Notes
Casting hypothétique :
Tomer Kapon dans le rôle de Valentine Taylor.
-o-
Après avoir inspiré de l'air par ses narines, Valentine Taylor décolla la cigarette de sa bouche et expira longuement tout en regardant l'hôtel Cañada de las águilas qui se dressait devant lui.
Agé de trente-quatre ans, la peau halée, les cheveux coupés à ras et un corps de taille moyenne mince mais musclé, il portait un T-shirt et un pantalon cargo bleu nuit. Ce dernier et les rangers dont il était chaussé étaient les seuls éléments qui pouvaient trahir la nature de son emploi car ils faisaient partie de l'habillement des agents de sécurité d'InGen tandis que le véhicule près duquel il attendait n'était qu'un simple minibus blanc sans le moindre logo. La multinationale n'étant pas des plus populaires en ville et dans le reste du pays, il convenait pour ses employés de ne pas attirer l'attention lorsqu'ils sortaient de ses locaux et propriétés.
N'ayant personne d'autre sous la main, Jocelyn Hodgson l'avait envoyé récupérer le groupe à leur hôtel et étant arrivé un peu en avance par rapport à l'horaire de rendez-vous convenu, il en profitait pour fumer une cigarette.
Se retournant pour regarder l'autre côté de la rue, ses yeux balayèrent les passants qui allaient et venaient le long des boutiques et des cafés qu'on pouvait y trouver. En regardant plus attentivement la clientèle assise à la terrasse d'un des cafés, il reconnut un quarantenaire plus grand et plus robuste que lui, doté de courts mais épais cheveux noirs, d'une barbe courte et de lunettes. C'était Benito Verde, un de ses collègues costaricains. Alors en congé, Benito était lui aussi en tenue civile et totalement incognito parmi les autres clients, des locaux en majorité mais aussi des touristes originaires de d'autres régions du Costa Rica et des étrangers, principalement nord-américains et européens. Venant de finir son café, Benito se leva de sa chaise et quitta l'établissement, commençant à remonter la rue en direction de son domicile à quelques pâtés de maison de là, marchant d'un pas assez pressé. Valentine le héla :
— Hé, Benito !
Surpris, Benito se retourna vivement et le regarda, restant sur place un instant, avant de décider d'aller rejoindre son collègue de l'autre côté de la rue.
— Hé Val… Le salua-il d'un ton un peu hésitant. C'est toi qu'on a chargé de prendre le groupe Lockwood-GPD ?
— Ouaip, répondit Valentine dans son accent Texan habituel. Qu'est-ce qu'il y a ? Lui demanda-il peu après, ayant noté son attitude plutôt étrange. Tu as l'air nerveux. C'est ton jour de repos, tu devrais être détendu.
— Ce n'est rien. C'est à cause de l'opération… On va bientôt mettre fin à mon contrat et je n'ai toujours pas trouvé un taf de remplacement. Déjà que c'est tendu en ce moment niveau financier pour moi…
Valentine lui donna une tape amicale sur l'épaule.
— Tu es un bon gars, tu trouveras quelque chose, j'en suis sûr.
— Tu as de la chance toi, la compagnie te mute aux Etats-Unis. Tu prends le train avec les animaux, c'est bien ça ?
— Oui.
Benito hocha de la tête puis sortit son téléphone pour regarder l'heure.
— Merde. Je viens de me rappeler que j'ai une petite course à faire. On se revoit lundi ?
— Ouais, à lundi. Profites de ton week-end.
— Merci. A lundi…
Valentine regarda son collègue rejoindre le passage piéton le plus proche, traverser la rue et disparaître plus loin.
Non loin du café qu'avait quitté Benito quelques instants plus tôt, le Texan vit un couple de touristes accompagné d'un petit garçon, leur fils très probablement. Ils étaient debout près de l'entrée d'une boutique et les parents parlaient si fort que Valentine put entendre clairement leur accent de sa position et déduire qu'ils étaient originaires du Midwest. Mais tandis que les parents avaient les yeux tournés vers la boutique, leur enfant derrière eux s'ennuyait et s'amusait à faire rebondir une balle sur le trottoir, et ce alors que des passants allaient et venaient sur ce dernier, passant même entre les parents et le garçon. Cependant le couple étant tant pris par ce qui avait tout l'air d'une querelle qu'il ne surveillait plus son enfant, et celui-ci continua de faire rebondir sa balle, de plus en plus près de la route… Remarquant cela, l'attention de Valentine redoubla et son corps se tendit. Il pria pour qu'au moins l'un des deux parents se retourne à temps et lui dise d'arrêter et de revenir. En vain…
La balle échappa des mains du garçon et partit rebondir sur la route, en direction du trottoir opposé. Sans prêter attention aux véhicules arrivants, le garçon s'élança à sa poursuite mais lorsque la balle disparut sous le minibus près de Valentine, la confusion le gagna et il se rendit compte du danger qu'il encourait lorsqu'un motard fit un écart pour l'éviter. Il se retourna et vit que ses parents étaient toujours en train de se disputer. A sa gauche, un conducteur de camionnette ne l'avait vu qu'assez tard et il avait beau freiner, il sut que son véhicule n'allait pas s'arrêter à temps. Mais juste avant qu'il ne percute de plein fouet l'enfant, Valentine saisit ce dernier à bras le corps et courut le mettre en sécurité près du minibus alors que les roues de la camionnette crissaient sur le bitume.
Valentine déposa le garçon sur le trottoir et posa une main réconfortante sur son épaule.
— Hé gosse, tu vas bien ?
L'enfant, encore pétrifié de peur, ne fit rien d'autre qu'hocher faiblement de la tête.
— Ne va pas sur la route, c'est dangereux ! Le mit-il en garde d'un ton calme mais ferme.
Valentine vit alors la balle près des roues arrière du minibus. Il alla la chercher, puis s'accroupit devant l'enfant pour lui montrer la balle :
— Regardes, voici ta balle. Je te la redonne si tu me promets de ne plus jouer près de la route comme ça, d'accord ?
Le garçon hocha à nouveau de la tête, ayant compris la leçon de cette expérience ayant failli tourner au drame, et d'une petite voix timide, il dit :
— Promis monsieur…
Valentine sourit et lui redonna sa balle. C'est alors que le père du garçon l'interpella :
— Hé, vous là ! Lui cria-il tout en traversant la route sans vérifier d'abord s'il y avait des véhicules en approche. Eloignez-vous de mon fils !
Valentine se releva mais ne recula pas.
— 'Tain ! Il ne comprend pas l'anglais ce con ! Grommela la mère, qui trottinait juste derrière son mari.
Avec son teint halé et la plaque d'immatriculation costaricaine du minibus, Valentine sut qu'ils devaient le prendre pour un natif du pays. Il attendit qu'ils aient atteint la sécurité du trottoir avant de leur répondre.
— Si je le comprends ! Rétorqua-il, les faisant réaliser qu'il était états-unien lui aussi avec son accent. Je viens juste d'empêcher votre fils de se faire écrasé et des témoins peuvent le prouver. Alors soyez poli et ne faîtes pas vos ingrats !
Ayant entendu l'altercation, plusieurs passants s'étaient rapprochés et le chauffeur de la camionnette qui avait failli écraser le garçon vint les rejoindre. A en juger par les regards qu'on leur adressait, les parents surent que plusieurs passants avaient été témoins de la scène et étaient prêts à soutenir la version de Valentine. Défaits, les parents devinrent silencieux et leurs yeux devinrent fuyants.
— Vous feriez mieux de le surveiller la prochaine fois, les avertit Valentine en les regardants droits dans le blanc des yeux.
La mère prit timidement son fils par la main.
— Viens Kenny… Bredouilla-elle.
Puis la famille s'éloigna et alors que les passants retournaient à leurs occupations, Valentine vit la porte d'entrée du Cañada de las águilas être poussée de l'intérieur et le groupe attendu sortir de l'hôtel.
Ils avaient mis des chaussures de marche et enfilés des T-shirts et des pantalons ou des shorts de couleur neutre, soit des tenues compatibles avec le travail qui les attendait à la Ferme. Chacun portait aussi un sac à dos, contenant entre-autres leur déjeuner.
Valentine les compta. Ils étaient cinq, comme prévu.
Claire héla Valentine.
— Monsieur Taylor ?
— Oui c'est moi, répondit-il. Bonjour.
— Bonjour. Madame Hodgson m'a informé que vous veniez nous chercher.
— Vous êtes prêts ? Demanda-il.
Ils hochèrent de la tête.
— Alors en route.
Le groupe monta dans le minibus et ils prirent la direction du sud, retraversant la ville et suivant la même route qu'ils avaient empruntée à l'aller.
