleraient et le même manège recommencerait à coup sûr. Il valait mieux ne pas le réveiller. Antonio s'y résigna. Il ne bougea pas d'un pouce.
Quelques minutes plus tard, il entendit des pas lourds descendre du pont en appelant son nom. Willem venait vérifier que tout allait bien. Le blond, trempé de la tête aux pieds, ses cheveux lui retombant si inhabituellement sur le visage, poussa la porte de la cabine sans grand ménagement.
« Tonio ! Gaat't goed met jouw ? »
« Oui, oui, ça va. » répondit l'Espagnol, qui, avec les années, avait finalement compris que cet enchaînement de sons gutturaux s'enquérait en fait de son état. « Il est un peu sous le choc. Tout va bien en haut ? »
« Ja, zekker. On a géré, ne t'inquiète pas. Ça s'est calmé un peu. Diego prend le tour suivant. »
« C'est Louise qui va être contente… »
« M'en parle pas. » grinça le Hollandais. « J'irai vérifier toutes les heures que tout va bien. Dors, Tonio. Heu, dormez. Ça te fera du bien de passer une nuit un peu plus normale. »
L'Espagnol acquiesça, un peu gêné qu'on l'ait découvert dans cette situation. Willem allait sans aucun doute se faire des idées sur Lovino et lui, maintenant…
« Merci, Will. »
« Avec plaisir. Bonne nuit, Tonio. »
Rassuré sur le déroulement de la navigation, l'Espagnol se détendit un peu une fois son ami parti. Il se cala un peu mieux contre le mur. Avant même de penser à compter les moutons, ou à enlever ses chaussures, il s'endormait sur Lovino.
.
.
.
L'embarcation eut un sursaut qui fit émerger Lovino d'une façon analogue – inattendue et désagréable. Il bondit littéralement des bras de Morphée, et l'atterrissage ne fut pas des plus doux. Il ouvrit les yeux brusquement. Son cœur battait la chamade et cela n'alla pas en s'améliorant. Il ignorait où il se trouvait. Les souvenirs de la veille étaient encore remisés dans les brumes épaisses de ce qui avait précédé le sommeil.
Il se retourna prestement, essayant de reconnaître son environnement. Un nouveau sursaut, et une sueur froide collant la peau de son dos. À côté de lui, si près de lui, Antonio dormait, presque détendu, presque comme un enfant. Il était encore tout habillé et n'avait même pas pris la peine d'enlever ses chaussures, ni même de passer sous les couvertures. Au moins, Lovino savait qu'ils n'avaient rien fait ensemble – si ce n'était dormir dans une promiscuité peu ordinaire. Le contraire ne l'aurait pas dérangé, mais son existence actuelle lui paraissait déjà bien assez compliquée sans y ajouter des amourettes.
Bien, donc il avait dormi avec Antonio. Restait à savoir comment il avait échoué dans ce lit, ou même dans cette cabine. L'abîme se rappela soudain à son bon souvenir, et il retint un haut-le-cœur. Cela lui revenait. Sa stupidité. Pourquoi était-il sorti en pleine tempête ? Sa paralysie. Il ressentait encore la peur picoter dans sa nuque et nouer son ventre. Antonio l'avait littéralement sauvé. Et ramené en lieu sûr. Et apaisé. Et sans doute qu'il avait attendu qu'il s'endorme, et avait cédé à l'appel du sommeil lui aussi. On était décidément loin du Républicain sans cœur qui allait sans doute les fusiller si Gilbert et lui s'étaient révélés être des fascistes. Ou bien ce n'était pas Antonio qui avait changé, mais son regard sur Lovino. N'étaient-ils pas à des kilomètres de chez eux, abandonnés aux quatre vents ?
L'Espagnol ouvrit une paupière, sous le regard encore médusé de fatigue de Lovino. L'œil vert ne sut dire ce qu'il avait sous les yeux. Quand il comprit, quand il se souvint, il sursauta – c'était décidément la grande mode de cette matinée – et s'écarta précipitamment, balbutiant des excuses et des justifications en chopant sur les mots, qui de toute façon fusaient à telle allure que Lovino était bien incapable d'en saisir le moindre d'entre eux. Mais il était levé, et parfaitement habillé. Il prit une profonde inspiration, se calma quelque peu et puis articula :
« Je te laisse te préparer. À tout à l'heure. »
Et il sourit, un peu gêné mais bienveillant. Lovino ne comprenait plus rien à cette histoire. Il soupira, quitta les draps et regagna sa cabine. Gilbert n'y était déjà plus. Il remarqua enfin que le bateau était de nouveau relativement immobile, sans doute accosté quelque part à proximité d'un port qu'il découvrirait en sortant sur le pont. Il changea de chemise et de pantalon après s'être passé un peu d'eau fraiche sur le visage et le corps.
Enfin, il sortit sur le pont. La lumière dorée du soleil l'éblouit. Difficile de croire que quelques heures auparavant, le ciel était d'un noir d'encre qui n'avait que peu à voir avec la nuit, et que l'Enfer s'était vidé de tous ses diables pour les déverser dans la mer déchaînée. Les rayons du soleil matinal jouaient dans les cheveux de Gilbert, accoudé au bastingage, les yeux perdus sur les vagues qui clapotaient doucement contre la proue. Entendant un bruit de pas derrière lui, il se retourna et, voyant arriver Lovino, se rua sur lui.
« Gott sei dank, Lovino ! » dit-il, l'agrippant par les épaules. « Tout va bien ? Où étais-tu ? J'étais mort d'inquiétude ce matin, en voyant que tu n'étais plus là ! »
« Je vais bien, Mutti. » siffla Lovino entre ses dents, cela dit touché de l'inquiétude du Germanique. « J'ai perdu les pédales cette nuit, à cause de la tempête. » expliqua-t-il tout bas. « Antonio m'a aidé. »
Gilbert écarquilla les yeux, surpris.
« Oh. » fit-il. « Tu as passé la nuit avec Antonio ? »
Lovino vira au cramoisi.
« N-Non, pas vraiment ! Je me suis endormi dans sa cabine, c'est tout ! Et il a, hum, veillé sur moi. »
Gilbert sourit, amusé, nostalgique à la fois. Il décida de ne pas mettre son ami mal à l'aise plus longtemps et changea de sujet.
« Et tout va bien maintenant ? Tu te sens mieux ? »
« Oui, oui. Où est-ce qu'on est ? »
« À ton avis ? » demanda Gilbert avec un sourire.
Lovino prêta pour la première fois attention au paysage avoisinant. Le bateau était amarré dans un petit port rustique, à quelques encablures d'un village de pêcheurs. Il y avait quatre autres modestes embarcations qui mouillaient là. L'endroit était calme, paisible dans la fraîche lumière d'un matin d'hiver. Quelques bâtiments aux couleurs délavées par l'air marin environnaient. Au-delà du débarcadère de planches de bois grinçantes, un petit marché local. Au-delà, un paysage aride, rocailleux, quelques collines déformaient l'horizon. C'était beau. Et terriblement inconnu à Lovino.
« Comment je le saurais ? » répliqua-t-il en haussant les épaules.
Le sourire de Gilbert s'élargit. Lovino retraça leur itinéraire mentalement. Il n'était pas bon en géographie, mais puisqu'ils étaient passés par la Corse et par la Sardaigne au cours des quelques jours qui avaient précédé, se pouvait-il que…
« Sicilia. » murmura-t-il.
Soudain, le paysage changea sous ses yeux. Ce n'était plus une île quelconque au paysage quelconque, c'était sa patrie. Un recoin encore préservé de son pays, à mille années lumières des lubies fascistes et de leurs modernisations. Une bourgade épargnée où l'on parlait presque sa langue, où l'on partageait à peu de choses près sa culture. Il était de retour chez lui. Bravant ceux qui en avaient après lui, exauçant la prophétie de son grand-père. Homme de peu de foi, avait-il dit avec malice avant son départ. Et voilà que son petit-fils revenait en terre italienne, comme il l'avait prédit.
Son cœur se serra. Pour la première fois en de longs mois, Lovino s'inquiéta pour lui. Il espérait que Romeo avait été aussi chanceux que lui, et ne s'était pas fait prendre. Il espérait ne pas lui avoir attiré d'ennuis, avec le journal et sa fuite. Cazzo, il espérait même que cet idiot de Feliciano était toujours en vie et dans les bonnes grâces du régime. Autrement dit, en sécurité.
Il descendit du bateau sans y penser, presque comme dans un état second. Il posa le pied sur la terre italienne pour la première fois depuis de longs mois qui avaient paru des années. Il respira l'air qui remplissait autrement ses poumons, bien que plus salé et moins vicié par la ville. Le ciel bourgeonnant çà et là de nuages clairs, au-dessus de sa tête, était le même qui veillait sur lui jadis, à Rome. Il s'arrêta après quelques mètres de marche sur le rivage rocailleux.
Gilbert l'observait du bastingage, touché de le voir si ému et heureux d'être de retour, fût-ce pour quelques fugaces instants, dans sa patrie. Sans doute n'avait-il jamais osé l'espérer. Son cœur se serra. La patrie de Gilbert n'existait plus. On l'avait trop aliénée. Il ne reconnaîtrait plus rien, s'il y rentrait. Ce qui n'avait jamais fait partie de ses plans. Mécano pour la Luftwaffe, c'était une façon de s'enfuir, rien d'autre. Le plus loin possible et pour toujours, de préférence. Plus rien ni personne ne l'attendait chez lui. Chez lui avait disparu. Sa vie avait déserté en 1936, sans prévenir, sans revenir.
Il suivit Lovino, à moitié pour s'occuper l'esprit à autre chose, à moitié pour se dégourdir les jambes sur un sol stable. Il n'irait sans doute pas jusqu'à la bourgade – mieux valait éviter d'attirer l'attention, et un marin albinos ne manquerait pas de marquer les esprits. Mais c'était bon de toucher la terre ferme. Il eut une dernière pensée pour Berlin, sans doute enveloppée d'un mordant manteau de neige en cette période de l'année. Soudain, le ciel bleu de l'Italie ne lui parut plus si beau.
.
.
.
Lovino négociait le prix du poisson comme personne, même si le fort accent sicilien des pêcheurs lui donnait du fil à retordre. Sa voix prenait une autre tonalité en s'exprimant dans sa langue maternelle, et Antonio prenait plaisir à le regarder s'enflammer, à l'écouter. Le jeune homme devenait presque une autre personne dans cette autre langue – peut-être redevenait-il lui-même. Et Antonio voulait découvrir cette identité. Ces identités toutes entières.
Lovino surprit finalement son regard sur lui, et Antonio détourna les yeux rapidement, faisant quelques pas en arrière pour retrouver la compagnie rassurante de Louise. L'Italien récupéra les marchandises des mains du vieux pêcheur et les rejoignit dans un silence quelque peu inconfortable. Ils reprirent la direction du bateau. Lovino ralentit le pas délibérément, peut-être pour profiter plus longtemps des rivages de sa patrie.
Antonio le remarqua, et lui laissa l'espace nécessaire pour embrasser cet horizon une dernière fois avant leur départ. Il fallait qu'ils discutent, pourtant. Il avait le cœur lourd depuis le matin et ne voulait pas laisser les choses s'envenimer à cause du poison des silences. Il marcha avec Louise jusqu'au bateau, mais la laissa embarquer seule. Il s'assit sur l'embarcadère de bois, les pieds flottant dans le vide à quelques centimètres à peine de l'eau qui ondoyait légèrement. Il regarda Lovino, quelques mètres en arrière, se retournant peut-être une dernière fois vers sa patrie. Antonio alluma une cigarette. Les pas de l'Italien se rapprochaient. Enfin, il s'assit à côté de lui, grimaçant en inhalant par mégarde un peu de fumée.
« Désolé. » fit Antonio. « Tu crois que c'est dangereux ? »
« Quoi donc ? » répliqua Lovino, visiblement un peu tendu.
« Fumer une clope soviétique ? Les gens pourraient s'en rendre compte. »
« Oh, ça. Fumer n'importe quoi ne peut pas être sans danger. Mais je crois qu'ils n'ont pas entendu parler de l'Union Soviétique, par ici. »
Peut-être même pas de Mussolini, ou des dommages créés. Lovino les envia pendant un bref instant.
« Il est comment, le gars qu'on va chercher ? » s'enquit-il pour se changer les idées.
« Aucune idée. Droit dans ses bottes, j'espère. Utile, avec un peu de chance. »
« Qu'est-ce qu'on va faire quand on rentrera ? »
« Je n'ai pas trop envie d'y penser avant qu'on soit rentrés. »
Lovino acquiesça. Antonio termina sa cigarette en silence.
« Je suis désolé pour ce matin. » lâcha-t-il enfin.
Lovino fronça les sourcils.
« Pour quoi, exactement ? »
« Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, hum… Je ne voulais pas envahir ton espace, c'était… C'était un accident. »
Lovino ricana.
« Je ne me suis pas senti envahi. Cazzo, c'est moi qui ai investi ta cabine. Et puis… J'ai déjà dormi avec des hommes, Antonio. Dans une promiscuité toute autre, si tu veux tout savoir. »
Antonio ouvrit des yeux étonnés. Il y avait un message subliminal quelque part, n'est-ce pas ?
« Ha bon… »
« Maintenant, c'est moi qui suis désolé si ça te met mal à l'aise. »
« Pas le moins du monde. » assura Antonio. « J'ai été un peu… Enfin, je ne voulais pas que tu interprètes mal mon geste. Et à présent, je ne veux pas que tu interprètes mal mon départ précipité. »
Lovino hocha la tête, compréhensif. En résumé, Antonio ne voulait pas qu'il pense qu'il avait profité de la situation, dans un cas, ni qu'il en avait été dégoûté, dans un second. Cela était bien prometteur.
« Et si je te disais que je n'interprèterai rien du tout ? » sourit-il.
Antonio lui rendit son sourire. Puis il bondit sur ses pieds et lui tendit la main pour l'aider à se relever. Et ils remontèrent à bord.
Notes
Y a deux refs à The Tempest de Shakespeare et surtout à la citation Hell is empty, and all the devils are here.
Lovino dit qu'on parle "presque sa langue" en Sicile parce que l'Italie est (encore aujourd'hui) très marquée par les dialectes, même si une forme d'Italien standard s'est développée avec l'Indépendance. A fortiori, dans les années 30 dans un coin reculé de la Sicile, le dialecte devait être encore largement dominant.
Traductions
Gaat 't goed met jouw? - Est-ce que ça va (néerlandais)
Ja zekker - oui, bien sûr (néerlandais)
Gott sei dank - dieu soit loué (allemand)
Mutti - Maman (allemand)
J'espère que ce chapitre vous a plus, n'hésitez pas à laisser un commentaire :) Surtout si vous voulez lire la suite un jour :)
A bientôt !
