Tout en sifflant une chanson, Valentine entra dans la cour d'hacienda et contournant la fontaine, il se dirigea vers le réfectoire et la terrasse au-delà. Vêtu que d'un T-shirt et d'un short de sport, portant une serviette sur son épaule et chaussé de tongs, il avait la chair de poule et quelqu'un d'autre n'aurait pas refusé un sweatshirt mais pas lui. Il trouvait que la fraîcheur matinale des montagnes était revigorante et l'encourageait même à aller faire un peu d'exercice avant le travail ou après, lorsqu'il faisait partie de l'équipe de nuit. Finissant de traverser le réfectoire, il sortit sur la terrasse supérieure et descendit l'escalier tout en continuant de siffler gaiement. Encore quelques secondes et il serait dans la piscine…

Mais en arrivant en bas, il fut surpris de voir Jocelyn étendue sur l'un des transats, semblant dormir profondément tandis qu'un groupe de capucins à face blanche était affairé sur la terrasse, faisant lever les yeux de Valentine au ciel. Il n'était pas rare que les singes descendent de leurs arbres et viennent rôder autour et parfois dans la hacienda lorsqu'il n'y avait personne ou presque. Beaucoup les trouvaient mignons lorsqu'ils les voyaient pour la première fois mais comme beaucoup d'autres singes, les capucins étaient des voleurs, agissant lorsqu'on avait le dos tourné, et les cuisiniers les détestaient tandis que tous ceux vivant sur le domaine avait reçu pour consigne de bien fermer derrière eux si ils ne voulaient pas voir leurs chambres et les autres pièces saccagées par des singes en quête de nourriture. Ceux devant les yeux de Valentine buvaient l'eau de la piscine, s'amusaient à se courir après au bord de celle-ci ou à jouer sur les transats tandis qu'un inspectait Jocelyn d'un peu trop près au goût de l'agent de sécurité. Le singe en question se tenait à une enjambée de son transat et regardait en direction de son cou. Soudain, il bondit sur le transat mais alors qu'il était sur le point de chaparder la chaîne, Valentine frappa bruyamment dans ses mains, l'arrêtant net dans son élan.

— Hé ! Cria-il.

Tous les capucins se figèrent et se tournèrent vers lui puis décampèrent en aboyant ou en toussant, courant vers les arbres entre la résidence et les enclos voisins.

Réveillée par le raffut, Jocelyn bougea dans son transat en geignant et demanda :

— Owen… Quelle heure est-il ?

Elle ouvrit les yeux, remarqua d'abord que le jour s'était levé puis s'aperçut que Valentine était là. Lorsqu'elle vit sa serviette et ses tongs, elle sut qu'il devait être un peu moins de sept heures, l'heure à laquelle il allait parfois faire des longueurs dans la piscine.

— Valentine. On est déjà le matin ?

Il répondit en hochant de la tête. Prise de maux de tête, elle porta une main à son front.

— Vous allez bien ? S'enquit-il tout en se rapprochant.

— On était en train de boire avec Owen. Tout d'un coup, j'ai eu énorme coup de barre, je me suis allongée et me suis directement endormie. Vous avez vu Owen ?

— Non.

— Il est partit comme ça ? Il aurait pu au moins me ramener à l'intérieur. Le goujat.

— Il y avait des capucins. L'un d'eux a failli voler votre chaîne.

Elle voulut se remettre sur son séant et s'asseoir sur le côté du transat mais voyant des éclats de verre au pied de la petite table près du transat, Valentine l'avertit :

— Attention. Il y a un verre brisé. L'un d'eux a dû le faire tomber.

Jocelyn baissa son regard et vit le verre brisé, celui dans lequel Owen avait bu. Elle soupira et se décala de manière à ne pas poser ses pieds sur les éclats. Elle regarda ensuite la petite table, où restaient son verre et la bougie. Rien d'autre.

Rien d'autre ?!

Elle se leva pour mieux regarder et il n'y avait en effet rien d'autre. Un sentiment d'inquiétude l'envahit et elle s'accroupit pour regarder frénétiquement sous et autour de la petite table, faisant attention où elle posait ses genoux et se mains. Sur le coup, elle vit bien qu'on avait mis la bouteille de vin sous son transat et qu'elle était vide mais ses préoccupations étaient ailleurs.

— Jocelyn ? S'inquiéta l'agent.

— Mon alliance ! S'exclama-elle d'une voix paniquée. Je l'avais posée sur la table. Ces saletés de singes me l'ont volée !

— Hé, on va la retrouver, lui assura-il d'une voix calme et apaisante. Ils sont partis par-là, ajouta-il en pointant la ligne d'arbres près des clôtures. Je vais regarder au pied des arbres.

— Merci, Valentine.

Il contourna alors la piscine et s'aventura dans les buissons à la recherche de l'alliance perdue. De l'autre côté de la piscine, Austin venait de descendre l'escalier et se dirigeait vers Jocelyn. Le commandant de l'UCA remarqua que ses cheveux étaient décoiffés et qu'elle avait une tête de déterrée.

— Joel, le salua-elle.

Lorsqu'il vit la bouteille de vin, le visage d'Austin se fronça, ses bras se croisèrent et sa bouche émit un soupir.

— Jocelyn. Vous vous êtes encore enivrée ? S'enquit-il non sans agacement.

— Je n'ai pris qu'un verre, répondit-elle sur un ton défensif. Et lorsque je me suis endormie, cette bouteille était loin d'être vide, lui assura-elle.

— Et qui l'a vidée et mise là ? Les capucins ? Vous étiez avec Grady ? Où est-il ? Demanda le commandant de l'UCA d'un ton de plus en plus inquisiteur.

— Je n'en sais rien. Peut-être qu'il a préféré ne pas me déranger et est repartit dans sa chambre.

Austin saisit alors le verre restant et le porta à ses narines

— Peut-être ceci, peut-être cela… Vous avez surtout eu la chance ne pas vous être fait bouffée, lui fit-il remarquer tout en reniflant l'intérieur.

N'ayant sentit aucune odeur particulière hormis celle de l'alcool, le commandant reposa le verre sur la table.

— Dois-je vous rappeler qu'un des Homalocephale a été tué par un jaguar il y a quelques mois ? Ajouta-il.

— Vous ne croyez tout de même pas qu'il m'aurait laissée ainsi exposée s'il était conscient de ce type de danger ?

— Je ne suis sûr de rien mais j'ai trouvé son attitude ainsi que celle de Madame Dearing plutôt étrange ces derniers jours. Nous devons les surveiller de près. Si j'étais vous, je m'assurerais que tout soit en ordre dans votre bureau.

Il changea alors de sujet de conversation.

— Wheatley et ses hommes atterriront dans l'après-midi, l'informa-il. On les attend à la base d'Alajuela. Le convoi devrait arriver ici en fin de journée.

— Ok, merci Joel.

— Jocelyn. Allez-vous laver et vous changer. Si vous êtes encore dans cet état lorsque Wheatley arrivera, je crains qu'il ne l'interprète comme une autre moquerie de la part d'InGen. Il faut veiller à son bon accueil.

Jocelyn hocha de la tête faiblement et regarda en direction des arbres.