Notes
Suggestions musicales :
Soirée au bureau des soigneurs :
- The Chalice Passed - Howard Shore, The Lord of the Rings: Return of the King (à partir de 00:49).
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Au cours de l'après-midi, d'autres préparatifs et exercices furent effectués. Les cages et containers de transport qui n'avaient pas encore été amenées à leurs secteurs le furent et tout un peloton de chauffeurs arriva au domaine, amenant avec eux les derniers véhicules nécessaires, aussi bien des véhicules de transport que des jeeps et même quelques véhicules blindés de transport de troupes aux couleurs d'InGen Security, et au niveau du pré où le groupe avait vu la flotte de camions le jour de son arrivée, on fit même atterrir quelques grues volantes.
Alors que la journée tirait vers sa fin, un dernier véhicule de la compagnie rejoignit le domaine, survolant en chemin les pâturages et les bois du versant oriental des Montagnes de l'Ismaloya. Le véhicule en question était un hélicoptère Agusta A-109 blanc à bandes bleues, en provenance du siège régional, situé dans la Zone Franche Américaine, un centre d'affaires situé entre San José et la ville d'Alajuela. Comme les Boeing Chinook la veille, il se posa dans le grand pré près des bungalows et débarqua ses huit passagers. Parmi eux, il y avait le directeur régional Pedro Merced, Edward Torres, et Alistair Iger, venu représenter le conseil d'administration.
Ce dernier avait troqué son costume habituel contre une chemise et un pantalon de toile bien plus confortables sous les tropiques et lorsqu'il descendit de l'appareil, il mit ses lunettes de soleil et regarda Jocelyn, qui avait attendu leur arrivée. Celle-ci serra les mains des passagers sortis avant lui, dont celles de Merced et Torres, et lorsque le directeur des relations publiques posa le pied sur l'herbe à son tour, il se tourna vers la directrice du Site D et écarta les bras dans un geste amical.
— Jocelyn !
— Ali ! Répondit-elle avec un léger sourire.
Alors que les autres passagers se dirigeaient vers la hacienda, ils se donnèrent l'accolade et échangèrent quelques mots avant d'aller rejoindre les autres nouveaux arrivants à la hacienda, où on leur avait attribué des chambres. Jocelyn attendit qu'Alistair redescende et ils allèrent ensuite se promener dans le domaine. Il nota qu'elle était tendue et avait remarqué qu'elle sentait assez le tabac, plus que la dernière fois où il l'avait vue.
Elle est tellement à cran qu'elle fume comme un pompier, songea le porte-parole d'InGen.
— Hé, ça n'a pas l'air d'aller ? S'enquit-il.
— Oh, ce n'est rien. Le stress du boulot, répondit-elle avec un regard fuyant.
Il hocha de la tête et regarda les enclos de part et d'autre de l'allée qu'ils empruntaient. Sur leur droite, se trouvait la Plaine Asiatique et sur leur gauche le Marais.
— Courage ! C'est la dernière ligne droite. Nous allons enfin sortir de cette crise sans avoir à nous prostituer auprès de quiconque. Poupin et Milka l'auront dans le cul !
— Milka ? Répéta Jocelyn, ignorant à qui il faisait allusion alors qu'elle savait que Poupin était une allusion au président de Biosyn, Lewis Dodgson, dont la douceur du visage cachait la fourberie de son être.
— Suisse. Grosse vache. Tu vois de qui je parle ?
— Ah oui. Grendel…
— J'ai entendu dire que c'était la fête du slip hier soir, dit Alistair après un silence. Je présume que Claire et Monsieur Grady ont fait les malins ?
— Arrêtes, ne m'en parle pas. Le seul qui s'est tenu correctement était Valentine.
— Valentine ?
— Valentine Taylor, l'un des gardes. Il m'avait rendu service alors je l'ai invité à dîner avec nous.
— Ok. Cool.
Ayant entendu des jappements, Jocelyn tourna la tête à droite et vit que les Tricératops s'impatientaient devant la porte de leur étable. Elle soupira.
— Vivement que tout ça soit finit parce que j'en ai marre, déclara-elle. Entre les frasques de certains de nos invités, les employés ici qui me respectent à peine, Ordonez qui me fait chier, et les jérémiades de Jerry… Je suis au bout du rouleau…
— Ça ne va pas avec lui ? Demanda-il, inquiet.
— Oh, on n'arrête pas de s'engueuler. Il est toujours en train de chouiner pour un oui ou non…
Alistair haussa légèrement des épaules.
— J'ai toujours pensé que c'était une mauviette, dit-il. Sans offense, hein ?
— Aucunement, Ali. Aucunement… Et toi, comment ça se passe de ton côté ?
Le directeur des relations publiques rit.
— Oh… Ma fille n'arrête pas de me traiter de pourri et de méchant de dessin-animé. Qu'est-ce qu'elle m'a dit l'autre coup ? Ah oui, que j'étais un Goebbels noir. Tu réalises ? Elle m'a comparée avec un putain de haut-dignitaire nazi !
— Comment as-tu réagit ?
— Je l'ai privée de sortie pendant toute une semaine. Je pensais que ça lui ferait les pieds. Ceci dit, je ne lui en veux pas. Elle est dans l'âge con, ça lui passera… L'adolescence est la pire période pour un parent. Tu le constateras quand tes gosses grandiront.
— Ce n'est pas très encourageant ce que tu me dis là…
— Je préfère te prévenir pour que tu puisses te préparer.
Parvenant au niveau de la Plaine Jurassique, ils remarquèrent la présence d'une bétaillère et de quatre autres camions de transport garés près du quai de chargement de l'étable des sauropodes, qui permettait aux animaux de monter dans les véhicules sans avoir à emprunter des rampes. Au sein de l'enclos même, l'équipe chargée du secteur, menée par Aura et Inès, était occupée à rassembler la petite vingtaine de dryosaures habitant également l'enclos pour les faire entrer dans le bâtiment. Ils y entraient tout seuls d'ordinaire mais sentant que quelque chose se tramait, les animaux étaient plus nerveux et moins coopératifs. Ayant anticipé que cela risquait de se produire et souhaitant pouvoir intervenir dans l'enclos en sécurité, les soigneurs avaient enfermés plus tôt l'apatosaure mâle et les stégosaures dans les corrals attenants ou leurs stalles dans l'étable. Ainsi, l'équipe avait formé un croissant autour des dryosaures et avançaient tout en frappant des mains, rétrécissant peu à peu le croissant et repoussant les animaux vers l'entrée du couloir qui conduisait à leurs stalles. Lorsqu'un des dryosaures s'éloignait du groupe et cherchait à détaler vers l'autre extrémité de l'enclos, deux agents de sécurité à bord d'une moto biplace munie d'un side-car l'interceptaient et le dryosaure, dissuadé par le son du moteur et les cris poussés, retournait auprès des siens.
Plus loin, les apatosaures femelles et les jeunes observaient l'opération en cours avec placidité. Contrairement aux dryosaures et à la majorité des stégosaures, ils n'allaient pas partir le lendemain mais plus tard dans la semaine et allaient être envoyés aux Etats-Unis par la voie des airs, dans de gigantesques avions-cargos.
Près de la clôture, Franklin avait installé son trépied et sa caméra, filmant les soigneurs et les animaux. A quelques pas de lui, Edward Torres et Pedro Merced regardaient eux aussi les opérations.
— Non seulement Claire et Owen m'ont fait chier mais ils ont aussi fouinés, dit Jocelyn.
— Oui, Ed m'en a parlé. Il m'a dit qu'il a pris les dispositions nécessaires, l'informa-il. Si c'est Lockwood qui leur a demandés de fouiner, il va y avoir de l'engueulade avec Susan.
— Je ne crois pas que ce soit Lockwood. Si c'était lui, ils se seraient contentés d'envoyer un mail une fois rentrés à leur hôtel or là ils sont allés voir un type louche dans une auberge en ville. J'ai peur, Ali. Non seulement, ce sont surement des espions mais ils sont impitoyables et Claire est carrément dérangée. J'ai cru qu'elle allait m'attaquer hier soir. Elle m'a forcée à regarder son horrible balafre… Ce n'est pas en prison qu'il faut envoyer cette cinglée mais dans un asile.
— T'inquiète. Tôt ou tard, elle fera une autre connerie et se retrouvera devant les tribunaux. Même si Lockwood continue de la soutenir, je doute qu'elle s'en sorte. Elle ne sera bientôt pour toi qu'un mauvais souvenir. Rien de plus.
Une fois que tous les animaux furent rentrés dans leurs bâtiments ou enclos de nuit, les soigneurs et vétérinaires retournèrent au camp pour dîner. Cependant, contrairement à la plupart des autres soirs, le minibus ne partit pas une fois que les employés avaient fini leur journée. Certains soigneurs avaient en effet organisés une petite soirée à l'Arche afin de célébrer le départ des animaux et ils y avaient invités le couple et le trio du GPD. Le couple accepta, tout comme Zia et Franklin, mais Alexander, au fait que les soigneurs appréciaient davantage la directrice déchue que lui et qu'ils ne l'avaient invités que par politesse, déclina et préféra appeler un taxi pour rentrer directement en ville.
Alors qu'il marchait seul le long de l'allée des chênes, il croisa plusieurs voitures venant de l'extérieur du domaine, celles d'Enrique Ordonez, d'autres élus locaux, et des chefs de la police locale et de la Force Publique de la province, tous invités par Jocelyn à un dîner qu'elle donnait à la hacienda avec les cadres d'InGen.
Ainsi, le couple et les deux membres restants du GPD dînèrent à la grande tente avec les soigneurs et se rendirent ensuite à leur bureau, où la soirée avait lieu. Jocelyn ignorait qu'elle avait lieu et lorsque Franklin posa la question à ce sujet, Juan répondit qu'elle n'avait pas à savoir et qu'elle avait le dîner avec les autres cadres et les élus locaux à gérer en priorité. Le chef animalier ajouta aussi que la soirée avait été préparée un peu en secret et que des gardes avaient dû être soudoyés pour faire passer des futs de bière à l'intérieur du domaine. Et Juan n'était pas le seul employé clé de la Ferme présent à cette soirée car Brice arriva peu après, se mêlant aux autres. Le vétérinaire déclara qu'il aurait été bien disposé à démontrer la légendaire tolérance à l'alcool des Bretons mais qu'il ne pouvait pas, préférant rester un minimum sobre si jamais on l'appelait pour une intervention pendant la nuit. Austin passa rapidement à la soirée, y jetant un coup d'œil avant de repartir, non sans demander aux participants de ne pas abuser de la boisson et de ne pas consommer de stupéfiants, sinon il les enverrait dormir avec les carnotaures. Ni lui, ni le vétérinaire n'étaient disposés à informer Jocelyn de la soirée, avec le second prétextant même avoir la flemme de le faire. En plus des soigneurs et de Brice, il y avait aussi plusieurs ouvriers, quelques employés de l'administration et même des gardes et soldats de l'UCA supposés être au repos. A un moment, Owen fut même surpris de voir deux des mercenaires de Wheatley, nuls autre que Fanny Oven et Danny McLagen, se joindre à eux pendant un temps. Lorsqu'on leur demanda si d'autres mercenaires comptaient venir se taper l'incruste, elle répondit que ses camarades avaient leur propre petite soirée aux bungalows, donnée en l'occasion de l'anniversaire de Stan, un de leurs camarades, et qu'ils ne risquaient pas de venir là, surtout que les soldats d'InGen Security les surveillaient, comme si ils craignaient qu'il y ait des débordements. Peu après, on vit Fanny dehors près de la porte de la cuisine, fumant un joint en compagnie d'Horatio et Vinny.
— Et oui ! Encore le voyage et la Californie et ce sera finit, dit Pasqual à Alfredo un peu plus tard alors qu'ils prenaient l'air dehors, non loin de la porte vitrée du bureau qui donnait sur le parking. Plus qu'un mois.
— Tu peux dire. Tu prends ta retraite direct après, répondit son collègue. Tu vas aller retrouver tes perroquets…
— Comme quoi, je ne vais pas totalement laisser les dinosaures derrière moi. Du coup, tu as trouvé un taf pour les quelques années qu'ils te restent à bosser ?
— Oui. Je vais aller bosser à la ferme de mon beau-frère.
— Celui qui habite dans le Guanacaste (1), c'est ça ?
— Oui.
Pasqual hocha de la tête d'un air pensif.
— Mais quand j'y pense, il ne connaît pas les Rodriguez ton beauf ? Demanda-il peu après.
— Ceux qui fournissaient l'île en viande bovine ? Oh peut-être bien, je ne lui ai jamais demandé. Mais ils sont du même coin en effet.
— J'y ai repensé parce qu'on causait des gosses du camp ce matin avec Marisol et les autres. 'Tain, ils ont du se faire un sang d'encre pour leur gamine. Je n'aurais pas aimé être à la place.
— C'est une sacrée odyssée qu'elle, ses camarades et Jeanie, paix à son âme, ont eu… Ils sont allés jusque sur Isla Sorna par leurs propres moyens quand même. Il était presque trop tard lorsque les cavaliers de la Garde Grise les ont trouvés…
— Ça tient du miracle… Heureusement pour les quatre qui ont survécu, tout ça est derrière eux. Il y en a que la Chute va suivre telle une ombre jusqu'à la fin de leur vie…
— Trois ! Cria-on derrière eux.
Ils se retournèrent et virent les autres attroupés autour de Claire et de Suraj, leur collègue Indien. Chacun avait un verre de bière plein en main.
— Deux ! Un ! Partez !
Les deux concurrents portèrent leurs verres à leurs bouches et commencèrent à en boire le contenu. Suraj s'avéra être le plus rapide, avalant la bière comme si c'était du petit-lait, et alors que Claire finissait le premier tiers de sa bière, il en était déjà à la moitié. Mais soudain, alors qu'il arrivait à son dernier tiers, il chancela et renversa même quelques gouttes par terre, et le temps qu'il se rééquilibre et remette son verre à sa bouche, Claire en était au dernier quart de son verre, ayant accéléré la cadence de ses gorgées. Elle finit quelques secondes avant lui, reposa son verre au sommet du meuble le plus proche et les autres l'applaudirent.
— Claire victorieuse ! Annonça Vinny.
Satisfaite de sa victoire et ne s'étant pas amusée ainsi depuis longtemps, elle poussa un cri d'euphorie.
Afin que tous puissent avoir un minimum de sommeil, la soirée prit fin à vingt-trois heures et tandis que la plupart regagnaient le camp, le minibus ramena en ville ses passagers habituels. Certains, tels que Zia et Franklin, étaient répartis un peu plus tôt et les deux membres du GPD avaient été ramenés à l'hôtel par Benito le garde, qui avait voulu lui aussi rentrer plus tôt.
Claire et Owen, ronds comme des queues de pelle, eurent un peu de difficulté à monter dans le minibus et à s'installer sur la dernière banquette, et ils passèrent le trajet à chanter ensemble Jackson de Johnny Cash, avec lui reprenant les paroles du célèbre chanteur et elle celles de June Carter, sa partenaire. Ils furent surpris lorsque le minibus ralentit et s'arrêta.
— Oh les gars ! Vous êtes arrivés ! Annonça le chauffeur.
— Déjà ?! S'écria Claire après avoir hoqueté.
Elle regarda dehors et reconnut les murs blancs du Cañada de las águilas et son gazon.
— Ah bas oui ! Réalisa-elle.
Elle et Owen se levèrent péniblement et se dirigèrent vers la sortie.
— A plus dans le bus ! Dit-il aux autres passagers.
— N'oubliez pas, c'est six heures moins le quart demain ! Leur rappela Pasqual.
— On ira défoncer la porte de votre chambre si vous vous ne levez pas ! Plaisanta Marisol.
— On vous tirera hors du lit à poil s'il le faut ! Ajouta Alfredo.
Tout en riant, le couple descendit du minibus et se mit à tituber en direction de l'entrée de l'hôtel, ne remarquant absolument pas qu'une grosse jeep arborant un logo insolite s'était garée en face dans la journée. Le logo représentait un tatou dont les bandes de la carapace étaient chacune d'une couleur différente, à la manière d'un arc-en-ciel, mais ce qui aurait attiré leur attention s'ils s'étaient retournés et l'avaient regardé de près aurait été la plaque d'immatriculation, originaire de la zone métropolitaine de San José et non de Burgo Nuevo ou tout autre ville proche.
Le couple entra dans l'hôtel et monta dans sa chambre. Alors qu'ils étaient exténués, Claire pensa qu'elle avait bien fait de prévenir Basil et Sybil qu'ils partiraient tôt le lendemain, et de régler en avance leur séjour. Les propriétaires de l'hôtel lui avait juste dit de déposer les clés sur le comptoir en partant. Ayant anticipés qu'ils rentreraient tard, ils avaient même fait le gros de leurs bagages, ne gardant dehors que le strict nécessaire et leurs habits du lendemain. Au pied du lit, par-dessus leurs sous-vêtements, il y avait un débardeur et un pantalon cargo noirs pour lui, et un débardeur blanc et un pantalon cargo vert pour elle.
Ils se déshabillèrent, allèrent se laver ensemble et se glissèrent dans le lit, où ils se blottirent l'un contre l'autre et s'abandonnèrent presque immédiatement au sommeil. Une longue journée les attendait demain.
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Notes
(1) Guanacaste : Province du nord-ouest du Costa Rica.
Concernant Sammy Rodriguez :
Comme certains l'auront remarqués, j'ai décidé de faire de Sammy une costaricaine. Dans la série de Netflix, il est dit qu'elle a été choisie pour aller au camp car ses parents fournissent Jurassic World en viande bovine. Or le Costa Rica continental, bien plus proche d'Isla Nublar que le Texas (d'où est originaire Sammy dans la série) a également des élevages bovins. J'ai donc pensé qu'il aurait été moins cher pour InGen et Masrani Global de faire importer de la viande du Costa Rica continental que du Texas (pour atteindre Nublar, un bateau transportant les vaches devrait d'abord traverser le Golfe du Mexique, les Caraïbes, le canal de Panama et ensuite remonter la côte centraméricaine vers le nord… ce qui est un peu fastidieux). De plus, ça permet d'avoir une costaricaine parmi le groupe du camp (et de pallier au manque de représentation du Costa Rica et de ses habitants dans le canon des films de Spielberg. Pour une saga se passant en grande partie sur des territoires appartenant à ce pays, j'ai toujours trouvé ça un peu dommage).
