Notes

Suggestions musicales :

Le couple se dirige vers la maison :
- Castithan Bath - Bear McCreary, Defiance.

La maison :
- The Bakra - Bear McCreary, Outlander: Season 3.
- The cutwife of Ballentree Moor - Abel Korzeniowski, Penny Dreadful: Season 2.

Le garage :
- Bury the Hatchling - Michael Giacchino, Jurassic World.
- The Island of Dr. Hoskins
- Michael Giacchino, Jurassic World.


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— Mais quand j'y pense, on a laissé Jocelyn sur son transat, se rappela Claire alors qu'ils descendaient dans un vallon. J'espère qu'un jaguar ne l'a pas bouffée…

Devant elle, Owen abattit la lame de sa machette sur une branche qui leur barrait le passage.

— Aucun risque, répondit-il. Les jaguars n'attaquent les humains que si acculés ou blessés. Contrairement aux félins de l'Ancien Monde, ils n'ont pas évolué aux côtés de grands singes et ils ne nous voient donc pas comme des proies naturelles. Si ça n'avait pas été le cas, tu penses bien que j'aurais soulevé ce problème. On n'aurait pas été dans la merde si elle s'était fait tuée par un prédateur pendant la nuit.

Il était six heures passée et les habitants diurnes de la forêt étaient déjà réveillés. Les singes bavardaient, les oiseaux chantaient et les grenouilles coassaient. Suivant les indications du plan sur le téléphone de Claire, la proximité de batraciens indiqua au couple qu'ils allaient dans la bonne direction et peu après avoir atteints le fond du vallon, ils rencontrèrent bientôt un ruisseau. Au-delà, à la limite de leur champ de vision, ils distinguèrent une maison en bois, nichée au milieu de la forêt.

— La voilà ! S'exclama-elle.

Ils sautèrent par-dessus le ruisseau et se dirigèrent vers la maison abandonnée. Entourée par de grands arbres, dont un vieil acajou, c'était une demeure en tek construite sur deux niveaux, avec un grand balcon à l'étage et une terrasse en-dessous, et elle semblant suffisamment grande pour avoir abrité une famille entière.

Entre le couple et la maison, il y avait un terrain en friche, autrefois un jardin bien entretenu. De part et d'autre de leur chemin, ils virent des bananiers, d'autres arbres fruitiers ainsi que des orchidées mais aussi et surtout quantité de broussailles et de plantes grimpantes, qui montaient à l'assaut de la maison tels les tentacules d'un kraken sur un navire, l'étouffant lentement dans une interminable étreinte. Çà et là, de grandes toiles larges parfois d'un mètre avaient été tissées et leurs filaments apparaissaient comme des fils d'or à la lumière du soleil.

Des toiles de néphiles…, observa Owen en frissonnant un peu.

— C'est quoi ce décor de film d'horreur des années quatre-vingt ? Dit-il à voix haute alors qu'il leur frayait un chemin avec la machette.

— Il filerait la chair de poule… On aurait dû aussi emprunter un des flingues de l'armurerie. Au cas où. Tout ce que j'ai est un couteau à steak que j'ai piqué au resto.

Owen jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et vit que sa compagne avait sorti le dit couteau et pointait sa lame tantôt à gauche tantôt à droite.

— Ben attention avec ce couteau Brutus, tu pourrais blesser quelqu'un, plaisanta-il. Vu que le port d'armes est restrictif dans ce pays, je ne suis pas sûr que se balader comme ça avec une arme à feu soit une bonne idée. Suffirait qu'on tombe sur des flics…

— Excepté qu'on est toujours sur la propriété d'InGen, fit-elle remarquer. Je ne me suis rappelée que ce matin qu'ils avaient acheté du terrain il y a deux ans, pour agrandir le Site D. Cette parcelle devait en faire partie. Donc je ne suis pas sûre que les flics aient le droit de se promener ici sans mandat.

— C'est pas faux.

— Quoiqu'il en soit, je me sentirais plus en sécurité avec un pistolet. Comment crois-tu qu'une jolie jeune femme seule a pu éviter de se faire emmerder par le premier salopard venu à New York et en Floride ?

En se rapprochant, ils remarquèrent que la maison était dotée d'une annexe sur son côté nord. Non pas construite en bois mais en ciment, elle avait une forme rectangulaire et un toit plat. Le couple présuma qu'il devait s'agir d'un garage, suffisamment grand pour abriter plusieurs véhicules et ajoutée à la maison qu'ultérieurement, de façon assez grossière au goût de Claire. Au milieu des feuilles mortes, elle parvint à distinguer les contours d'une allée reliant la porte du garage à un portail plus loin devant. Constitués de deux grands battants en bois, il était fermé et barricadé de l'intérieur.

Empruntant les marches à son entrée, le couple monta sur la terrasse, avançant vers la porte d'entrée. De part et d'autre de celle-ci, de grandes baies vitrées laissaient voir des rideaux poussiéreux. Owen rangea la machette dans le sac de Claire et enfonça la porte à renfort de coups de pied bien placés. La porte finit par céder et ils entrèrent, laissant la lumière du jour pénétrer dans la maison et éclairer le salon et la cuisine ainsi que le mobilier qui prenait la poussière. L'impression que la demeure donnait est que le propriétaire avait comme subitement disparu mais que personne n'était venu s'accaparer ses meubles. Sur leur gauche, un escalier en colimaçon conduisait à l'étage ; sur leur droite, la cuisine avait été aménagée dans un coin, avec des meubles en bois précieux.

— Ok… Fouillons tout ça, dit Claire en regardant les meubles ainsi que les portes et renfoncements visibles au fond, menant à d'autres pièces. Ils ont peut-être oublié des trucs.

— Tu crois que des documents se seraient échappés de leurs fardes et auraient glissés sous le canapé ? Lui demanda Owen.

— Peu probable mais à envisager quand même. Le moindre emballage ou ticket de caisse pourrait avoir une utilité pour l'Ocelot.

Elle ouvrit le sac pour en sortir la machette puis s'aventura au fond de la maison pour fouiller les pièces se trouvant là tandis qu'il s'occupait du salon. Il commença par faire glisser le canapé sur le côté, dans le but de voir si les occupants les plus récents de la maison n'avait pas fait tomber des objets dessous mais il ne vit rien d'autre que de la poussière. Il s'intéressa alors au reste du mobilier du salon, les ouvrant lorsque c'était possible pour regarder à l'intérieur. Mais alors qu'il déplaçait une commode près d'un meuble bas sur lequel une télévision avait du reposer, il eut un soudain mouvement de recul.

— Putain de merde ! Siffla-il.

Il venait de déranger une mygale qui décampa en vitesse, rampant sur le carrelage à seulement quelques dizaines de centimètres de ses chaussures. Il s'était figé et ses yeux suivirent nerveusement l'énorme araignée velue qui prit la direction de la porte d'entrée.

— Je viens de fouiller la buanderie et les chiottes, l'informa Claire. Il n'y avait rien.

Elle nota alors son air apeuré.

— Qu'est-ce qu'il y a ? S'enquit-elle.

— Il y avait une mygale, répondit-il.

— Comparée à d'autres araignées, ce n'est pas si dangereux que ça une mygale non ?

— Certes mais ça reste une grosse araignée déguelasse.

— Alors quand tu as des gros boas qui traînent sur la terrasse de ton bungalow, pas de soucis. Jouer les Kevin Richardson (1) avec des raptors non plus. Par contre une araignée un tant soit peu grosse, bonjour l'angoisse ! Se moqua-elle. La prochaine fois que tu en vois une, dis-toi juste que c'est un vagin avec des pattes.

— Arrête de dire des conneries pareilles, je vais faire des cauchemars…

Claire se dirigea alors vers la cuisine afin de la fouiller, ouvrant les tiroirs et meubles de rangement un à un.

— Le baroudeur a plus peur des araignées que la banlieusarde. Quelle ironie ! Rouspéta-il.

— Indiana Jones a bien peur des serpents lui, lui rappela-elle.

— Tu m'excuseras mais contrairement aux araignées, les serpents ça a le mérite d'être beau.

— Je n'en suis pas fan. Je les trouve froids et sinistres.

— Et pourtant ton anneau avait des serpents si je me rappelle bien.

— Mon ex de Floride prétendait que le serpent était l'animal qui me symbolisait le plus. A l'époque, je croyais que c'était des conneries ésotériques mais je m'en foutais puisque l'anneau était un joli cadeau.

— Ton ex l'orfèvre et faiseur d'anneaux… Rama c'est ça ?

— Oui, en effet.

Se rappelant qu'elle ne lui avait jamais dit quel était le prénom du petit-ami qu'elle avait avant d'être engagée par InGen, Claire se figea un court instant avant de reprendre sa fouille.

— Attends, comment ça se fait que tu connais son prénom ? Je ne te l'ai jamais dit.

— J'ai vu la lettre qu'il t'a envoyée pendant ta convalescence. Il a une belle écriture en tout cas. Rama Ian Nantor, ce n'est vraiment pas un nom très commun. Je suis allé sur le site web de sa boutique.

Claire s'arrêta et écarquilla les yeux d'excitation.

— Tu es allé sur son site web ? Oh mon cochon, je sens que tu me caches un truc… Ne fais pas l'innocent.

— Désolé si je te déçois mais je n'ai rien acheté. J'ai juste fait du lèche-vitrine virtuel.

— Ah !

— Puis j'ai appris qu'il a eu des problèmes suite à une histoire d'anneaux munis de puces qu'il aurait vendus à certains de ses clients les plus fortunés et puissants. J'ai aussi lu qu'il avait un penchant pour l'occulte et j'ai mis l'idée de côté. En tout cas, tous les petits-amis que tu as eu sont loin d'être des mecs ennuyeux. Entre lui qui serait du genre à vivre dans un grand château gothique, le metalleux fan de mythologie nordique et rôliste avec qui t'est sortie au lycée, l'escrimeur médiéviste quand tu étais étudiante… et moi, le montagnard dresseur de raptors…

Alors sur le point de fermer le placard sous l'évier, Claire aperçut du coin de l'œil une boite abandonnée au fond de celui-ci. Elle en prit d'abord une photo avec son portable puis tendit sa prothèse et non sa main afin de se prémunir d'une morsure ou une piqure de la part de quelque serpent ou arthropode venimeux caché. Elle saisit la boite et la sortit, la montrant à Owen.

— Du thé au jasmin…, constata-il.

— On chauffe… Henry adore le thé au jasmin.

Elle posa la boite sur le comptoir et pris une deuxième photographie de cette dernière.

— Si j'étais lui et que je travaillais reclus ici, où est-ce que j'installerais un laboratoire clandestin ? Se demanda Owen en balayant ses environs du regard. A l'étage ? Non… Le plancher aurait été trop mis à l'épreuve sous le poids de certains équipements de laboratoire, sans parler des problèmes de transport… La buanderie ? Peut-être trop petite…

— Le « garage », suggéra Claire en regardant en direction de la porte à l'opposé de la cuisine, près de l'escalier en colimaçon. Je n'ai pas l'impression qu'il était là à l'origine et si j'étais la propriétaire de cette maison, je n'aurais pas fait construire un truc aussi moche. InGen a dû le rajouter en vitesse. Allons y jeter un coup d'œil.

Ils se rendirent à la dite porte et Owen l'enfonça de la même manière que la porte d'entrée. Eclairant leur chemin à l'aide du téléphone de Claire et de la lampe torche, ils s'avancèrent un peu, s'arrêtèrent au niveau du petit escalier en bois aménagé derrière le seuil de la porte et balayèrent le garage avec leurs faisceaux lumineux.

— Il n'y a rien…, constata Claire avec déception.

Le garage était vide. Il n'y avait pas le moindre meuble ou appareil, juste des murs nus, quelques prises électriques, une grande porte coulissante fermée, des toiles d'araignées dans les coins et au plafond, et une couche de poussière au sol. Alors que le faisceau de la lampe torche décrivait des zigzags sur ce dernier, Owen remarqua la présence de marques sur le sol. Elles étaient un peu estompées mais en regardant attentivement, on parvenait à les voir.

— Attends. Regarde les marques au sol, dit-il à Claire en passant la lampe torche sur les marques.

— Des traces… Suffisamment grandes pour avoir été celles de mobilier, d'équipements de laboratoire… Eclaire-les tandis que je les prends en photo.

Ils descendirent en bas du petit escalier et commencèrent à prendre en photo les marques qu'ils virent. La plupart étaient situées près des prises et rectilignes, à l'exception d'une dans un coin, de forme plutôt circulaire.

Une matrice de développement, songea Claire après que le flash de son téléphone ait illuminé cette partie du garage. Comme dans l'annexe du labo à Nublar, où l'Indominus a été mise au monde.

Lorsqu'ils eurent pris en photo toutes les marques qu'ils virent, Claire balaya le garage du regard à la recherche d'autres indices. En regardant en direction de la porte par laquelle ils étaient venus, elle vit un objet fin et blanc sous les marches de l'escalier.

Une feuille ! Elle a dû glisser d'une farde ou d'un classeur lorsqu'ils sont partis.

Quant à Owen, il venait de trouver lui aussi un potentiel indice, sous la forme d'une tache de mortier à hauteur des yeux sur l'un des murs. Passant le faisceau de la lampe en dessous et au-dessus de cette tâche, il nota la présence d'autres taches de mortier, régulièrement espacées sur toute la hauteur du mur. Se rapprochant de la tâche à hauteur de ses yeux, il vit qu'un petit objet en métal saillissait de celle-ci. S'avançant encore, jusqu'à être presque collé contre le mur, Owen remarqua que les bords de l'objet étaient tranchants et il s'accroupit pour regarder de près les tâches de mortier de dessous. Elles aussi avaient ce même genre d'objets en métal qui saillissaient d'elles. Réalisant alors la probable nature des taches de mortiers et des bouts de métal, Owen s'éloigna du mur à reculons et éclaira celui à environ deux mètres sa droite. Lorsque le faisceau de la lampe rencontra une série verticale de taches de mortier, il s'arrêta et passa d'abord sa lampe sur une ligne rectiligne imaginaire au sol entre ce mur et lui, puis sur une autre qui partait de ses pieds pour rejoindre le mur en face de lui, suivant les probables contours d'un espace clos qui avait occupé ce coin du garage.

— Owen ? Demanda Claire d'un ton circonspect en le voyant faire cela.

Il regarda sur gauche et vit qu'elle tenait une feuille de papier entre ses mains.

— Tu vois les taches de mortier en face de moi ? Rapproche-toi et dis-moi ce que tu vois.

Elle plia soigneusement la feuille et la rangea dans sa poche de pantalon.

— Qu'est-ce que c'était cette feuille ?

— Aucune idée, je n'ai pas eu le temps de la lire. Je l'ai trouvée sous l'escalier. On la lira après.

Elle se rapprocha du mur.

— Il y a des bouts de métal qui sortent du mortier, dit-elle. On dirait qu'ils ont été sciés ou du moins coupés… Et ils ont fait ça comme des sagouins.

— Exactement. Il y avait des grilles fixées à ces deux murs. Des barreaux… Et qui dit barreaux, dit cage, dit animal…

— Qu'est-ce que tu veux que ce soit cet endroit soit d'autre ? Le donjon sexuel de Wu ? S'ils ont construits une cage, ça voudrait dire…

— Ces marques ne te rappellent pas quelque chose ? Lui demanda-il soudainement.

Elle se retourna et vit qu'il était accroupit et braquait la lampe torche sur une zone du sol à l'intérieur du rectangle que la cage décrivait autrefois. Elle se positionna à ses côtés et vit sur le béton trois traînées irrégulières s'étirant sur deux douzaines de centimètres. Des traces de griffures. De terribles souvenirs remontèrent à la surface et elle ne put s'empêcher de porter sa main à sa balafre.

— Si, celles qu'il y avait sur le mur de l'enclos de l'Indominus, répondit-elle. Bordel…, ajouta-elle d'une voix blanche.

— Donc InGen a probablement un autre Indominus ou quelque chose dans le genre quelque part, en conclut-il.

— Ils ne l'ont probablement pas envoyé à Palo Alto en tout cas, avança Claire tout en sortant la feuille de sa poche. Il y a trop de monde et pas la place pour un monstre tel que celui né ici.

— Peut-être au Site H. InGen voulait y déplacer le programme IBRIS avant la mort des sœurs de Blue.

— Celui dans le désert ? Bonne chance pour aller fouiner là-bas si jamais l'Ocelot nous le demande. Les employés travaillant là sont soigneusement sélectionnés.

— Et Torres a du transformer l'endroit en une forteresse si ils y ont envoyés cette chose…

Indoraptor. Voilà comment ils ont appelés leur nouvelle saloperie…

Claire venait de lire le nom sur la feuille et lorsqu'Owen se pencha au-dessus de cette dernière, il remarqua que c'était une photocopie d'un carnet de santé. La feuille ayant pris l'humidité, elle était tachée et la plupart des informations étaient devenus illisibles mais le nom Indoraptor était bel et bien visible dans la case Espèce.

— Ce n'est pas malin de leur part d'avoir paumé cette photocopie…, ajouta-elle.

— Vu le nom, ça doit être un croisement entre un Indominus et un raptor. La deuxième étape de leur projet diabolique. Une version miniaturisée de l'Indominus… Je n'ose imaginer à quoi ressemble cette bestiole et quelles sont ses capacités.

— Je crois que nous avons assez d'éléments. Fouillons l'étage et partons. Tu dois rentrer à la hacienda après.

Ils se détournèrent des traces de griffures et revinrent dans la maison proprement dite, sans s'être rendu compte qu'une micro-caméra dissimulée en haut de la grande porte coulissante du garage les avait observés pendant tout ce temps.


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Notes

(1) Kevin Richardson : Défenseur de l'Environnement et propriétaire de sanctuaire animalier Sud-africain. Il est plus connu sous l'alias de l'Homme qui murmure à l'oreille des lions.