Notes
Suggestions musicales :
L'Athene :
- The Card Game - Bear McCreary, Battlestar Galactica: Season 1.
Torres et Bonel :
- Jaws of the Viper - Ramin Djawadi, Game of Thrones: Season 5 (à partir de 01:02).
-o-
Je viens de voir Claire Dearing et Owen Grady en compagnie d'un étrange individu à l'auberge de la Mule Bâtée à Burgo Nuevo. Mes soupçons sont confirmés : ce sont des espions ! Fais quelque-chose à leur sujet s'il te plaît avant que quelque chose de grave n'arrive !
29 Juin. 2019 21:45
De: Jocelyn
Venant de lire le message, Edward Torres éteignit son téléphone, le rangea dans sa poche et regarda la rue défiler de l'autre côté de la vitre du taxi.
C'est prévu, Jocelyn. C'est prévu.
Torres avait décidé d'agir au sujet du couple avant même que la directrice du Site D ne lui envoie ce message. La caméra espion qu'il avait laissée à la maison abandonnée à Burgo Nuevo avait pris des images du couple dans le laboratoire clandestin et les avait retransmises à la base d'Alajuela, où il les avait consultées sur son ordinateur portable. Ne doutant pas que le couple se mettrait à jouer les enquêteurs dès que des rumeurs de recherches secrètes seraient parvenues à leurs oreilles, qu'ils n'abandonneraient pas et feraient en sorte coûte que coûte de trouver la maison avant leur départ, Torres s'était contenté d'attendre patiemment qu'ils mordent à l'hameçon et à sa grande satisfaction, ils l'avaient fait. Il avait même été jusqu'à laisser exprès sur place une photocopie issue du carnet de santé de l'Indoraptor né là-bas, photocopie que Claire Dearing avait bien entendu ramassé et montré à leur mystérieux contact à la Mule Bâtée, que cette pauvre et naïve Jocelyn croyait être un agent d'un de leurs rivaux. Le directeur de la division sécurité aurait plutôt parié que c'était un du gouvernement, qui leur collait aux basques depuis la Chute et envoyait des hommes rôder du côté de Burgo Nuevo.
Le taxi ralentit et s'arrêta à côté du trottoir un peu plus loin, près d'une boîte de nuit dont l'enseigne en néon violet représentait une chevêche : L'Athene.
Située près du cimetière Obrero, dans le quartier Hospital, c'était l'une des boîtes de nuit les plus fréquentées de l'aire urbaine de San José et le directeur de la division sécurité d'InGen avait rendez-vous avec son propriétaire, un homme d'affaires local nommé Sebastián Bonel.
Torres paya le chauffeur et descendit du véhicule, pour se diriger vers l'entrée de la boîte de nuit. Une longue file d'attente, principalement composée de jeunes gens, s'étirait sur le trottoir mais Torres ne s'y engagea pas et la longea, soulevant quelques protestations parmi ceux attendant. Le voyant aller à sa rencontre, le videur posté à l'entrée fronça les sourcils.
— Señor ?
— J'ai rendez-vous avec Monsieur Bonel, répondit le directeur de la division sécurité d'InGen en espagnol.
— Attendez un instant, monsieur. Quel est votre nom ?
— Torres. Edward Torres, répondit-il. InGen, ajouta-il à voix basse.
Le videur activa son oreillette et demanda si son patron attendait quelqu'un répondant à ce nom. Lorsqu'on confirma cela, il hocha de la tête et regarda Torres.
— C'est bon. Vous pouvez entrer.
A peine s'eut-il écarté que Torres pénétra dans l'établissement. Il passa devant le comptoir de la réception et déboucha rapidement dans la salle principale, bondée et très sonore. La piste de danse se trouvant au centre avait disparue sous les innombrables corps dansants des clients qui se mouvaient au gré des musiques techno choisie par le DJ, posté sur une plateforme dans un coin. Mais Torres n'était pas là pour s'amuser. Il prit la direction du fond de la boîte, où se trouvait entre-autres le bureau de Sebastián Bonel. Cela l'amena à contourner la piste de danse et le mobilier alentour et alors qu'il se frayait un chemin parmi la clientèle, insouciante de sa présence, il vit plusieurs des clients, dont des adolescents à peine majeurs, avaler des sortes de dragées violettes. Du Bonbon de Licorne, la dernière drogue à la mode dans le pays et un potentiel futur fléau chez la jeunesse costaricaine selon la police.
Passant près d'un bar octogonal, Torres emprunta un petit escalier et parvint à une partie de la boîte plus calme que la piste de danse en contrebas, avec de longs canapés et des petites tables. La plupart étaient occupés par des petits groupes ou des couples occupés à boire, discuter ou à rester avachis avec un regard hébété.
Ils sont complètement camés.
Sur l'un des canapés, un jeune homme d'une vingtaine d'années sortit un Bonbon de Licorne de sa poche et le mit délicatement dans la bouche entrouverte de sa petite amie, plus jeune que lui d'au moins quelques années. Puis ils s'embrassèrent, langoureusement, faisant passer le bonbon d'une bouche à l'autre avec leurs langues, souhaitant partager ensemble les sensations procurées par cette drogue.
A l'entrée d'un petit couloir à quelques mètres de là, un homme costaud en débardeur avec un tatouage de crotale sur l'épaule et une oreillette attendait Torres. Ce dernier le reconnut.
— Bonsoir… Bruno, c'est bien ça ?
— Mmh…, grogna-il.
Bruno l'invita à le suivre d'un geste de la main et il ouvrit une porte sur leur droite. Ils pénétrèrent dans une longue pièce munie de deux bureaux, d'un long sofa, d'une table basse, de plusieurs étagères, ainsi que d'une série de chaises alignées sous des rideaux qui cachaient une baie vitrée donnant sur la salle principale de l'Athene.
— Monsieur Bonel vous recevra dans un instant.
Torres prit place sur l'une d'elles et souleva un peu son polo pour déboucler la pochette ventrale qu'il avait caché dessous, afin d'éviter de se la faire voler au sein de la boîte de nuit pleine à craquer. Il la reboucla, cette fois-ci par-dessus son polo, et la palpa, comme pour vérifier que son précieux contenu était toujours là. En levant les yeux, il remarqua alors que Bruno avait un pansement sur son index droit.
— Vous avez fait du bricolage récemment ? Demanda-il.
— A votre avis, Monsieur, répondit Bruno d'un ton légèrement mystérieux et confirmant par l'occasion les soupçons de Torres.
— Oh, je vois.
La porte du bureau s'ouvrit peu après et deux hommes apparurent dans l'embrasure. Le premier était un jeune trentenaire maigrichon et mal rasé en T-shirt et le second un gros d'âge mur en chemise et pantalon, avec de longs cheveux bouclés attachés en une queue de cheval et une barbe bien taillée : Sebastián Bonel.
— Conduisez prudemment, Luca, dit-il à l'autre homme d'une voix douce et amicale. La route entre ici et Jacó est dangereuse de nuit. Contactez-moi sous peu pour m'informer de l'évolution des affaires.
— Je le ferais. Bonne soirée, monsieur.
— Bonne soirée. Sortez par la porte arrière. Bruno va vous montrer le chemin… Il vous accompagnera jusqu'à votre voiture.
Luca adressa un léger hochement de tête au propriétaire de la boite de nuit puis partit, suivant Bruno en faisant rouler une grande valise sur le sol. Torres était sûr d'une chose : La valise transportait tout sauf des vêtements.
— Ah, Monsieur Torres, le salua Sebastián Bonel en anglais. Entrez je vous prie.
Ils allèrent dans le bureau et après avoir fermé la porte, le propriétaire l'invita à s'asseoir sur l'un des deux fauteuils faisant face au sien.
— Comment vont les affaires ? Demanda le directeur de la division sécurité d'InGen.
— Les affaires sont bonnes. Notre petite entreprise est en pleine croissance et vouée à un avenir prometteur malgré un peu de négativité de la part de certains dans les médias. Notre produit connaît un franc succès dans la Vallée Centrale et bientôt, la marchandise sera écoulée à travers tout le pays et même au-delà. Tout cela grâce à vous et InGen. Comment puis-je vous renvoyer l'ascenseur ? Il me semble avoir entendu qu'InGen quittera bientôt le pays.
— C'est le cas en effet le cas. Mais avant de retourner aux Etats-Unis, j'aurais une dernière chose à vous demander. Une commande.
— Une commande ? De quel genre ?
Torres croisa les doigts et se pencha légèrement en avant.
— Il y a deux anciens employés de la compagnie qui participent à l'opération en cours à Burgo Nuevo, dit-il à Bonel.
Il sortit ensuite des photos qu'il posa sur le bureau. Sebastián Bonel les saisit et les étudia. C'était des photos de Claire et d'Owen, prises à leur insu à la Ferme.
— N'est-ce pas l'ancienne directrice de Jurassic World ? Demanda-il à Torres, reconnaissant la première. Elle a été virée d'InGen. Comment se fait-il qu'elle soit impliquée dans votre opération ?
— Elle et son petit-ami sont là au nom d'un de nos partenaires mais ils se sont mis à jouer aux fouineurs et ont découvert des choses qu'ils n'auraient pas dû.
— Quel genre de choses ?
Torres posa alors une liasse de billets sur la table. Il laissa Bonel la prendre et l'inspecter.
— Oh, ma question était indiscrète, dit ce dernier. Vos affaires secrètes ne concernent en rien les Cascabels. Vous voulez que j'envoie mes gens leur rendre une visite ?
Torres sortit de sa pochette une autre liasse, plus épaisse que la première.
— Avant Lundi au coucher du soleil. Le bateau part dans la soirée.
Le gangster saisit et feuilleta cette seconde liasse.
— C'est tout ? Demanda-il une fois qu'il eut terminé.
— Le reste viendra une fois que j'aurais confirmation qu'ils sont hors état de nuire.
— Monsieur Torres. Je dois vous informer de récents changements au sein de la politique de la maison. Désormais, nous demandons à nos clients de verser l'intégralité de la somme avant que nous puissions effectuer le service demandé. Je suis désolé mais de trop nombreux impayés nous ont forcés à adopter ce changement.
— Soit. Prélevez-donc le reste parmi les royalties que vous me devez pour ce trimestre. C'est possible ?
— Ça devrait l'être.
— Alors marché conclu ?
— Marché conclu.
Ils échangèrent une poignée de main puis se levèrent et prirent la direction de la porte.
— Vous avez mon numéro, Sebastián. Donnez-le à ceux qui seront chargés de cette mission. Je leur donnerais le feu vert au moment opportun.
— Très bien.
— Bonne soirée.
— Bonne soirée, Monsieur Torres. Et bonne chance pour l'opération.
Bonel regarda Torres passer devant Bruno et sortir de la pièce qui servait de salle d'attente et de bureau pour les employés. Bruno ferma la porte derrière le cadre d'InGen et le chef du gang des Cascabels s'approcha des rideaux qu'il entrouvrit de manière à suivre Torres du regard au milieu de la clientèle de l'Athene. Lorsqu'il s'eut assuré que le directeur de la division sécurité d'InGen s'en allait bel et bien, il referma le rideau.
— Bruno ? Demanda-il par-dessus son épaule.
— Monsieur ?
— Faîtes appeler Jesse et Mateo.
— Jesse et Mateo ? Mais nous avons des hommes plus expérimentés pour ce genre de missions. Ce ne sont que des délinquants, pas des professionnels.
— Certes Bruno mais le moment est venu pour eux de faire leurs preuves s'ils veulent faire partie de la famille sur le long terme. Une ancienne col blanc estropiée et un soigneur d'animaux ne devraient pas leur poser de grandes difficultés...
— Très bien, monsieur.
S'exécutant, Bruno quitta la pièce et Bonel retourna dans son bureau, où il s'asseya devant son ordinateur portable. Après quelques clics, des images de caméras de surveillance s'affichèrent sur son écran, montrant un laboratoire clandestin où plusieurs de ses hommes étaient affairés à fabriquer des Bonbons de Licorne. Dans un coin du laboratoire, il y avait plusieurs séries de cages contenant des Compsognathus, dont le venin était un ingrédient clé pour la fabrication de Bonbons de Licorne. Un sourire se dessina sur le coin de la bouche du chef des Cascabels.
Je suis en train de me faire une énorme fortune grâce à ces bestioles.
