Notes
Suggestions musicales :
Sur le parking de l'aéroport :
- The call of the riled - Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (de 01:09 à 01:26).
- Sunrise O'er Jurassic World - Michael Giacchino, Jurassic World.
Le trajet :
- Alan goes - Don Davis, Jurassic Park 3.
- Las Gaviotas.
- Mariachi & Los Camperos de Nati Cano - Tres Dias.
-o-
— Tu vois Franklin, ça s'est bien passé, fit remarquer Zia Rodriguez. Comme je te l'ai dit, tu as plus de chance de mourir en faisant de l'équitation qu'en prenant l'avion.
— Ouais ben je n'ai jamais fait d'équitation et je n'en ferais jamais, répondit Franklin Webb. Pas intéressé. Je suis bien content que le voyage de retour s'effectue par bateau.
— Tu as déjà voyagé en bateau au moins ? Parce que si tu as aussi le mal de mer…
La vétérinaire et l'informaticien du Groupe de Protection des Dinosaures se tenaient au milieu du parking de l'aéroport Juan Santamaria, près de San José. Le jour s'étant levé il y a peu, la vallée centrale du Costa Rica baignait toute entière dans la lumière dorée de l'aube et la température matinale était agréable, ni trop chaude ni trop froide.
Zia, Franklin et Alexander étaient partis de San Francisco la veille en fin de journée, avaient faits une escale à Los Angeles pendant la nuit et avaient atterris au Costa Rica peu avant le lever du jour, arrivant avant le couple. Lorsque le trio avait traversé le hall principal de l'aéroport, ils avaient vus que l'avion en provenance de Dallas-Fort Worth, où Claire Dearing et son concubin avaient fait escale, n'avait aucun retard. Cependant, Claire avait donné à Alexander la consigne de ne pas les attendre dans le hall d'arrivée si ils arrivaient avant eux mais plutôt sur le parking à l'extérieur, là où elle avait donné rendez-vous au taxi qui devait les emmener à Burgo Nuevo. Les membres du GPD l'avaient trouvé sans grands problèmes et leurs bagages étaient déjà rangés dans le coffre du van amené par le chauffeur, un petit homme au visage poupin en short et chemise hawaïenne.
Alors qu'Alexander discutait avec ce dernier, Zia et Franklin virent un couple de trentenaires se diriger vers eux, portant chacun un sac à dos et un grand sac de voyage en bandoulière. Il était composé d'un homme barbu grand et musclé, en débardeur noir et dont la crinière brune retombait librement sur ses épaules, et d'une femme rousse, vêtue d'un débardeur blanc et d'un jean, et affublée d'un fedora à large bord, d'une paire de lunettes d'aviateur, et d'un demi-masque blanc qui recouvrait la moitié gauche de son visage.
— Les voilà… Dit Alexander en rejoignant ses deux collègues.
Zia et Franklin eurent du mal à réaliser que la femme était l'ancienne directrice de Jurassic World car celle-ci était absolument méconnaissable à leurs yeux et avait plutôt l'air d'un mélange entre une propriétaire de ranch et un personnage de film d'action des années quatre-vingt. Du moins c'était ce que la vétérinaire pensait et en regardant son ami, elle vit qu'il avait adopté un mouvement de recul, intimidé qu'il était par l'arrivante. Le pauvre, Claire Dearing devait lui évoquer une méchante de bande-dessinée avec son demi-masque et le bout de cicatrice apparent du côté de la bouche et du menton.
Alexander fit un signe de la main au couple.
— Bonjour Claire, la salua-il.
— Bonjour Alexander, répondit-elle avant de se tourner vers les deux autres membres du GPD. Mademoiselle Rodriguez, Monsieur Webb.
Le trio et le couple échangèrent ensuite des poignées de main. Là où celles entre Owen et les deux collègues d'Alexander furent amicales, celle entre le soigneur et le fondateur du GPD ainsi que celles entre Claire et les trois membres de l'association furent plus froides et effectuées que par politesse. Claire, consciente dès le début du stage qu'il était peu probable que le GPD l'apprécie, tenta d'ignorer le malaise ambiant et alla à la rencontre du chauffeur.
Celui-ci, satisfait que tous ses passagers prévus soient arrivés, ouvrit le coffre du van et permit au couple d'y poser ses grands sacs de voyage. Claire lui donna l'adresse de l'hôtel à Burgo Nuevo où ils résideraient mais alors qu'ils s'apprêtaient à monter à bord du véhicule, Alexander s'adressa à elle :
— Claire ? Est-ce que cela vous dérange si je vais devant. Je suis malade en voiture vous voyez…
— Soit.
Alexander s'installa à côté du chauffeur, le couple prit place au fond, et les benjamins du groupe qu'étaient Zia et Franklin s'assirent sur les sièges du milieu. Finissant de s'installer, Claire enleva ses lunettes de soleil et son chapeau ainsi que son gant en silicone, révélant sa prothèse bionique aux yeux de Franklin, qui était assis devant Owen.
— Je vais ranger ça dans mon sac avant que ça ne commence à puer…, dit-elle à son concubin tout en ouvrant son sac à dos posé à ses pieds.
Le van quitta le parking et tandis qu'il laissait l'aéroport derrière lui pour gagner l'entrée de l'autoroute voisine, Claire se souvint de sa première venue au Costa Rica, alors qu'elle allait prendre ses fonctions de directrice adjointe de Jurassic World. C'était plus de six ans auparavant et elle était alors pleine de rêves et d'ambitions, et d'une certaine naïveté aussi.
Ils prirent la direction de l'ouest dans un premier temps et à côté de l'autoroute, ils virent un grand panneau publicitaire sur lequel était encore accroché une affiche délabrée d'Isla Nublar et de Jurassic World, se tenant là comme pour rappeler à la directrice déchue ce qu'elle avait perdu, et plus loin, alors qu'ils longeaient les faubourgs d'Alajuela, les yeux du groupe furent attirés par une énorme fresque qui s'y trouvait, peinte sur l'entièreté d'un mur. La fresque représentait le Fantôme de Nublar, défiant, avec rien d'autre qu'une épée, l'Indominus ainsi que les raptors et procératosaures qui lui servaient de sbires. Claire fut étonnée de voir, fusse-il pendant un court instant, que les artistes avait dépeint le Fantôme comme une figure noble se tenant droit avec une attitude résolue, brandissant son épée avec grâce tel un héros Tolkienien et bravant sans peur le regard du Fléau de Masrani . Elle trouva que c'était un portrait bien enjolivé car elle se souvenait de ses tremblements quasi incontrôlables, de ses boyaux et de sa vessie mis à rude épreuve, de son envie de faire volteface et de s'enfuir à toutes jambes, des larmes qui coulaient sur son visage derrière la visière du casque…
— Tu as pu filmer la fresque ? Zia demanda à Franklin, sortant Claire de ses souvenirs.
— Je ne sais pas. J'ai peur que non. On est passés trop vite.
Claire vit que l'informaticien du GPD tenait une caméra en main et filmait les environs.
— Qu'est-ce que vous faîtes Franklin ? Lui demanda-elle.
— Je suis en train de prendre des images pour le reportage.
— Le reportage, répéta Owen avec étonnement. Quel reportage ?
— Franklin a pour mission de filmer l'opération, précisa Alexander. A partir des images qu'il prendra, nous monterons un documentaire qui sera mis en ligne d'ici la fin de l'année.
Mais avant qu'elle ne puisse lui demander s'ils avaient l'accord de la fondation Lockwood et même d'InGen, il ajouta :
— Benjamin Lockwood nous a donné sa bénédiction. Et Madame Hodgson a été mise au courant.
Claire se crispa. On ne lui avait pas parlé d'un quelconque reportage et n'appréciait guère d'avoir été laissée dans l'ignorance alors que toutes les autres parties impliquées dans l'opération semblaient être au courant.
— Curieux, on ne m'a rien dit à ce sujet, leur apprit-elle d'un ton légèrement agacé. D'accord… Filmez ce que vous voulez. Tout sauf moi. Vous vous débrouillerez avec les gens de la Ferme et InGen pour le reste.
Mais alors qu'Alexander s'était retourné pour lui parler, le jeune homme filmait toujours l'autoroute et ses bords.
— Franklin, l'interpella-elle.
Il baissa sa caméra et se retourna. D'un léger signe de la tête, Owen l'encouragea à écouter Claire.
— Vous ne me filmez pas, répéta-elle. Est-ce que nous nous sommes compris ?
— Euh oui madame, bredouilla-il alors que ses yeux regardaient le bout de cicatrice apparente sous le demi-masque de la directrice déchue.
— Bien.
Elle se cala dans son siège.
— Putain, soupira-elle. Je suis claquée… J'ai presque pas dormi pendant le vol et ils m'ont énervée les gens au pays avec les regards qu'ils m'ont adressée… La prochaine fois que je vais dans un aéroport ou un lieu tout aussi fréquenté, je crois que je vais mettre une foutue burqa. Certes, on me jettera encore des regards bizarres mais au moins on ne me regardera plus comme si j'étais une sorte de monstre.
— Si tu mets une burqa, il faudra que je mette une djellaba pour qu'on soit crédible en couple, lui fit remarquer Owen. N'y pense pas… Sérieusement, tu me vois en djellaba ? J'aurais l'air d'un sacré clown… Et en plus j'aime bien prendre un sandwich jambon-fromage avant un long transport…
Alors que Claire riait doucement, Zia et Franklin se regardèrent et Alexander se retourna pendant un bref instant. A son expression froncée, le couple vit que leur dernier échange n'avait pas été au goût du fondateur du GPD.
— Je sens qu'on va bien s'amuser avec lui, Claire murmura à son concubin.
— Le pauvre…, dit Owen. Il doit penser qu'on est des gros beaufs.
Elle lui prit la main et lui dit :
— Je suis contente que tu sois avec moi. Je me sentirais bien seule sinon…
Voyant que les membres du GPD étaient occupés à regarder la route, à bavarder ou à écouter les chansons folks à la radio, Claire inclina la tête en avant et enleva son demi-masque, qu'elle rangea dans son sac à dos. Elle reprit ensuite son chapeau et le remit sur sa tête, le glissant par-dessus ses yeux de manière à cacher au mieux sa balafre. Etant donné qu'elle était assise du côté gauche du véhicule, sa balafre était du côté de la vitre et le seul du trio du GPD qui aurait pu en avoir un aperçu était Franklin qui ne se retourna pas vers elle durant le reste du trajet. Elle se cala dans son siège et trouvant enfin une position confortable, elle se prépara à faire un somme.
— Réveilles-moi quand on arrive, demanda-elle à Owen.
Il la laissa entreprendre son somme et regarda le paysage défiler dehors. Les faubourgs et les zones industrielles et commerciales étaient en train de céder peu à peu la place à la campagne et ses champs et bois. Sous peu, ils allaient prendre la direction du nord-ouest, et celle de la ville de San Ramón dans un premier temps.
Il étudia l'attitude de la vétérinaire et de l'informaticien. Là où Zia semblait excitée à l'idée de voir des dinosaures, Franklin était plus nerveux.
— Relax, lui dit le soigneur, ce n'est pas comme si on se rendait sur Sorna ou une Nublar post Chute en toute illégalité. Vous allez dormir dans un lit d'hôtel tous les soirs et pourrez aller boire des canons au bar. Il y en a qui n'ont pas eu ce luxe lorsqu'ils ont participés à des missions impliquant des dinosaures…
Peu après, alors qu'ils étaient en train de discuter du GPD, il leur demanda :
— Est-ce que vous connaissez la Coalition de Libération des Individus de la Terre Opprimés ? J'ai une amie, Justice, qui en fait partie.
— Je ne connais pas cette association, répondit Zia.
— Jamais entendu parler, dit Franklin.
— Ce n'est pas grave, leur dit Owen. Ils ne sont pas très connus. Je me demande si elle n'est pas défunte d'ailleurs.
Dès que les deux membres du GPD se détournèrent de lui, il eut un sourire en coin.
— Coalition de Libération des Individus de la Terre Opprimés, répéta Claire, qu'il croyait déjà endormie. C.L.I.T.O…, ajouta-elle tout doucement. Subtil Owen, subtil…
Il émit un petit ricanement discret.
— Ils ne connaissent même pas Jay et Silent Bob, murmura-il. La génération Y…
Le soigneur se repencha sur le côté pour parler aux deux membres du GPD.
— Si j'en crois les petites interviews dans la vidéo sur votre site, tu bossais aussi chez InGen, Franklin ? Demanda-il.
— Ouais, au siège. Au sous-sol avec les autre geeks du service informatique.
Zia se tourna vers Owen.
— Vu que vous avez été soigneur au parc, vous avez été à l'académie de San Diego je présume ? Lui demanda-elle.
— Ouaip, promotion automne 2012. Ils ont toujours les kentrosaures ? Je me souviens que c'était de sacrés têtes de mules qui flippaient pour un rien.
— Ils étaient encore là lorsque je faisais ma formation. De vrais trouillards…
— Vous avez pu visiter Jurassic World ? Leur demanda Owen quelques instants plus tard.
— Jamais, répondit Franklin. Lorsque j'étais plus jeune, mes parents n'étaient pas assez riches pour m'y emmener et plus tard, après avoir été engagé, un voyage à Isla Nublar était toujours tendu au niveau financier, et ce malgré les réductions sur les tickets dont on bénéficiait en tant qu'employés de la compagnie.
— Et toi Zia ?
— J'avais demandé pour un stage là-bas, commença-elle en rajustant ses lunettes, mais il y a eu la Chute… Certains de mes camarades de promo ont eu de la chance sur le moment en dégotant des places à l'académie même mais les autres se sont retrouvés sur le carreau car en dehors d'InGen, les structures engageant des paléovétérinaires sont plus que rares. Certains ont même tentés de demander à la réserve Pleistocène de Toula mais les ruskovs leur ont dit qu'ils étaient peu enclins à recevoir des Américains dans leur équipe et que soigner des grands mammifères n'était pas la même chose que soigner des dinosaures et d'autres reptiles…
— Et l'hôpital vétérinaire de campagne du CSMD à Caer Draig ? Il me semblait qu'il leur arrivait de prendre des stagiaires.
— Il y a un camarade qui a eu une place là-bas mais suite à la Chute et à la dégradation des relations entre InGen et la Garde Grise à cause de l'insurrection de ceux qui étaient sur Nublar, son stage a été annulé et les responsables de formation nous ont dit que c'était verboten d'aller faire un stage là-bas. Ils disaient que les gardes gris risquaient fort de s'en prendre à nous, que Caer Draig et tous les endroits contrôlés par la Garde n'étaient pas sûrs.
— Bordel…, jura Owen. Niveau propagande, la direction actuelle d'InGen n'a rien à envier aux Nazis…
Zia haussa les épaules.
— De ce que j'ai entendu, les Gardes Gris ne sont pas tout blanc non plus. Bref, quelques mois après la Chute, InGen fermait les portes de l'académie et nous mettait tous à la porte donc autant te dire qu'on n'a pas eu nos diplômes. Et les animaux qui étaient là-bas ont déjà été vendus.
Ils devinrent silencieux et trois quarts d'heure après leur départ de l'aéroport, ils quittèrent l'autoroute au niveau de San Ramón pour emprunter une première route nationale qui traversait la campagne au nord-ouest de la ville et pénétrait dans les Montagnes de l'Ismaloya, dont les contreforts étaient proches de San Ramón. Etant donné que cette dernière se situait à une altitude d'environ mille cent mètres, les versants orientaux de la chaîne ne se dressaient pas de façon spectaculaire dans ce secteur et ses routes étaient connues pour être plus douces et moins vertigineuses que celles du versant occidental, et l'ascension se fit donc de manière progressive le reste du trajet, d'abord au milieu des prés puis parmi une jungle épaisse et embrumée.
Voyant Franklin filmer le paysage de temps en temps, le chauffeur fut pris de curiosité et se mit à lui poser des questions en espagnol au sujet du reportage qu'ils faisaient et de ce qu'ils allaient faire à Burgo Nuevo mais le jeune homme, qui n'avait que des notions élémentaires d'espagnol là où ses quatre compagnons parlaient cette langue couramment, eut du mal lui répondre, surtout que le chauffeur était aussi bon en anglais que Franklin l'était en espagnol, et Alexander vola à son secours en faisant office d'interprète. Le chauffeur les écouta avec attention et demanda même si il pouvait apparaître dans le reportage, ce qu'ils acceptèrent, le filmant en train de conduire.
Un peu plus de vingt kilomètres après San Ramón, juste avant que la route ne redescende en direction du village de San Antonio, ils tournèrent à droite et empruntèrent une autre route nationale, qui elle montait plus haut en altitude et conduisait droit à Burgo Nuevo. Entre cette intersection et les environs de Burgo Nuevo, il n'y avait pas le moindre village ou hameau, juste une route qui sinuait doucement en suivant une ligne de crêtes au milieu de la jungle.
Claire s'était enfin endormie entretemps mais lorsqu'elle remua dans son sommeil, Owen sut qu'elle devait avoir encore un de ses cauchemars. Ayant vu le nombre de kilomètres restants jusqu'à Burgo Nuevo sur un panneau plus tôt, il regarda sa montre et secoua légèrement sa concubine pour la réveiller.
— Claire.
Elle se réveilla quasi en sursaut et le regarda.
— Claire, on arrive bientôt, l'informa-il.
Elle hocha de la tête et remit son demi-masque ainsi que son gant en silicone.
— Tu étais agitée. Ça va ?
— Je vais bien, répondit-elle d'une voix fatiguée. C'était juste un cauchemar débile.
Le van arriva au niveau d'un sommet de côte et la ville de Burgo Nuevo apparut plus loin devant eux, légèrement en contrebas.
