Notes
Casting hypothétique :
Adrian Bouchet dans le rôle de Theo Lomas.
-o-
Le lendemain matin, le dîner donné par Jocelyn fut sur toutes les bouches au sein du domaine. Au cours du petit-déjeuner, on s'attroupa en nombre autour de Juan et de Valentine afin de leur demander de narrer les parties les plus croustillantes du dîner, et plus particulièrement les moments de ridicule de la part d'Alexander ainsi que la confrontation plus que tendue entre Claire et Jocelyn. Ils le firent et bien des employés d'InGen ainsi que plusieurs des mercenaires de Wheatley avouèrent avoir voulu assister à ce dîner pour être témoin de ces scènes.
Alors que certains prenaient encore leur petit-déjeuner dans la grande tente servant de cantine, le minibus transportant le groupe et les employés habitant à l'extérieur arriva à la même heure que d'habitude et déposa ses passagers sur le parking près de l'Arche. Mais au lieu de rentrer d'aller tout de suite au bureau de soigneurs, Franklin prit son trépied et sa caméra, traversa la ferme proprement dite et s'installa dos au soleil dans le pré à une certaine distance du camp, de manière à avoir ses tentes, la hacienda et une partie des chênes de l'allée dans le champ de sa caméra, surtout que c'était une belle matinée.
Se tenant alors à la périphérie du camp, Pasqual, Marisol, Horatio et Vinny le remarquèrent et saluèrent la caméra. Aux côtés des soigneurs, il y avait également deux soldats de l'UCA : Oscar et Meyers, une trentenaire brune avec une queue de cheval.
— Il est encore en train de filmer lui ? Fit remarquer Pasqual.
— Ouais. Il me rappelle presque l'autre pétasse aux cheveux roses, dit Marisol, bien qu'il a la mérite de filmer avec du matériel un minimum sérieux et non un portable à la con.
— Qui ça ? Demanda Horatio.
— Non mais tu sais, l'influenceuse qu'ils ont envoyé au Camp Crétacé. Comment elle s'appelait ? Sidney ? Paris ? Kimberly ?
— Brooklynn, dit Oscar.
— Ouais, bref. Un nom de candidate de télé-réalité quoi..., grommela Marisol. Avec le comportement qui allait avec.
— Ma fille en était fan…, soupira Meyers. Cette Brooklynn n'arrêtait pas de se la ramener… Gnagnagna j'ai crocheté une serrure de porte dans un hôtel à Katmandu… Gnagnagna j'ai grimpé sur l'Everest… Gnagnagna ci… Gnagnagna ça… Un ramassis de conneries ouais ! Je lui aurais volontiers payé un billet d'avion pour la Syrie ! Elle l'aurait moins ramené là…
— Arrêtes. A chaque fois qu'elle l'ouvrait, tu avais envie de lui dire « Ta gueule ! », ajouta Vinny, alors que quelques mercenaires de Wheatley passaient non loin pour retourner aux bungalows après avoir pris leur petit-déjeuner. Comme disait Balthasar de la Garde Grise : Il y avait des coups de boucliers qui se perdaient !
Mais alors que lui et ses cinq collègues riaient, l'un des mercenaires se figea et tourna la tête dans leur direction, les fusillant du regard. D'âge mûr, c'était un malabar au visage mal rasé et aux cheveux sombres assez courts. De tous les hommes de Kenneth Wheatley, c'était l'un des plus intimidants en raison de sa constitution et de sa taille, plus d'un mètre quatre-vingt-dix. Les soigneurs ignoraient son nom mais savaient qu'il était très probablement de l'est de Londres car Horatio et Vinny avaient reconnus son accent la veille au dîner. En l'étudiant du regard tout en restant sur ses gardes, Oscar nota qu'au milieu de l'expression sévère du mercenaire, il semblait y avoir un autre sentiment, un de douleur. Quel était-il plus précisément ? De la tristesse ? De la culpabilité ? De la honte ?
— Qu'est-ce qui nous veux celui-là ? Il veut notre photo ? Se demanda Marisol, parlant un peu fort au goût de ses collègues.
— Arrête, il n'a pas l'air commode le Londonien, lui fit remarquer Horatio. Je n'ai pas envie de me faire frapper perso…
Soudain, le mercenaire fut hélé par un de ses camarades :
— Hé, Theo !
Il finit par détourner le regard et s'éloigna, suivant son camarade.
— On ne peut plus rire de rien aujourd'hui…, se plaignit Marisol.
C'est alors que Valentine Taylor et Benito arrivèrent, revenant de la grande tente-cantine. Les soigneurs et les deux soldats de l'UCA saluèrent les deux agents de sécurité :
— Yo les mecs !
— Salut, répondit Valentine. Tout se passe bien ? S'enquit-il en jetant un regard méfiant en direction du mercenaire anglais plus loin.
— Juste une plaisanterie qui semblerait ne pas avoir été à son goût, répondit Oscar.
— Bref, reprit Vinny alors que le duo d'agents les rejoignait, je me souviens aussi de la fois où elle rôdait de nuit avec deux de ses camarades près de l'enclos des achillos. Elle voulait des images exclusives pour son vlog tu vois…
— Arrêtes, ça a faillit finir en pugilat entre Owen et Dave, qui défendait les trois chiards, raconta Oscar. Heureusement qu'Owen est gentil car il l'aurait désossé comme un poulet si il l'avait fait trop chier.
— En tout cas, certains dans le groupe n'avaient pas inventés la machine à cintrer les bananes, ajouta Pasqual.
— Et la pauvre Roxie qui devait gérer cette belle équipe de vainqueurs, dans laquelle j'inclus Dave, dit Marisol.
Pasqual leva alors les yeux au ciel et se caressa la moustache d'un air rêveur.
— Ah Roxie, l'un des plus beaux culs de l'île…
— Avant ou après celui de Claire ? Lui demanda Vinny. Parce que celui-là… On dirait qu'il a été sculpté par les dieux.
— Pour en revenir sur cette Brooklynn, paix à son âme, ce n'est pas justement Owen qui a retrouvé des cheveux roses dans des fientes ? Leur demanda Marisol.
— Pas garantit que ce soit elle, répondit Horatio. Des andouilles aux cheveux roses, il devait y en avoir quelques-unes sur l'île. La sélection naturelle a du bien faire son office pendant la Chute.
— Si tu veux mon avis, elle a dû finir dans un fossé, dévorée par les vers, ou crevée dans un marais ou un étang, ou dévorée par les guanlongs ou que sais-je…, supposa Pasqual.
— Ouais, par les pectinodons par exemple, suggéra Vinny.
— Les pectinodons, ou troodons comme on les appelait autrefois…, dit Horatio d'un air pensif. Une légende urbaine si tu veux mon avis, probablement inventée par Wu pour diaboliser une ancienne rivale ou que sais-je.
— Ouais, un peu comme la légende qui dit que Mark Hamill a été ouvrier pendant la construction du parc, travaillant sous une fausse identité, compara Valentine.
— Je n'ai jamais entendu parler de cette histoire, dit Vinny.
— Il y en a qui prétendent l'avoir vu sur le chantier. Il aurait amusé la galerie en jetant par-dessus son épaule une vieille bombe de mousse à raser Barbasol toute dégueulasse dans un container à ordures, raconta le garde.
Vinny s'éclaircissa la voix.
— Dans Warhammer, les Skavens aussi étaient une légende urbaine, rappela-il à Horatio, jusqu'à ce qu'ils décident d'envahir la surface…
— Et où sont-ils ces pectinodons s'ils ne sont pas une légende ? Lui demanda Oscar. Jusqu'aux dernières nouvelles, on en a pas ici et aucun d'entre-vous n'en a vu de ses propres yeux.
— En attendant, tu crois que c'est quoi qui a tués les mecs de Wheatley ? Rétorqua Vinny. De ce que j'ai entendu, les blessures et les symptômes n'étaient ni ceux d'une morsure de dilo, ni celles d'un moscho.
— Adrian les a vus, dit soudain Benito.
Valentine se tourna vers lui et le regarda d'un air grave.
— Adrian ? Filip et Kilian sont morts à cause de cet enfant. S'il ne s'était pas bourré la gueule, il aurait pu être plus vigilant et les avertir de la présence de l'acrocanthosaure qui les a bouffés.
— Ça c'est la version de Torres. Le mec ne fait que tremper dans des affaires louches et est le chien du CA ! Rétorqua Benito. Adrian a tout vu. Il n'y avait pas d'acrocanthosaure. Il a dit qu'ils avaient été attaqués par des animaux plus petits et de plus rapides, qu'ils avaient commencés à halluciner après avoir été mordus et que cela les avait rendus dingos, tant que Kilian a descendu Filip avant de commencer à tirer sur Adrian qui s'est alors enfui. Lorsqu'il est revenu sur les lieux, les deux avaient disparu, emmenés Dieu sait où, probablement par les mêmes créatures qui les avaient attaqués.
— Lorsqu'il t'a parlé, il délirait à cause de son encéphalite ! Et même en temps normal, il racontait que de la merde et n'était pas plus crédible que Sylvester lorsqu'il est drogué aux champignons, lui rappela Valentine. Tout ça est un tissu de conneries.
— Alors pourquoi l'ont-ils renvoyé direct sur le continent puis jeté dehors sans ménagement ?
— Parce qu'il était un fardeau, voilà pourquoi ! S'énerva Valentine alors que ses pensées étaient tournées vers leurs deux défunts collègues. Il doit être en en train de se bourrer la gueule dans quelque petit bar perdu à Pétaouchnok, s'il n'est pas encore en train de roupiller avec les cochons.
— Tu crois vraiment en la version de Torres, Val ? Lui demanda son collègue.
— Faute de mieux, oui.
— Ok tout le monde ! Rassemblement ! Cria la coordinatrice des intérimaires.
Horatio regarda sa montre.
— Oula, il est huit heures. Il faut qu'on aille bosser…
— Ouais… A plus tard, dit Valentine à ses collègues, y compris Benito.
Là où les soigneurs et les deux soldats de l'UCA prirent la direction de l'Arche et Benito celle de la porte ouest, Valentine alla rejoindre un autre de ses collègues pour patrouiller le long des limites du domaine.
Se trouvant alors lui aussi au camp, Wheatley avait également entendu la coordinatrice annoncer le rassemblement. Il savait que les soigneurs et vétérinaires intérimaires allaient commencer leur tour du domaine, dont le but était de leur présenter de façon succincte les différents secteurs où ils allaient être répartis et de leur donner un premier aperçu en chair et en os des animaux. Le chef mercenaire pensa alors que ce tour pourrait s'avérer utile pour la dernière recrue de son organisation, qui ne les avait rejoints que très récemment et n'avait donc pas été sur l'île avec eux.
Il s'éloigna du camp et son regard s'arrêta sur une femme assise dans l'herbe contre le tronc d'un des chênes. La trentaine, elle n'était pas très grande, avait des cheveux blonds fins et lisses coupés au niveau des épaules, un visage anguleux et des yeux bleus. Oisive, elle regardait le ciel d'un air absent et rêvassait tout en mordant l'extrémité d'une brindille qu'elle avait dû cueillir non loin. Son débardeur, son pantalon de treillis et ses bottes de combat indiquaient qu'elle était une de ses mercenaires.
— Oven, l'appela-il.
— Oui patron ? Répondit-elle de sa voix râpeuse.
— Allez chercher McLagen et rejoignez le groupe là-bas pour le tour. Il faut qu'il fasse connaissance avec les animaux… Vous en profiterez pour lui faire un topo et lui raconter ce qui s'est passé sur l'île.
— Tout ? Demanda-elle avec hésitation.
— Tout. Ce sera mieux.
— Et s'il se dégonfle ?
— Libre à lui de rentrer au pays par ses propres moyens et sans solde.
La mercenaire hocha de la tête.
— A vos ordres, Monsieur, dit-elle tout en se relevant péniblement.
Alors que Wheatley se dirigeait vers la hacienda, Fanny Oven se détourna du camp et traversa l'allée puis le pré, se dirigeant vers les bungalows. Devant l'un d'eux, elle vit plusieurs de ses camarades, oisifs eux-aussi et attendant les exercices du matin. Au sein du groupe, Fanny vit un vingtenaire aux cheveux châtains épais mais courts : McLagen, le benjamin de la troupe. Il avait beau faire partie d'une organisation pleine de mercenaires aguerris, il semblait si jeune et innocent avec son visage doux et ses yeux bleus. Il n'avait pas été témoin des horreurs de cette île infernale qu'était Nublar. Rien qu'en y repensant, Fanny eut des frissons.
— Oh Bleu-bite ! Le hélà-elle. Viens avec moi !
— J'arrive, répondit le jeune mercenaire.
Il s'excusa auprès de ses camarades et vint rejoindre Fanny au milieu du pré.
— Le patron veut qu'on aille rejoindre le groupe, lui dit-elle. On va aller voir les gros lézards.
— Ok.
Ils se dirigèrent ensuite vers le groupe de soigneurs et de vétérinaires intérimaires rassemblé sur l'autre pré et écoutant la coordinatrice de Palo Alto, Juan et Brice.
— Dis, c'est quoi ton petit nom encore ? Lui demanda-elle, curieuse.
— Danny.
— Ok, Danny. J'espère que tu aimes vivre dangereusement.
— Je n'aurais pas fait ce choix de carrière si ce n'était pas le cas.
— Oh, je plaisantais… A moitié.
Les employés d'InGen ayant terminé leur discours, ils invitèrent le groupe à les suivre en direction de la hacienda dans un premier temps et les deux mercenaires accélèrent un peu le pas pour les rattraper.
— Tu as évité la pire partie de cette opération, crois-moi, ajouta Fanny. Je te la raconterais à la fin. Ce qui reste n'est qu'une grosse quête FedEx.
— Une quête FedEx ? Parce qu'on aide au transport des dinosaures d'un point A à un point B et qu'on va récolter une récompense à la fin.
— Grosso modo c'est ça. On aura juste à servir de paires de bras supplémentaires et à assurer la sécurité des gars d'InGen en repoussant les premiers emmerdeurs venus. Tu es un gameur ?
— Ouais.
— Tu joues à quel genre de jeux ?
Tout en faisant plus ample connaissance, ils suivirent le groupe et passèrent ainsi devant les différents enclos pour observer les animaux. Là où Danny les regarda avec émerveillement, Fanny les considéra au mieux avec indifférence.
Contrairement à Claire, Owen et aux membres du GPD le jour de leur arrivée, le groupe se dirigea vers les enclos des grands carnivores après leur passage du côté des Sauropodes et des Tricératops et ne redescendirent pas tout de suite vers le Marais et la Plaine Asiatique.
— Ils sont bizarres ceux-là, constata Danny quelques instants plus tard. Je me demande ce qu'ils mangent…
— Je te laisse deviner, lui dit sa camarade.
Les deux animaux qu'ils observaient étaient des dinosaures bipèdes au corps vert olive pâle et au crâne allongé et étroit, muni d'une petite corne lacrymale et à l'extrémité antérieure latéralement élargie, lui donnant une forme de cuillère. Ils avaient une longueur de plus de neuf mètres ainsi que des bras puissants munis d'une très grande griffe unguéale. Des Baryonyx. Un des individus, qui se tenait debout et immobile sous un arbre, avait des marques orange particulièrement prononcées au niveau de l'arrière du crâne, de l'extrémité de la queue et du museau. Celles de l'autre, qui était couché dans le petit plan d'eau qu'on avait creusé dans l'enclos, étaient bien plus discrètes mais les deux présentaient sur leur tête et leur cou de nombreuses taches grises, noires et brunes cerclées de cyan.
Plus près des deux mercenaires et du reste du groupe, il y avait un troisième individu, un jeune, pas plus haut au garrot qu'un Ours noir d'Amérique et avec des yeux proportionnellement plus grands que ceux des deux adultes, une caractéristique qui suscitait nombre de regards attendris parmi le groupe d'intérimaires.
— Regardez les dents et vous aurez votre réponse, suggéra une voix masculine au mercenaire d'un ton agacé, et parlant avec un accent français.
Les deux mercenaires tournèrent la tête à droite et virent que le vétérinaire se tenait lui-aussi près de la clôture, regardant les animaux avec un œil attentif, vérifiant qu'ils allaient bien.
Danny l'écouta et observa plus attentivement le museau des animaux. Du bout de celui-ci, pendait deux paires de barbillons semblables à ceux des poissons-chats ou des dragons chinois, avec une paire longue et fine et l'autre plus courte et plus épaisse. Là où la première, située la plus à l'avant, était de longueur similaire chez les deux adultes, l'autre était remarquablement plus longue chez l'individu aux marques oranges prononcées, le mâle. Quant au jeune, ses barbillons n'étaient encore que des petites protubérances et il n'avait pas non plus de marques oranges. Lorsqu'il entrouvrit ses mâchoires, le mercenaire nota la présence d'un grand nombre de dents de forme conique qui lui rappela celles des alligators et des crocodiles.
— Elles sont pointues, observa-il.
— Excellente observation Sherlock, lui dit Brice avec un sarcasme non dissimulé. Vous pensez bien qu'on ne leur donne pas des tourtes au fromage.
— Je ne faisais que m'interroger…, répliqua Danny face à l'impolitesse du vétérinaire.
Les deux mercenaires reprirent leur tour et passèrent derrière Brice, suivant le reste du groupe en direction de l'enclos des acrocanthosaures.
— Putain mais qui nous a refourgués des débiles pareils ? L'entendirent-ils maugréer dans sa langue natale quelques secondes plus tard. Aucune jugeotte ces gens-là…
— Bonjour mes mignonnes ! Dit Mark d'une voix enjouée.
Leur horloge interne connaissant les heures de repas, Zaza et Blume attendaient impatiemment leur soigneur derrière la clôture de leurs enclos et hululèrent d'excitation en entendant le son de sa voix. Mais lorsqu'elles virent qu'il était suivi par les deux mêmes individus qui avaient fait irruption près de leur enclos la veille, elles braquèrent leur regard sur eux, déployèrent leurs collerettes multicolores et découvrirent leurs longues dents recourbées vers l'arrière.
— Tout va bien, dit le soigneur aux deux dilophosaures. Ce sont des amis. Amis. Freunde.
Voyant qu'il était calme avec eux et percevant toujours de la douceur dans sa voix, Zaza et Blume cessèrent de siffler, fermèrent leurs étroites gueules et rabattirent leurs collerettes le long de leur cou.
— Elles sont un peu farouches comme vous pouvez le voir, dit-il à Owen et Claire, qui portaient tout comme lui des manches longues, des gants et des visières, conformément au règlement associé à cet enclos. C'est mieux si vous restez là, leur suggéra-il.
Tout en considérant toujours le couple avec méfiance, les dilophosaures baissèrent les yeux vers le sceau que Mark transportait. Il se rapprocha de la clôture.
— Ils sont pour qui les mickeys ? Ils sont pour qui ? Ils sont pour vous, hein ? Leur demanda-il d'un ton infantile, s'adressant à ces prédateurs de deux mètres de haut et de six mètres de longueur de la même manière que l'on s'adressait à un chien joueur.
Elles hululèrent en réponse et il sortit un rat du seau pour le tendre à travers une des mailles de la clôture. Mais alors que Blume, la plus maigre et la plus tranquille des deux dinosaures, s'apprêtait à l'attraper doucement entre ses dents, Zaza projeta soudain sa tête en avant et ravit le rat juste sous le museau de sa congénère.
— Mais ! Zaza ! Vile chipie ! Attends ton tour.
Alors que Zaza avalait le rat, Mark en sortit un autre du sceau et le montra à Blume.
— Celui-là est à toi Blume. Tu entends Zaza ? A Blume ! Pas à toi !
Il tendit ce deuxième rat à travers la maille la plus proche des mâchoires de Blume mais la plus ventrue des dilophosaures protesta en déployant sa collerette, sans ouvrir la gueule ni siffler cependant.
— Tutut…, la reprit Mark, tournant la tête pour la regarder.
Zaza rabattit sa collerette mais dès qu'il ramena son regard sur Blume, elle commença à la redéployer…
— Tutut…, l'arrêta-il.
Zaza replia sa collerette contre son cou et attendit que Mark lui tende son deuxième rat.
Tandis qu'il les nourrissait par alternance, le couple put admirer le corps gracile et vert sombre des dilophosaures ainsi que leurs marbrures rouges, jaunes et blanches. C'étaient des dinosaures à la fois magnifiques et dangereux.
Claire regarda l'heure sur son téléphone et nota qu'il était dix heures moins le quart. Ils avaient une réunion de prévue à dix heures à la hacienda et avaient en attendant assisté Mark dans quelques tâches.
— Mark. Il est bientôt dix heures, informa-elle le soigneur. Il faut qu'on aille à la réunion.
— Ok, répondit-il sans se retourner, regardant les dilophosaures de près. A plus tard.
— A plus, lui dit Owen.
Ils se détournèrent de l'enclos et enlevèrent leurs visières une fois qu'ils eurent dépassés le panneau d'avertissement à l'entrée de l'allée qui y menait.
— Il est vraiment proche d'elles..., fit remarquer Claire alors qu'ils laissaient le secteur des grands carnivores derrière eux et revenaient au cœur du domaine.
— Pire que moi avec les filles. Tout ça me rappellerait presque ces fanfictions que partageaient certaines sur le forum…
— Celles qui avaient toi et Blue comme personnages principaux ?
— Ouais… Autant je n'avais rien contre celles où on vivait des aventures fictives, je m'en souviens même d'une plutôt pas mal, qu'une stagiaire avait écrite et où on formait un duo à la Jack Tenrec et Hermès l'Allosaure des Chroniques de l'ère Xenozoïque. Elle avait même quelques fanarts stylés… Mais il y avait d'autres fics qui étaient carrément malsaines…
— Laisse-moi deviner, il y avait des scènes de sexe entre vous-deux et tu y étais souvent transformé en raptor par quelque manipulation génétique ou évènement du type « Ta gueule, c'est magique ! » pour faire passer la pilule.
— Tu as tout dit. Non mais merde ! Tu sais bien que Blue est comme une fille pour moi. Il faut être un dégénéré pour écrire des scènes non seulement zoophiles mais presque incestueuses et trouver ça romantique ! Il y en a un ou une au siège de Palo Alto qui ferait bien d'arrêter de regarder des trucs du projet IBRIS et d'aller se faire soigner…
Ils déposèrent leurs manches longues, visières et gants au bureau des soigneurs et allèrent à la salle de réunion de la hacienda, y rejoignant le trio du GPD, Juan, Brice, Austin, la coordinatrice des intérimaires, le chef de l'escouade de soldats d'InGen ainsi que Wheatley et ses officiers principaux. Jocelyn arriva la dernière et la réunion commença. Elle, le chef animalier, le vétérinaire et le commandant de l'UCA exposèrent ou rappelèrent aux autres personnes présentes dans la salle le déroulement précis de l'après-midi et du lendemain, les mesures prises par les autorités locales pour faciliter leur opération, les rôles de chacun, des risques potentiels et des règles et consignes à observer.
Pendant ce temps, à l'extérieur, les soigneurs de la Ferme et Maribel l'assistante vétérinaire constituèrent huit équipes de huit personnes avec les soigneurs et vétérinaires intérimaires, une pour chacun des secteurs animaliers de la Ferme et constituée d'un binôme de soigneurs responsables, de cinq soigneurs intérimaires et d'un vétérinaire. Ces secteurs étaient les suivants : La vieille ferme ; l'Arche ; les Volières ; la Plaine Asiatique et le Marais ; le Camp des Prédateurs ; les Grands Carnivores ; la Plaine Jurassique et les titanosaures ; la Plaine Crétacé et les Tricératops. Une fois les équipes formées, chacune se rendit sur son secteur où les soigneurs responsables présentèrent les animaux aux intérimaires et leur expliquèrent le déroulement de l'opération à l'échelle de leur secteur.
A onze heures, la réunion prit fin et tandis que certains, principalement les employés costaricains, se rendaient en ville pour assister à la messe du dimanche, les autres entamèrent déjà quelques préparatifs et firent des exercices avant la pause de midi.
