Notes
Casting hypothétique :
Karl Theobald dans le rôle de Jeremy Rankin.
Suggestions de musique :
Viggo et ses compagnons approchent d'Isla Nublar à bord de leur bateau :
- He's Here for Us – Michael Giacchino, Rogue One : A Star Wars story (Du début jusqu'à 1min54).
La scène des Cryptoclidus :
- The Witches of Lake Enara — Lorne Balfe, The Musical Anthology of His Dark Materials.
Les plongeurs atteignent le lagon du mosasaure et le corps de l'Indominus :
- Submarine homesick blues — Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom.
L'attaque des Xiphactinus et du mosasaure :
- Feeding Frenzy et The Deadliest Sea of all time – Benjamin Bartlett, Sea Monsters.
Les acrocanthosaures attaquent les Sommers :
- A sight for tyrannosaur eyes et This title makes me jurassic - Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom.
-O-
La tempête faisait rage au large de la côte Pacifique du Costa Rica. Il pleuvait des cordes, le tonnerre grondait quasi en continu et l'océan était agité.
Chevauchant les vagues, un hors-bord noir fendait les eaux sombres en soulevant des éclaboussures. A son bord, partiellement abrité du vent et de la pluie par le toit du poste de pilotage, sept personnes encapuchonnées étaient assises, se préparant à accomplir la mission qu'on leur avait confiée et qui consistait à récupérer un objet important sur une île située à quelques kilomètres de là.
Celle-ci finit par apparaître à la lueur d'un éclair, sous la forme d'une masse sombre à l'horizon, et alors que le hors-bord se dirigeait vers sa côte sud-est, ses passagers entendirent un grondement dans le ciel, différent de celui du tonnerre, et un autre éclair trahit davantage la présence d'un hélicoptère à proximité. Le regard des individus encapuchonnés se dirigea vers lui alors qu'il dépassait le hors-bord, se dirigeant lui-aussi vers l'île.
On jeta des regards mauvais et on murmura des jurons à l'encontre de l'appareil parmi le groupe mais son chef, Viggo, un Danois d'âge mur aux cheveux bruns, avait une attitude plus impassible et il se contenta de regarder l'hélicoptère disparaître au milieu du ciel d'encre où aucune étoile ne brillait. Puis, il se retourna vers ses collègues et leur adressa un hochement de tête à peine perceptible pour inspirer la confiance en eux.
Alors que les éclairs se succédèrent, l'île se rapprocha de plus en plus et ses reliefs se distinguèrent. En plissant des yeux, le groupe distingua même des constructions. Au sud, à l'ombre d'une montagne dominant le littoral, il y avait un complexe constitué d'un bâtiment pentagonal et de trois quais ; au nord, une presque-île s'avançait dans l'océan ; entre-les deux, une ligne de crêtes recouverte de maisons et de ce qui semblait être de jardins s'étirait, surplombant une longue plage de sable. Iago, le marin Costaricain que l'équipe avait engagé en raison de sa connaissance des eaux environnantes, dirigea le hors-bord vers une petite baie située entre le complexe et la plage et cachée depuis cette dernière ainsi que depuis la marina jouxtant le complexe par le relief et la végétation tropicale dense.
Le hors-bord ralentit à l'approche de la baie et regardant à bâbord, les passagers virent plusieurs bateaux amarrés à la marina, dont des yachts, mails ils étaient loin d'être suffisamment nombreux pour la remplir. La marina faisait peine à voir et en vérité, une grande partie des bateaux qui y étaient amarrés l'avait déserté. Au-delà de la marina, l'une des tours bâties sur le quai le plus proche était à moitié en ruine. Un pan de mur tout entier s'était écroulé, laissant apparent l'intérieur de la structure. Lorsqu'ils furent suffisamment près du rivage, ils virent qu'une pellicule grise recouvrait encore la végétation par endroit.
Après avoir regardé la petite croix rouge sur la carte de l'île qu'il tenait entre ses mains, Viggo leva les yeux et dirigea son regard au-delà de la proue, vers un creux dans le littoral et l'entrée d'un canal souterrain, barré par une grille en acier. A côté de l'entrée, se trouvait l'extrémité d'un quai qui longeait le côté nord du canal, continuant ainsi au-delà de la grille.
Le hors-bord s'arrêta à côté de cette extrémité et le hackeur du groupe, un Afro-américain prénommé Hudson, débarqua, ouvrit un panneau fixé à un mur de béton construit dans la paroi rocheuse, révélant un terminal auquel il brancha sa tablette. Alors que le reste de l'équipe le regardait s'affairer, le cri d'un animal se fit entendre au milieu de la tempête et ils tournèrent la tête vers le nord, d'où le cri venait. Ce cri n'était ni celui d'un singe, ni celui d'un fauve. Il était grave et sonnait comme le mélange entre un mugissement et le chant d'une baleine.
— Je suis dans le système, annonça le hackeur quelques instants plus tard.
Il pianota sur sa tablette pendant encore un instant ou deux et la grille s'ouvrit enfin, basculant vers le haut. Hudson referma le panneau et revint à bord du hors-bord qui entra dans le tunnel, la lumière de ses projecteurs pénétrant l'obscurité totale qui y régnait tandis que la grille d'entrée était laissée grande ouverte.
L'équipe se décapuchonna et enleva les ponchos dont ils étaient vêtus, révélant les combinaisons de plongée que tous sauf Hudson et Iago portaient.
Avec des signes, Viggo ordonna à ses collègues d'être aux aguets et lui, Hudson et trois autres membres de leur équipe sortirent des pistolets ou des fusils, s'alignèrent à tribord et éclairèrent le quai avec les lampes de leurs armes. Il regarda chacun d'entre-eux. En plus d'Hudson, il y avait Arno, un Suisse grand et musclé à la tignasse blonde et filasse, à la mâchoire carrée et au regard dur ; Rhys, un petit Ecossais trapu et ventru à la barbe rousse et au nez volumineux; et Selena, une jeune californienne blonde de grande taille et dont la combinaison mettait bien en valeur la silhouette svelte et les formes avantageuses. Derrière eux, les deux derniers membres de l'équipe, une jeune femme rousse prénommée Trish, américaine elle-aussi, et son assistant Michael, un homme chauve tout aussi jeune et qui s'avérait être le membre le plus grand de l'équipe ainsi que l'un des plus costauds. Ils étaient affairés à effectuer quelques dernières vérifications du matériel de plongée et d'un réceptacle de la taille et de la forme d'une valise munie de poignées de chaque côté.
Le tunnel continua sur plusieurs centaines de mètres tout en décrivant une courbe, ils passèrent devant l'entrée d'un passage et après un tournant, le hors-bord fit face à une écluse, fermée. Venant d'au-delà de l'écluse, un courant d'air apporta une odeur d'eau salée à leurs narines. A la lumière des projecteurs du bateau, ils remarquèrent que de l'autre côté de l'écluse, le niveau de l'eau atteignait la même hauteur que de leur côté.
— On ne nous a pas racontés de bobard, leur système anti-inondation a bien été rendu inopérant par le séisme, dit Trish de sa voix râpeuse digne d'une femme plus âgée et qui contrastait fortement avec sa jeunesse.
— Voilà qui nous facilite la tâche, ajouta Hudson.
Le hackeur saisit sa tablette à nouveau, pianota, et la première porte d'écluse s'ouvrit. Le hors-bord s'avança dans le sas, Hudson enclencha d'abord la fermeture de la porte derrière eux puis celle d'ouverture de la porte devant eux.
Une fois cette deuxième porte d'écluse ouverte, ils poursuivirent leur route et débouchèrent hors du tunnel au niveau d'une anse ceinte de part et d'autre par des bosquets touffus qui se dressaient sur des terrasses que les eaux avaient submergés. Les faisceaux lumineux du groupe passèrent d'abord sur un banc de poissons morts flottant sur le flanc à la surface de l'eau, puis parmi les troncs et feuillages, feuillages eux-aussi encore recouverts de la même pellicule grise que celle vue au niveau du littoral. De la cendre volcanique.
Les yeux du groupe se braquèrent vers une trouée entre les deux bosquets. Elle s'ouvrait sur une étendue d'eau beaucoup plus grande, un lagon d'une vingtaine d'hectares. Un autre éclair déchira le ciel et sa lueur révéla des constructions sur la rive opposée de cette étendue et au-delà, dont un ensemble de gradins, une promenade surplombant le bord nord de l'étendue et ce qui ressemblait en tout point à une montagne artificielle. C'était là le Lagon de Jurassic World et l'île était Isla Nublar.
Quatre jours plus tôt, la veille de Noël, le célèbre parc à thème s'était effondré en l'espace de quelques heures dans le feu et le sang au cours d'une apocalypse que l'on surnommait au Costa Rica La Larga Noche, la Longue Nuit. Accueillant jusqu'il y a peu près de vingt mille personnes par week-end, le parc n'était plus que des ruines désertes hantées par des créatures d'un autre âge.
Iago arrêta le hors-bord, éteignit les projecteurs, et Viggo le félicita avec une tape amicale sur l'épaule.
— Nous sommes arrivés. Excellent travail, Iago.
L'ensemble de l'équipe, à l'exception d'Iago et d'Hudson, mit alors son équipement de plongée. Viggo, Arno, Rhys et Selena glissèrent dans l'eau les premiers, avec des fusils d'assaut sous-marins à la main, et après s'être assuré qu'il n'y avait pas de danger à proximité, ils firent signe à Trish et Michael. Ces deux derniers hissèrent leur réceptacle par-dessus le bord du hors-bord et le laissèrent flotter à la surface le temps qu'ils s'immergent. Reprenant ensuite le réceptacle par ses poignées, un de chaque côté, ils rejoignirent ensuite leurs quatre collègues qui se répartirent autour d'eux, de manière à les escorter.
Nageant en tête, Viggo mena le groupe en avant, vers la trouée et une fois qu'ils furent passés au-dessus de la clôture qu'on trouvait à son niveau ils disparurent sous la surface, se mouvant tels des ombres. Ils passèrent près d'une carcasse qui flottait entre deux eaux, celle d'un reptile marin long de six mètres et dont la forme générale évoquait celle d'un dauphin, un Ophthalmosaurus. L'un des membres du groupe nota qu'une grande partie de l'abdomen avait disparu, ne laissant que les marques de la morsure d'un grand prédateur…
Depuis le hors-bord, Hudson parvint à distinguer quelques lumières lointaines au nord-ouest, à environ un kilomètre de là, au niveau du bâtiment administratif du parc qui surplombait la cité et le Lagon du haut de son promontoire. La multinationale InGen, autrefois maître de ce royaume désormais déchu, ne contrôlait plus que quelques petites enclaves sur l'île, dont l'Administration, et les hommes de la maigre garnison qu'elle avait laissé n'osaient même pas sortir la nuit dans les ruines de la cité morte de Burroughs qui bordait le Lagon, de peur de tomber dans quelque embuscade et d'être emporté dans les ténèbres par les prédateurs qui y rôdaient.
Un hululement attira l'attention des deux hommes. Quelqu'un de non-initié aurait cru à la présence à proximité d'une chouette ou d'un cygne et bien que leurs connaissances du monde animal étaient plus limitées que celles d'autres personnes, Hudson et Iago savaient tous deux qu'il y avait peu de chances que ce soit un oiseau ordinaire qui ait produit ce son. Pistolet dans une main et lampe torche dans l'autre, le hackeur et le marin scrutèrent avec méfiance la végétation dense autour de l'anse, aux aguets de quelque nouvelle manifestation de la créature ayant poussé le hululement. Celle-ci semblant s'être éloignée, les deux revinrent sous la partie abritée du hors-bord, et alors qu'Hudson gardait un œil sur la retransmission vidéo des caméras embarquées des plongeurs, Iago contempla le parc en ruines à la lueur des éclairs.
X
Un peu plus loin au nord-est, l'hélicoptère vu plus tôt par les passagers du hors-bord s'était posé derrière le Grand Nublarian, le plus grand hôtel du parc, et deux de ses passagers en était sorti.
Ces derniers, Jack et Hannah Sommers, deux jeunes gens aux cheveux châtains-blonds et habillés de noirs, avaient atteints le bas de la colline occupée par l'hôtel et s'était arrêtés sous l'arcade à l'entrée du casino et d'une boîte de nuit nommée Le Chicxulub, tous deux aménagés sous l'hôtel, au sein même de la colline. Entre eux et leur destination, située sous l'imposante montagne artificielle abritant le Centre de la Découverte, un étang relativement grand s'étendait et tout comme le lagon, son niveau avait augmenté, tant que le frère et la sœur avaient les pieds dans l'eau et que leur route était inondée. Pour atteindre leur destination, située au niveau d'une aile du Centre surmontée d'un dôme représentant la Terre de la fin du Jurassique, deux chemins s'offraient à eux : Soit ils empruntaient le long pont en pierre qui coupait l'étang en deux parties de taille très inégale; soit ils contournaient l'étang par le sud en longeant une série de boutiques aménagées sous des terrasses arborées avant de rejoindre l'extrémité opposée de la chaussée, non loin de l'objectif.
— Quel chemin on prend sœurette ? Demanda Jack à Hannah.
Hannah regarda le pont inondé. La route qu'il constituait jusqu'à l'aile du Centre était plus ou moins en ligne droite mais ils y étaient à découvert et si on leur repérait, ils n'auraient aucune cachette ou n'auraient pas le temps d'en atteindre une. Bien qu'il fût plus long, le chemin longeant les boutiques était peut-être plus sûr.
— Celui sous les terrasses.
— Ok.
Ils mirent les capuches de leurs imperméables, Jack sortit un pistolet et ils gagnèrent le quai longeant le côté sud de l'étang, trottinant le plus discrètement possible dans une eau grisâtre, encore teintée par la cendre. Alors que Jack jetait de rapides coups d'œil à l'intérieur des boutiques pour se prémunir d'une éventuelle mauvaise surprise se cachant dans leurs sombres recoins, Hannah regardait droit devant eux, surveillant le rebord des terrasses et le chemin devant eux. Au niveau des arbres du Zoo, au nord de l'étang, des oiseaux blancs s'envolèrent soudainement en poussant des cris et les ayant entendus, le frère et la sœur ralentirent et regardèrent en direction de la rive opposée un instant avant de reprendre leur route mais alors qu'ils étaient sur le point d'atteindre l'endroit où le pont et le quai se rejoignaient, Hannah s'arrêta.
— Jack… Murmura-elle d'une voix inquiète.
Elle avait les yeux rivés sur un kiosque à cinquante mètres de leur position, construit au niveau d'un belvédère qui dominait l'étang. Il se demanda ce qui l'inquiétait chez ce kiosque puis, levant les yeux vers son toit, il sut quoi et un frisson parcourra son échine.
Perchés sur le toit telles les gargouilles d'une cathédrale, blottis les uns contre les autres avec les ailes repliées contre le corps, se tenaient trois ptérosaures. Jack et Hannah étaient trop loin pour les observer clairement mais ils notèrent qu'ils avaient la taille d'un gros aigle, une robe tachetée rappelant celle d'un léopard, et que le museau allongé terminant une tête crêtée était celui d'un prédateur.
Les Sommers regardèrent les ptérosaures puis le reste de leur chemin et notèrent que quoiqu'ils fassent, ils allaient devoir passer non loin d'eux. Discrètement, Jack vérifia le chargeur de son pistolet et nota qu'il avait un nombre suffisamment de balles au cas où la situation virerait au vinaigre. Lui et sa sœur échangèrent un regard décidé et s'avancèrent pour reprendre leur route, se mouvant lentement, davantage en glissant sur les dalles qu'en effectuant de grandes enjambées sonores.
Ils parvinrent ainsi à l'extrémité du quai et au début du pont qui coupait l'étang, et empruntèrent ce dernier, commençant à contourner l'affleurement du belvédère.
Soudain, l'un des ptérosaures releva la tête et les vit. Il s'ébroua mais son agitation ne fut pas au goût d'un de ses congénères qui lui adressa un claquement de mâchoires, l'intimant à se tenir tranquille et à ne plus troubler leur repos. Le premier ptérosaure siffla de frustration en guise de réponse et se calma. Le troisième avait aussi vu les Sommers mais contrairement au premier, il resta tranquille et se contenta de les regarder passer en contrebas et atteindre le quai à la base de l'aile surmontée par le dôme.
Les Sommers parvinrent à leur destination, la porte de sortie du cinéma IMAX du Centre de la Découverte. Celle-ci avait été verrouillée mais Jack sortit de quoi la crocheter du sac à dos que sa sœur portait et au bout de plusieurs tentatives, tandis qu'Hannah continuait de surveiller le trio de ptérosaures, il parvint à l'ouvrir.
Ils s'engouffrèrent à l'intérieur, prenant soin de fermer derrière eux, et avec les faisceaux de leurs lampes torches, ils balayèrent les centaines de sièges et l'écran hémisphérique gigantesque du dôme.
Alors qu'ils remontaient vers le haut de la salle et l'entrée du cinéma, Jack contacta celui qui supervisait la mission depuis l'hélicoptère.
— Rankin. Nous sommes à l'intérieur, annonça-il dans son micro.
— Bien, répondit la voix d'un homme âge mur dans leurs oreillettes, parlant avec un accent britannique. Les serveurs se trouvent au fond du laboratoire et le générateur de secours du bâtiment se trouve à un niveau en-dessous. Une cage d'escalier relie la salle des serveurs à la salle du générateur. Jack, faîtes-preuve de prudence lorsque vous le relancerez. Moins il sera sollicité, plus les hommes d'InGen mettront de temps à se rendre compte de votre présence. Or votre sœur a besoin d'un maximum de temps pour récupérer les données recherchées. Si jamais vous vous faites attraper, je ne pourrais rien pour vous et si vous revenez bredouille à l'hélicoptère ou que les données récupérées sont les mauvaises, le boss se réserve la liberté de ne pas honorer les termes de votre contrat. Et si jamais vous devez fuir, je vous déconseille d'emprunter les tunnels. Non seulement il est facile de s'y perdre mais bien des prédateurs en ont fait leurs repaires. Vous n'en sortiriez jamais vivant… Recontactez-moi lorsque vous aurez les données. Rankin, terminé.
— Pas de pression… Dit Hannah une fois que Rankin mit fin à la transmission.
— Rendez-vous par une nuit de tempête dans un parc à thème abandonné et ce au lendemain d'une apocalypse, traversez une ville fantôme où toute sortes de prédateurs cauchemardesques rôdent, entrez par effraction le centre, trouvez les laboratoires, remettez le courant, récupérez des données et sortez avant de vous faire prendre ! Super facile, à peine un désagrément ! Ironisa Jack. Connard de rosbif !
— Moi je dis que si ça part en couilles, vaut mieux se faire choper par les mecs d'InGen que de se faire bouffer.
Ils sortirent du cinéma, prirent une porte de service sur leur droite et se retrouvèrent peu après dans la partie du bâtiment occupée par le laboratoire, dans lequel ils pénétrèrent. Suivant les indications d'un plan qu'Hannah tenait en main, ils le traversèrent, passant dans une zone cachée de la vue du public qui pouvait observer le laboratoire et une partie de ses activités depuis une galerie la surplombant.
— J'espère que les données y sont toujours… Dit Jack.
— D'après Rankin, ils avaient pensés à supprimer les données au début. Puis il y a eu l'insurrection, les généticiens ont du se barrer en quatrième vitesse et personne n'y a pensé en quatre jours. Je te parie qu'ils ne le feront que lorsqu'InGen pliera bagage définitivement.
Au sein de cette zone de coulisses, ils trouvèrent la salle abritant les serveurs ainsi que non loin, la porte d'une cage d'escalier. Ils descendirent l'escalier en question, atteignant un local technique et trouvèrent comme prévu le générateur de secours du bâtiment. Alors qu'Hannah ouvrait son panneau, révélant une panoplie de disjoncteurs et d'interrupteurs, Jack balaya la pièce du regard et vit une autre porte. Il s'en rapprocha.
— Dis, tu crois qu'elle mène où ? Demanda-il à sa sœur qui était occupée à charger le générateur.
— Je pense qu'elle mène aux tunnels…
A son grand soulagement, il remarqua qu'elle était fermée mais il s'empressa quand même de la bloquer et de la barricader avec divers objets trouvés dans le local, dont des cartons pleins et un balai. Puis, il se mit à vérifier avec nervosité chaque recoin de la pièce.
— Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Hannah.
— J'assure mes arrières. J'ai vu trop de films où des persos dans ce genre d'endroits et dans notre situation se font buter comme les dernières des merdes.
Une fois qu'il eut terminé, il s'approcha du panneau de commande du générateur et l'étudia.
— Ok, rien de sorcier, murmura-il, notant que chaque interrupteur était associé à un système spécifique.
Il repéra celui associé aux serveurs. Ensuite, lui et Hannah synchronisèrent leur montres, commencèrent un compte à rebours, et elle se dépêcha de revenir aux serveurs et de défaire son sac pour en sortir une tablette et un câble. Lorsque le compte à rebours arriva à son terme, Jack appuya sur l'interrupteur associé aux serveurs et au niveau supérieur, ces derniers se mirent à ronronner peu après. Hannah brancha sa tablette à ces derniers et commença à chercher les données pour lesquelles ils étaient venus. Jack remonta peu après.
— Je te jure, jouer les Ethan Hunt sur une île post-apo remplie de dinosaures… ça ne pouvait tomber que sur nous, se plaignit-il. Heureusement que la sécurité d'InGen est aussi à chier que celle de l'Empire dans Star Wars.
— Arrête, je me croirais dans Rogue One avec ces serveurs et ces données à piquer. Le problème, c'est qu'ils sont tous morts dans ce film…
X
Descendant progressivement vers les profondeurs obscures, suivant toujours la direction du nord-ouest grâce à leurs boussoles, Viggo et ses compagnons continuaient leur traversée du Lagon et leurs lumières éclairèrent bien assez tôt des massifs rocheux. Lorsqu'ils passèrent près d'un de ces derniers, Selena eut un mouvement de recul et frissonna en voyant un amas de tentacules se retirer dans les ténèbres.
— Ça va Selena ? S'enquit Viggo.
— J'ai vu des tentacules…
— Boarf, tu as du voir un calmar ou une grosse seiche, fit Rhys sur un ton désinvolte. Pas la peine de chier dans ta culotte.
— Tu as du voir un Titanites giganteus, dit Trish.
— Un tita quoi ? Demanda Selena.
— Une ammonite géante, précisa la scientifique.
— C'est quoi une ammonite ? Demanda Arno.
— Mais vous avez lu le dossier que Michael et moi avions fait ? S'inquiéta Trish
— Euh… Fit Selena.
— Non, répondit Arno sans détour.
— Il y avait un dossier sur les bestioles qu'on pouvait rencontrer ? Demanda Rhys.
— Mais vous le faites exprès ou quoi ?! S'énerva Trish.
— Ben j'avais commencé mais il y avait beaucoup de mots compliqués… Et je n'aime pas lire, répondit le mercenaire suisse.
— Et ça mange quoi ce genre de bestiole ? Demanda Rhys avec une curiosité intéressée.
— Pas de proies de la taille d'un humain si c'est ce que tu veux savoir, répondit Michael. Et ce ne sont pas des créatures agressives.
— Et merde… Jura l'Ecossais. Je n'aurais pas dit non si un nous débarrassait de Selena.
— Mais euh ! Protesta-elle.
— Dommage, ça aurait pu finir en Hentaï, murmura Viggo.
— Tu disais Viggo ? Demanda Selena, croyant avoir mal entendu.
— Euh… non rien, juste que c'est dommage que ce masque soit comme un ventail, mentit-il.
— Je crois que c'était la première fois qu'on t'entend au cours de cette mission, Michael, souleva Rhys. Déjà que tu n'es pas bavard d'ordinaire et que tu ne parles pratiquement qu'à Trish mais là tu n'as pas pipé un mot. Tu as les foies ?
— Il y a un peu de ça et en ne parlant pas, je me fatigue moins vite et je reste plus concentré, expliqua l'assistant.
— Ouais, ben si on restait tous silencieux comme toi, bonjour l'ennui, répondit Rhys. Le temps qu'on atteigne l'objectif, que vous fassiez les prélèvements, qu'on fasse le trajet retour et qu'on passe les paliers de décompression, on en a pour une bonne demi-heure, si ce n'est pas trois quarts d'heure. Et trois quarts d'heure c'est long dans un endroit comme celui-ci, devenu aussi lugubre qu'un cimetière.
— En même temps c'en est littéralement un, fit-remarquer Trish. Il doit y avoir des cadavres aux quatre coins du Lagon. Et le reste de l'île, ce n'est pas mieux… Après la récente apocalypse, les animaux du parc vivent une situation à la Mad Max.
— Seuls les plus forts et les plus rusés survivront, dit Arno, des paroles qui attristèrent à l'aise Selena.
— Selon certaines estimations, plus d'un millier de personnes auraient perdu la vie à cause de la catastrophe, leur apprit Trish. Je crois qu'on ne saura jamais toute la vérité au sujet de la chute de cette île.
— En même temps ces cons ont construit leur parc sur une île dotée d'un volcan actif, fit remarquer Rhys.
— Ouais, ils auraient pu construire en Floride comme Disney et Universal, ajouta Viggo. Michael a raison de rester silencieux pour mieux se concentrer. Certains devraient suivre son exemple. On nous a dit de faire gaffe au mosasaure.
— Le mosasaure ? C'est bien le dinosaure poisson géant qui avait un show façon Seaworld ? S'enquit Rhys.
— Ce n'est pas un dinosaure mais un squamate, le corrigea Selena.
— Non mais on s'en fout que ce soit un dinosaure ou un squatate, rétorqua Rhys. Ça pourrait être une licorne aquatique géante ou un rat musqué mutant que ça ne changerait rien au schmilblick.
— Et à part le mosasaure, il y a quoi d'autre ? Demanda Arno.
— Si les renseignements qu'on nous a fait parvenir sont corrects, c'est la seule espèce vraiment dangereuse que nous sommes susceptibles de rencontrer car les autres sont encore contenues dans leurs lagons respectifs, qui ne sont pas sur notre trajet, exposa Trish. Si ça peut vous rassurer, je pense que les risques qu'elle nous chasse sont minimes étant donné le gueuleton qu'elle s'est fait à Noël.
— Ah, me voilà rassurée, souffla Selena.
— On verra bien si Trish as raison, déclara Viggo.
— C'est nul ! Cet endroit est pourrit ! Se plaignit Arno. J'avais envie de baston…
— Au pire, si tu veux de la baston, tu n'as qu'à remonter à la surface pour aller te fritter avec les carnivores rôdant dans les parages, lui suggéra Rhys.
— Ce serait surtout cool qu'on nous foute la paix pendant cette mission, dit Viggo. Si on croise le mosasaure et qu'elle décide de varier son menu, on est plus que mal donc restons discrets et évitez de faire les cons. Je sais bien que cet endroit était encore un zoo il y a quelques jours mais maintenant c'est devenu l'équivalent d'une zone de guerre alors ne vous comportez pas comme des gosses en visite à l'aquarium.
Le fond sablonneux du lagon ainsi qu'une sorte de rail apparut sous eux et tout droit, à la limite de la portée de leurs faisceaux de lumière, une énorme masse semblait se dessiner, surgissant du sol. Viggo les mena vers cette masse et un banc de poissons venant de cette dernière les croisa.
— Eh Michael ? Est-ce que tu aimes les bâtonnets de poisson ? Demanda Rhys à l'assistant scientifique.
— Oui, pourquoi ?
— Répète rapidement la phrase J'aime les bâtonnets de poisson.
Michael joua le jeu.
— J'aime les bâtonnets de poisson. J'aime les bâtonnets de poisson. J'aime les bâtonnets de poisson….
Mais alors qu'il répétait la phrase, les mots finirent par se mélanger, sa langue fourcha et il se retrouva à dire :
— J'aime les bites au nez de poisson.
Mais alors qu'il réalisait son lapsus, Rhys s'esclaffa :
— Tu aimes les bites au nez de poisson ? Qu'est-ce que tu es ? Un poisson gay ?!
— Ohlala… le lourd…, soupira Trish. Et paye ton recyclage d'une blague de South Park.
La gigantesque masse sombre se dessina de plus en plus clairement, jusqu'à ce qu'ils aient une sorte de petite montagne sous-marine devant les yeux, construite par l'Homme, à l'instar des massifs rocheux vus plus tôt, et haute comme un immeuble.
Ils pénétrèrent au sein de cette dernière via une ouverture rectangulaire située à la base de la montagne. Cette ouverture était crénelée par ce qui était les restes d'une longue baie vitrée et ils passèrent devant le comptoir d'une cafeteria. S'enfonçant au cœur du bâtiment submergé, ils atteignirent une grande salle dominée par plusieurs balcons et qui ressemblait assez, en termes de formes et de dimensions, à un hall de centre commercial.
Alors que le groupe s'avançait prudemment dans le hall, une accalmie au milieu de la tempête permit à la lumière de la lune d'atteindre le Lagon d'Isla Nublar et d'éclairer faiblement ce qui était autrefois le grand hall du Mont Thétis. Au nord-ouest et au nord-est, deux gigantesques parois acryliques se dressaient jadis, dominant chacune un petit hémicycle, mais à leur place, il ne restait plus que deux ouvertures béantes s'ouvrant sur une obscurité écrasante et là où une partie des plongeurs avaient l'impression d'évoluer au beau milieu de l'Atlantide, les autres eurent l'impression d'être les protagonistes d'une œuvre de science-fiction explorant une station spatiale abandonnée. Tout comme la baie de la cafétéria, les parois acryliques avaient toute deux cédés suite à quelque événement et les flots du déluge soudain qui en avait résulté avaient inondés tout le bâtiment, remuant et dispersant tous les objets s'y trouvant et suffisamment légers pour être emportés. Ainsi, de nombreuses chaises, tables et même étagères de boutiques jonchaient le sol tandis que des peluches, des jouets et des livres flottaient çà et là.
Alors qu'ils avaient presque atteints le milieu du hall, un cri strident, semblable à un gémissement emporté par le vent, retentit.
— C'était quoi ça ? Se demanda Arno, sur le qui-vive.
— Une sirène ? Fit Viggo d'un ton assez étrange, que Trish aurait qualifié de rêveur.
Le groupe eut sa réponse bien assez tôt car venant du nord-ouest, passant dans la brèche laissée par la baie du Lagon de la Voie Maritime Intérieure de l'Ouest, vinrent un petit groupe d'animaux au corps large muni de quatre nageoires, d'un long cou et d'une petite tête. En les voyant nager lentement vers eux tout en produisant des cliquetis et des vocalises stridentes semblables pour certaines à un sifflement, Viggo, Rhys et Arno se déployèrent devant Trish et Michael et se préparèrent à repousser l'attaque.
— Restez calmes, on ne craint rien, les rassura Trish. Je crois que ce sont des Cryptoclidus.
— Comment tu sais qu'ils ne représentent pas un danger ? Lui demanda Rhys.
— Lorsque le parc était ouvert, on pouvait plonger dans leur lagon dans le cadre d'un tour guidé, expliqua la scientifique. Il y a des photos sur internet si tu ne me crois pas.
— Moi je l'ai fait quand j'ai visité le parc il y a quelques années. Avec le guide, on les a même nourris avec des petits poissons et des calamars, raconta Selena qui avait gardé son calme contrairement à ses trois camarades mercenaires.
— Cool, ça me fait une belle jambe… Rétorqua l'Ecossais.
Chevauchant un rai de lumière lunaire qui pénétrait dans le mont au travers de la gigantesque brèche, les Cryptoclidus parvinrent au milieu du hall et alors qu'ils décrivaient des cercles de plus en plus resserrés autour des plongeurs tout en continuant de pousser des vocalises, ces derniers purent les observer à loisir.
Leur corps était aussi gros que celui d'un Lamantin des Caraïbes et leur crâne large et court était garni de longues dents s'entrecroisant. Bien que leur constitution fragile empêchait ces animaux de s'attaquer à des proies de la taille d'un être humain, elles pouvaient inspirer l'effroi chez certaines personnes et leur coloris leur donnant un air de spectres n'aidait pas. Tandis que le dessus du corps était gris sombre et parsemé de taches sombres ceintes de blanc, et que la face et le dessous étaient d'un blanc pur, le pourtour de la bouche était noir avec des stries sombres mal définies entre cette dernière et les nageoires antérieures.
Lorsque les cercles décrits furent des plus étroits, ils descendirent pour nager au ras du sol ainsi que du mobilier le jonchant et l'un d'entre-eux passa à seulement un mètre ou deux du groupe et les regarda avec curiosité. Faisant un minimum confiance aux dires de Trish, ils avaient légèrement baissés leur garde mais les mercenaires étaient encore un peu nerveux, excepté Selena. Elle s'était avancée de quelques mètres et les plésiosaures le remarquèrent bien assez tôt, s'intéressant à elle davantage qu'aux autres humains, et ils convergèrent vers elle. L'un d'eux passa si près d'elle qu'il la frôla et elle tendit le bras vers son flanc.
— Regardez, ils ne sont pas méchants, dit-elle tout en le caressant.
— Ouais, ils ont l'air de se comporter un peu comme des dauphins…, remarqua Viggo.
Alors que Rhys gloussait suite à cette remarque, le Cryptoclidus déplaça son long cou flexible pour donner un léger coup de tête à leur collègue et celle-ci nagea de quelques mètres vers le haut, vers les autres plésiosaures.
— Mais qu'est-ce qu'elle fait ? S'inquiéta Arno.
— Un coup je regardais un documentaire sur les dauphins, commença Rhys. Et ben c'est des sacrés vicelards dont le comportement est plus proche de celui de racailles de banlieues que de Flipper le gentil dauphin sauveur de la veuve et de l'orphelin ! Adeptes de gang-bangs, de zoophilie et tout le bordel, y compris la masturbation avec des poissons morts…
— Epargne-nous ce genre de détails, Rhys ! L'interrompit Trish.
— Il y en a même qui ont tenté de violer des plongeuses ! Continua-il. Alors je te conseillerais bien de faire gaffe à ton cul Selena !
Mais elle l'ignora, se contentant de flotter à six mètres du sol et de garder sa position, ne battant que légèrement des palmes tout en suivant les différents individus du regard. Durant plusieurs instants, les Cryptoclidus continuèrent de nager autour d'elle, tels des fantômes dansant dans la salle de bal d'un château ou d'un palais hanté. Du point de vue de ses compagnons, Selena semblait comme ensorcelée par leurs vocalises qui sonnaient comme un chant beau et triste, une complainte au sujet de l'abandon dont ils avaient été victimes. Mais comme pour mettre fin à la féérie du moment, la lumière de la lune disparut et ne fut remplacée ensuite que ponctuellement par celle des éclairs dans le ciel.
Soudain, un puissant mugissement sourd retentit, provenant d'un tunnel à l'est, qui menait à l'hôtel sous-marin nommé Le Récif, et dont l'entrée surplombait le hall.
Regardant vers l'origine du son, le reste du groupe éclaira les escaliers qui menaient à cette entrée puis celle-ci, où, à la lueur d'un éclair, ils virent les longues mâchoires de la gargantuesque créature qui était restée cachée dans l'obscurité du tunnel à leur insu. Viggo tourna son regard vers le milieu de la salle où les Cryptoclidus et Selena s'étaient figés.
— Selena ! Cria-il avant de s'élancer vers elle.
Finissant de surgir du tunnel tel un dragon de son antre, le monstre fonça vers les plésiosaures, se servant de sa longue queue bilobée comme un propulseur, et sa seule vision frappa de terreur les plongeurs.
— Nom de Dieu…, jura Arno d'une voix blanche alors que les Cryptoclidus se dispersaient et que Viggo nageait frénétiquement vers Selena, pétrifiée sur place.
Aux yeux du Suisse, le prédateur, qu'il savait être le mosasaure mentionné plus tôt par ses compagnons, évoquait le mélange entre un crocodile et une baleine car il avait les mâchoires et le crâne du premier et le corps en forme de tonneau, la peau lisse, et la taille de la seconde. Il regarda la bête puis Selena et ensuite Viggo.
Il ne nage pas assez vite… C'est trop tard pour elle.
Mais à sa surprise et son soulagement, le mosasaure descendit lorsqu'il arriva au niveau de sa collègue pour plutôt prendre en chasse l'un des Cryptoclidus qui avait gagné le fond. Alors que le squamate rattrapait le plésiosaure, ce dernier pivota rapidement pour changer de direction, revenant vers la partie est du hall. Mais ce faisant il passa juste au-dessus d'Arno, Rhys, Trish et Michael, amenant le mosasaure droit vers eux.
— Attention ! Cria Viggo.
Là où Arno et Rhys s'aplatirent au sol en espérant que le prédateur ne les écrase pas sur son passage, Trish et Michael s'écartèrent précipitamment pour aller se réfugier derrière le comptoir de la cafétéria, lâchant leur réceptacle au passage. Bien que le Cryptoclidus eut été agile, il n'était pas particulièrement rapide, contrairement au mosasaure qui le rattrapa aisément avant qu'il ne puisse quitter le hall, l'attrapant entre ses mâchoires pour ensuite le frapper contre le sol. Mais alors que ses dents tranchaient le corps du plésiosaure en deux et que Rhys se relevait contrairement à Arno, sa queue eut un brusque mouvement latéral qui créa un déplacement soudain d'eau qui emporta l'Ecossais vers la cafétéria.
Encore sous le choc, les plongeurs préférèrent attendre que le mosasaure dévore le Cryptoclidus et sorte du hall à la recherche des autres, disparaissant dans les ténèbres absolues du lagon à l'est du mont.
— Vous êtes encore en vie les gars ? Leur demanda la voix d'Hudson dans leurs oreillettes et qui avait assisté de son côté stupéfait à l'attaque du mosasaure.
— Il n'en était pas après nous, lui répondit Viggo alors que lui et Selena revenaient vers le fond. Moi je suis entier. Selena aussi bien qu'elle a probablement eu la peur de sa vie.
— J'ai l'impression d'avoir été heurté par un train. J'ai failli avoir le crâne fracassé par le réceptacle, grogna Arno.
— Rien de cassé, merci, répondit Michael.
— Je vais bien aussi, ajouta Trish. Vous avez vu le réceptacle ? S'enquit-elle avec une inquiétude non-dissimulée.
— Je crois que j'ai mouillé l'intérieur de ma combinaison…, avoua Selena d'une faible voix.
Mais de Rhys, la réponse qu'il eut fut :
— Chiotte de bordel de pourriture de saloperie d'enflure de connerie !
— Où est-ce que tu es Rhys ?
— Je suis coincé, bordel ! Et je ne sais même pas où je suis !
Tandis qu'Arno aidait Trish et Michael à retrouver le réceptacle au milieu du désordre crée par le passage du mosasaure, Viggo et Selena se lancèrent à la recherche de Rhys et ils le retrouvèrent bien assez tôt.
— Magnez-vous de me dépêtrer ! Je commence à avoir la gerbe…
Il flottait à l'envers, avec un pied de table coincé entre son dos et son recycleur, et remuait ses jambes arquées, une vision qui déclencha un gloussement de mépris chez Selena.
— Qu'est-ce qui te fait marrer, poufiasse ? C'est de ta faute si je suis dans cette situation. Si on ne s'était pas attardé avec les Clitoclidus, on serait en train de nager dans l'ex-lagon du mosasaure, grommela Rhys alors que Viggo le soulevait délicatement pour éviter que le pied de table ne le blesse ou endommage le recycleur.
— Blablabla…, soupira Selena tout en imitant avec sa main une bouche en train de parler.
Dépêtré, Rhys se remit à l'endroit et les trois rejoignirent l'autre partie du groupe qui avait retrouvé le réceptacle, au grand soulagement de la scientifique et de son assistant.
— Rhys a raison, reprit la voix d'Hudson. Iago et moi avons bon être soit disant en sécurité dans l'anse, ce n'est pas pour autant que c'est le club Med au bateau. On court tout autant de risques que vous sous l'eau donc si vous pouviez éviter de papillonner en cours de route. Le plus tôt vous atteignez l'objectif et prélevez les échantillons, le mieux ce sera et plus vite on rentrera.
— Ouais, on s'est attardé ici un peu trop longtemps, déclara Viggo. En avant !
Ils se dirigèrent vers l'ouverture laissée par la grande baie d'observation à l'ouest et sortirent du hall et du mont.
— Je pense qu'elle va nous laisser tranquille pour ce soir, dit Trish en parlant du mosasaure.
— Je l'espère, répondit le Danois. Si c'est le cas, ça nous fera une source d'inquiétude en moins.
Ils descendirent encore plus profondément et atteignirent le fond sablonneux de l'ancien lagon du mosasaure.
— Non mais c'est un comique, Hudson ! Se plaignit Rhys. On court autant de risques que vous sous l'eau… Portnawak ouais ! En plus des éventuels prédateurs, nous on a tous les risques inhérents à la plongée. Pourquoi il n'est pas descendu avec nous ce gros lâche au lieu de probablement jouer à Candy Crush ? Iago aurait été suffisant pour garder le bateau.
— Parce que c'est le seul hackeur de notre groupe et que si il clamsait pendant cette plongée suite à un accident ou je ne sais quoi, les autres seraient dans la merde pour quitter l'île, lui fit remarquer Viggo.
— Et alors ? Si on ne peut pas passer par en-dessous, passons par au-dessus. Il y a des routes qui mènent à la marina. On pique l'un des bateaux restants et hop ! Sayonara InGen, les dinos et cette île de merde !
— Tu es sûr que tu aurais été capable de marcher sur une telle distance ou même de courir pour échapper à un prédateur avec tes jambes arquées ? Lui demanda Selena d'un ton narquois.
— Tu sais ce qu'elles te disent mes jambes arquées ?! Rétorqua Rhys.
Ne croisant que quelques poissons sur le reste de leur trajet, ils continuèrent pendant encore deux minutes avant que les faisceaux de leurs lampes n'éclairent la pâle carcasse à moitié dévorée de ce qui ressemblait à un grand dinosaure prédateur, long de plus de seize mètres et muni d'un énorme crâne au museau modérément étroit et à la boîte crânienne volumineuse.
— La voilà… L'Indominus rex, annonça Viggo.
— Le Fléau de Masrani… ajouta Trish d'une voix mêlant effroi et admiration.
— Putain mais c'est carrément Smaug le bestiau ! S'exclama Rhys, trouvant que l'Indominus ressemblait plus à un dragon qu'à un dinosaure à cause de la couronne de cornes qui ornait son crâne ainsi que de la forme de ses dents à l'arrière de la bouche, particulièrement recourbées vers l'arrière, comme celles des serpents.
— Plutôt Smaugette, j'ai lu que c'est une femelle, le corrigea Viggo.
— Dire que même sans le séisme et l'éruption du volcan, cette bête aurait quand même détruit le parc à elle seule, frémit Hudson, qui les avait recontactés en s'apercevant qu'ils l'avaient atteinte.
Bien qu'elle ait trouvé la mort le jour de Noël, le corps était dans un piteux état, aussi désarticulé qu'un pantin. De son long cou, il ne restait presque que les vertèbres, le gros de la chair ayant été dévorée. Les membres antérieurs avaient disparus, probablement dévorés par le mosasaure qui, selon les déductions de Trish, était aussi la créature qui avait arraché des pans de cuisses, de la queue ainsi qu'une grosse partie de l'abdomen dans le but de dévorer les viscères tandis que l'ensemble du corps comportait des traces de l'action de divers charognards aquatiques, des poissons principalement.
Alors que le groupe se dirigeait vers la cavité béante au niveau de l'abdomen, le regard d'Arno fut attiré par une grande flèche d'acier, semblable à un carreau de baliste, qui transperçait le palais du monstre, ressortant entre les deux petites crêtes jumelles au sommet du museau. Il nota aussi que la partie gauche de la face de la créature avait été brûlée au troisième degré.
Trish s'approcha de la cavité pour regarder à l'intérieur du corps mais elle eut d'un coup un vif mouvement de recul et un requin sortit de l'intérieur corps de l'Indominus. Long d'un peu plus de trois mètres, c'était un requin de taille moyenne et assez semblable à un Requin gris de récif en terme de forme générale et de coloris mais son museau n'était pas aussi fuselé que celui de ce dernier et était plus écrasé, lui donnant un aspect que l'on pouvait qualifier de repoussant.
Lorsqu'il passa au niveau de Trish, le requin entrouvrit la gueule mais ne l'attaqua pas et braqua. Cependant, il se retrouva à nager droit sur Arno, qui venait de ramasser une épée brisée à un tiers de la garde. Se croyant attaqué, Arno donna un coup de poing dans le museau du requin.
— Couché ! Grogna le Suisse.
Changeant de direction, le requin ouvrit la gueule et claqua des mâchoires dans le vide avant de partir sans demander son reste.
— Tu étais obligé de donner une patate de forain à ce requin ? Demanda Viggo. Je te rappelle qu'on n'est pas venu pour chercher des embrouilles avec la faune.
— Ouais, il nous a rien fait et ne faisait que se nourrir de la carcasse. C'était de la méchanceté gratuite ! Rouspéta Selena.
— Il m'a regardé de travers, s'expliqua Arno. Et je n'aime pas les requins.
— Encore un traumatisé par Les Dents de la Mer…, marmonna Trish, dont la réaction avait été davantage due à la surprise qu'à une peur véritable.
Arno émit un grognement et Trish et Michael posèrent leur réceptacle sur le fond.
— Bon, Michael. Au travail, déclara la scientifique en regardant l'abdomen éventré de l'Indominus.
Viggo se tourna vers ses camarades.
— Ok les gars, dressons un périmètre de sécurité autour de cette carcasse et ouvrez l'œil.
Les quatre mercenaires dressèrent le dit périmètre et les deux scientifiques ouvrirent le réceptacle et sortirent de quoi prélever des échantillons sur l'Indominus.
— N'empêche, je me sentirais plus en sécurité avec une cotte de mailles anti-requins et du répulsif, avoua Michael.
— J'ai demandé au numéro deux crois-moi mais il a refusé car soit disant c'était ce soir ou jamais, dit Viggo.
— Sur ce point, je crois qu'il avait raison. L'orage permet de cacher notre opération et après cette nuit ce sera trop tard. Rappelles-toi de ce que l'espion a rapporté, au sujet de l'incinération des cadavres, lui rappela Trish. Ils chercheront à sortir le cadavre du lagon dans les prochains jours.
— Mouais. Si tu veux mon avis, le numéro deux ne voulait surtout pas augmenter notre budget, fit le Danois, sceptique. C'est vraiment un gros radin.
— Ouais, pire qu'un juif ! Dit Selena.
— Oh, l'autre sainte-nitouche est antisémite ! Des barres putain ! S'esclaffa Rhys.
— Mais je ne suis pas antisémite ! C'est une expression, s'expliqua sa collègue.
— Non mais je le sais ! Je te fais juste marcher, espèce de cloche. Et même si tu l'étais, je m'en tamponnerais comme de mes premières charentaises.
— Euh, dîtes-vous deux ? Les reprit Trish. Vous vous rappelez que je suis juive.
— Rolala… Si on ne peut plus se charrier entre collègues…, rouspéta l'Ecossais.
— Evitez de trop parler, leur dit Viggo, agacé par leurs chamailleries. Il faut économiser l'oxygène.
— Paie ton excuse bidon, lui rétorqua Rhys. Ces recycleurs ont une bonne autonomie. Je le sais car c'est moi qui ait choisit les modèles. Arno était trop occupé à reluquer les airbags de la vendeuse.
— C'est vrai qu'elle était… fort charmante, confessa Viggo. Dommage que nous étions pressés par le temps car je serais bien resté davantage pour regarder plus longuement ses… euh, ses… ses flotteurs, bafouilla-il.
— Ses flotteurs…, répéta Trish, incrédule. Mais bien sûr…
Rhys, qui se tenait près de la gueule de l'Indominus, était occupé à contempler sa dentition fort bien garnie tandis que des poissons guère plus gros qu'un pouce rongeaient la chair des mâchoires.
— Ces dents doivent valoir une fortune sur le marché noir, déclara-il. Vous imaginez ? Ce serait comme vendre la barbe d'Oussama Ben Laden ! Je… On serait riches !
Mais Trish mit fin à sa rêverie.
— Sauf qu'on ne peut transporter qu'un poids limité. La priorité va au morceau de côte qu'on est en train de découper et aux échantillons de chair et de peau.
— Après, rien ne t'empêche d'en prendre quelques-unes, dit Viggo. Mais tu les porteras tout seul et si tu es ralentit ce sera tant pis pour toi.
— Vous faîtes chier bande de rabat-joie ! Vous n'aurez pas intérêt à me laisser tout seul dans ce trou sinon je vous jure que je vous latterais les couilles ou le con, grommela Rhys.
A quelques mètres de lui, Selena s'avança soudain, attirée par le reflet de quelque objet brillant à moitié enfoui sous le sable et que la lampe de son arme avait éclairé. Elle se pencha vers l'objet en question et remarquant qu'il s'agissait d'une gemme rouge, elle le découvrit un peu, révélant un anneau d'argent orné de deux serpents qui étaient enroulés autour de la gemme. Elle tendit la main pour le récupérer mais ce ne fut pas la seule chose qu'elle sortit du sable car l'anneau était encore à l'index d'une main de femme et Selena émit un gémissement de dégoût à la vue de l'avant-bras sectionné qui pendait devant elle. Elle retira l'anneau de la main, laissa l'avant-bras retomber, puis mis l'anneau à son propre index et le regarda.
— Cet anneau me va trop bien, dit-elle en notant qu'il était juste à la bonne taille.
— Eh ! J'ai vu la gemme le premier ! L'interpella soudainement Rhys alors qu'il nageait vers elle. Il est à moi !
— De quel droit ? C'est trop tard pour toi !
— Donne-le moi, salope ! Lui ordonna-il en fondant vers son bras.
Elle le repoussa d'un geste brusque.
— Bas les pattes, sale nabot ! Tu n'arriverais même pas à faire rentrer un de tes gros doigts boudinés dedans !
— Tu sais ce qu'ils te disent mes doigts boudinés ?!
— Rhys ! Selena ! Un peu de discipline s'il vous plaît ! Les engueula Viggo. On doit vous entendre dans tout le Lagon ! Taisez-vous avant que le voisinage vienne porter plainte pour tapage nocturne !
Mais les deux n'obéirent et commencèrent à se bagarrer. Viggo se tourna alors vers Arno, silencieux et aux aguets.
— Arno, s'il te plaît…
Arno soupira et rejoignit ses deux camarades querelleurs. Il les sépara en les repoussant sur les côtés avec ses bras, attrapa le bras de Selena puis retira l'anneau de son doigt avec force, lui soulevant un petit cri de douleur.
— Aïe ! Mais ça fait mal, espèce de brute ! Le houspilla-elle.
Mais il l'ignora et elle et Rhys le virent nager jusqu'à la tête de l'Indominus, disparaître derrière puis revenir un instant plus tard, sans l'anneau.
— Problème résolu, déclara le Suisse.
— Merci, dit Viggo. Echange de place avec Rhys.
Arno acquiesça et l'Ecossais finit par obéir, se diriger vers l'extrémité postérieure du cadavre. Pendant ce temps, Michael sciait l'une des côtes et Trish mettait des morceaux de chair et de peau dans des petits sacs plastiques qu'elle rangea dans le réceptacle.
— Dis, tu crois que c'était quoi comme requin ? Demanda-elle à son assistant.
— J'aurais dit un gris de récif particulièrement gros mais le museau ne colle pas. Et aucune des autres espèces modernes qu'InGen a mises dans ces lagons ne colle. Ce n'est ni un taureau, ni un pointes noires, certainement pas un marteau…
Il finit de scier la côte et la mit dans un tube en verre étanche qu'il déposa au sein du réceptacle.
— Le colis est empaqueté ! Annonça Trish.
— Bien reçu, répondit la voix d'Hudson. Je préviens Iago.
— Ok, les gars. On s'arrache, déclara Viggo.
— A nous le pognon ! S'exclama Rhys avec enthousiasme.
Lui et ses camarades mercenaires se répartirent autour des deux scientifiques et de leur précieux réceptacle, et ils les escortèrent en direction du Mont Thétis, inconscients du danger qui rôdait non loin, un danger autre que celui du mosasaure.
X
Deux jeeps ornées du logo d'InGen Security se garèrent sur la Place de l'Obélisque, juste devant les marches au pied de l'entrée du Centre de la Découverte, et une escouade d'hommes en poncho en sortit, fusils et lampes torches à la main, pour foncer vers la grande brèche qui se tenait en lieu et place de la porte d'entrée, située entre deux statues grandeur nature de brachiosaures.
Lorsqu'il vit des faisceaux lumineux balayer la rotonde au cœur du bâtiment, Jack, qui faisait le guet à l'entrée du laboratoire, sut qu'InGen avait fini par s'être rendu compte de leur intrusion. Comment exactement il l'ignorait. Peut-être que l'un des techniciens de la salle de contrôle étant resté sur l'île avait découvert que quelqu'un était en train de copier des données contenues dans les serveurs et avait par conséquent donné l'alerte. Jack n'attendit pas d'être trouvé et se dépêcha d'aller rejoindre sa sœur qu'il prévint.
— Hannah. Il y a la maréchaussée qui débarque ! Siffla-il dans son micro.
— Merde… Je suis encore en plein téléchargement, répondit sa voix dans son oreillette.
Ayant remonté l'ensemble du parcours autrefois emprunté par les visiteurs, il parvint à la porte d'entrée qu'il referma derrière lui et retrouva sa sœur dans la salle des serveurs.
— Allez, allez…, répétait-elle tout en tapotant le bord de sa tablette, la barre de progression du téléchargement n'avançant pas assez vite à son goût.
— Encore combien de temps ?
— Quelques minutes.
— On n'a pas quelques minutes. Ils nous auront acculés comme des rats d'ici là. Pose ta tablette et viens m'aider à barricader la porte.
Elle posa la tablette au sol et le suivit jusqu'à la seule porte qui permettait d'accéder à cette partie du laboratoire.
— Mais si on barricade cette porte, on ne pourra plus sortir gros malin, lui fit-elle remarquer alors qu'ils amenaient une table contre le battant. Tu ne comptes pas sortir par les tunnels ?
— Je ne sais pas. Nous devons laisser le téléchargement se terminer. On avisera après.
Au-dessus de la table, ils placèrent quelques chaises puis ils revinrent aux serveurs et Hannah reprit sa tablette en main. Le téléchargement n'était toujours pas terminé.
— Les voilà, murmura Jack.
Des faisceaux de lampes torches se mirent à balayer le laboratoire et Jack, caché comme Hannah des hommes d'InGen grâce à la configuration des lieux, sortit son pistolet et tourna son regard vers la porte qu'ils avaient barricadés.
Comme prévu, la poignée bougea mais la porte resta bloquée et les hommes d'InGen s'agitèrent. Ils savaient que les intrus étaient encore là.
— Rendez-vous, racaille de Biosyn ! Rugit l'un d'eux.
— Qu'est-ce qu'il leur fait dire qu'on bosse pour eux ? Marmonna Hannah.
Puis ils entreprirent d'enfoncer la porte. Jack se retourna vers les serveurs et Hannah, dont le visage blême et suant était braqué sur l'écran de la tablette.
— Hannah… Dépêche-toi…
Un bruit de verre brisé ramena l'attention de Jack vers la barricade et il enleva la sécurité de son pistolet.
Peu après, la barricade céda et les hommes d'InGen s'engouffrèrent dans cette partie du laboratoire. Mais lorsqu'ils tournèrent pour pénétrer dans la pièce des serveurs, ils la trouvèrent vide et la porte de la cage d'escalier ouverte. Ils descendirent prudemment l'escalier et gagnèrent la salle du générateur de secours. En fouillant cette dernière, ils virent que la porte conduisant aux Profondeurs était grande ouverte. Deux des hommes s'en approchèrent et braquèrent leurs lampes vers les ténèbres avant d'échanger un regard incertain.
— Ils sont allés dans les Profondeurs. Je crains qu'on les ait perdus, rapporta l'un de ceux descendus à une autre équipe arrivée en renfort lorsqu'il remonta aux serveurs.
— Ce qu'ils y verront les poussera à faire demi-tour, dit le chef de cette seconde équipe. Restons dans les parages pour les cueillir…
Mais les intrus recherchés étaient bien plus proches que ce qu'ils croyaient et avaient entendus leur courte conversation. Les Sommers, tapis derrière la grille d'une bouche d'aération, attendirent que les hommes d'InGen qu'ils avaient dupés s'éloignent avant de commencer à ramper dans les conduits.
X
— Les gars ? Vous vous souvenez de la somme qu'on nous a promis ? Demanda Rhys à ses compagnons alors qu'ils étaient sur le point d'atteindre le Mont Thétis.
— Un million sept cent cinquante mille, je crois, répondit Viggo.
— Alors, si on exclut Iago… Un million sept cent cinquante mille divisés par sept donnent… Deux cent cinquante mille ! Calcula l'Ecossais.
— Ça représente combien de mois de salaire ? Demanda Selena.
— Presque dix ans et demi ! S'exclama Rhys après un bref calcul dans sa tête, avant de se mettre à grommeler dans sa barbe.
— Mais c'est chouette non ? Fit Selena, surprise de son agacement à ce sujet. Gagner l'équivalent de dix ans de salaire en une nuit.
— Non mais j'ai les glandes parce que cet enculé d'Hudson aura la même chose que nous alors qu'il a du passé les trois quarts de la mission à se branler les couilles !
— Et il a passé l'autre quart à brancher des câbles, renchérit Arno.
— Oh ça va vous autres ! Rétorqua le concerné dans leurs oreillettes. Hackeur n'est pas un métier facile vous savez. Sans moi, la mission aurait été beaucoup plus compliquée.
— On réglera ça plus tard, trancha Viggo. Un peu de courage, et de la vigilance surtout ! On n'est pas encore sortit de l'auberge…
Tout en conversant, ils avaient commencés à remonter en direction de la grande baie d'observation et du hall au-delà, et les deux scientifiques portant le réceptacle ressentirent dans leurs bras les conséquences de cette ascension des pentes inférieures du Mont Thétis car il avait tendance à les entrainer vers le fond.
— Ce n'est pas trop lourd ? Demanda Viggo aux scientifiques.
— Oh, ça pourrait être pire…, répondit Trish. Heureusement que Michael est costaud.
— On aurait dû fixer des ballons à ce truc, dit Rhys. Comme ça on l'aurait fait remonter à la surface une fois au lagon sud-est, et le bateau serait venu le chercher. Ça vous aurait épargné un certain effort et vous nageriez plus facilement, et le groupe entier plus rapidement.
— Le truc c'est que si le bateau quitte l'anse, ses chances de se faire repérer par d'éventuels hommes d'InGen postés en hauteur sur la rive nord augmenteraient considérablement, et ils nous coinceraient avant qu'on puisse fuir l'île, souleva Hudson.
Ils parvinrent à la baie et passèrent au-dessus de l'hémicycle lui faisant face. L'attaque du mosasaure sur les Cryptoclidus étant encore fraîche dans leurs esprits, ils ne comptèrent pas s'attarder à l'intérieur du mont et ceux à droite des scientifiques jetèrent un regard méfiant à l'entrée d'un tunnel au sud.
En voyant un Requin taureau nager tranquillement un peu plus loin dans le hall, Michael repensa au requin qui les avait surpris à la carcasse de l'Indominus et fit part de ses réflexions à son sujet à Trish.
— J'ai réfléchit au sujet de l'identité du requin, déclara Michael. Et si c'était une espèce dé-éteinte ?
— Oui, bien sûr ! S'exclama Trish. Ils en avaient plusieurs. Laisse-moi me rappeler des requins de la liste… Hybodus, Ptychodus, Squalicorax… Enuméra-elle. Et je crois que c'est tout.
— On peut déjà rayer d'office Hybodus et Ptychodus. La forme et surtout la taille ne collent pas avec ces dernières.
— Il reste donc le Squalicorax, en conclut-elle.
— A y réfléchir, ça colle mais je ne me rappelle plus dans quel lagon ils vivaient.
Alors qu'ils sortaient du Mont par la baie de la cafétéria, ils y réfléchirent mais lorsque Trish se rappela un instant plus tard où les Squalicorax vivaient avant la catastrophe, elle blêmit.
— Oh merde…, fit-elle d'une voix blanche. Je viens de me rappeler duquel. C'est…
— L'Aquarium de l'Enfer…, termina Michael, qui s'en était rappelé aussi.
— Si lui a pu en sortir, alors…, commença-elle.
— Peut-être que ses colocataires aussi…, termina-elle.
— Et ils ressemblent à quoi ces colocataires ? Demanda Arno, qui avait écouté leur conversation avec intérêt.
— Je crois que vous auriez vraiment dû lire le dossier qu'on fait, répondit l'assistant scientifique.
— Qu'est-ce qu'il y avait d'autre dans ce lagon ? Dîtes-le nous ! Les pria Rhys.
Ils s'étaient arrêtés au point où ils avaient prévu de commencer à remonter, jusqu'à un palier à six mètres sous la surface. Après celui-ci, le plan consistait à nager pendant une minute à cette profondeur avant de remonter de trois mètres et de continuer à ce palier jusqu'à la trouée et ils seraient ainsi remontés à la surface qu'au hors-bord, et ce dans le but d'éviter un accident de décompression, chose qu'ils ne pouvaient se permettre sur cette île.
— Oh trois fois rien, répondit Trish d'un ton mêlant sarcasme et nervosité. Des petites espèces de mosasaures ainsi que de ravissants poissons prédateurs nommés Xiphactinus…
Mais à peine eut-elle prononcé ce nom qu'un éclair dans le ciel illumina les environs pendant un court instant, au cours duquel ils aperçurent une ombre sinistre se mouvant non loin, et qui n'était pas celle du mosasaure, ni même celle d'un quelconque reptile marin, mais plutôt celle d'un poisson. Les ténèbres s'abattirent à nouveau et ils levèrent leurs armes, dont les lampes ne chassèrent qu'une infime partie des premières.
Leurs faisceaux balayèrent le fond du lagon pendant de longues secondes, puis l'un d'eux rencontra le corps allongé et le dos verdâtre d'un énorme poisson. Ses flancs argentés présentaient de fines rayures latérales noires et les extrémités de ses nageoires étaient rougeâtres mais ce qui marqua les plongeurs était sa taille. L'animal était aussi gros qu'un Grand requin blanc et sa nage lente mais assurée semblait définitivement être celle d'un prédateur.
Avant que le faisceau de la lampe ne rencontre sa tête, la créature se retira dans l'obscurité et saisis d'effroi, le groupe regarda tout autour de lui.
Alors que Viggo réfléchissait à un plan pour sortir de ce traquenard, Arno entendit quelque chose nager non loin de loin et en pivotant pour regarder quoi, il poussa un cri. Venant du dessus, une grande gueule rappelant celle d'un bouledogue fondit sur lui et la panique et la confusion s'emparèrent du groupe alors que d'autres de ces gueules surgissaient des ténèbres.
X
Leurs cris, suivis du son produit par leurs armes, parvinrent aux oreilles d'Hudson et Iago et les deux hommes furent frappés de stupeur en regardant les retransmissions des caméras. Ils virent des sortes de tarpons gargantuesques munis de crocs s'attaquer au groupe et lorsque Hudson, qui avait jeté un coup d'œil au dossier crée par Trish et Michael, vit que la mâchoire inférieure de ces poissons était proéminente et saillissait plus en avant que le reste de la face, il reconnut l'espèce. Xiphactinus, l'un des prédateurs les plus cauchemardesques des mers du Crétacé.
Une fois l'effet de surprise passé, ils s'activèrent pour venir en aide en groupe. Tandis que Iago redémarrait le moteur, Hudson entra la commande d'ouverture des portes de l'écluse afin de préparer leur retraite. Les portes s'ouvrirent et le hors-bord quitta l'anse, tandis que les plongeurs subissaient l'impitoyable assaut des Xiphactinus.
X
Le corps d'Arno gisait sur le sable, déchiqueté par plusieurs coups de mâchoires, et Rhys venait d'être saisit entre celles d'un des poissons qui l'avalait progressivement à l'aide des mouvements de sa mâchoire inférieure.
Protégeant la cargaison, il n'y avait plus que Viggo, Selena, Trish et Michael. Les deux scientifiques avaient dégainés les pistolets qu'on leur donné au début de la mission et les quatre repoussaient avec peine les assauts des prédateurs. L'un de ces derniers, criblé de plusieurs fléchettes et carreaux, s'était écrasé sur le sable tandis qu'un autre, blessé, avait battu en retraite mais il en venait d'autres et le groupe allait être à court de munitions si l'assaut se poursuivait ainsi. Protégeant Trish et Michael avec Viggo, Selena regardait autour d'elle de manière frénétique et apeurée, cherchant une bonne cible. L'un des Xiphactinus semblant se ruer en direction de Viggo, elle le visa, comptant lui tirer dans l'œil, mais un autre des carnassiers arriva dans son dos et lui arracha la tête d'un coup de mâchoires. Le coup partit quand même mais le carreau ne transperça pas l'œil du Xiphactinus mais le torse de Viggo, le touchant près du cœur, et les corps des deux mercenaires furent rapidement déchiquetés au milieu d'une nuée de sang.
Au moment où Selena avait été tuée, Trish avait lâché le réceptacle et commencé à fuir les lieux, tout en espérant que Michael fasse de même. Elle se retourna vers lui et vit qu'il avait encore le réceptacle en main.
— Lâches-le ! Sauve ta peau !
Il l'écouta, abandonnant leur précieuse cargaison, et battit frénétiquement des palmes pour la rejoindre mais il fut lui aussi attrapé et emporté sous les yeux impuissants de sa collègue. Etant la dernière survivante, ne voyant aucun abri à proximité, et les Xiphactinus semblant avoir un appétit insatiable, une seule solution s'offrait à elle. Remonter le plus vite possible à la surface, en espérant que le bateau arrive à temps. Bien qu'elle risquait fort un accident de décompression ou un barotraumatisme en faisant cela, une mort certaine l'attendait si elle restait au fond. Elle s'élança en direction de la surface et les Xiphactinus se mirent à la suivre, tous sauf un, celui qui avait avalé Rhys et qui était en train de s'étouffer avec. Mais alors qu'ils étaient en mesure de fondre sur elle en quelques battements de queue, ils se dispersèrent pour une raison inconnue. Trish n'attendit pas de savoir quand et se dépêcha d'atteindre le bateau arrivant, et ce alors qu'elle était prise de douleurs thoraciques.
Lorsqu'elle atteignit la surface, Hudson et Iago tendirent leurs bras pour la hisser à bord et enlevèrent son recycleur avant de la coucher délicatement sur le fond, avec la tête protégée de la pluie par le toit du poste de pilotage. Tandis qu'Iago se réinstallait à ce dernier, Hudson se pencha auprès de Trish et retira son masque. Elle était essoufflée et du coin de sa bouche, une écume sanglante coulait.
Elle tenta de parler, d'une voix encore plus rauque que d'habitude, mais les paroles produites furent inintelligibles.
— Qu'est-ce qui lui arrive ? Bafouilla Hudson, très inquiet.
— Barotraumatisme pulmonaire, répondit Iago. Il faut partir d'ici !
Le hors-bord repartit et prit la direction de l'anse, laissant une trainée d'écume derrière lui. Mais alors qu'ils traversaient le lagon, quelque chose percuta soudain le hors-bord avec une force si immense qu'il se renversa et jeta ses passagers dans l'eau.
Rouvrant les yeux quelques secondes après l'impact, Hudson chercha ses deux compagnons du regard. Iago n'était visible nulle part autour de lui mais au milieu de la faible lumière des projecteurs du hors-bord, il vit Trish, en train de couler.
Il voulut plonger pour la sauver mais le bras d'Iago le retint et le marin lui pointa quelque chose du doigt d'un air horrifié. Le hackeur se retourna et vit le mosasaure fondre mâchoires grandes ouvertes sur le hors-bord, sur le point de surgir d'un instant à l'autre entre la scientifique et les deux hommes. A peine le marin et le hackeur commencèrent-ils à s'éloigner, se dirigeant vers la trouée et l'anse, que le mosasaure atteignit le hors-bord et en arracha un pan tout entier.
Au cours de la lutte entre le reptile et cette proie inanimée, Trish fut frappée de plein fouet par sa queue et projetée droit dans les ténèbres. Si le coup de queue ne l'avait pas tuée sur le coup, la noyade ou quelque carnivore opportuniste traînant encore dans les parages allait s'en charger.
Alors que le squamate marin était occupé à tailler le bateau en pièces, les deux hommes nageaient frénétiquement, avec toute l'énergie de leur être.
— Nous y sommes presque ! Cria Iago, alors que la trouée n'était qu'à quelques mètres.
Derrière eux, l'eau se mit à bouillonner et jetant un regard par-dessus son épaule, Hudson vit le dos et le haut de la nageoire caudale du mosasaure fendre la surface. Alors qu'il se rapprochait d'eux à une vitesse effrayante, Hudson laissa échapper un cri mais lui et Iago passèrent au-dessus de la clôture sans le savoir et ce fut une brusque perte de vitesse de la part du reptile qui les en informa. Hudson se retourna et l'épuisement de la fuite l'entraîna sous l'eau pendant un instant. Au cours de ce dernier, il remarqua que l'espace entre le haut de la clôture et la surface était trop étroit pour que le mosasaure puisse nager par-dessus la première sans s'érafler le ventre. Il tenta bien de se frayer un passage en frappant à répétition la clôture avec son imposant museau. Elle plia mais ne céda pas. Hudson, qui ne se trouvait qu'à quelques mètres des mâchoires, se retourna promptement et remonta à la surface.
Iago ne s'était pas arrêté et l'avait distancé, nageant non pas vers le quai submergé situé à l'entrée du tunnel, juste en contrebas d'un escalier montant vers la partie supérieure de l'écluse et barré par une clôture, mais vers l'écluse elle-même. Alors que le mosasaure faisait demi-tour, Hudson s'empressa de rattraper le costaricain.
Mais quelques secondes plus tard, le mosasaure revint à toute vitesse, chargea la clôture tête la première à l'endroit où elle avait plié, et la mit à bas.
En quelques battements de queue, elle fondit ensuite sur Hudson et trancha le pauvre bougre en deux entre ses mâchoires, laissant le haut de son corps sombrer.
Tandis que le bas était avalé, Iago passa dans l'ombre du tunnel, atteignit l'écluse et passa la première porte. L'eau bouillonna à nouveau derrière lui. Il redoubla d'efforts, finit de traverser le sas et franchit la seconde porte, passant dans le canal. Il ressentit la vibration produite par le claquement des mâchoires dans son dos mais ne s'arrêta pas.
Derrière lui, le mosasaure s'était arrêté, ne pouvant continuer davantage à cause de la profondeur insuffisante du canal pour son énorme corps. Sa proie étant à présent hors de portée, le reptile sortit tant bien que mal du sas de l'écluse et revint dans le Lagon, récupérant le haut du corps d'Hudson au passage.
Plus loin dans le canal, Iago trouva une échelle et la gravit. Une fois en haut, il rampa jusqu'au mur et s'assit contre en frissonnant, le temps de reprendre ses esprits. Ses compagnons n'étaient plus et son bateau avait coulé. Comment allait-il quitter cette île et rentrer chez lui ?
Il paniqua pendant un instant à l'idée de déambuler aveugle avec pour seule aide la lumière aléatoire et lointaine des éclairs, qui ne parvenait qu'à illuminer pendant un temps que les extrémités du tunnel. Puis il se souvint d'une astuce qu'on lui avait enseignée.
Il retourna le briquet et le frotta contre le mur, tout en faisant tourner la roulette directement sur la surface. Il le frotta ainsi pendant une trentaine de secondes et à son grand soulagement, une flamme jaillit lorsqu'il réessaya de le rallumer, lui apportant un peu de réconfort.
Où aller maintenant ?
Il regarda sur sa gauche et commença à longer le quai dans cette direction, se souvenant du trajet à l'aller et des entrées d'autres tunnels qu'ils avaient vu. Ces tunnels étaient les seules issues qu'il avait. Iago n'était pas encore sûr de ce qu'il allait faire une fois qu'il en serait sorti et il envisageait sérieusement de se rendre auprès des hommes d'InGen. S'il décidait cela, il en profiterait aussi pour les prévenir qu'ils avaient ouvert le canal et qu'il serait judicieux de le fermer. Il était hors de question de revoir les monstres du Lagon d'Isla Nublar au cours d'une future expédition de pêche ou au large d'une station balnéaire du continent. Il l'aurait bien fermé lui-même mais il ignorait comment. Hudson en aurait été capable en revanche…
Tip.. top..
Son sang se glaça en entendant ce bruit, un bruit de pas, léger, comme celui d'un oiseau. Un de grande taille à en juger par le bruit crée par le déplacement, aussi audible que celui d'une personne s'avançant le plus discrètement possible sur un sol humide. Il n'était pas seul sur le quai.
Tout en retenant sa respiration, Iago plissa des yeux pour essayer de mieux discerner ce qui se trouvait au-delà de la zone éclairée par son briquet. Il ne vit qu'une silhouette dans les ténèbres, celle d'un animal bipède au corps svelte, doté d'une longue queue, d'un cou élancé et d'une tête étroite munie de deux grandes crêtes jumelles.
Alors que son front perlait, il vit que la tête était tournée vers lui et qu'elle le dominait même, l'animal étant aussi haut qu'un Homme de grande taille. Iago sut que son heure était arrivée et la dernière chose qu'il entendit fut un son de crécelle.
X
Au terme de longues minutes de navigation, les Sommers parvinrent à une bouche d'aération qui semblant donner sur un couloir, non loin de la rotonde selon les estimations d'Hannah. Ils furent soulagés de voir qu'elle était située au niveau du sol et après avoir écouté attentivement pour s'assurer qu'il n'y avait pas de gardes d'InGen à proximité, Jack donna des coups de pieds dans la grille. Celle-ci céda, il se glissa en dehors du conduit et se releva promptement pistolet en main. Il indiqua à Hannah que la voix était libre et elle sortit à son tour. En regardant autour d'eux, ils trouvèrent une pancarte indiquant la direction de la rotonde et la suivirent.
Mais en entendant des voix provenir de cette direction, ils ralentirent et se mirent à longer le mur sur leur droite. Dans la rotonde même, ils virent deux gardes, se tenant près de la gigantesque maquette brisée de l'île, le regard tourné vers l'entrée des laboratoires.
Se servant des imposantes colonnes qui délimitaient la colonnade ceignant la rotonde comme cachettes, les Sommers progressèrent discrètement en direction de l'entrée d'une la boutique plus loin, cachés par l'obscurité alors que les gardes conversaient.
— La direction a engagé une compagnie mercenaire pour nous aider à nettoyer l'île. Elle est dirigée par Ken Wheatley.
— Ken Wheatley ? Connaît pas.
— Je connais quelqu'un qui a bossé avec lui. Ce n'est pas un rigolo et parfois un connard mais il prend soin de ses hommes. Espérons juste que le CA n'essaie pas de le pigeonner. Je sais bien que c'est la crise mais à un moment, il faut avoir un minimum de principes… On voit ce que ça a donné lorsqu'ils ont pris les gardes gris pour des cons et s'en sont servis comme des cobayes…
— Ouais, une putain d'insurrection. Courte mais sanglante. Tu as entendu les rumeurs ? Comme quoi les Pourfendeurs se sont fait littéralement massacrés par les insurgés et non par l'Indominus et la Meute. Dire qu'il y avait des gars qu'on connaissait parmi ceux qui les accompagnaient. Déjà que le résultat de la fusillade qu'il y a eu ici même n'était pas beau à voir alors je n'ose même pas imaginer la boucherie que ça été dans la vallée de la Cartago.
— Ce n'était pas dans ce coin là que Sylvester aurait vu ces fameux dinosaures chupacabresques aux yeux brillants hier ?
— Quoi, ceux qu'on croyait avoir exterminé il y a je ne sais combien des années après avoir accusé les procératosaures mais qui ont réapparu comme par magie après l'éruption ? Oh n'écoutes pas ce gros mytho de Sylvester, il a dû encore abuser de champignons.
Les Sommers rejoignirent la boutique sans encombre et descendirent à son niveau inférieur, se dirigeant vers une large brèche dans sa baie vitrée. Ils sortirent du bâtiment par là et gagnèrent aussitôt des buissons proches, afin de se cacher des gardes se trouvant sur la place.
— Tu vas peut-être rire mais le rugissement de la vieille me manque, avoua l'un d'eux, nostalgique, à un de ses collègues au milieu de la pluie battante.
— Je ne sais pas si tu as entendu la nouvelle mais ils ont trouvés son corps ce matin dans les montagnes, répondit l'autre sur un ton sérieux.
— Oh merde… Fit le premier, visiblement attristé. Putain, tout fout le camp… Ajouta-il en regardant la cité abandonnée autour de lui.
Avançant accroupi entre les buissons et la façade du centre, les Sommers parvinrent à l'entrée d'un tunnel creusé sous l'un des éperons de la fausse montagne et dont les portes avaient été enfoncées avec l'aide de quelque force colossale. Mais il y avait un problème. L'un des hommes d'InGen regardait en direction du tunnel. S'ils sortaient des buissons, il les verrait aussitôt.
Jack et Hannah craignirent pendant un instant d'attendre un long moment sous la pluie battante avant de pouvoir continuer mais un autre des gardes héla son collègue et lui demanda de venir le rejoindre. Lorsque les deux eurent le dos tourné, les Sommers sortirent des buissons et s'engouffrèrent dans le tunnel.
A sa sortie, ils tournèrent à gauche et débouchèrent peu après sur un parking de service s'étendant juste à côté des hauts murs d'un enclos, dont la porte était grande ouverte et qui lui-même était attenant à un bâtiment similaire à un blockhaus. Hannah profita de cet instant de répit pour contacter Rankin.
— Rankin, nous avons les données.
— Ah, ce n'est pas trop tôt ! Je m'impatientais… J'ai cru qu'on vous avait attrapés.
— C'était moins une. Nous sommes au parking de service près du Royaume du Tyrannosaure mais il y a des hommes d'InGen dans le secteur. Vous ne pouvez pas atterrir là.
— Rendez-vous alors à la place derrière les gradins du lagon du mosasaure, lui ordonna-il. C'est à cinq cent mètres au sud-ouest de votre position.
— Bien reçu, on vous recontacte une fois là-bas, répondit-elle avant de mettre fin à la transmission.
— Cinq cent mètres ? Oh c'est la merde… Geignit Jack en regardant la tempête autour d'eux.
Du coin de l'œil, ils aperçurent cependant quelques vélos abandonnés sous un abri au toit en tôle et allèrent en prendre chacun un.
Juste au moment de quitter le parking, les jeeps d'InGen qu'ils avaient vu sur la place apparurent soudainement sur leur gauche.
Les Sommers, immobilisés sur place, crurent avoir été repérés mais les jeeps continuèrent sans s'arrêter et disparurent bien assez tôt. Jack émit un ouf de soulagement avant de redresser la tête lorsqu'il crut entendre un bruissement au milieu du tonnerre.
Lui et sa sœur trouvant le départ visiblement précipité des hommes d'InGen suspect, ils décidèrent de ne pas s'attarder et prirent la direction du sud-ouest, circulant sur des routes de service entourées de végétation dense. Etant donné que certaines des pancartes directionnelles étaient encore recouvertes de cendre, ils durent les ignorer et plutôt penser à continuer sur leur gauche à chaque intersection, le sud et le lagon étant de ce côté. Ils passèrent ainsi sous une station de monorail, parvinrent à l'extrémité ouest de la Promenade et tournèrent à droite, roulant droit vers une arche qui se dressait au-dessus de la route menant droit vers la place et les gradins mentionnés par Rankin.
Les Sommers s'arrêtèrent à la périphérie de la place et abandonnèrent leurs vélos.
— Nous y sommes, Rankin, annonça Hannah.
— Ok, nous passons vous prendre, répondit-il.
En attendant l'arrivée de l'hélicoptère, ils balayèrent les environs du regard. Derrière eux, au milieu d'une bande arborée, se trouvait le monorail, qui contournait la place et reliait la Promenade au nord au Parc Aquatique au sud ; à l'ouest, à l'opposé des imposants gradins, se trouvait un espace de restauration près duquel on trouvait une aire de jeux thématisée ; au sud, au-delà de l'aire de jeux, la lumière des éclairs faisait apparaître les montées et creux d'une montagne-russe, tandis qu'en face, à côté des gradins, on pouvait distinguer le muret d'un enclos contenant une masse rocheuse, celui des Hesperornis. La place en elle-même était presque vide car on y trouvait qu'un tramway à traction animale abandonné, et dont l'attelage s'était probablement enfui.
Les lumières de l'hélicoptère apparurent au nord-est mais alors qu'ils le regardaient atterrir, un boum sonore retentit par-dessus le bruit de la tempête, celui d'un arbre venant de tomber, et des feuilles tombèrent de leurs arbres. Inquiets, les Sommers décidèrent de quitter l'ombre des arbres pour se diriger vers l'hélicoptère. La végétation de la bande arborée se mit à bruisser, poussant le frère et la sœur à jeter un coup d'œil par-dessus leur épaule. Ils ne virent rien parmi les fourrés mais hâtèrent toutefois leur cadence de marche. C'est alors qu'un quinquagénaire au front dégarni et aux oreilles légèrement décollées assis à l'intérieur de l'hélicoptère, Jeremy Rankin, se mit à agiter frénétiquement des bras, les intimant de se dépêcher, mais sans crier cependant, comme s'il craignait d'attirer l'attention de quelque chose. Mais Jack et Hannah ressentirent soudain une sorte de vibration dans leur corps qui envoya un frisson dans leur échine et les paralysa sur place, comme si des ancres accrochées à leurs pieds s'enfonçaient dans le sol, et Rankin blêmit.
A l'instant où les Sommers se retournèrent, un éclair illuminait un grand et robuste dinosaure bipède qui se dressait au-dessus d'eux, les dominant de ses presque quatre mètres de haut. Le crâne de la bête était long et étroit, avec des taches de couleur turquoise au niveau des ouïes, des orbites et des naseaux, tandis que le corps était dans sa globalité jaune sombre avec une teinte verdâtre. Ce qu'il y avait de plus remarquable chez lui était la longue bosse qui courait le long de son cou et de son dos jusqu'à la partie antérieure de la queue et de longues marques verticales rouges descendaient de son sommet en direction du ventre. Ses courts mais robustes membres antérieurs munis chacun de trois doigts griffus indiquèrent aux Sommers que l'animal face à eux n'était pas un tyrannosaure mais une autre espèce de grand théropode prédateur. Un Acrocanthosaurus.
Le dinosaure leur adressait un regard reptilien inexpressif et gardait sa gueule entrouverte tandis que des grosses gouttes ruisselaient le long de ses flancs rebondis. Sa gorge se mit à tressaillir. Aucun son ne sortit de sa gueule mais les Sommers ressentirent une vibration semblable à celle qui les avait figés. Puis le prédateur émit à un grondement guttural semblable à celui produit par les crocodiles.
Les Sommers, conscients que le pistolet de Jack n'allait être d'aucun secours face à un tel monstre, finirent par céder à la peur et prirent leurs jambes à leur cou, se ruant vers l'hélicoptère qui décollait déjà.
— Attendez ! Hurla Jack, qui crut que Rankin les abandonnait.
Mais celui-ci déroula une échelle dont l'extrémité se mit à traîner sur le sol alors que les Sommers, poursuivis par l'acrocanthosaure, rétrécissaient la distance entre eux et cette dernière. Hannah, la plus rapide des deux, l'atteignit la première et bondit pour attraper les barreaux. Elle gravit quelques barreaux et se retourna pour voir où Jack était. Il essayait d'attraper le bas de l'échelle mais l'acrocanthosaure l'en empêchait en claquant des mâchoires dans son dos, le déconcentrant.
Mais ayant le regard braqué sur son frère en proie à la panique, Anna fut surprise par un second Acrocanthosaurus, plus gros que le premier, qui surgit des ténèbres dans son dos, les mâchoires grandes ouvertes et prêtes à l'attraper, et elle ne fut sauvée que par un déplacement soudain de la part de l'hélicoptère. L'acrocanthosaure claqua des mâchoires dans le vide et, ayant mal calculé son attaque, percuta par mégarde son congénère qui gronda aussitôt. Profitant de la confusion, Jack atteignit le tramway au milieu de la place et disparut en son sein, pour ne ressortir à l'extrémité opposé qu'un instant plus tard, alors que les deux prédateurs venaient à peine de cesser de ses mordiller. Cependant, le premier individu s'était lancé à la poursuite de l'échelle et d'Hannah, empêchant Jack d'être secouru dans l'immédiat.
— De l'autre côté ! Va de l'autre côté ! Lui cria-elle en pointant les gradins, sa voix presque emportée par le vent.
Jack se rua alors vers les gradins, et la large rampe les coupant et qui permettait d'accéder à la zone où les visiteurs assistaient au nourrissage du mosasaure. Le second acrocanthosaure se mit à le suivre et projeta sur le côté d'un simple coup de tête la voiturette que Jack venait de contourner. L'animal avait beau ne pas être un coureur rapide et plutôt conçu pour la chasse de grosses proies lentes comme les sauropodes, il était en train de le rattraper. Jack rassembla ses dernières forces, atteignit la rampe et se lança dans une ultime course vers la passerelle où un animateur se tenait lors des nourrissages, tout en faisant bien attention de ne pas trébucher. La météo avait en effet rendu la rampe glissante et cela joua en défaveur du théropode qui était sur le point de rattraper Jack. Afin d'éviter de se briser un os en chutant, l'acrocanthosaure ralentit et gravit la rampe avec prudence, laissant Jack le distancer. En voyant l'échelle attendre sa proie juste au-delà de la passerelle droit devant, le dinosaure gronda, en vain. Jack parvint au sommet de la rampe, fonça jusqu'à l'extrémité de la passerelle, monta sur le garde-fou et sauta sur l'échelle avant que l'acrocanthosaure ne puisse l'attraper.
Tout en s'agrippant fermement aux barreaux, Jack leva les yeux et vit sa sœur tout en haut de l'échelle. Mais tandis que l'hélicoptère prenait de la hauteur, l'échelle se mit soudain à remuer, déstabilisant les Sommers qui s'agrippèrent de justesse alors que Rankin regardait dans leur direction avec des yeux écarquillés. L'acrocanthosaure venait de saisir l'échelle entre ses dents, juste sous Jack. Les cordes se tendirent et une sorte de jeu de tir à la corde s'installa entre le dinosaure et l'hélicoptère. La position du premier était précaire. En effet, la passerelle se craquelait sous ses pieds, menaçant de s'effondrer s'il restait trop longtemps.
Rankin aida Hannah à monter dans l'appareil puis sortit un poignard et commença à décrocher l'échelle. Hannah le regarda avec de grands yeux horrifiés.
— Mais vous êtes malade ?!
— On va tous y passer si je ne la coupe pas ! Lui répondit-il d'un ton urgent, faisant allusion au système de stabilisation de l'hélicoptère qui s'affolait et dont l'alarme s'était déclenchée.
Si ce jeu de tir à la corde ne s'arrêtait pas sous peu, ils allaient s'écraser et toute cette mission n'aurait servi à rien.
— Non, Rankin ! Attendez ! Hurla Jack tout en essayant de gravir l'échelle le plus vite possible.
Fort heureusement pour eux, l'échelle se sectionna à l'endroit où l'acrocanthosaure la tenait par les dents. Le dinosaure recula promptement et la passerelle s'effondra devant lui, tombant en morceaux dans le lagon en contrebas. Toujours accroché, Jack était ballotté au bout du tronçon restant et il tourna la tête pour regarder l'acrocanthosaure gronder de frustration au pied des gradins. Alors qu'ils survolaient le Lagon et ses barrières récifales à présent submergées, volant vers l'extrémité opposée et la côte, Jack poussa un long soupir de soulagement.
— Jack ! L'appela sa sœur d'un ton encore empreint d'inquiétude.
Il leva les yeux vers elle et Rankin.
— Ne reste pas là ! Monte ! Le pressa-elle.
Il regarda en bas et nota que le Lagon et ses profondeurs obscures n'étaient qu'à quelques mètres sous ses pieds. Il sut qu'il ferait peut-être bien de monter en effet, juste pour être sûr. Pas question de tomber dans l'eau comme le dernier des idiots alors qu'il venait d'être sauvé. Mais à peine eut-il terminé de faire cette réflexion que le mosasaure bondit hors de l'ancien lagon des Mers d'Oxford la gueule grande ouverte et engloutit l'extrémité de l'échelle et Jack avec.
Le tronçon mordu par le mosasaure céda presque instantanément mais la traction exercée par le reptile marin pendant ce court instant déstabilisa l'hélicoptère, faisant tomber Hannah.
Celle-ci s'accrocha de justesse au patin de l'appareil, enroulant s'abord ses bras puis ses jambes autour, tandis qu'ils finissaient de survoler le Lagon et qu'ils allaient passer au-dessus du Quartier Résidentiel Est de Burroughs. Hannah s'empressa de remonter dans l'habitacle tout en sanglotant.
Elle finit par passer les bras par-dessus le bord et à les poser à l'intérieur. Rankin s'agenouilla et posa ses mains sur les siennes. Elle hocha la tête en guise de reconnaissance et vit du coin de l'œil son sac à dos sécurisé dans un compartiment. Ramenant son regard droit devant elle, elle vit une étrange lueur dans les yeux de Rankin et frémit. Les mains du mercenaire se refermèrent autour des poignets de la jeune femme et il lui dit :
— Désolé trésor, mais c'est la fin de la route pour toi.
Il souleva ses bras et la repoussa hors de l'appareil. Le dos d'Hannah heurta d'abord le patin, soulevant une douleur énorme, puis elle tomba droit vers l'océan agité. La surface la frappa de plein fouet, l'assommant momentanément, et elle commença à couler. Lorsqu'elle recouvra ses esprits, elle remonta à la surface et chercha le rivage. A quelques centaines de mètres de sa position, elle vit entre-autres la petite baie à l'entrée du canal souterrain. Elle voulut nager dans cette direction mais ses forces étaient en train de l'abandonner, et les vagues la malmenaient. Elle n'allait jamais l'atteindre.
Avant de perdre connaissance, elle remarqua que la grille du canal avait été laissée grande ouverte. Des mâchoires se refermèrent ensuite sur le bas de son corps mais l'engourdissement d'Hannah était tel qu'elle ressentit à peine les dents s'enfoncer dans sa chair. Son visage sombra sous l'eau et l'obscurité l'accueillit, l'empêchant de se rendre compte qu'un Xiphactinus l'avait attrapé.
Tout en se déplaçant, celui-ci l'avala tout entière, et il fut peu après rejoint par deux de ses congénères. Le trio s'éloigna ensuite de l'île, nageant vers la liberté.
