Notes
Casting hypothétique :
Par ordre d'apparition :
Charlotte Nicdao dans le rôle de Peggy Zubiri
Jim Rash dans le rôle d'Alexander Singer
Alexandre Astier dans le rôle de Guillaume Vuillier
-O-
Crée au tournant du millénaire, le Centre de Surveillance Mondial de la Désextinction, appelé plus couramment CSMD, occupait un ancien hôtel dans le quartier japonais de San Francisco. Cette agence faisait partie du Programme des Nations Unies pour l'Environnement et était chargée du dossier de la désextinction au sein de l'ONU.
Ses activités incluaient la conduite d'études sur la désextinction et ses ramifications, aussi bien environnementales que économiques, socio-politiques et éthiques ; la mise en place et la gestion de bases de données concernant les espèces déséteintes, les établissements les hébergeant et/ou les territoires où elles sont présentes, et les structures les ayant recrées ; ainsi que la réflexion autour de politiques à mettre en place concernant la désextinction.
L'agence employait une centaine de scientifiques et de techniciens travaillant principalement soit au siège de l'agence à San Francisco, soit dans sa base scientifique à Caer Draig, la forteresse de la Garde Grise sur Isla Sorna. En plus de ces scientifiques et techniciens, il y avait un roulement continu d'étudiants stagiaires, de doctorants et de membres honoraires, tandis qu'une petite équipe administrative soutenait le tout.
Lorsque le téléphone de son bureau sonna, Peggy Zubiri venait de s'installer et le café qu'elle avait acheté quelques minutes plus tôt était encore chaud. Née à Darwin en Australie et d'origine philippine, la jeune femme vivait aux Etats-Unis depuis la fin de ses études et travaillait au CSMD en tant qu'assistante du directeur général. Gardant un stylo et un post-it à portée de main, elle décrocha :
— Centre de Surveillance Mondial de la Désextinction, bonjour.
— Oui, bonjour, je suis Alexander Singer, fondateur et président du Groupe de Protection des Dinosaures, plus connu sous le nom de GPD, se présenta l'appelant. Je vous appelle car j'aimerais beaucoup rencontrer le nouveau directeur de votre agence, Monsieur Guillaume Vuillier, et m'entretenir avec lui.
— Pourquoi souhaiteriez-vous vous entretenir avec lui ?
Elle, ainsi que d'autres employés du centre, avaient déjà entendu parler du Groupe de Protection des Dinosaures, une association alors en plein essor et ayant également son siège à San Francisco, dans un immeuble d'avant-guerre du quartier de Mission District.
Alors qu'Alexander Singer lui expliquait qu'il voulait parler avec Guillaume Vuillier pour discuter du débat actuel qui régnait autour des animaux d'InGen et connaître ses positions, elle alla sur le site internet du GPD et lut la préface sur la page d'accueil, écrite par le fondateur de l'association. Ce dernier apparaissait sur la miniature d'une vidéo à côté de la préface et Peggy vit que c'était un homme ayant la fin de la quarantaine, chauve, le visage glabre, portant des lunettes et semblant peu épais, voir frêle de constitution.
— D'accord, je vais l'informer que vous nous avez contactés, dit-elle une fois qu'il eut expliqué les raisons de son appel. Monsieur Vuillier n'est pas encore arrivé et son emploi du temps est très chargé en ce moment donc s'il accepte de vous rencontrer, n'attendez pas d'avoir d'entretien avant le mois prochain. Laissez-moi vos coordonnées pour que nous puissions donner suite à votre requête.
Singer lui transmit son adresse mail et son numéro de téléphone, elle les nota, puis le remercia et mit fin à l'appel.
Elle regarda l'heure dans le coin inférieur droit de l'écran de son ordinateur. Il était huit heures et quart. Monsieur Vuillier allait arriver d'une minute à l'autre, s'il n'était pas déjà là.
Elle se leva, longea les différents bureaux de la partie administrative du centre, et atteignit la réception et l'espace d'attente associé. Elle demanda à la réceptionniste si Monsieur Vuillier était arrivé et elle lui répondit que oui et Peggy alla alors à la salle de repos.
Plutôt grande, elle était meublée de plusieurs canapés et fauteuils ainsi que de tables et de chaises, tandis qu'un espace cuisine occupait l'extrémité opposée. Tout comme les autres salles principales et les couloirs de l'agence, elle présentait un style japonais, avec un plancher en bois, des murs blancs et des plinthes noires, et ses murs étaient décorés par des œuvres d'art représentant aussi bien des animaux préhistoriques que des espèces s'étant éteintes pendant l'Holocène tel que le Dodo, le Thylacine ou le Bouquetin des Pyrénées. Non loin des canapés, un écran de télévision accroché au mur était allumé et diffusait les informations nationales. A l'opposé de celui-ci, Peggy reconnut la silhouette mince et les cheveux noirs courts du directeur de l'agence près de la grande baie vitrée qui donnait sur le patio. Un sac bandoulière noir était posé à ses pieds tandis qu'un parapluie mouillé reposait contre la vitre.
Tournant le dos à Peggy, Guillaume Vuillier regardait tout en sirotant un thé les gouttes de pluie s'abattre dans le patio et glisser sur les feuilles des buissons et des bonsaïs. Etant donné qu'il était vêtu non pas d'un costume mais d'un simple pull et jean, un visiteur aurait pu aisément penser qu'il n'était qu'un simple employé et non le directeur général.
Ayant entendu le tapotement produit par les talons courts de son assistante, il se retourna et la salua :
— Bonjour Peggy. Comment allez-vous ?
— Bonjour monsieur. Je vais bien merci, répondit-elle tout en s'approchant. Et vous ?
— Oh… La décision qui est en train d'être prise à Washington me préoccupe, lui avoua-il tout en jetant un regard en coin à l'écran de télévision.
Bien qu'il parlait avec un léger accent français, Peggy trouvait que celui-ci n'avait rien de désagréable, et qu'il était même plaisant à l'oreille, ce qui allait de pair avec son apparence qui inspirait la confiance. Le milieu de la quarantaine, de taille moyenne, un visage agréable et un bouc et une moustache impeccablement taillée, elle le trouvait même plutôt bel homme.
— Le Groupe de Protection des Dinosaures vient de nous appeler. Son fondateur et président souhaite vous rencontrer. Je leur ai dit que vous étiez occupé en ce moment et que ça ne serait possible qu'à partir du mois prochain.
— Le Groupe de Protection des Dinosaures ? Répéta-il tout en sortant son ordinateur portable de son sac pour le poser sur une table voisine.
— Pensez PETA pour les dinosaures.
Face à cette comparaison, Guillaume plissa des yeux et caressa son bouc, espérant que le GPD ne soit pas autant sujet à la controverse que PETA.
— Monsieur Singer, son fondateur, a été soigneur à Jurassic World pendant un temps avant de démissionner, continua Peggy. Je ne sais pas s'ils sont connus à l'international mais ils commencent à faire du bruit dans ce pays. Leur popularité est grimpée en flèche depuis la chute du parc, expliqua l'assistante avant de regarder la télévision, qui montrait un grand nombre de personnes en train de manifester devant le complexe du Capitole à Washington, certaines en faveur des dinosaures, d'autres non.
Guillaume sortit également ses lunettes, les mit et entra son mot de passe. Son écran d'accueil apparut et son assistante remarqua qu'il s'agissait d'une photographie d'une savane, quelque part en Afrique à en juger par la présence d'un petit groupe de girafes.
Probablement le Kenya…, supposa-elle.
Peggy savait qu'avant d'arriver aux Etats-Unis et de prendre ses fonctions en tant que directeur général du Centre de Surveillance Mondial de la Désextinction il y a seulement quelques semaines de cela, Guillaume Vuillier travaillait à Nairobi, au siège du Programme des Nations Unies pour l'Environnement. Mais autant elle était au fait qu'il avait beaucoup voyagé au cours de sa carrière et qu'il avait vécu dans plusieurs pays, autant elle ignorait qui était ses précédents employeurs et quels postes il avait occupé.
Alors qu'il lançait un moteur de recherche internet, Peggy ne put s'empêcher de regarder la longue cicatrice longiligne qu'il avait sur le cuir chevelu, juste au-dessus de son oreille gauche, cicatrice qui avait attiré son regard dès le premier jour.
Elle finit par détourner le regard et alors qu'elle passait sa main sur son chignon, un petit stégosaure vert, la mascotte du GPD, trottait sur l'écran tandis que le site était en train d'être chargé. Là où Peggy trouvait l'animation mignonne, Guillaume la trouvait un peu amusante mais sans plus.
La page d'accueil du site s'afficha enfin et il lut les noms des différentes rubriques sous la bannière du site : Accueil ; Notre Cause ; Soutenez nos Actions ; News ; Blog ; Médias ; Boutique ; Enfants. Sous ces rubriques, il y avait une grande photo montrant Alexander Singer dans une salle de classe, à l'occasion d'une intervention dans une classe de primaire. Guillaume défila l'écran vers le bas et vit la préface ainsi que la vidéo de présentation. Il enclencha la lecture de cette dernière.
Elle montrait Alexander Singer et deux autres membres de l'association, une jeune trentenaire latino avec des cheveux coupés au carré et un jeune homme métis avec des lunettes, dans une classe d'école primaire, probablement la même que celle de la photo, faisant une présentation et encadrant divers jeux et activités autour des dinosaures, et était entrecoupée d'interviews du fondateur de l'association et de ses deux collègues. Dans ces interviews, ils parlaient des raisons derrière la fondation du GPD, ses missions, et leurs parcours personnels.
La femme latino se nommait Zia Rodriguez et avait suivi une formation de paléo-vétérinaire à l'académie d'InGen-Masrani Global à San Diego, établie dans ce qui était autrefois un Jurassic Park en construction, formation qui fut coupée court par la chute de Jurassic World et ses conséquences. Mais désireuse d'agir en faveur des dinosaures, Zia avait fini par rejoindre le GPD, dont elle avait appris l'existence au travers d'une camarade de formation.
Le jeune homme se nommait Franklin Webb et tout comme Alexander Singer et Zia Rodriguez, il était familier avec InGen puisqu'il travaillait auparavant comme technicien informatique au siège de la compagnie à Palo Alto où il s'occupait entre-autres de certaines parties du site internet de Jurassic World, et il avait quitté InGen de son propre chef peu après la chute du parc.
Là où Guillaume trouva les interviews intéressantes, principalement en raison des liens que les trois membres présentés avaient eus avec Jurassic World et/ou InGen, il fut moins convaincu par le reste de la vidéo. Plusieurs éléments le faisaient tiquer, comme montrer un dessin d'enfant de qualité discutable pour présenter un Velociraptor, ce qu'il trouvait peu éducatif, tandis que les tape m'en cinq ! entre les membres du GPD et les enfants ainsi que le cri de groupe enthousiaste à la fin faisaient clichés.
Lorsque la vidéo se termina, il parcourut en vitesse quelques pages du site par curiosité.
— Ils parlent des dinosaures mais qu'en est-il des ptérosaures, des reptiles marins et des synapsides non-mammaliens ? Est-ce qu'ils puent ? Se demanda-il.
— Les synapsides non-mammaliens ? Répéta l'assistante d'un ton hésitant, ayant entendu le terme synapside pour la première fois.
— Aussi connu sous le nom plus courant de reptiles mammaliens. Vous devriez traîner plus souvent avec les gens du programme Espèces, Peggy, plaisanta-il.
— Peut-être que je devrais, répondit-elle en riant. Vous connaissiez ce terme avant de venir travailler ici ?
— Disons que le poste du directeur général de cette agence n'est pas ma première expérience en lien avec des animaux déséteints…, répondit-il.
Un des employés de l'agence présents dans la salle héla soudainement :
— Les gens !
Guillaume et Peggy se tournèrent vers lui et remarquèrent que non seulement nombre de leurs collègues avaient rejoint la salle depuis l'arrivée de l'assistante mais qu'ils étaient tous tournés vers la télévision. Le directeur du CSMD s'avança en direction de cette dernière et un porte-parole du sénat apparut à l'écran, annonçant la décision du gouvernement :
— Suite à de longues délibérations, le comité a décidé d'autoriser International Genetics à transporter ses créatures aux Etats-Unis…
Les réactions suscitées chez les employés du CSMD furent mitigées et la salle de détente devint silencieuse. Là où beaucoup, y compris Guillaume Vuillier, éprouvaient de la méfiance vis-à-vis d'InGen en raison des diverses controverses touchant la multinationale et ne voyaient pas d'un bon œil cette décision du gouvernement qui permettrait à InGen d'éviter de sombrer; d'autres pensaient justement qu'une InGen forte éviterait une propagation incontrôlée de ses technologies, qu'elle était moins pire que Biosyn à titre d'exemple, et que le gouvernement aurait dû autoriser InGen dès le départ à emmener ses animaux aux Etats-Unis, ce qui aurait évité les manifestations au Costa Rica ; d'autres encore estimaient non sans ironie que cette décision donnerait une raison supplémentaire au CSMD d'exister, et préserverait par conséquent leurs emplois.
Une fois que le reportage sur la décision du sénat fut terminé, Guillaume attrapa la télécommande et éteignit la télévision.
— Bon, je sens que nous aurons beaucoup de travail à l'avenir…, déclara-il.
Alors que les employés quittaient peu à peu la salle pour se rendre à leurs bureaux respectifs, il entendit l'un d'eux dire :
— La fée Lation s'est bien penchée au-dessus du sénat.
— En effet. Tu crois que Lynton a sucé combien de sénateurs pour que cette décision soit prise ? Lui demanda une collègue.
— Ian Malcolm doit être en train de bouffer ses bouquins…, ajouta un troisième.
Guillaume demeura sur place avec un air songeur, son menton reposant entre le pouce et l'index de sa main droite.
Lorsque la salle fut presque désertée, il appela Peggy et lui ordonna :
— Dîtes aux chefs des programmes que j'organise une réunion cet après-midi pour discuter de cette décision et de ses conséquences.
Elle acquiesça et tandis qu'elle s'exécutait, il regagna son bureau.
