Notes

Suggestions musicales :

L'exil de Claire :
- Lívstræðrir - John Lunn et Eivør Pálsdóttir, The Last Kingdom.
- Holding On (
feat Eivør) - Bear McCreary, God of War: Ragnarök.
- Queen Gorgo - Junkie XL, 300: Rise of an Empire.
- Breaker of Chains - Ramin Djawadi, Game of Thrones: Season 4.
- One day soon - Abel Korzeniowski, Penny Dreadful: Season 3.

Le couple :
- Love Theme - Basil Poledouris, Conan the barbarian.

Owen regarde des vidéos du programme IBRIS :
- The call of the riled - Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (Jusqu'à 00:56).


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Claire Dearing et Owen Grady avaient élu domicile dans un chalet reculé, quelque part sur les versants ouest de la Sierra Nevada, à plusieurs kilomètres de la ville la plus proche, qui répondait au nom de Hope.

Le chalet, construit par l'un des ancêtres d'Owen, se dressait au milieu d'une clairière, qui elle-même bordait un lac, gelé à cette période de l'année. C'était un chalet construit sur deux niveaux, ni trop grand, ni trop petit, simple mais confortable, un lieu inspirant la solitude mais aussi la tranquillité, avec un feu de cheminée fournissant la chaleur nécessaire en hiver.

L'ancien responsable du projet IBRIS (1) ayant trouvé du travail dans un parc animalier de la région, le Sierra Wildlife Park, sa concubine et Sigurd, leur fils de cinq mois, conçu pendant la Chute, étaient seuls au chalet en cet après-midi.

Claire était assise dans le canapé du salon, l'air concentrée et déterminée, fixant l'écran de télévision devant elle tout en tenant une manette de PlayStation.

Vêtue d'un vieux jean et d'un sweat à capuche noir à bandes rouges et blanches orné du logo N7 (2), ses longs cheveux rassemblés à la hâte en une queue de cheval, elle semblait ne plus rien avoir avec la femme élégante vêtue de blanc qui apparaissait autrefois dans les médias en tant que directrice de Jurassic World. Et c'était sans parler de la longue balafre sur la moitié gauche de son visage, qui commençait près de la naissance des cheveux pour descendre jusqu'au menton, coupant en deux son sourcil gauche sur son passage et ne s'interrompant qu'au niveau de son œil. Claire, qui évitait les miroirs depuis la Chute, trouvait que cette balafre lui donnait des airs d'antagoniste de la saga James Bond.

Elle était en train de jouer au dernier God of War et avait atteint le passage où Kratos et son fils Atreus, les deux protagonistes du jeu, empruntaient une sorte de grand monte-charge montant au sein d'une montagne et repoussaient des vagues d'ennemis sautant sur le monte-charge. Les doigts de Claire s'agitaient avec nervosité sur les joysticks et les boutons de la manette et sa bouche murmurait des jurons, attirant l'attention de Sigurd, assis à l'autre bout du canapé et regardant l'écran avec des yeux curieux.

— Désolée Sigurd, je ne devrais pas jurer devant toi, se reprit-elle. Mais crève fils de pute ! Proféra-elle contre un ennemi particulièrement coriace.

Elle parvint à vaincre les derniers ennemis et s'ensuivit alors une scène de dialogue où le père et le fils discutèrent de l'objectif de leur quête et de ce qu'il adviendra après mais soudain, un jet d'éclair passa au-dessus d'eux, craché par un monstre caché jusque-là dans un tunnel voisin. Ce dernier émergea des ténèbres, révélant un grand corps écailleux pourvu de deux ailes vestigiales, des mains griffues, un crâne cornu, des yeux rouges, et des mâchoires garnies de dents tranchantes. Un frisson descendit le long de l'échine de Claire.

Un dragon… Il fallait que ce soit un putain de dragon.

Le dragon planta ses griffes dans le monte-charge, le maintenant sur place avec une main tandis qu'il tentait d'atteindre Kratos et Atreus avec son autre main et ses crocs. Claire, dont le cœur commençait à battre la chamade, savait que l'objectif était de porter des coups aux doigts de la bête plantés dans la plateforme. Mais alors qu'elle s'apprêtait à faire avancer Kratos, le dragon poussa un cri strident avant de frapper et dans la tête de Claire, ce cri se mua en celui d'une autre créature, une ayant bel et bien existé, qui avait entraîné sa chute et l'avait mutilée.

La directrice déchue se retrouva comme paralysée et laissa tomber la manette au sol tandis que son rythme cardiaque s'accélérait et qu'elle commençait à hyperventiler. En quelques coups, le dragon tua Kratos et l'écran d'échec s'afficha.

Avec une main tremblante, Claire enleva ses lunettes pour les poser sur la table basse et plaqua la paume de se main prosthétique contre son visage paniqué. Elle émit un long soupir et Sigurd, comme si il sentait la détresse de sa mère, s'agita. Remarquant cela, elle renifla et le prit dans ses bras pour le rassurer.

— Hé hé, c'est rien. Maman a juste eu peur. Chut, ne t'en fais pas pour ça.

Elle le berça pendant un moment puis, en regardant l'heure sur le micro-onde à la cuisine, elle se rappela que c'était le moment de l'allaiter.

— C'est l'heure, hein ?

Elle éteignit la Playstation, emmena son fils à l'étage dans la chambre à coucher et là, elle lui donna le sein pendant un moment tout en regardant les flocons de neige tomber dehors. Lorsqu'ils eurent terminé, elle le coucha dans son berceau et attendit qu'il s'endorme avant de redescendre.

Désireuse de prendre l'air et de se changer les idées après son moment de panique de plus tôt, elle enfila une paire de bottes ainsi qu'un anorak, puis sortit un fusil de chasse d'une armoire dans le corridor d'entrée. Elle sortit dehors et la fraîcheur de l'air hivernal vint caresser son visage.

Tout en s'avançant hors du couvert fournit par le toit de la véranda aménagée le long de la façade d'entrée, elle balaya les environs du regard et surtout la forêt de conifères alentours et son sous-bois.

Ni elle ni Owen ne chassaient et ce dernier avait hérité du fusil avec le chalet. Des ours noirs et des cougars vivaient dans le secteur mais ils n'avaient jamais eu de problèmes avec ceux-ci. Non, Claire préférait sortir avec le fusil pour se défendre d'un autre danger éventuel, bien qu'elle n'ait jamais été importunée depuis son arrivée dans la Sierra Nevada, pas même lors des quelque fois où elle se rendait en ville.

Etant donné qu'elle ne maîtrisait pas encore parfaitement sa prothèse bionique, elle était toujours inapte à la conduite et c'était donc Owen ou la mère de ce dernier, Cait, qui l'y emmenait, généralement pour ses visites chez le psychologue. Le simple fait de se revoir chez ce dernier, capuchon de son sweatshirt rabattu par-dessus sa tête et regard rivé vers le sol, tapotant du pied tout en l'écoutant ou en racontant ses malheurs, suffisait à la remplir de haine de soi.

En dehors de Cait, qui vivait à Hope, et du psychologue tenu par le secret médical, nul ne connaissait sa vraie identité et lorsqu'on demandait qu'est-ce qu'elle faisait avant de venir dans la Sierra Nevada et comment elle avait rencontré le fils de Caitriona Grady, ils répondaient qu'elle était une vétérane de la Guerre d'Afghanistan présentée à Owen par un de ses anciens camarades de la marine, et elle était juste connue localement comme la femme du soigneur.

Elle parvint à l'abri à outils, aménagé sur le côté est du chalet, et l'ouvrit pour en sortir une hache, qu'elle emmena à un billot à quelque pas de là, dressé près du range-bûches attenant à l'abri. Claire posa le fusil contre le range-bûches, saisit l'une des bûches pour la poser à la verticale sur le billot et la fendit d'un coup avec la hache.

Avant d'emménager au chalet, elle n'avait jamais coupé du bois mais après avoir été instruite à ce sujet par son concubin, elle y avait pris goût car donner des coups de hache la défoulait et l'aidait à se vider l'esprit, du moins d'ordinaire.

Elle ignorait si c'était à cause du moment de panique qu'elle avait eu plus tôt alors qu'elle jouait à la Playstation ou à cause de l'évolution de la situation avec InGen mais elle n'arriva pas à se détendre. Alors qu'elle enchaînait les bûches et rangeait les morceaux coupés, elle ne put s'empêcher de repenser à la future reprise de l'opération Royaume Déchu. InGen allait tout compte faire peut-être s'en sortir tandis qu'elle serait condamnée à une vie de marginale ou, pire, de détenue si jamais on la convoquait devant les tribunaux et qu'elle était jugée coupable d'avoir entraîné la chute de Jurassic World. Toutes ces souffrances éprouvées durant cette dernière… pour au final souffrir encore plus par la suite. Elle n'allait jamais oublier ce qu'elle a vécu, ni pardonner ce qu'on lui a fait subir…

Son esprit fut assaillit de pensées négatives et ses coups de hache se firent de plus en plus violents, jusqu'à ce qu'elle menace de lui échapper des mains.

Claire s'arrêta, plantant la lame de la hache dans le billot, essuya d'un revers de la main la sueur sur son front et soupira. Elle devait faire attention, surtout que sa prothèse était plus forte que l'avant-bras qu'elle remplaçait, tant qu'elle était sûre de pouvoir battre Owen au bras de fer avec.

Le craquement d'une branche quelque part dans le bois la fit sursauter et elle attrapa immédiatement le fusil, orientant son canon vers les arbres. Elle écouta attentivement, à l'affût de tout nouveau bruit suspect, et regarda les épines des sapins bruisser au gré du vent.

A ce niveau de la lisière, les branches inférieures des sapins étaient si denses qu'elles formaient presque comme un mur entre la clairière du chalet et le sous-bois. Çà et là au niveau des branches médianes et supérieures, des trouées s'ouvraient sur la pénombre de ce dernier. Elle était telle que Claire pouvait facilement imaginer apercevoir l'ombre d'un dinosaure prédateur parmi les sapins, la guettant depuis le sous-bois.

Claire secoua légèrement la tête. Il n'y avait que des ours et des cougars dans ces bois et pas le moindre dinosaure. Un croassement attira son attention et elle vit deux Grands Corbeaux perchés sur une branche non loin, la regardant.

Pas le moindre dinosaure à part les oiseaux locaux, se corrigea-elle.

Elle baissa son fusil et soupira.

— Est-ce le Père-de-tout qui vous envoie ? Leur demanda-elle. Ou vos lointains cousins du Costa Rica ?

L'un des corbeaux croassa.

— Peu importe… Marmonna-elle.

Puis elle rit avec dédain d'elle-même. Ses interactions sociales étaient si limitées qu'elle se mettait à parler aux animaux pour éviter de se sentir seule.

J'ai vraiment l'air d'une folle, à causer aux corbacs…

Elle se détourna d'eux et alla ranger la hache à sa place dans l'abri à outils. Cette séance de coupe de bois ne l'ayant pas détendue, elle envisagea une autre activité et revint à l'intérieur du chalet.

Elle enleva ses bottes et son anorak, posa le fusil où elle l'avait pris et repassa dans la chambre à coucher, d'une part pour vérifier que son fils dormait bien et d'autre part pour se changer.

Elle redescendit ainsi en jogging et en débardeur au rez de chaussée, se dirigeant vers la pièce qui leur servait de salle de sport ainsi que d'espace de stockage pour les cartons de déménagements qu'ils n'avaient pas encore défaits. Les équipements n'étaient ni nombreux, ni encombrants et une partie était encore occupée par des cartons. Il y avait des haltères, un stepper, une cible de jeu de fléchettes, et un sac de frappe. Non loin du jeu de fléchettes, des photos en format A2 d'Henry Wu, Susan Lynton, de la journaliste Cassandra Landis et d'autres personnes que Claire haïssait de tout son être formaient une pile au-dessus d'un carton et étaient abondamment trouées. Claire posa son téléphone sur un autre des cartons et lança la lecture d'une playlist musicale.

Ce fut au rythme des tambours et des chœurs gutturaux des musiques de Heilung, un groupe de folk expérimental d'Europe du Nord, qu'elle s'échauffa et commença à donner des coups dans le sac de frappe. Emportée par la musique et l'effort de l'exercice, son esprit se vida et elle se détendit enfin un peu. Elle continua de donner des coups, jusqu'à ce qu'elle soit trop fatiguée pour continuer.

Lorsque ce fut le cas, elle regarda par la fenêtre et nota que la lumière du jour déclinait. Claire alla alors à la cuisine, pour y boire un grand verre d'eau mais aussi pour commencer à préparer le dîner. Bien qu'elle ne fût pas mauvaise en cuisine, cette activité ne la passionnait pas autant qu'Owen, qui était le cuisinier au sein du couple. Cependant, préparer le dîner était la moindre des choses qu'elle pouvait faire en semaine les jours où il travaillait et ne rentrait qu'aux alentours de dix-huit heures.

Telle était la routine quotidienne de Claire depuis plusieurs mois. Jeux-vidéos, sport, cuisine, et, lorsqu'elle en avait la motivation, suivre l'actualité d'InGen et préparer sa défense pour un éventuel procès…

Alors en train de mettre la table, elle entendit Owen rentrer et après s'être déchaussé et avoir enlevé son anorak, il vint la voir au salon. Il portait encore son uniforme de soigneur du Sierra Wildlife Park et quelques flocons de neige étaient en train de fondre parmi ses cheveux et sa barbe.

— Bonsoir ma biche.

— Salut.

Ils s'embrassèrent et voyant que le dîner était bientôt prêt, il alla à l'évier pour se laver les mains.

— Ouais, lave bien tes mains. Tu sens le chien mouillé et la viande crue…, lui fit-elle remarquer en plaisantant à moitié.

— C'est parce que j'ai nourrit les loups. Comment as été ta journée ?

— Oh tu sais, la routine… Je suis allé couper quelques bûches cet aprèm et j'ai fait de l'exercice, répondit-elle. Ce sera prêt dans deux minutes, ajouta-elle au sujet du dîner.

— Ok. Je vais chercher Sigurd…

Il monta à l'étage et revint peu après, tenant leur fils dans ses bras. Il l'installa dans sa chaise et prit place à son tour autour de la table, humant les vapeurs montant des plats.

— C'est très bon, la complimenta-il quelques minutes plus tard alors qu'ils dînaient, nourrissant de temps à autre leur fils à la cuillère. A ce rythme-là, tu vas bientôt me rivaliser.

— Merci.

Alors qu'ils continuaient de manger le plat principal, elle soupira.

— J'ai eu un autre moment de panique tout à l'heure… en jouant à la Playstation, dit-elle d'une voix faible.

— Tu as atteint le niveau avec le dragon ? Devina-il.

Elle hocha de la tête et soupira à nouveau. Il posa doucement sa main sur son poignet.

— C'est juste ridicule, dit-elle. Je n'arrête pas de la voir dans n'importe dragon. Ça va se passer comment lorsqu'on va regarder la saison huit de Game of Thrones ? Est-ce que je vais avoir des flashbacks façon Guerre du Vietnam devant les scènes avec les dragons ? Surtout que selon les directeurs de la série, certaines scènes risquent d'évoquer la Chute. Et ça va être pareil avec le prochain Godzilla… Mais merde, j'en viens à me demander comment j'ai pu être le Fantôme de Nublar…

— Peut-être que tu devrais éviter tout ce qui est lien avec les dragons. Tu as besoin de te changer les idées.

— Ouais, je pense que tu as raison, dit-elle, avant de changer de sujet. Tu as eu des nouvelles au sujet de Blue ?

— Juan m'a répondu. Il a écrit qu'elle allait bien, du moins physiquement parlant.

Sa voix se serra.

— Elle est toute seule, poursuivit-il. Ses sœurs sont mortes, Barry est repartit en France et InGen ne me laissera pas la voir… J'ai vraiment peur de ce qu'ils vont faire d'elle. S'ils ne la vendent pas mais qu'ils souhaitent reprendre le programme IBRIS, je crains qu'elle ne se montre pas coopérative et qu'ils ne l'euthanasient…

Le voyant ému, Claire lui prit la main et la serra tendrement.

Plus tard dans la soirée, il était assis dans le bureau, habillé d'un T-shirt et d'un boxer, et buvait une bière tout en étant affairé sur son ordinateur. Le bureau avait été aménagé dans la pièce situé en face de la chambre à coucher et sur un panneau en liège fixé à l'un des murs, Claire avait accroché avec des punaises tout un tas d'articles en lien avec InGen et Masrani Global, traitant principalement de leurs controverses. Certains passages avaient été surlignés et d'autres avaient bénéficiés de commentaires écrits en rouge par la directrice déchue et souvent terminés par des points d'exclamation. Sur un coin du meuble de bureau, reposait un classeur rempli de documents et sur lequel elle avait écrit « Défense » au feutre. Owen fit délicatement rouler la chaise de bureau sur le côté, de manière à regarder ce que Claire faisait dans la chambre.

Elle était assise sur le bord du lit, tenant Sigurd dans ses bras. Elle lui montrait une figurine de dinosaure tout en lui parlant, lui racontant probablement une petite histoire.

Cette scène lui mit du baume au cœur et il était admiratif de Claire, de sa force et de son courage alors qu'elle avait quantité de problèmes. Il savait que sa décision de garder leur enfant avait été influencée par sa triste expérience avec l'Indominus. Durant la chute, Claire avait découvert avec horreur que le Fléau de Masrani avait de l'ADN humain, le sien, faisant du monstre sa fille d'un point de vue biologique, relation sordide renforcée par le fait que, comme maints autres dinosaures, l'Indominus s'était imprégnée du premier être qu'elle avait vu en naissant, qui n'avait été autre que Claire. Or, inconsciente du lien qui s'était créé entre les elle et la créature, Claire l'avait abandonnée aux soins des généticiens puis des soigneurs de Jurassic World, qui la traitèrent comme n'importe quel autre prédateur à hauts risques du parc, et un prédateur social abandonné à la naissance par sa figure maternelle et gardé en isolation ne pouvait devenir qu'une bombe à retardement. Pour Claire, Sigurd avait été la chance de devenir ne serait-ce qu'une mère digne de ce nom et Owen trouvait qu'elle se débrouillait très bien, mieux que ce qu'il avait imaginé, voir qu'elle était même une meilleure parente que lui.

Il se sentit un peu honteux. Il était là, assis dans la chaise de bureau devant l'ordinateur, buvant seul une bière avec un air maussade au lieu d'être avec sa concubine et leur fils, avec qui il ne passait qu'assez peu de temps au final. Il détestait cette pensée mais il avait presque l'impression d'être son propre père, qui était partit alors qu'il était en bas-âge, laissant sa mère l'élever seul et le nom de famille qu'il avait adopté était d'ailleurs le sien et non celui de son père.

— Je vais me coucher, l'informa Claire, le sortant de ses pensées alors qu'elle se tenait contre l'embrasure de la porte du bureau. Tu viens ?

— J'arrive bientôt ma biche.

Elle tourna les talons et la lumière de la chambre à coucher s'éteignit peu après mais alors qu'il s'apprêtait à éteindre son ordinateur, il ressentit l'envie de replonger dans de vieux souvenirs.

Ouvrant un sous-dossier nommé « IBRIS », il mit des écouteurs et consulta une série de vidéos datant du milieu et de la fin de l'année 2014. Elles consistaient en des journaux vidéo où il faisait état de la croissance et du comportement de ses quatre Achillobator (3), qui étaient alors toutes jeunes, étant nées au mois de mai de cette année. Dans les vidéos de l'été, elles avaient l'air d'autruchons ou de poussins de vautours avec le court duvet qui recouvrait leur corps et on les voyait le suivre partout où il allait à la queue leu-leu, comme de jeunes oies. Lui-même semblait bien plus jeune et enjoué, bien qu'il ait eu un grave accident l'année d'avant. Ses cheveux étaient plus courts, ne descendant que jusqu'à sa nuque, et son visage n'arborait qu'une moustache. Alors qu'elles grandissaient, les achillobators gagnèrent en assurance dans leurs mouvements et leur comportement en agressivité. Owen sourit et rit doucement en regardant ces vidéos, qui les montraient en train de se chamailler durant un nourrissage dans leur loge ou en train de mordiller ses bottes. Une autre encore montra Blue en train de rappeler à l'ordre ses sœurs après qu'Owen lui ait demandé, chose qui l'avait surpris à l'époque.

Poussant un long soupir amer, Owen éteignit l'ordinateur, descendit sa bouteille de bière vide la cuisine, se lava les dents et alla se coucher, entrant dans la chambre plongée dans le noir pour se glisser silencieusement dans le lit et s'allonger aux côtés de sa concubine déjà endormie. Alors que le sommeil le gagnait peu à peu, il sentit Claire s'agiter et sut qu'elle avait encore un de ses cauchemars.


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Notes

(1) IBRIS : Integrated Behaviour Raptor Intelligence Study

(2) N7 : Organisation fictive de l'univers de la saga vidéoludique Mass Effect.

(3) Achillobator : genre de grand dromaeosauridé. Signifie « Guerrier d'Achille », bator étant le mot mongol pour guerrier ou héros.