Notes

Suggestions musicales :

Benito au téléphone :
- Godfrey - Marc Streitenfeld, Robin Hood (de 00:57 à 01:27). Son interlocuteur pourrait avoir cette musique comme thème tout au long du récit.

La trahison :
- Double Cross to Bear - Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (à partir de 01:30).

Les pectinodons :
- Goblin Swarm et Goblin Tunnels - Bill Brown et Jamie Christopherson, The Lord of the Rings: Battle for Middle-Earth II.

La thérizinosaure :
- Trex Showdown - Daniel Pemberton, Prehistoric Park. (Jusqu'à 01:10)
- Blade Brothers - Benjamin Bartlett, Walking with Beasts.
- Bodies and Bungalows - Michael Giacchino, Lost: Season 4.

L'arrivée d'Astérion :
- Go with the Pyroclastic Flow - Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (de 01:40 à 02:45).
- The Savage Ettenmoors - Inon Zur, The Lord of the Rings: War in the North.

"Chat perché" avec Astérion et Yuriko :
- Trex Showdown - Daniel Pemberton, Prehistoric Park. (A partir de 01:11)
- Trex and finale - John Williams, Jurassic Park (Du début à 03:18 et de 04:20 à 07:07).
- The Raptors appear - John Williams, The Lost World: Jurassic Park (à partir de 00:55).
- A Dimetrodon a dozen - Michael Giacchino, Jurassic World: Dominion (de 01:47 à 03:41).

Astérion pourchasse Franklin :
- The Carnotaur attack - James Newton Howard, Dinosaur (De 01:16 à 02:47).
- Thanator Chase Pt 1 - James Horner, Avatar.


-o-


— ... Nous venons de quitter la gare, déclara une voix à la radio, celle du pilote de l'hélicoptère de l'UCA. Tenez-bon !

Tandis que Claire et Franklin coordonnaient du mieux qu'ils pouvaient les équipes du Site D, Jocelyn se tenait en silence derrière eux, ne faisant rien d'autre que regarder les écrans, suivant les différents points.

L'apatosaure mâle progressait le long de la Plaine Crétacé mais les autres étaient encore dans leur enclos, qu'on venait de refermer; Horatio et Vinny avaient fermés le portail de la Plaine Asiatique mais attaqué par un des carnotaures, ils avaient dû chercher refuge dans l'enclos, où Bucéphale était en train de les poursuivre ; les deux autres prédateurs cornus étaient juste au nord de l'arche, avec un dans la zone des volières et l'autre au niveau du parking près du bureau des soigneurs ; la thérizinosaure était au sud de l'Arche et le Pegomastax se promenait toujours dans les couloirs du bâtiment. Au-delà des limites sud du site, l'UVM transportant Blue venait de quitter le bois où avait eu lieu le premier incident meurtrier de la journée.

Un autre jour funeste dans l'histoire d'InGen. Et cette fois-ci, je suis celle occupant le poste à responsabilités. Ordonez n'attendait que ça. Il va m'envoyer les flics et Lynton voudra ma tête.

L'agitation de Franklin, due au stress, la sortit de ses pensées.

— Prends ce boulot, fiston. Développe des compétences sociales. Ouais ben merci papa ! Bougonna-il, souhaitant être ailleurs.

Trouvant que Benito tardait à revenir, la directrice se dirigea vers la sortie pour voir ce qu'il faisait.

Hors des bureaux de la sécurité, dans le couloir, le garde était toujours au téléphone :

— Rankin ? C'est quoi ce bordel ? Demanda-il d'un ton alarmé. Il me semblait que vous n'étiez pas supposé agir maintenant.

Avant de m'accuser, daigneriez-vous au moins m'expliquer la raison de votre affolement ? S'enquit une voix masculine parlant avec un accent britannique.

— Plusieurs animaux ont été libérés par des saboteurs infiltrés. C'est la merde ici ! Je croyais que vos plans ne concernaient que le train !

Et c'est le cas ! Répondit Rankin avec irritation. Qui sont ces infiltrés dont vous parlez ?

— Des intérimaires, arrivés en renfort il y a deux jours.

Ni moi ni mon employeur ne les avons envoyés ! Vos intérimaires doivent être des probablement des putains de hippies fumeurs de joints envoyés par PETA ou une autre association de défense des animaux à la con ! Bordel ! Ces abrutis vont tout faire foirer ! InGen va redoubler de prudence à cause d'eux !

— Qu'est-ce que je fais ?

Tenez-vous en au plan. Informez-moi s'il y a des changements.

— Rankin ? Vous comptez bien faire évacuer le train avant qu'il ne vous savez quoi ? C'est ce dont on avait convenu. Il y aura à bord des gens que je connais et que j'…

Mais Rankin raccrocha sans lui répondre à cette question et Benito remit son téléphone dans sa poche.

— Benito. Avec qui parliez-vous ? Lui demanda la voix de Jocelyn.

Surpris, Benito sursauta et pivota pour lui faire face.

— Torres, Madame, mentit-il.

— Ne me prenez pas pour une idiote, Benito, dit la directrice, agacée et déçue. Torres ne parle pas avec un accent britannique. Qui était-ce ? Vous étiez en train de lui parler de l'opération et du train ! Qu'est-ce que cet homme compte faire ?! Répondez-moi ?! Le questionna-elle d'une voix de plus en plus alarmée.

Pris sur le fait, Benito ne répondit rien et se figea un instant, n'osant pas regarder sa patronne dans les yeux. Puis il exhala bruyamment et émit un rire nerveux.

— Merde…, jura l'agent entre ses dents avant de descendre une main vers sa ceinture.

— Benito ? Fit-elle d'une voix blanche.

Il venait de dégainer son pistolet et braquait son canon sur elle.

— Je vous avais dit de vous méfier aussi des employés, Jocelyn, lui dit-il.

Instinctivement, elle leva les mains mais c'est alors que Claire sortit à son tour des bureaux, cherchant la directrice :

— Jocelyn. Il faut…

La voyant menacée d'une arme par Benito, elle se figea et ses yeux s'écarquillèrent de stupeur et de crainte. L'agent braqua immédiatement son arme dans sa direction.

— Ne bougez pas, Madame Dearing, lui dit-il avant d'intimer à Jocelyn à avancer, de manière à ce qu'ils parviennent au niveau de Claire.

— Benito, ne me dîtes pas…, commença cette dernière.

— Non, je ne suis pas de connivence avec les saboteurs ! La coupa-il avant de lui arracher son oreillette et de la piétiner. Je suis tout autant surpris que vous à leur sujet. Voyez-vous, leur action a chamboulé non seulement les plans d'InGen mais aussi les miens…

Les deux femmes étant à présent côte à côte, Benito leur ordonna de se mettre dos à lui et de retourner dans le bureau.

— Baissez les mains, faîtes comme si de rien n'était. Avancez calmement. Pas de gestes brusques.

Elles s'exécutèrent. Claire entra la première, suivie de Jocelyn et Benito ferma la marche, gardant son canon braqué sur le dos de la directrice. Lorsqu'ils revinrent à portée de voix de Franklin, toujours assis au poste de l'UCA, Benito se décala sur le côté et pointa son arme en direction de l'informaticien du GPD et du poste avant que Claire puisse lui indiquer silencieusement par un signe quelconque qu'ils étaient en danger.

— Qu'est-ce que…, commença-il.

— Désolé Franklin, vous êtes un brave garçon mais j'aurais souhaité que vous ne vous retrouviez pas mêlé à ça. Eloignez-vous du poste et venez ! Maintenant !

Lentement et tremblotant, Franklin se leva et les rejoignit, gardant les mains levés en l'air.

— Donnez-moi vos téléphones, leur ordonna l'agent. L'un après l'autre.

Ils leur passèrent leurs téléphones comme demandé et il les rangea dans ses poches.

— Bien. Passez devant moi. Le premier qui tentera quelque chose le regretta. Compris ?

Ils hochèrent faiblement la tête.

— On descend à l'entrepôt. Allez, avancez !

Il agita latéralement son pistolet et ils se mirent en marche, prenant la direction du même escalier qu'Owen, Zia et Wheatley avaient pris plus tôt. Si l'un d'eux était resté dans la salle de surveillance, il aurait été rassuré de voir qu'Horatio et Vinny étaient parvenus à échapper de justesse à Bucéphale, en se faufilant de justesse entre les barreaux d'une barrière dans l'étable.

— A l'entrepôt ? Répéta Claire. Pourquoi ?

— Ma voiture n'est pas loin, répondit Benito. On s'arrache.

— Pour aller où ? Demanda Jocelyn.

Mais l'agent félon ne répondit pas.

— Où ? Répéta la directrice avec insistance alors que Claire et Franklin s'apprêtaient à descendre l'escalier.

— Je n'en sais rien ! S'énerva Benito alors qu'il verrouillait la porte du palier derrière eux.

— Vous nous prenez en otage mais vous n'avez aucun plan à notre égard ? Souleva Claire.

— Ce n'était pas prévu ! Je comptais filer en toute discrétion une fois le moment venu mais Jocelyn a eu la bonne idée de me suivre. Voilà ce qui vous en coûte d'espionner les gens.

— Alors pourquoi vous faîtes ça ? On peut peut-être trouver un arrangement, bredouilla Jocelyn. Si c'est un problème d'argent…

Il lui attrapa brusquement le bras et posa son pistolet contre son échine.

— C'est trop tard pour essayer de me racheter, Jocelyn. Ce qui est fait est fait. Aucun de nous ne peut reculer.

Il la lâcha et lui ordonna d'avancer.

— A y réfléchir, ajouta-il, je crois que j'ai fait une pierre deux coups. J'ai là deux cadres à ma merci. Je pourrais peut-être vous rançonner contre une belle somme.

— Que vous ayez des problèmes avec Jocelyn soit, dit Claire, je n'étais pas là pendant tous ces mois, j'ignore donc l'état de vos relations et je m'en fous pour être honnête ! Relâchez au moins Franklin, il ne vous a rien fait. Moi non plus je ne vous ai rien fait ceci dit.

— Vous ne m'avez rien fait ?! S'écria l'agent. Savez-vous au moins à quel problème je fais face ?

— Vous n'aurez pas droit à une mutation et InGen va supprimer votre poste ? Devina la directrice déchue. Vous n'êtes pas le seul dans ce cas. J'ai même envie de dire : Bienvenue au club !

Tout en gardant son pistolet braqué sur Jocelyn, Benito saisit l'arrière du cou de Claire avec son autre main, l'arrêtant net.

— Gardez vos sarcasmes, Dearing ! La suppression de mon poste, et de celle de nombreux autres, est une conséquence de vos actions ! Si vous ne vous étiez pas comportée comme une impératrice mégalomane, la crise aurait été moins pire et nous aurions peut-être encore nos emplois !

— Et toc ! Marmonna Jocelyn.

— Ne faîtes pas la maline Jocelyn car vous aurez finit exactement pareil ! La reprit Benito.

Etant descendus d'un niveau, ils s'arrêtèrent sur le palier et tandis que Franklin ouvrait la porte sur ordre de Benito, Claire adressa un regard empli de reproche à Jocelyn.

Espèce de bouffonne, tu aurais pu en profiter pour lui donner un coup !

Ils passèrent la porte, débouchant dans un large couloir, et Benito la ferma derrière eux avant de la verrouiller.

— Mais au final, vous n'êtes que des marionnettes, déclara-il en les faisant avancer sur leur droite, en direction d'une porte à double battant à l'extrémité du couloir. Les vrais coupables sont plus hauts dans la hiérarchie. Toute cette folie doit cesser… Hammond et Masrani voulaient faire rêver les enfants avec leurs parcs ? De la poudre aux yeux ! Leurs parcs familiaux se sont construits avec la sueur et le sang d'ouvriers costaricains, qu'ils voyaient de la même manière que les pharaons d'Egypte voyaient ceux qui avaient construits leurs pyramides, comme de la main d'œuvre sacrifiable ! InGen a envoyé des hommes mourir par dizaines dans les guerres qu'elle a déclenchées, aussi bien celles contre des dinosaures que les autres contre des hommes !

Franklin ouvrit l'un des battants et le garde et ses otages passèrent dans l'entrepôt au-delà. La sortie étant proche, Benito ne prit même pas la peine de fermer derrière lui et ne prêta pas attention au bruit qu'il percevait, un bruit de pas, tout léger, comme si un petit animal marchait dans le couloir derrière eux.

A l'opposé, la lumière du jour pénétrait abondamment par la grande ouverture laissée par la porte relevée de l'entrepôt.

— InGen prétendait que ses travaux allaient bénéficier au monde ? Mensonges ! Continua l'agent. Elle est une usine à cauchemars où travaillent des marchands de la mort ! Non contents de vous prendre pour le Créateur en ressuscitant des animaux éteints, vous avez commencé à fabriquer des monstres de toutes pièces ! L'Indominus à Jurassic World ! Son probable successeur ici, à Burgo Nuevo, dans la maison abandonnée ! Et sans parler des saloperies crées à l'époque de Jurassic Park et repoussées dans les tréfonds d'Isla Nublar, où InGen croyait les avoir enfermés jusqu'à la fin des temps.

— Mais de quoi parlez-vous ? Lui demanda Franklin.

— Des pectinodons ! S'exclama Benito. Peut-être les connaissez-vous sous le nom de troodons ?

— Je croyais qu'ils n'étaient qu'une légende urbaine, inventée par d'anciens employés pour faire peur aux nouveaux, dit Claire.

— Je le croyais aussi ! Jusqu'à ce qu'à ce que les preuves de leur existence apparaisse devant mes yeux. Tandis que des innocents se promenaient des allées de Jurassic World, tandis que des enfants allaient dans les attractions, ces créatures recouvraient leurs forces dans les abysses, sous la cité des anciens rois et sa nécropole, attendant le jour où Dieu… ou plutôt le Diable allait leur permettre de retourner à la surface pour dévorer les survivants de l'éruption du Mont Sibo. Elles ont pris Filip et Kilian ! Elles ont dû pondre leurs œufs à l'intérieur de leurs corps encore chauds ! Adrian n'a pas mentit, il disait la vérité ! InGen l'a jeté à la porte et l'a fait passer pour un fou ! Ensuite, Torres a envoyé les mecs de Wheatley en capturer. Plusieurs y sont passés. C'est entre-autres pour ça que Wheatley ne peut pas le saquer.

— Mais si plusieurs de ces pectinodons ont été capturés, où ont-ils été envoyés si ce n'est pas ici ? Souleva Claire.

Tandis qu'ils avançaient entre les rangées d'étagères, ils perçurent un vrombissement, celui d'un hélicoptère. L'UCA était revenue.

— Je l'ignore, probablement là où le monstre né dans le garage a été également envoyé, répondit Benito avant de les enjoindre à avancer plus vite. Encore un complot !

Mais alors qu'ils étaient parvenus à mi-chemin entre la porte du couloir et l'entrée de l'entrepôt, ils entendirent des bruit de pas à l'extérieur, assez audibles et se succédant assez rapidement. Benito et ses otages se figèrent en les entendant car ce n'était pas ceux d'un humain mais ceux d'un être bien plus grand. Un dinosaure, fuyant probablement l'hélicoptère qu'ils entendaient aussi. Et le son ne semblait pas être celui d'un quadrupède…

— Bordel. C'est un carnotaure. C'est un carnotaure ! Gémit Franklin.

— Ta gueule ! Siffla Claire.

Trouvant la démarche de l'animal trop bruyante, elle ajouta :

— Ce n'est pas un carnotaure. Normalement…

Tournant vers l'entrée de l'entrepôt, l'animal apparut à leurs yeux et se révéla être non pas un carnotaure mais une créature qu'un individu moyen aurait décrite comme une oie géante bedonnante haute comme une girafe, et dotée de pieds larges mais non palmés, avec quatre orteils griffus.

— Vous voyez, ce n'est pas un carnotaure, fit remarquer Jocelyn à l'informaticien.

Malgré sa peur de l'hélicoptère, il était incapable de courir, ses pattes trapues l'en empêchant, et ne pouvait que trotter tout en se dandinant de manière assez comique, telle une oie. Mais la ressemblance avec les anatidés s'arrêtait là car la queue, touffue comme celle d'un Tamanoir, était plus longue que chez ces derniers et les plumes n'étaient qu'un duvet, brun sombre strié de chamois sur le dos et les bras, et de couleur crème sur le poitrail. Et c'était sans parler des grands bras et de leurs griffes en forme de faux. Un Therizinosaurus.

— Yuriko… Je ne sais pas si c'est mieux, dit Claire à voix basse.

Venant de franchir le seuil de l'entrepôt, la thérizinosaure continua encore un peu et ne s'arrêta que quelques mètres plus loin, regardant derrière elle pour s'assurer que l'hélicoptère ne l'avait pas repérée. En vérité, l'UCA savait qu'elle était à proximité du côté sud de l'Arche mais ni le pilote de l'hélicoptère, ni le tireur embarqué à bord de celui-ci ne l'avaient vue entrer dans l'entrepôt. De plus, les carnotaures et non elle étaient leur priorité.

L'étrange théropode balaya du regard son refuge de fortune, songeant probablement à s'y enfoncer davantage pour se cacher. Elle perçut un bruit, celui de la respiration des quatre humains, et tourna sa petite tête dans leur direction. Celle-ci, allongée et étroite, était terminée par un bec et sa peau était bleue, sauf au niveau du pourtour des yeux, qui était noire. Les yeux sombres de la thérizinosaure fixèrent le quatuor.

— Ce n'est pas cette grosse oie obèse qui va me faire peur, déclara Benito d'une voix un peu trop forte au goût de ses otages.

Yuriko ramena sa tête en arrière et Claire se rappela alors de ce qu'Horatio lui avait expliqué pendant la semaine, que cette manifestation traduisait un début d'agacement chez les thérizinosaures, et qu'il fallait se montrer très prudent, celle-ci pouvant être le signe avant-coureur d'une attaque. Elle la vit renifler. Elle devait sentir leur peur et leur énervement, que nombre de dinosaures et d'autres animaux interprétaient comme un signe d'agression. Elle fit signe à Franklin et Jocelyn de commencer à reculer tout doucement.

— Ça se voit que vous ne vous êtes jamais fait poursuivre par une oie en colère…, rétorqua la directrice du Site D au garde félon, se rappelant d'une mésaventure qu'elle avait vécue lorsqu'elle était enfant.

Benito n'ayant toujours pas bougé, Yuriko écarta les bras et Claire ajouta :

— Surtout que celle-ci a les griffes de Freddy Kruger…

Elle frémit à la vue des griffes aussi longues que des lames de katana. En imaginant ce qu'elles pouvaient infliger à un corps humain, la directrice déchue sentit son rythme cardiaque s'accélérer et une étrange sensation, comparable à un picotement, commença à s'emparer peu après de sa poitrine et de la moitié balafrée de son visage. Yuriko avait beau n'avoir aucun lien avec l'Indominus, ses griffes suffisaient pour renvoyer Claire aux dernières heures de la Chute de Jurassic World, lorsque le Fléau de Masrani l'avait mutilée.

Son mécontentement croissant, la thérizinosaure tendit en avant son cou beige rayé de noir, barré de cicatrices. Sous celui-ci, une caroncule rose pendait mais contrairement à celle des mâles ayant vécu à Jurassic World, elle n'était pas très développée et se résumait presque à un petit pli flasque de peau. Le long de l'échine, une colonne de protoplumes longues comme un avant-bras humain s'hérissa, formant comme une sorte d'épaisse crinière rappelant celle de la Hyène rayée. Si ils ne s'éloignaient pas d'ici peu ou la provoquaient de quelque manière que ce soit, elle allait attaquer.

— Benito ! Eloignez-vous bon sang espèce de crétin ! Siffla sa patronne. Vous allez finir en salami si vous restez-là !

Tout en gardant son cou tendu, Yuriko bougea la tête de haut en bas et en parallèle, elle ouvrit la bouche pour laisser échapper un sifflement. Son attaque était imminente.

Benito se décida enfin à copier l'attitude de ses otages. Tout en ne quittant pas le dinosaure des yeux, il recula d'un pas, puis d'un autre mais soudain, il entendit une succession de tips tips et un bruit de frottis dans les étagères sur sa gauche.

Il hasarda un regard vers l'origine du bruit, quelque part dans l'étagère au niveau de sa tête. Il balaya les cartons et les caisses du regard mais ne vit rien dans un premier temps, mais alors qu'il allait ramener son regard sur l'herbivore géant qui leur faisait face, Benito remarqua la présence de quelque chose d'étrange entre deux cartons : Une tête, immobile et orientée dans sa direction. La dite tête n'était pas très grande, faisant à peu près la taille d'une balle de tennis, et pendant un court instant, le garde crut que c'était celle d'un jouet que quelqu'un avait sorti d'un des cartons et laissé là ou même celle d'un des animaux empaillés gardés dans l'entrepôt, la texture lui semblant trop détaillée pour être celle d'un jouet. Alors que son regard s'attardait, Benito écarquilla les yeux de surprise en voyant la tête bouger légèrement mais avant qu'il ne puisse la regarder attentivement, le petit être recula un peu dans l'ombre, ne laissant que la partie antérieure de sa tête en dehors.

Tout ce que Benito pouvait voir était un bec court ainsi qu'une mâchoire inférieure robuste pourvue d'une paire de dents semblables à des canines, dépassant de la gueule mi-close de l'animal.

Oh, il est là le chupacabra !

Benito décida alors de ramener le regard devant lui, vers la thérizinosaure qui avait avancé d'un pas ou deux depuis qu'il s'était arrêté et le fixait. Le garde blêmit et pensa qu'il ferait bien d'aller rejoindre les autres et de laisser tranquille le diablotin des étagères. Les autres se débrouilleront avec lui. Ce n'était plus son affaire.

Mais soudain, le dit diablotin s'élança en avant, ayant sentit la peur que le géant brun l'ayant repéré ressentait à l'égard du Kaiju qu'était Yuriko pour lui. Surpris, Benito eut à peine le temps de faire un pas en arrière et de laisser échapper un juron de façon bien audible que l'animal bondit de l'étagère, fondant droit vers son visage le bec grand ouvert.

— Benito ! Cria Jocelyn.

Impuissants, les deux femmes et Franklin regardèrent Benito subir l'attaque de la créature agrippée à lui et Yuriko s'énerver au-delà d'eux. De la taille d'un singe hurleur, l'attaquant était un petit dinosaure bipède au corps gris clair moucheté de noir dont le dessus était recouvert de longues structures semblables aux épines d'un porc-épic, à l'extrémité jaunâtre et sur lesquelles s'alternaient des bandes noires et blanches. La tête horrible qui essayait de mordre Benito évoquait celle d'un perroquet qui aurait évolué dans un environnement aussi inhospitalier et cauchemardesque que l'Ile du Crâne du remake de King Kong par Peter Jackson ou le Mordor. C'était le Pegomastax s'étant enfui, celui que certains avaient cru bon de nommer Caerbannog, en référence au terrible lapin mangeur d'hommes de Monty Python : Sacré Graal. En tant que membre de la famille des hétérodontosaures, le Pegomastax ne consommait que des végétaux, des petits animaux et parfois des charognes, mais son sale caractère et le fait qu'il n'hésitait pas à s'attaquer à plus gros que soi pour des raisons parfois triviales lui avait donné une sale réputation au sein des employés d'InGen et pour les soigneurs, s'occuper d'un Pegomastax revenait à s'occuper d'un hybride entre un singe sournois, un perroquet mal-luné, et un porc-épic vindicatif.

— Arrière, créature du démon ! Hurla Benito à l'encontre de son petit adversaire, tout en tentant de l'éloigner de son visage avant qu'il ne le morde.

La thérizinosaure en eut assez. Elle cacarda et s'avança vers le garde et le Pegomastax en plein combat.

— Benito ! Cria à nouveau Jocelyn.

Mais l'attention de ce dernier était totalement centrée sur son petit adversaire. Celui-ci venait de lui mordre un doigt, arrachant au garde un cri de douleur, et sa queue se mit à lui fouetter l'abdomen, y laissant même quelques piquants. Tel David face à Goliath, le Pegomastax était en train de remporter le combat et Benito mit un genoux à terre, gémissant alors qu'il éloignait le petit omnivore. Ainsi, il ne remarqua pas que Yuriko était parvenue à leur niveau et avait levé un de ses bras. Sous les yeux impuissants de Claire, Jocelyn et Franklin, la thérizinosaure frappa le garde avec ses griffes et celles-ci passèrent à travers son corps aussi aisément que des lames d'épée. Benito fut tué sur le coup et son corps déchiré s'effondra sur le béton, soulevant un hurlement de terreur de la part de Jocelyn et Franklin. Caerbannog, que les griffes du plus grand dinosaure avaient laissés indemnes comme par miracle, retomba sur ses pattes aussi lestement qu'un chat et détala aussitôt en direction d'une des étagères tout en produisant une succession de sons secs et rocailleux évoquant un ricanement aux oreilles humaines.

— Courez ! Cria Jocelyn.

Elle et Franklin prirent leurs jambes à leur cou et l'ayant entendue, la thérizinosaure gronda et s'avança dans leur direction. Mais Claire resta figée. Elle voulait s'enfuir elle-aussi mais à son grand désarroi, son corps ne voulait pas bouger, comme si ses pieds avaient été cloués sur le sol, et ses yeux ne pouvaient se détourner des gouttes du sang qui coulaient le long des griffes de l'animal et du corps mutilé de Benito. Elle se frappa la cuisse avec son poing. Rien ne changea.

Mais bordel, bouge-là espèce de grosse conne ! S'injuria-elle intérieurement alors qu'elle hyperventilait.

Impuissante, elle vit la thérizinosaure réduire la distance entre elles. Chacun de ses pas lourds sur le béton sonnait dans sa tête comme des coups des marteaux. De sombres pensées lui traversèrent l'esprit à la vitesse de l'éclair.

Je ne peux pas crever de manière si idiote ! Odin me jettera hors du Valhalla ! Je ne peux laisser un veuf et un orphelin derrière moi !

Quelque chose saisit soudain le bras de Claire.

— Claire !

Comme libérée de l'emprise d'un maléfice, Claire reprit le contrôle de son corps et faisant aussitôt volte-face pour fuir alors que la thérizinosaure avait déjà levé son bras, la directrice déchue remarqua que c'était Jocelyn qui avait fait demi-tour pour l'aider. Les griffes fendirent l'air à juste quelques centimètres du dos de Claire et s'élançant à toute vitesse, les deux femmes laissèrent assez rapidement de la distance entre elles et Yuriko qui cacarda de frustration.

A l'autre bout de l'allée, Franklin s'était arrêté pour les attendre.

— Franklin ! Dans le couloir ! Lui cria Jocelyn.

Mais au moment où il s'élança vers l'ouverture laissée par le battant ouvert, empruntée plus tôt par Caerbannog alors qu'ils avaient le dos tourné, l'autre battant fut poussé de l'intérieur et surpris, Franklin s'arrêta net dans sa course avant de frémir de terreur en voyant ce qui avait poussé le battant.

Astérion, le carnotaure noir à la corne brisée, pénétra dans l'entrepôt et huma l'air avec attention, captant et différenciant les odeurs de quatre humains, un Therizinosaurus et un Pegomastax. Se tournant vers l'odeur des humains, son regard croisa celui de Franklin.

— Oh merde…, jura ce dernier avant de s'élancer vers l'étagère la plus proche et d'en commencer l'escalade.

Le carnotaure le prit en chasse et pris entre lui et la thérizinosaure, le trio n'avait pas le choix : Ils devaient monter ou c'était la mort assurée. Mais talonnées par l'herbivore aux grandes griffes, Claire et Jocelyn ne pouvaient rester dans cette allée et repérant des trous ou des objets semblant faciles à bouger en bas des étagères de part et d'autre, chacune partit d'un côté, la directrice du Site D sur leur gauche et celle déchue de Jurassic World sur leur droite. Elles se jetèrent sous les étagères pour échapper à Yuriko et rampèrent vers l'autre côté.

Alors en train de se diriger vers Franklin qui était déjà parvenu à mi-hauteur de l'étagère, la peur lui donnant des ailes ou presque, Astérion s'était arrêté en ayant vu les deux femmes se séparer et ne sut qui semblait être la proie la plus facile. Mais la dispersion du trio ne fut pas le seul problème auquel il fut confronté car à seulement un jet de pierre de lui, Yuriko se dressait et déjà bien irritée, elle s'énerva encore plus en voyant que le carnotaure s'était approché.

Elle cacarda et tout en s'avançant de quelque pas, elle commença à fendre l'air devant elle avec ses griffes, dissuadant le prédateur d'approcher. Celui-ci gronda et regarda Franklin, qui continuait de grimper et menaçait de lui échapper si il ne se précipitait pas immédiatement sur lui. Mais la thérizinosaure se moquait de ses intentions et accélérant, elle se précipita vers lui et leva sa main pour se préparer à frapper l'autre dinosaure. Lorsqu'elle passa près de lui, Franklin s'aplatit contre l'étagère et pria pour qu'elle l'ignore. Face à cette démonstration, Astérion recula aussitôt et quitta l'allée, laissant Yuriko se positionner à son entrée. Ayant atteint le haut de l'étagère, l'informaticien était à présent hors de la portée du carnotaure mais il restait à ce dernier deux autres proies potentielles.

Contournant l'étagère sur sa droite, il s'engagea dans l'allée suivante et plus loin, il vit Jocelyn en pleine ascension de l'étagère. Ayant déjà gravit trois mètres, il ne lui restait plus qu'un et demi ou deux avant d'atteindre le sommet. Entendant le carnotaure gronder d'excitation à sa vue, Jocelyn tourna la tête, le vit et poussa un petit cri de terreur. Il s'élança en avant et ouvrit les mâchoires pour le saisir. Celles-ci se refermèrent dans un claquement sec à seulement quelques centimètres des pieds de Jocelyn. Dans l'instant qui suivit, la directrice du Site D se hissa sur la dernière étagère, où elle rejoignit l'informaticien du GPD. Les deux ayant réussi à lui échapper, Astérion grogna de frustration.

De son côté, Claire avait aussi atteint le haut de son étagère et venait de s'y mettre debout. Dans l'allée, Yuriko avait commencé à faire demi-tour et elle passa devant la directrice déchue, retournant vers l'entrée de l'entrepôt. Claire vit alors Jocelyn et Franklin se diriger vers l'extrémité opposée de leur étagère, celle la plus proche de la grande portée d'entrée de l'entrepôt. Le jeune homme se retourna.

— Claire ! L'appela-il.

Sur l'instant, elle pensa qu'il serait judicieux qu'elle les rejoigne et regarda alors le haut de sa ligne d'étagères. N'y voyant aucun objet susceptible de gêner sa course, elle s'élança, courant pour gagner de l'élan, ce qui ne manqua pas d'attirer l'attention de Yuriko qui tourna la tête vers elle, suivant un instinct qui lui disait de se méfier de tout animal agile la surplombant. Lorsque Claire bondit d'une étagère à l'autre à seulement quelques mètres de sa tête, la thérizinosaure arqua le cou en arrière sous l'effet de la surprise puis gronda tout en regardant la directrice déchue se réceptionner sur l'autre étagère. Soudain, alors que Franklin l'aidait à monter, Yuriko se dirigea vers eux, sifflant dans son avance.

— Attention ! Cria l'informaticien.

Venant de poser les genoux sur le haut de l'étagère, Claire regarda par-dessus son épaule et se retourna aussitôt pour éviter d'être mordue au flanc par la thérizinosaure. Tandis que cette dernière claquait du bec, Claire recula sur ses coudes tandis que Franklin tentait vainement d'attirer l'attention de l'herbivore avec des cris. Dans l'allée en contrebas de son dos, Astérion s'était assis et observait la scène avec un certain intérêt, espérant qu'un des humains tombe. Pour parer une autre de ses attaques, Claire donna un coup de pied sur le museau du thérizinosaure. Mais celle-ci, arrivant au paroxysme de son irritation, siffla fort à l'encontre de la directrice déchue, qui se figea d'effroi. Yuriko s'appuya aussi avec ses mains contre l'étagère de tout son poids et se faisant, elle la déstabilisa et Claire rampa en arrière, de peur de glisser tout comme certains objets. Lorsque certains d'entre-eux tombèrent sur le crâne et le dos du carnotaure, il se mit à grogner, secoua le haut de son corps puis releva les yeux, regardant l'étagère s'incliner sous l'action de la thérizinosaure. Prudent, il s'éloigna de quelques mètres avant de reprendre son observation.

Ayant constaté que Claire n'avait riposté que pour se défendre, Yuriko ramena enfin sa tête en arrière et s'éloigna de l'étagère, qui se remit droite. Ensuite, la thérizinosaure se dirigea vers le fond de l'entrepôt pour s'éloigner d'Astérion dont elle ne tolérait pas la présence. La directrice déchue alla retrouver Franklin et Jocelyn à l'extrémité de l'étagère.

— Que fait-on maintenant ? Demanda le jeune homme en regardant l'entrée de l'entrepôt à une douzaine de mètres de leur position.

— On prend notre mal en patience en attendant l'UCA, répondit Claire. Je ne pense pas qu'elle reviendra vers nous. Elle croit nous avoir intimidés, ajouta-elle en regardant la thérizinosaure disparaître dans l'allée entre le mur du fond et l'extrémité opposée des étagères.

— Lui pourrait être un problème en revanche, souleva Jocelyn en regardant le carnotaure qui s'attardait près de leur étagère.

La directrice du Site D ne put s'empêcher de penser qu'ils étaient pareils à des naufragés coincés sur un radeau autour duquel un requin nageait. C'est alors qu'Astérion remarqua la présence du corps mutilé du garde. Il alla dans l'allée où il était tombé, s'en approcha et se pencha au-dessus pour le regarder de plus près. A quelques mètres du tué, Jocelyn vit le pistolet de Benito, qu'il avait lâché lorsque le Pegomastax s'était jeté sur lui. Elle regarda les mâchoires du prédateur effleurer le corps.

Mange-le. Je t'en prie, mange-le. Ta faim sera peut-être rassasiée, tu ne t'intéresseras plus à nous et tu t'en iras. On devrait pouvoir échapper à la thérizinosaure. Elle est bien plus lente que toi, espéra la directrice du Site D.

Mais le carnotaure remarqua que Benito avait des piquants fichés dans son abdomen. Des piquants de Pegomastax. Il releva la tête et se désintéressa du corps, ce qui surprit Franklin.

— Pourquoi il ne le mange pas ? Demanda-il.

— A cause de la toxine dans les piquants, se rappela Jocelyn avec un soupir. Elle n'est pas suffisante pour l'empoisonner mais elle donnerait à la chair un mauvais goût. Je suppose qu'il a par le passé mangé quelque chose piqué par un Pegomastax et que l'expérience lui a été désagréable.

Claire regarda la directrice du Site D avec surprise.

— Comment vous savez ça ?

— Il m'arrive d'écouter mes subordonnés.

— Ou peut-être qu'il n'as pas faim et qu'il a juste envie de jouer…, supposa Claire tandis qu'Astérion s'était remis à les regarder.

Franklin en eut soudain assez de ne rien faire et se tourna vers l'entrée de l'entrepôt. Il s'approcha du bord de l'étagère et cria de toutes ses forces :

— Ohé ! Il y a quelqu'un ?! On est pris au piège ! Qu'on vienne nous aider !

Mais Yuriko, qui venait de réapparaître près du coin de l'entrepôt où étaient garés plusieurs chariots-élévateurs se tourna vers eux, cacarda et fit deux pas dans leur direction tout en écartant les bras.

— Silence ! Le reprit Claire, ayant noté que les cris énervaient la thérizinosaure.

Franklin accepta de se taire et la thérizinosaure vint se positionner près des chariots élévateurs, les surveillant eux et le carnotaure qui faisait des va et vient autour de leur étagère. C'est alors que le carnivore s'appuya de tout son long contre l'étagère tout en grognant. Ensuite, il recula de quelques mètres puis, ayant pris suffisamment d'élan, chargea l'étagère et à son sommet, le trio chancela. Ils réalisèrent qu'il cherchait à la déstabiliser pour les faire tomber et ils surent qu'ils devaient trouver une issue ou un abri. Ils balayèrent l'entrepôt du regard.

Le regard de Claire fut d'abord attiré par le bureau de l'entrepôt à droite de la porte mais ignorant si sa porte était verrouillée ou non, elle chassa de sa tête l'idée d'aller le rejoindre, sans parler du problème posé par Astérion. Non seulement il les rattraperait sans effort dès qu'ils descendraient mais si jamais ils parvenaient à entrer dans le bureau, rien ne l'empêcherait de détruire sa vitre, de passer l'avant de son corps à l'intérieur et de les atteindre. Elle se retourna vers ses deux compagnons et secoua la tête. Pivotant, ils se tournèrent alors vers l'entrée du couloir d'où ils étaient venus mais pensèrent que si Astérion était arrivé de là, rien ne les empêchait de tomber sur Ariane ou Toro dans le dédale de couloirs. Ils devaient trouver un lieu où un carnotaure serait incapable de les suivre. Se rappelant des plans de l'Arche, Jocelyn partit vers l'extrémité opposée et ses deux compagnons la suivirent tandis qu'Astérion donnait des coups dans les étagères par intermittence. Lorsqu'ils furent près du bout, Jocelyn tourna la tête vers la gauche et vit une porte dans le coin nord-ouest de l'entrepôt, près du couloir où se trouvait le styracosaure empaillé. Si elle se souvenait bien, la porte menait à au garage de l'UCA et de là, ils pourraient peut-être remonter jusqu'aux bureaux. La porte étant de dimensions normales, elle sut qu'un carnotaure n'allait pouvoir la franchir et espéra juste qu'elle ne soit pas verrouillée.

Le trio s'entretint au sujet de la marche à suivre. Ils allaient sauter d'une étagère à l'autre jusqu'à être au plus près de la porte, descendraient, y fonceraient et prieraient pour que tout se passe sans anicroche. Cependant, le fait que le carnotaure allait les suivre leur vint rapidement à l'esprit et ils réalisèrent qu'au moins l'un d'eux devait rester en arrière pour distraire le prédateur suffisamment longtemps.

— Je m'en charge, se proposa Claire, non par sens du sacrifice mais car elle savait qu'elle était celle au sein du trio ayant le plus de chances d'accomplir cette tâche avec succès.

Laissant Jocelyn et Franklin à cette extrémité de la ligne d'étagères, Claire commença à trotter vers l'extrémité sud, poussant divers bruits pour attirer l'attention du carnotaure.

— Astérion… Mon gros carnotaure d'amour, viens donc par ici…

Etant presque retournée à l'extrémité sud, elle s'accrocha alors au rebord de l'étagère, du côté de l'allée où se trouvait Benito, et étira un bras, puis une jambe dans le vide.

— Regarde, je vais m'offrir à toi en sacrifice…, dit-elle au prédateur tandis que Franklin se préparait à sauter à l'autre extrémité de la ligne. Avec de la sauce Béchamel, je suis sûre que je suis délicieuse.

Se dressant presque à la verticale, il s'étira vers le haut et chercha à l'atteindre. Se tenant toujours près des chariots élévateurs, Yuriko observa cette étrange scène avec curiosité. C'est alors que la directrice déchue et le carnotaure entendirent tous deux un choc, un cri puis un bruit de chute. Intrigué, Astérion commença à se détourner de Claire, qui craignait le pire.

— Hé ! Hé ! C'est moi que tu veux ! L'interpella-elle en agitant sa jambe avec plus d'énergie.

Mais il se moquait d'elle et alors qu'il contournait l'extrémité, elle remonta sur l'étagère. Lorsqu'il dépassa cette dernière, il vit Franklin à l'autre bout de l'allée, se relevant péniblement après avoir loupé son saut. Le carnotaure regarda Claire, grogna, puis se rua vers l'informaticien. La directrice déchue étouffa un juron et essaya de suivre Astérion, lui criant dessus pour essayer d'avoir son attention.

— Courez ! Cria Jocelyn à Franklin du haut de l'étagère.

Le jeune homme se mit à courir vers la porte à l'angle nord-ouest. Quelques secondes plus tard, le carnotaure atteignit le lieu où il avait chuté et parvenant à l'intersection de l'allée et du couloir le long du mur nord de l'entrepôt, il tourna mais son espèce ayant des difficultés à négocier les virages serrés, il fit un écart sur sa droite et heurta le mur, ce qui le retarda et permit à Franklin de gagner quelques secondes. Accélérant sur les derniers mètres, l'informaticien se rua sur la porte menant au garage de l'UCA mais en appuyant sur la poignée, il réalisa avec horreur que la porte était verrouillée et que tout leur plan avait été pour des prunes. Il se retourna et vit Astérion laisser échapper un petit rugissement alors qu'il fonçait vers lui. Franklin laissa échapper un juron mais au dernier moment, il fit un brusque écart, s'élançant dans le couloir sur sa droite et en pleine charge, le carnotaure ne put ralentir à temps et percuta le mur.

Il grogna de mécontentement et secoua la tête avant de tourner pour suivre sa proie mais lorsqu'il eut en visuel le couloir dans laquelle celle-ci était, il grogna à nouveau, faisant face à une mauvaise surprise. Au milieu du couloir, un styracosaure se dressait, lui barrant la route. Astérion rugit mais le cératopsien n'émit aucune réaction et ne bougea même pas. S'il n'allait pas bouger, le carnotaure allait le faire bouger. Le jeune homme passant en vitesse à côté de l'herbivore comme si il ne le considérait pas comme une menace et menaçant de lui échapper, Astérion chargea et s'attendant à ce que le styracosaure cherche à lui enfoncer sa longue corne nasale dans sa gorge, son poitrail ou son abdomen, le carnotaure fit un écart sur le côté lorsqu'il parvint à son niveau puis attaqua de flanc, ouvrant grand les mâchoires pour saisir le dos de l'herbivore. Ses dents perforèrent la peau, s'enfoncèrent dans le corps et d'un geste puissant, le prédateur arracha un pan du dos du styracosaure. Mais rapidement, tandis que Franklin rampait entre deux caisses à quelques mètres de là, il réalisa que quelque chose était anormal. Il ne sentait pas le sang couler dans sa bouche, le morceau n'avait pas le moindre goût de chair mais un bien désagréable, artificiel. Le styracosaure était un faux. Astérion recracha le morceau arraché et énervé, il chargea l'étagère sous laquelle Franklin avait disparu quelques instants plus tôt.

L'étagère étant plus petite et de constitution plus frêle que les autres, elle plia sous l'assaut du carnotaure et Claire, qui se tenait dans l'allée le long du bord nord de la salle, vit des caisses et des cartons tomber droit sur l'informaticien du GPD, qui venait d'atteindre l'autre côté de l'étagère. Il leva les bras par-dessus sa tête pour se protéger mais il disparut sous la cascade de cartons et Claire le vit tomber en arrière.

— Franklin ! Cria-elle, impuissante.

Dans la seconde qui suivit, il fut ensevelit sous une partie du contenu de l'étagère et dans un lourd fracas, celle-ci bascula et vint s'appuyer contre celle en face, bien plus solide, formant ensemble une sorte de tunnel triangulaire. De l'autre côté de celui-ci, Astérion s'était approché, sachant que Franklin était sous l'étagère effondrée. Le carnotaure abaissa l'avant de son corps pour pénétrer dans le « tunnel ».

— On ne peut rien faire pour lui. Dans le couloir ! C'est notre chance ! Cria Jocelyn à la directrice déchue.

Suivant sa voix, elle vit que la directrice du Site D se tenait près de l'entrée du couloir. A contrecœur, elle décida d'aller la rejoindre.

Sous l'étagère, Astérion repéra Franklin, étendu et inconscient au milieu de jouets estampillés Jurassic World et autres produits dérivés se déversant des cartons éventrés. Il tenta de se rapprocher de lui mais l'étagère était trop basse. Il s'accroupit encore plus et pu avancer, faisant presque glisser son ventre sur le sol. Ses mâchoires se retrouvèrent à moins d'un mètre de l'informaticien… C'est alors qu'il entendit de légers bruits de pas sur sa droite.

Peu après, l'entrepôt résonna de couinements, ceux du carnotaure et ils étaient semblables à ceux d'un chien venant de se faire piquer par un insecte. Intriguée, Yuriko se tourna vers l'allée dans laquelle le prédateur s'était engagé et le vit en ressortir, avançant avec l'avant du corps courbé tout en secouant la tête. La thérizinosaure remarqua que des piquants de Pegomastax étaient fichés sur son museau. Subissant déconvenue sur déconvenue, le prédateur était irrité et frustré, et constatant que la thérizinosaure le regardant, il releva la tête pour lui adresser un rugissement plein d'agressivité. Yuriko, croyant qu'il allait attaquer, se prépara, déployant ses bras et ses griffes, arquant la tête vers le bas tout en sifflant… Venant se positionner entre elle et l'allée où gisait Benito, Astérion regarda les griffes de la thérizinosaure et recula. Puis, entendant les foulées de Claire et de Jocelyn, il se retourna, les observa un court instant puis ramena son regard sur son adversaire, penchant la tête légèrement sur le côté, avant de faire volte-face. Entre deux humaines sans défense et une thérizinosaure adulte de cinq tonnes et ses griffes mortelles, il avait fait son choix. Il était conscient que s'attaquer à Yuriko n'aurait été que pure sottise.

Son adversaire venant de se dégonfler, la thérizinosaure baissa les bras et émit un grondement tout en regardant le carnotaure enjamber le corps de Benito pour s'élancer vers le couloir. Yuriko n'en avait cure mais entre l'irruption du carnotaure et la fuite des deux femmes, le pistolet du garde avait disparu.