Faisant alors partie de ce convoi, Claire fut surprise de constater l'arrêt des véhicules. Se demandant ce qui se passait, elle se pencha sur le côté, hors du plateau du camion à bord duquel se trouvait. Etant en queue de convoi, elle ne voyait pas ce qui se passait à sa tête et après s'être assurée que les agents d'InGen Security fermant la marche surveillaient leurs arrières, elle descendit du camion et commença à remonter la file de véhicules de transport.
Elle retrouva Juan, Mark, Zia, Alexander et les autres soigneurs, vétérinaires et chauffeurs du convoi un peu plus loin et arrivant à leur niveau, elle vit que la moto avec sidecar en tête de convoi était stoppée à seulement quelques mètres d'un groupe de manifestants qui leur barrait la route. Les employés d'InGen Security à bord de la moto avaient mis pied à terre pour s'interposer entre le convoi et les manifestants, qui protestaient non pas en espagnol mais en en anglais. Tout en restant derrière les autres, Claire balaya les manifestants du regard et constata qu'il n'y avait qu'une minorité d'hispaniques parmi eux et écoutant plus attentivement les accents, elle réalisa que c'étaient majoritairement des états-uniens. Quant aux locaux, ils étaient restés à côté de la route et se seraient bien contentés de regarder tranquillement les convois passer. Les regards sévères et irrités jetés en direction des manifestants en disaient long sur ce qu'ils pensaient de la manifestation.
— Pourquoi vous ne les avez pas empêchés de passer ? Demanda un des gardes d'InGen en espagnol à un des policiers présents.
— Mais on est débordés vous ne voyez pas ?! S'écria le policier en montrant ses quelques collègues submergés par le nombre de badauds et de manifestants. On a appelés des renforts mais les plus proches sont à San Ramón. Ils ne seront pas là avant une heure.
Observant et écoutant la manifestation, la directrice déchue apprit que ces activistes n'avaient pas accepté la décision prise par la justice états-unienne, qui autorisait l'importation des animaux aux Etats-Unis. Craignant entre-autres qu'un autre incident de San Diego ne se produise, ils voulaient que les dinosaures restent au Costa Rica et avaient amenés la presse internationale avec eux. Certains des manifestants tenaient des exemplaires de livres de Ian Malcolm en main et Claire ne put s'empêcher de les comparer à ces activistes religieux qui brandissaient haut des livres sacrés lors de leurs manifestations. Elle se demanda ce que le célèbre mathématicien penserait du comportement de certains de ses adeptes. C'était un des revers de la célébrité. Attirer tôt ou tard toutes sortes d'individus, y compris des fanatiques dont on aurait honte.
Alors qu'elle balayait du regard les différentes pancartes, Claire fut étonnée de trouver le petit stégosaure du Groupe de Protection des Dinosaures parmi elles. Elle voulut le faire remarquer à Zia et Alexander mais un des agents d'InGen Security le fit d'abord :
— Dîtes les gars. Ce n'est pas votre logo, ça ? Leur demanda-il assez sèchement en pointant la pancarte du doigt.
— Ça y ressemble, dit la directrice déchue. Avez-vous informés vos adhérents au sujet de votre participation à l'opération ?
— Bien évidemment, nous ne sommes pas idiots, répliqua le fondateur du GPD.
— Déjà, est-ce que c'est un de nos adhérents au moins ? Se demanda la vétérinaire de l'association. Parce que c'est facile de recopier un logo sur une pancarte.
— Ben si c'en est un, dîtes lui de quitter cette manif, les pria l'agent. Je croyais que vous étiez avec nous et non contre nous.
— Ni l'un ni l'autre…, marmonna Zia.
Voyant une des caméras de la presse s'approcher trop près d'eux, Claire s'excusa auprès des autres et préféra s'éloigner, retournant en queue de convoi.
— Nous sommes inquiets. Ce n'est pas bon pour les animaux d'être retenus ainsi, dit Juan quelques instants plus tard à la cheffe des manifestants, parlant en anglais et le plus calmement possible. Nous devons avancer.
Mais celle-ci, une femme d'âge mur vêtue d'un T-shirt jaune, ne voulut rien entendre et la situation s'enlisa. Il faisait chaud et humide et les animaux devinrent mal à l'aise, sentant que quelque chose n'allait pas.
Alors que le chef d'escorte et Juan étaient toujours aux prises avec les manifestants, certains journalistes contournèrent le groupe d'employés d'InGen en passant par les sous-bois et ressortirent au niveau du milieu du convoi. Ils se mirent à circuler entre les véhicules, s'approchant au plus près des containers et des caisses pour essayer d'avoir des images des animaux. Sentant leur odeur, l'un d'eux s'agita, ce qui attira l'attention des deux agents d'InGen Security en queue de convoi. Ceux-ci virent alors les journalistes et allèrent à leur rencontre, leur sommant de s'éloigner.
Mais c'était peine perdue car à peine chassaient-ils un journaliste de la route qu'un autre surgissait du sous-bois plus loin derrière eux pour continuer à filmer, dans une scène bien ridicule aux yeux de Claire, qui l'observait discrètement depuis l'arrière du camion auquel elle était affectée.
Elle était assise juste à côté d'une grande caisse en bois qui contenait l'Udanoceratops (1), qu'on ne pouvait voir qu'au travers de petits trous dans les parois de la caisse. L'animal, aussi gros qu'une vache, dormait paisiblement contrairement aux autres et Claire pouvait entendre ses ronflements sifflants. Tout comme le reste du convoi, elle s'impatientait et souhaitait grandement qu'ils repartent le plus tôt possible. Les journalistes continuant de rôder près des véhicules, son inquiétude grandissait et elle commença à envisager l'éventualité qu'on la reconnaisse, même avec ses lunettes de soleil, car elle portait son demi-masque si caractéristique bien que sa prothèse était cachée sous son gant en silicone. Ayant disparue des radars depuis plus d'un an et sa participation à l'opération n'ayant pas encore été annoncée par qui que ce soit dans les médias, on ne s'attendrait pas à la retrouver à l'arrière de ce camion mais si jamais on la reconnaissait, elle était sûre de voir accourir tous les journalistes présents dans les environs, même ceux alors occupés à interviewer les manifestants ou les badauds plus loin.
J'aurais dû prendre mon chapeau, pensa-elle. Histoire de me déguiser un peu plus…
Lorsqu'un journaliste et son caméraman, cachés jusque-là dans le sous-bois, en surgirent et se dirigèrent vers son camion, elle sut que cette éventualité était arrivée et laissa échapper un juron avant de se retourner et de courber la tête en avant.
— Non mais je n'ai pas rêvé ? Demanda le journaliste à son collègue. Putain si c'est elle… Je crois qu'on a touché le jackpot !
— Vous n'avez pas le droit d'être là, leur dit-elle. Veuillez partir s'il vous plaît.
— Madame Dearing ? Demanda le journaliste alors que lui et son collègue s'approchaient toujours.
Elle soupira.
Non mais cassez-vous, pauvres cons ! Vous allez rameuter les autres.
— Non vous faîtes erreur, répondit-elle sans le regarder. Mon nom est Sonya. Sonya Howard. Je suis une soigneuse intérimaire.
— Bien essayé mais je vous ai reconnu. Les rousses trentenaires ayant un demi-masque blanc et un rapport de près ou de loin avec les dinosaures ne sont pas légions. J'étais à la conférence que vous avez donnée lorsque vous êtes sortie de l'hôpital vous savez.
— J'aurais essayé…, marmonna la directrice déchue alors que la caméra était braquée sur elle.
Elle pivota la tête dans leur direction et voyant le visage du journaliste de plus près, elle réalisa qu'il lui disait en effet quelque chose.
— En revanche, je ne m'attendais pas à vous trouver à l'arrière d'un camion de ce genre, dit-il.
— Attends mais ce n'est pas Claire Dearing là-bas ? Entendirent-ils un autre journaliste demander.
Putain.
Les autres journalistes et leurs collègues accoururent alors en queue de convoi, avec les deux agents d'InGen Security sur leurs talons. Claire se leva et les regarder approcher.
— Dîtes, vous pouvez essayer de les virer de là ? Ordonna-elle aux deux agents d'un ton sec. Ils rendent les animaux nerveux.
— Vous croyez qu'on fait quoi depuis plusieurs minutes ? Rétorqua l'un d'eux. Et si on utilise la force, on va au-devant de gros emmerdes. Vous voyez, si jamais l'un d'eux se foule la cheville en trébuchant sur un caillou, ils seraient capables de nous accuser, InGen aurait encore des problèmes d'image et on se ferait virer. De plus, on n'a pas d'ordres à recevoir de vous.
— Ouais, on vous rappelle que vous n'êtes plus notre patronne, ajouta l'autre.
— Non mais à quoi vous servez ?! Leur demanda Claire, exaspérée.
Si on était encore à Jurassic World, j'aurais foutu ces deux guignols à la porte sur le champ !
— Claire Dearing ! Aboya une voix féminine.
Elle se tourna vers l'origine de la voix et parmi le groupe attroupé au pied du camion tel une meute de chiens affamés, elle vit une petite femme grassouillette avec des cheveux colorés en bleu et des lunettes à grosses montures reposant sur son nez pointu et retroussé. Pour quelque raison, la directrice déchue jura avoir aussi rencontré cette journaliste par le passé.
— Cassandra Landis, se présenta-elle. Vous vous souvenez de moi ?
Cette pute de Cassandra Landis ?! Hé ben ! S'étonna la directrice déchue intérieurement, se rappelant que la journaliste était beaucoup plus maigre et que ses cheveux étaient plus courts et bruns lors de la conférence de presse et de la visite du Colisée de l'I. rex qu'elle avait organisée la veille de la Chute.
— Oh, Mademoiselle Cassandra Landis… Je ne vous avais pas reconnue, dit Claire avec un sourire forcé. Mais c'est que vous avez grossit depuis la dernière fois que je vous ai vue. Vous faîtes un concours avec Lindsay Ellis (2) ? Il faut arrêter Twitter et aller faire du sport à la place ma petite.
Tandis que plusieurs de ses confrères et consœurs se retenaient de rire, Cassandra Landis adressa un regard noir à la directrice déchue, luttant contre l'envie de répliquer derechef.
— J'ai cru entendre que vous avez quitté le San Diego Herald suite à une offre, ajouta Claire. Félicitations pour l'obtention de votre nouveau poste. C'est chez BuzzFeed c'est ça ?
— Non, le Huffington Post, répondit la journaliste avec un soupçon d'irritation dans sa voix.
— Effectivement, ce n'est pas la même chose. La grosse différence étant que contrairement au Huffington Post, BuzzFeed ne peut malheureusement pas servir de papier toilette en cas d'urgence…
— Bien envoyé ! S'esclaffa un autre journaliste, qui travaillait pour une agence antagoniste aux deux citées.
— Ma parole, vous êtes en forme madame Dearing ! La complimenta celui qui l'avait abordée en premier. Est-ce que ça vous dérange si on vous pose quelques petites questions ?
— Cela fait depuis plus d'un an que vous êtes retirée de la vie publique. Qu'avez-vous fait entre-temps ? Demanda une de ses consœurs.
Mais avant que Claire ne puisse lui répondre, on lui posa tout un tas d'autres questions quasi en simultané. Là où les uns s'intéressèrent au sujet de sa participation à cette opération et l'état de ses relations avec InGen ; les autres posèrent des questions sur sa vie privée, y compris sa grossesse et sa présence à la maternité d'un hôpital de la Sierra Nevada ; et un osa même en poser une sur ses visites présumées au Mariposa.
Quelqu'un a cafté entretemps, réalisa la directrice déchue. Ce n'est qu'une question de temps avant que quelqu'un ne fasse un article à ce sujet. Voilà qui va encore influencer ma réputation.
— Assez ! Pas tous à la fois s'il vous plaît, les pria-elle avant de regarder la route au-delà de la moto d'InGen.
Sachant que Torres et Iger auraient tôt fait de réagir à la manifestation pour qu'ils restent dans les temps, elle savait que ce n'était qu'une question de temps avant que des renforts de la Ferme n'arrivent et écartent les manifestants ainsi que les journalistes de la route. Alors qu'elle n'était pas motivée pour répondre à leurs questions, une idée germa dans son esprit.
— Je n'ai assez d'énergie que pour l'un d'entre-vous, dit-elle aux journalistes. Je vous propose un marché : Vous voyez, cela fait plus d'un an que je dois une interview à Mademoiselle Landis ici présente. Supposant que ses questions sont semblables aux vôtres, je lui propose de me rejoindre à l'arrière de ce camion. Ainsi, tandis que nous aurons notre interview en compagnie du magnifique Udanoceratops dormant dans cette caisse, vous pourrez rester là à écouter et à prendre des notes. En silence. Qu'en dîtes-vous, Cassandra ?
— Si il faut faire ça pour que vous me parliez enfin…, accepta la journaliste.
Regardant l'arrière du camion, elle se demanda comment elle allait faire pour monter, doutant de la force dans ses jambes tandis que les seules prises qu'elle vit étaient assez hautes. Cassandra s'avança et tendit les bras vers le haut. Bien qu'elle atteignait le bas des portières arrières avec ses mains, elle savait qu'elle n'allait pas avoir assez de forces dans les bras pour se hisser jusqu'à elles et son jeune caméraman confia alors sa caméra à quelqu'un afin d'aller l'aider.
— Non, lui dit Claire. Mademoiselle Landis doit réussir à monter sur ce camion par ses propres moyens et sans l'aide d'autrui.
— Mais vous vous moquez de nous ?! S'indigna-il.
— Vous connaissez l'expression, répondit-elle. Pas de bras, pas de chocolat…
Cassandra recula et regarda Claire.
— Mais vous ne voyez pas que je suis incapable de monter toute seule sur ce camion ?
— Imaginez-donc que vous ayez un dinosaure aux fesses, lui suggéra la directrice déchue. La peur donne des ailes… Si vous voulez, je peux aller lâcher le métriacanthosaure quelques camions devant.
Réalisant qu'elle se moquait d'eux, les journalistes s'agitèrent.
— Non mais c'est ridicule ! Protesta l'une d'eux.
— Vous savez quoi ? Dit Cassandra à Claire. Soit vous descendez et on a l'interview au pied du camion, soit vous restez là-haut et je vous taille en pièces dans un nouvel article une fois rentrée.
— Très bien ! Faîtes-donc, espèce de baleine terrestre aux cheveux bleus ! Ça ne changera pas grand-chose au point où j'en suis. Après tout, vous avez déjà insinué que j'étais la pire des salopes dans un article précédent !
Alors que des exclamations offusquées s'élevèrent parmi les journalistes, les deux agents d'InGen Security impuissants commentèrent la situation :
— Non mais elle part en live là ? Et elle n'est même pas bourrée.
— Et en plus il y a des caméras. Ses frasques vont se retrouver sous peu dans les médias entre celles d'autres célébrités. A ce rythme-là, Elle va faire passer Trump lui-même pour un amateur dans ce domaine…
— Qu'elle se méfie. Si j'ai bien compris tout le bordel qui concerne l'opération, la fondation Lockwood et elle, elle se tient sur un siège éjectable là. Lorsque Lockwood apprendra au sujet de son comportement… Et Baleine terrestre… En voilà une belle insulte grossophobe.
— Ce n'est pas très 2019 ça…
— Hé Tic et Tac ! Les héla Claire. Fermez-là !
— Ouais c'est ça, répondit l'un d'eux sans grande conviction. Vous allez moins faire la maline bientôt…
— Oh les gens ! Ça chauffe à l'autre bout ! Annonça soudain l'une des journalistes après avoir lu un message sur son téléphone.
— On fait quoi ? Lui demanda un de ses collègues.
— Elle ne va pas donner d'interview de toute façon. Allons-y !
Elle et ses collègues se mirent alors à remonter alors le convoi en trottant et les autres journalistes s'élancèrent à leur suite.
— Poussez-vous ! Dit l'un d'eux. Je veux être là-bas s'il y a de la baston.
— Le dernier là-bas est un tocard ! S'exclama une autre.
Après avoir adressé un nouveau regard noir à Claire, Cassandra et son caméraman partirent eux aussi.
— Je vous aurais un jour. Je vous aurais ! Lança la journaliste humiliée à la directrice déchue.
— C'est ça oui, répondit cette dernière.
En plus d'elle, du chauffeur du camion qui était resté dans la cabine et n'avait absolument pas réagit, et des deux agents, il n'y eut plus qu'un journaliste et son caméraman à l'arrière du convoi.
— Tiens, vous ne les avez pas suivis ? Leur demanda-elle, remarquant qu'ils ne semblaient pas vouloir bouger.
— A quoi bon ? Répondit le journaliste, un quinquagénaire ou jeune sexagénaire de taille et de constitution moyenne, au visage barbu et au crâne dégarni. Ils vont tous prendre les mêmes images et pondre ensuite les mêmes commentaires.
— C'est quoi votre nom ?
— Bernard.
— Vous savez quoi, Bernard. Vous m'avez l'air sympathique. Vous et votre caméraman avez eu la gentillesse de rester et de ne pas partir comme des sauvages. Je vous autorise à m'interviewer.
— Doit-on monter dans le camion ? Demanda le caméraman.
En guise de réponse, Claire rit puis sauta de la remorque.
— On peut la faire devant, répondit-elle en s'approchant d'eux.
— Non mais ça ne va pas être possible, intervint l'un des agents. Retournez près des autres civils s'il vous plaît, à défaut de vous éloigner de la route.
Claire le regarda les deux agents d'un air désapprobateur.
— C'est maintenant que vous vous réveiller les gars ? Lorsqu'ils ne sont plus que deux ?
Forcé de coopérer, Bernard émit un léger soupir mais avant de partir, il sortit une carte de visite de sa poche et la tendit à Claire.
— Si votre offre tient toujours, précisa-il.
Elle la saisit et hocha de la tête tout en la lisant. Le journaliste et son caméraman remontèrent ensuite le convoi, suivit par un des agents qui voulut s'assurer de leur bonne coopération. Lorsque la manifestation fut de nouveau en vue, ils surent ce qui avait provoqué l'excitation de leur confrère plus tôt.
Voyant que la police était désemparée et refusait d'intervenir car surveillée par les reporters, nombre de locaux avaient perdu patience et avaient commencé à insulter les manifestants et leur ordonnaient de libérer la route. En réponse, certains des manifestants avaient répliqués en traitant les locaux de collabos et les policiers s'interposèrent entre les deux groupes antagonistes, tentant de calmer la situation du mieux qu'il pouvait alors que les insultes fusaient en anglais et en espagnol, avec par exemple des « Abrutis de yankees ! » d'un côté et des « Connards de ticos ! » de l'autre. Si une bagarre éclatait entre des Bourgouniauds et des états-uniens, ils craignaient que cela aille jusqu'à occasionner un petit incident diplomatique. Les participants à l'opération regardèrent ça avec une certaine impuissance et les animaux devinrent de plus en plus agités. Ils pouvaient entendre la foule en colère et cela les effrayait. Couché au sommet d'un des containers, avec la tête juste au-dessus d'une sorte de trappe, Mark faisait de son mieux pour calmer Boomer le métriacanthosaure, qui n'arrêtait pas de secouer la tête et de grogner.
— Chut… Ce n'est rien Boomer, dit le soigneur allemand tout doucement. Détends-toi, ça va passer…
Entendant le moteur d'un assez gros véhicule, Mark se retourna et vit l'un des blindés transporteurs de troupes d'InGen Security rouler à côté du convoi arrêté. Derrière le blindé, deux jeeps suivaient et le soigneur remarqua que des mercenaires de Wheatley étaient assis à l'arrière de celles-ci. Les trois véhicules dépassèrent le camion transportant le métriacanthosaure et atteignirent la tête du convoi, où ils stoppèrent. La porte arrière du blindé s'ouvrit et une escouade de mercenaires armés en sortit pour se déployer entre le premier camion et la moto avec sidecar devant, gardant une certaine distance entre eux et les manifestants.
— Rappelez-vous, on est en zone civilisée donc pas de bavure les gars, leur dit Wheatley par radio. Le premier qui en commettra une aura de gros problèmes…
Intimidés, les manifestants reculèrent et l'escouade de mercenaires avança sous le regard médusé des badauds et des policiers, qui se sentirent encore plus impuissants qu'avant, choqués par la démonstration de force opérée par InGen tandis que les journalistes n'en loupaient pas une miette.
L'escouade dépassa la moto de tête et le groupe de manifestants finit par enfin se scinder face à son avance, rejoignant le bord de la route où plusieurs furent mêmes tirés par certains des locaux.
Les gardes d'InGen de la tête de convoi remontèrent à bord de leur moto avec sidecar et repartirent tandis que les véhicules de transport redémarraient. Mais à peine le premier camion eut-il parcourut quelques pas que la cheffe des activistes revint sur la route et le força à s'arrêter, allant jusqu'à même poser les mains sur le pare-chocs, comme si elle comptait le retenir à la seule force de ses bras. Deux policiers accourent pour la maîtriser.
— Ne les emmenez pas ! Criait-elle tout en se débattant alors qu'ils l'éloignaient. S'il vous plaît, vous ne devez pas les emmener ! Ajouta-elle avec hystérie.
Le camion repartit et laissa les véhicules d'InGen Security le dépasser. Là où le blindé vint se garer sur le côté, forçant les civils à s'éloigner, les deux jeeps continuèrent, roulant doucement tandis que le reste du convoi suivait. Assis l'arrière d'une d'elles, Theo regarda certains des manifestants continuer de protester :
— Bordel, dans quelle merde on s'est encore embarqués Manny ? Demanda-il au mercenaire assis en face de lui, le chauve qui avait raconté son histoire plus tôt aux agents.
— C'était tendu en effet, répondit Manny en regardant le reste du convoi et la foule. Je me serais presque cru de retour à Bagdad.
Ayant vent de ce déploiement, Enrique Ordonez se rendit sur les lieux et insista pour voir Torres en urgence. Le directeur de la division sécurité d'InGen finit par arriver, tout comme Jocelyn et Iger quelques instants plus tard. La directrice de la Ferme vit les deux hommes se disputer :
— De quel droit vous déployez des mercenaires en présence de civils ? Demanda le maire d'un ton outré. Vous vous croyez en Irak là ?! Ce n'est pas à vous de faire la loi !
— Vous voulez que ces animaux partent oui ou merde ?! Rétorqua le directeur de la division sécurité d'InGen avec irritation.
— Oui, je le souhaite !
— Alors laissez-nous faire le nécessaire ! Parce que vous n'avez pas été foutu de faire bloquer les routes correctement !
— Vous vouliez que je fasse quoi ?! Que je fasse dresser une clôture des deux côtés de la route entre le Site D et la vieille gare ?!
Iger s'interposa alors entre les deux hommes et après avoir dit quelques mots à Torres, il prit Enrique à part et lui parla, essayant de calmer les tensions.
Le maire du canton de Burgo Nuevo ne se détendit un peu que lorsque des fourgons de police arrivèrent, venant de San Ramón mais aussi de Ciudad Quesada. Portant un équipement anti-émeute, les nouveaux arrivants éloignèrent les civils de la route et les enjoignirent tant bien que mal à rentrer en ville. Lorsque tous se retirèrent au-delà des barrières de chantier et des panneaux bloquant les accès, ils s'y déployèrent, les gardant afin d'empêcher tout nouveau débordement.
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Notes
(1) Udanoceratops : Dinosaure cératopsien originaire de Mongolie.
(2) Lindsay Ellis : Vidéaste et critique de cinéma états-unienne.
