Notes
Suggestions musicales :
Embuscade des assassins :
- Flies and Spiders - Howard Shore, The Hobbit: The Desolation of Smaug (De 02:05 à 04:29).
- The Games and Escape - James Horner, Apocalypto.
- Lost in Emyn Muil - Howard Shore, The Lord of the Rings: The Two Towers (à partir de 02:51).
- The Departure of Boromir - Howard Shore, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring (De 02:01 à 02:46)
Discussion du couple post-combat et arrivée du second groupe de gangsters :
- Shelob the Great - Howard Shore, The Lord of the Rings: The Return of the King (à partir de 03:35).
Le couple devine le plan de Rankin :
- Godfrey - Marc Streitenfeld, Robin Hood (de 02:00 à 02:29).
Le trio décide d'empêcher le crash du train :
- Rom's Plan - Rupert Gregson-Williams, The Legend of Tarzan.
-o-
A près de cinq cent mètres de la porte ouest du Site D, Claire et Franklin parvinrent à une intersection, où ils tournèrent à gauche, empruntant une route qui descendait en sinuant sur un peu plus de deux kilomètres. Alors qu'elle les emmenait dans la direction de la voie ferrée, le jeune homme se retourna et remarqua qu'aucun véhicule ne les suivait.
— On n'a personne aux fesses pour le moment, informa-il Claire.
Elle acquiesça et demanda à Franklin d'appeler Owen pour le prévenir qu'ils venaient le chercher et l'informer de la tournure des derniers événements. Lorsqu'ils furent à relative proximité du rail, ils rencontrèrent une intersection où ils tournèrent à gauche, et deux à trois minutes plus tard, ils atteignirent la suivante et prirent à droite, prenant la direction du village de Zapotal qu'ils traversèrent. Peu après, ils trouvèrent Owen et Stan le mercenaire sur le bord de la route.
— Tu n'as pas idée à quel point je suis contente de te voir, dit Claire à son concubin, soulagée de voir qu'il était indemne.
Les deux hommes montèrent à bord du véhicule, celui-ci fit demi-tour et commença à refaire le trajet en sens inverse. Derrière eux, une jeep s'engagea sur la route pour le suivre, quittant un chemin de terre à moitié caché par une ligne d'arbres. Sur sa carrosserie, elle arborait un logo représentant un tatou aux bandes multicolores.
Alors que le couple, Franklin et Stan roulaient vers le nord, longeant la voie ferrée de manière plus ou moins parallèle, la jeep les dépassa, accéléra et disparut plus loin. Lorsqu'ils parvinrent à la deuxième intersection empruntée à l'allée par la directrice déchue et l'informaticien, Claire tourna à gauche et non à droite, continuant vers le nord ou au lieu de remonter la pente à l'est pour rejoindre le Site D. Cela ne manqua pas d'interroger Stan, qui avait pris soin de prendre des repères géographiques lorsque lui et ses collègues ainsi qu'Austin et Zia avaient rejoint par la route le site de l'attaque de Blue.
— Dîtes, on ne retourne pas au Site D là, fit-il remarquer à Claire.
— Je sais. On va en ville, répondit-elle franchement.
Peu de mots ayant été prononcés depuis qu'ils avaient été récupérés, une expression de surprise apparut sur le visage du mercenaire. Il prit son téléphone.
— Je dois contacter Wheatley. Je ne sais pas si je peux vous laisser faire ça. Vous savez ce que c'est. Les ordres sont les ordres…
Claire et Owen se regardèrent, se demandant s'il n'aurait pas été mieux qu'il lui fausse compagnie et l'abandonnent en pleine campagne. Et dans sa précipitation, le soigneur s'était assis au siège passager avant alors qu'il aurait peut-être fallu qu'il prenne place à côté de Stan, afin de pouvoir le maîtriser si besoin. Franklin, quant à lui, regardait le pistolet à la ceinture du mercenaire et le fusil qu'il tenait entre ses jambes. De part et d'autre de la route, une jungle épaisse les entourait et sur leur droite, le terrain formait une forte inclinaison. Sur leur gauche, au niveau d'une sortie, ils pouvaient deviner la présence d'un autre véhicule derrière les fourrés.
— Oui, c'est moi, dit le mercenaire à son chef. On vient d'être récupérés par Dearing. Ils comptent…
Le téléphone échappa des mains de Stan lorsqu'un violent choc les fit basculer tous les quatre vers la droite. Les ceintures d'Owen et Franklin les empêchèrent de justesse de se cogner contre leurs portières.
— Oh, c'était quoi ça ?! S'écria le soigneur, fort surpris.
Lorsqu'ils se redressèrent, ils virent que la jeep au tatou arc-en-ciel venait de les percuter latéralement avec force et les poussait dans le talus avec son pare-buffles. Le regard des deux jeunes hommes qui l'occupaient était empreint de tout sauf de culpabilité.
Claire redémarra le moteur et essaya de repartir pour fuir ce traquenard mais ils furent chassés de la route et commencèrent à glisser le long de la pente avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit.
— Accrochez-vous ! Hurla Owen.
Lui, Franklin et Stan s'agrippèrent tandis que Claire tentait de faire le tout pour le tout pour freiner leur chute et éviter les plus gros arbres et rochers sur leur chemin. Mais malgré tous ses efforts, ils descendirent beaucoup trop vite à travers le sous-bois, déchirant des lianes et fracassant bien des buissons et arbustes sur leur passage, rompant le silence qui régnait encore quelques secondes plus tôt dans la jungle. Perdant l'équilibre après avoir roulé sur un affleurement, la voiture se mit à faire des tonneaux à travers le sous-bois. Alors que Franklin poussait un hurlement de panique, Claire ferma les yeux et essaya de protéger son crâne avec ses mains mais elle perdit connaissance lorsque son front heurta violemment le volant.
A plus de deux cent mètres de la route, la voiture cessa enfin de faire des tonneaux lorsqu'elle parvint sur un terrain plus ou moins plat mais elle se retrouva sur le toit, avec ses quatre passagers suspendus têtes en bas. Encore conscients, Owen, Franklin et Stan défièrent leurs ceintures et se laissèrent tomber. Encore paniqué, l'informaticien se jeta sur sa portière et, à son grand soulagement, réussit à l'ouvrir et à sortir. Ne parvenant pas à ouvrir la sienne, Stan le suivit hors du véhicule. Au même moment, Claire reprenait lentement connaissance. Owen, qui venait d'enfoncer sa portière, la secoua.
— Claire !
Elle geignit mais peina à garder les yeux ouverts bien longtemps. Il la secoua avec encore plus de vivacité.
— Claire ! Il ne faut pas rester là !
Elle garda enfin les yeux ouverts et réalisant la précarité de leur situation, elle déboucla sa ceinture immédiatement et se laissa tomber dans les bras tendus de son concubin. Il l'aida ensuite à sortir de la voiture et une fois qu'ils furent dehors, ils virent Franklin raide comme un piquet à quelques mètres. Devant la voiture, Stan avait dégainé son pistolet et surveillait la pente. Il y avait une odeur d'essence dans l'air. Faiblement, ils entendirent des voix masculines débattre en espagnol.
— Montrez-vous, lâches ! Hurla Stan.
Mais soudain, le couple et Franklin, qui s'étaient éloignés à distance respectable de la voiture accidentée, virent un objet être catapulté de derrière un buisson sur leur droite. Lorsqu'il vit que l'objet était une bouteille de laquelle sortait un morceau de tissu enflammé, ils écarquillèrent les yeux d'horreur.
— Stan ! Cria Owen.
Mais c'était trop tard. Avant que Stan ne puisse s'éloigner, le cocktail Molotov alla s'éclater contre la voiture, juste à côté du réservoir fuyant. L'instant d'après, elle explosa dans une grande gerbe de flammes parmi lesquelles le mercenaire disparut avec un cri.
Terrorisé, Franklin prit aussitôt ses jambes à son cou en poussant un cri et ne pouvant plus rien faire pour Stan, le couple fuit aussi peu après. Ils essayèrent de suivre Franklin mais ce dernier courrait alors si vite qu'ils le perdirent tandis qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans la jungle. Ne voulant pas perdre sa concubine de vue, Owen la laisser passer devant lui. Ils espérèrent semer leurs mystérieux attaquants mais lorsqu'ils entendirent un bruit de course sur les feuilles mortes et les brindilles, le couple sut que ceux-ci n'abandonneraient pas aisément. Alors qu'ils avaient laissés une petite centaine de mètres entre eux et le véhicule, l'un d'eux surgit d'un fourré pour se jeter sur Owen, le plaquant au sol.
Alertée par les grognements de son concubin, Claire se retourna et vit qu'un vingtenaire costaud aux cheveux coupés très courts était sur lui, essayant de passer une chaîne autour de sou cou pour l'étrangler. Attrapant une épaisse branche, la directrice déchue se précipita vers eux pour aider le soigneur à vaincre le malfrat mais soudain, le comparse de ce dernier bondit en travers de sa route, machette en main. C'était un jeune homme du même âge que le premier mais bien plus maigre et svelte, avec des cheveux mi-longs et un visage étroit sur lequel s'était dessiné un sourire pervers. Le Jesse appelé par Torres était celui-là tandis que Mateo était celui aux prises avec Owen. Sur leur épaule, tous deux arboraient un tatouage représentant un crotale. L'assassin maigre se précipita sur Claire, qui para le premier coup de machette avec sa branche, avant de la lever à nouveau pour parer l'attaque suivante, l'utilisant comme une épée.
Avec une roulade latérale, Owen parvint à faire perdre l'équilibre à Mateo, lui donna un coup de coude au visage, s'empara de sa chaîne et la jeta plus loin où elle alla glisser au milieu d'un buisson, privant l'assassin de son arme. Mateo étant encore un peu sonné, Owen en profita pour se relever et il voulut aller attaquer Jesse par derrière mais Mateo attrapa sa jambe, le faisant trébucher avant de se rapprocher de lui. Le soigneur se retourna et les deux hommes se livrèrent une lutte acharnée au sol. Au cours de celle-ci, la tablette ayant aidé Owen à traquer Blue glissa de sa poche mais le soigneur ne s'en préoccupa guère, son attention étant requise ailleurs.
Tandis que la lame de sa machette était fichée dans la branche, Jesse donna un coup de poing dans l'abdomen de Claire, coup qui la fit lâcher la branche. Il retira la lame du bois et frappa de taille dans un grand geste accompagné d'un cri intimidant. La lame ne fit qu'effleurer le bras de Claire et effrayée, celle-ci se mit à reculer vivement, droit sur une racine. Lorsqu'elle trébucha dessus, sa panique grandit et elle chercha à donner des coups de pieds et à jeter de la terre au visage de l'assassin approchant. Celui-ci, satisfait du succès de sa tactique, évita les pieds et les jets de terre. Il lui donna un coup de poing au visage et brandit sa machette, se préparant à lui trancher la gorge.
— Non ! Hurla Owen, impuissant.
C'est alors que le soigneur et l'assassin virent une silhouette émerger de la végétation. Lorsqu'il vit ce qu'il tenait dans sa main et sur qui il voulait la lancer, Mateo voulut crier pour avertir son comparse mais il ne put à cause de la main d'Owen plaquée devant sa bouche.
En recevant une pierre sur le coin de la tête, Jesse poussa un cri de surprise et inclina la tête, peinant à se concentrer sur Claire à cause de la douleur. Lorsqu'il regarda par-dessus son épaule, il vit Franklin, qui s'était figé après lui avoir jeté la pierre. L'assassin grogna.
— Sale bâtard !
Avant que l'informaticien ne puisse réagir, il se baissa, ramassa la pierre et la lui renvoya. Franklin la reçut sur le front et s'effondra au sol. De leur côté, Owen et Mateo luttaient toujours. Soudain, Jesse ressentit une douleur dans le torse. Grâce à la distraction qu'avait fournie Franklin, Claire avait pu lui donner un coup de pied, le faisant reculer d'un pas ou d'eux. Elle chercha aussitôt à s'éloigner en rampant mais il lui saisit fermement la jambe, la tira vers lui puis se pencha au-dessus d'elle, plaquant son avant-bras contre sa gorge. Voyant cela, Owen sut alors qu'il n'avait plus le choix concernant Mateo.
— Dommage que je doive te tuer au plus vite, je me serais volontiers amusé avec toi…, dit Jesse à Claire. Oh, tu n'as pas besoin d'être vivante. Et je pourrais cacher ta balafre….
Tout en réprimant un cri, Owen plaça une main sur le sommet du crâne de Mateo, l'autre sur la mâchoire, et fit brutalement tourner la tête. Il entendit un bruit sec et Mateo cessa de remuer. Alors que Jesse s'apprêtait à transpercer le ventre de Claire avec sa machette, Owen bondit en avant, rugissant dans son avance, et saisit avec force le bras qui tenait la machette. Jesse écarquilla les yeux de surprise mais avant qu'il ne puisse réagir, Owen lui tendit le bras puis le frappa en son milieu d'un puissant coup de coude. Les os de Jesse se brisèrent sous le choc, l'assassin poussa un hurlement de douleur et il lâcha la machette. Claire recula surs ses coudes puis frappa brutalement son cou avec un de ses pieds, le repoussant en arrière. Il se retrouva sur le dos et Owen le releva aussitôt en l'attrapant par le col. Puis il frappa son visage. Une fois, deux fois, trois fois… Claire, qui se relevait péniblement, réalisa qu'Owen n'allait pas s'arrêter tant que le visage de Jesse ne serait pas réduit en une bouillie sanguinolente sous ses coups. Elle regarda l'autre assassin, qui gisait sans vie, la nuque brisée.
— Owen !
Mais il ne répondit pas et continua de tabasser Jesse.
— Owen ! Arrête !
Il arrêta son poing juste devant le nez déjà cassé et les lèvres ensanglantées de Jesse. Il écouta son concubine.
— Ne le tue pas ! Il faut le faire parler.
Finissant de se redresser, Claire s'aperçut que Franklin remuait en gémissant et fut rassurée de voir que le coup de Jesse ne l'avait pas tué. Elle saisit ensuite la machette et s'approcha de Jesse, qu'Owen gardait agenouillé.
— Ça ne devait pas se passer comme ça…, geignit l'assassin. Mateo !
Il releva la tête et regarda le couple
— Relâchez-moi ! Relâchez-moi ! Vociféra-il en crachant du sang.
Claire posa l'extrémité de la lame sur le cou de l'assassin.
— Si tu réponds à ma question, on te laissera partir. Qui vous a envoyés ?
— Je ne réponds pas aux chiennes de gringas dans ton genre !
Elle lui donna un coup dans les parties si puissant qu'elle crut l'avoir castré.
— Qui ? Vous ? A ? Envoyés ?
— Je ne vous le dirais pas. Mon boss va me tuer sinon.
Elle enfonça alors la lame de la machette dans sa cuisse, le faisant gémir.
— Ton boss doit être loin d'ici. Si tu ne réponds pas, c'est moi qui vais te tuer ! Rétorqua-elle en remuant la lame dans les chairs. Je répète ma question : Qui vous a envoyés ?!
— Je ne connais pas son nom ! Bo… Notre boss nous a dit d'aller à Burgo Nuevo et d'attendre les instructions du contact. On vous a attaqués dès qu'on a reçu son feu vert. On ne l'a jamais vu en personne, tout ce qu'on a est un numéro.
Owen fouilla alors ses poches, en sortit un portable et le tendit à Claire, qui l'alluma. Celui-ci nécessitant l'empreinte digitale de son propriétaire pour être déverrouillé, la directrice déchue attrapa l'index de l'assassin et le posa sur l'écran. Le portable se déverrouilla et le fond d'écran de Jesse apparut. C'était une photo de lui au cours d'une soirée. On le voyait torse nu et collier en or autour du cou, le visage relevé vers le haut d'un air hautain et une main placé devant son torse avec l'index et le majeur écarté. A en juger par le regard à moitié vide qu'il arborait, soit il était ivre, soit il avait pris de la drogue. Face à cette démonstration de vulgarité, Claire grogna de mépris et parcourra les dernières communications. Elle trouva une récente série d'échanges avec un numéro inconnu et fouilla parmi les sms associés à ce dernier. Elle vit rapidement qu'il était question d'eux et l'expéditeur mystérieux avait même envoyé une photo d'eux, prise à leur insu au Site D.
— S'il vous plaît, emmenez-moi à l'hôpital ensuite. J'ai mal…, gémit Jesse.
— Ne t'en fais pas, tu ne souffriras plus bientôt…, lui dit Claire en quittant à peine le portable des yeux.
Elle contacta le numéro inconnu et fit signe aux autres de se taire. Owen plaqua sa main sur la bouche de Jesse pour l'empêcher de parler. On décrocha peu après.
— Allo ? Allo ?
Le couple resta silencieux, reconnaissant la voix.
— Oh répondez ! Je n'ai pas que ça à faire… C'est fait ? Vous les avez éliminés ? Demanda la voix de Torres.
— Mais c'est…, commença Franklin, choqué que le commanditaire soit le directeur d'InGen Security, un homme qu'il avait croisé quelque fois lorsqu'il travaillait encore au service informatique d'InGen à Palo Alto.
Ayant l'information qu'elle désirait, Claire raccrocha et mit le téléphone dans une de ses poches de pantalon. Owen décolla sa main de la bouche de l'assassin et il échangea un regard avec sa concubine. Ils savaient tout deux que cette tentative d'assassinat devait avoir un lien avec leur découverte du laboratoire clandestin dans la maison abandonnée. Le fait qu'un personnage tel que Torres ait cherché à les éliminer ne les étonnait qu'assez peu. Lui, et probablement le reste de la direction d'InGen, voyait en eux une menace pour leurs plans concernant l'Indoraptor et même l'avenir de la compagnie. Le couple n'aurait pas été étonné s'il s'avérait que Susan Lynton, qui avait après tout déclenché une guerre avec les gardes gris, avait encouragé Torres à recourir aux services de ces voyous pour se débarrasser une bonne fois pour toute de la gêne qu'ils étaient devenus.
— Je le savais ! S'écria Owen. L'évasion de Blue était un coup monté ! Il voulait nous attirer dans la jungle pour qu'on y soit descendu avec un minimum de témoins aux alentours. Si Wheatley n'avait pas laissé Stan avec moi, il les aurait envoyés me buter alors que j'étais seul avec le corps du fermier. Et il t'aurait probablement ensuite envoyée dans un traquenard…
Entre les mains du soigneur, l'assassin gigota.
— Vous savez qui c'est ! Maintenant honore ta parole, sale pute balafrée ! Dit-il en regardant Claire dans les yeux.
Insultée, elle grogna et sa poigne se referma autour de la machette.
— Relâches-moi…, ajouta-il. Je jure de vous retrouver un jour, de finir le travail et de venger Mateo. Sache que je vais te…
Le grognement de Claire se mua en un cri de fureur qui réduit la jungle environnante au silence. La voyant brandir la machette, Owen eut juste le temps de reculer avant qu'elle ne l'abatte sur le visage de Jesse, lui fendant la face. Derrière la directrice déchue, Franklin réprima un cri de surprise et d'horreur. Malheureusement pour l'assassin, le coup porté ne fut pas suffisant pour le tuer et il hurla à la mort. Claire retira la lame et ne supportant plus ses cris, elle lui trancha la gorge d'un geste ample. La lame ayant touché au passage la carotide, un jet de sang éclaboussa le débardeur de la directrice déchue, et Jesse mit ses mains sur sa gorge, tentant vainement d'empêcher le sang de s'écouler.
Le corps de l'assassin ayant été déjà mis à rude épreuve par les coups que lui avait portés le couple, ses dernières forces l'abandonnèrent quasi aussitôt et sous le regard méprisant de Claire, il s'effondra face contre terre, où son corps remua encore un peu. Ensuite, elle marcha jusqu'au niveau de son cou, posa son pied sur sa nuque, leva le pied et l'écrasa comme si c'était un gros insecte qu'elle souhaitait réduire en bouillie. Elle entendit un craquement et le corps agonisant se raidit. Ensuite, elle recula d'un pas ou deux et se courba, laissant échapper un lourd soupir alors que son corps était en proie à des tressaillements nerveux et que certains muscles de son visage étaient tendus, comme si elle avait à la fois l'envie de pleurer et de rire.
— Vous… Vous avez dit que vous le laisseriez partir, bredouilla Franklin, choqué par la scène à laquelle il venait d'assister.
Claire releva son visage encore rubicond pour le regarder. Sur l'instant, l'informaticien trouva que sa balafre l'aidait à la rendre encore plus terrifiante que les assassins, voir autant que certains dinosaures prédateurs.
— Je l'ai laissé partir… pour les Enfers ! Là où est sa place ! Siffla-elle avant de tourner la tête pour cracher sur le visage de Jesse.
Elle avait déjà ôtée une vie humaine, celle de Katashi Hamada, mais ça avait été un tout autre contexte, bien que l'expérience s'était révélée traumatisante. Elle n'aurait pas qualifié Hamada d'ami, celui-ci ayant eu nombre de différends avec elle, mais de son vivant, celui-ci avait été un homme noble et respecté, et son trépas ne l'avait pas laissée indifférente. Bien que c'était lui qui lui avait demandé d'achever ses souffrances et avait même guidé la lame vers son cœur, Claire avait eu tout de même l'impression de devenir une meurtrière lorsqu'il a rendu son dernier souffle alors qu'elle tenait la poignée de la dague. On eut beau lui expliquer par la suite que son action n'avait eu rien de criminel ou d'honteux, elle ne pouvait s'empêcher d'être prise de remords lorsqu'elle pensait au capitaine japonais de la garnison de la Garde Grise de Nublar. Ainsi, ce Jesse était la première personne qu'elle avait tuée de son plein gré et en dehors du stress et de l'angoisse due à la situation de vie ou de mort de laquelle ils venaient de réchapper, elle ne ressentait aucun autre sentiment négatif. Elle était même satisfaite que les deux assassins fussent morts. Elle était satisfaite d'avoir tué le petit fils de pute qui gisait à côté d'elle, noyé dans son propre sang.
Non, ne te sens pas coupable ! Pensa-elle. Cette sale racaille méritait la mort ! Tu as bien fait !
Reprenant sa respiration, Claire fit le vide dans sa tête et fut surprise par la relative facilité avec laquelle son esprit commençait à mettre cette épreuve derrière elle et que le calme revenait. Puis elle se rappela qu'avoir affronté, vaincu et survécu à l'Indominus, non sans un lourd tribut certes, avait été une sorte de baptême du feu, que cela devait l'avoir façonnée, en mal comme en bien, et que cette expérience, aussi horrible avait-elle été, l'aidait à présent dans celle-ci. Elle en vint à penser que la Claire d'avant la Chute n'aurait pas survécu à cette tentative d'assassinat ou qu'elle aurait naïvement fait une bourde qui lui aurais coûté très cher par la suite.
Nietzsche avait peut-être raison. Ce qui ne tues pas rend plus fort.
Sachant qu'elle aurait besoin de l'empreinte digitale de Jesse pour déverrouiller son téléphone et montrer les messages et le numéro associé aux autorités, elle s'accroupit, saisit sa main droite et lui trancha l'index avec la machette, non sans susciter une expression de dégoût chez Franklin qui détourna le regard pour plutôt observer la jungle alentours. Elle déchira ensuite une partie du débardeur de l'assassin et y enroula l'index avant de fourrer le tout dans une poche refermable de son pantalon une fois qu'elle fut redressée.
Elle vit alors qu'Owen fixait le corps de Mateo et remarqua que ses membres tremblaient et que son teint était livide, nauséeux presque. Il plaça son poing fermé devant sa bouche alors qu'il réprimait un haut le cœur.
Owen n'avait tué personne jusqu'à ce jour et il n'avait même jamais ouvert le feu ou affronté des combattants ennemis au corps à corps lorsqu'il était dans la marine. Comme il aimait parfois le rappeler, il a plus souvent manipulé des poissons et du matériel d'entraînement que des armes à feu et disait qu'il n'avait pas été un militaire particulièrement remarquable, ne brillant qu'au sein du programme des mammifères marins. Dans le combat qui venait d'avoir lieu, les concours de lutte avec des amis, diverses rixes auxquelles il avait participé, et surtout l'accident avec Andromède la Neoraptor, étaient des expériences qui l'avaient davantage aidé que son passage à la marine.
Ils l'avaient échappé belle, et la situation aurait été sans espoir si les Pourfendeurs étaient encore en vie et que Torres les avait envoyé eux et non ces deux vulgaires racailles de la banlieue joséfienne. Lui et Claire n'auraient eu aucune chance face à ce qui fut la troupe d'élite d'InGen Security et là où certains de ses membres étaient convenables, du moins tout autant que pouvaient l'être les membres d'une équipe effectuant des opérations noires de temps à autre, d'autres faisaient partie de la lie de l'humanité. Parjures, pilleurs, incendiaires, meurtriers, et violeurs comptaient parmi leurs rangs… Ils l'auraient tué lui en premier ou pire, l'auraient forcé à les regarder faire des choses innommables à sa concubine et mettre fin à son supplice qu'une fois qu'ils se seraient lassés d'elle. Le simple fait d'imaginer de telles horreurs l'emplit d'une grande rage et il ressentit grandement l'envie de frapper quelque chose, qu'importe si c'était un tronc d'arbre ou un rocher.
Il avait toujours soutenu la Garde Grise mais là, il ne put s'empêcher de se dire que c'était une bonne chose que l'insurrection de sa garnison de Nublar ait eu lieu et que son meneur, Gilbert Brunet, le terrible Lion Noir, ait décidé de massacrer les Pourfendeurs jusqu'au dernier ou presque, un seul de ses membres ayant réussi à s'enfuir pour disparaître dans la nature. Owen remercia intérieurement le Lion Noir à titre posthume. Son impulsivité et sa fureur les avaient sauvés en ce jour.
La voix de Claire le sortit de ses pensées :
— Owen. Regarde-moi, dit-elle doucement.
Mais encore sous le choc, il n'arriva pas à détourner le regard de Mateo. Elle se rapprocha et posa sa main sur son épaule.
— Hé, regarde-moi, répéta-elle en le secouant légèrement.
Elle s'interposa entre lui et le corps, plaça ses mains tâchées de sang sur ses tempes et l'enjoignit à la regarder dans les yeux.
— Tu as fait ce qui fallait, lui dit-elle. Tu n'avais pas le choix, ils allaient nous tuer. Défendre ta propre vie et celle de ta femme n'est pas un crime. Ces bâtards méritaient la mort. Ils ne nuiront plus.
— Je sais. C'est juste que je n'imaginais pas que c'était aussi dur, répondit-il d'une voix nouée. Pourtant je connais des gens qui m'ont parlés de ce genre de choses.
Alors qu'elle hochait de la tête, il vit ses yeux larmoyer et il la prit dans ses bras, la laissant pleurer silencieusement contre son torse. Lui-même sentit les larmes lui monter aux yeux mais il les retint. Elle le considérait comme son roc au milieu de la tempête, il devait tenir.
— Hé. On est en vie. C'est finit, lui susurra-il.
— Non, ce n'est pas finit. D'abord Isla Nublar, maintenant le Site D… Sommes-nous maudits, Owen ? Combien de cadavres allons-nous laisser derrière nous ? Et Torres… InGen a mis notre tête à prix… Je veux juste rentrer à la maison et revoir notre fils. Rien d'autre… Tant pis pour l'opération, tant pis pour la promesse de Lockwood…
— On reverra Sigurd, on va s'en sortir, tu vas t'en sortir… Je te le promets. On va aller voir les flics et leur expliquer ce qui s'est passé… Torres ne va pas s'en tirer comme ça. Partons d'ici.
— Comment ? Ils ont bousillés la voiture.
— Piquons leur jeep.
— Ouais. Fouillons-les. Prenons tout ce qui peut servir. Clés de bagnole, fric, armes…
Franklin, trop dégoûté par la vue des corps et encore trop hébété pour faire quoi que ce soit, laissa le couple les fouiller mais tout ce qu'ils trouvèrent sur eux était les clés de leur véhicule. Claire et Owen espérèrent qu'ils trouveraient davantage dans ce dernier. C'est alors que le soigneur entendit des bruits de pas, venant du nord.
— Quelqu'un approche…, dit-il tout doucement.
Puis il leur fit signe de le suivre derrière un gros rocher au sud, où ils se cachèrent alors que les pas se faisaient de plus en plus audibles. Ils se turent et épièrent discrètement les arrivants. Environ une demi-douzaine, ceux-ci sortirent des fourrés armes en main et inspectèrent les lieux. Tout comme les deux assassins, c'était des costaricains mais contrairement à eux, ils étaient vêtus de pantalons et de T-shirts, bien qu'un ou deux portaient des débardeurs, et leurs armes étaient plus impressionnantes que le cocktail Molotov, la chaîne et la machette utilisée par Jesse et Mateo, consistant en des pistolets, des fusils à pompe et même des mitraillettes, des armes qui n'avaient rien à envier à celles de la police locale. Sur leur cou, ils avaient une tête de rapace tatouée. Le trio présuma que ces hommes étaient aussi des gangsters. L'un d'eux, un homme d'âge médian assez petit et au visage émacié, regarda les assassins sans vie.
— Qu'est-ce que c'est ça ? Il semblerait qu'il y ait eu du grabuge, constata-il, parlant en espagnol avec une voix rauque.
Craignant qu'il ne s'agisse là d'autres assassins envoyés à leurs trousses, Owen serra la main de sa concubine et la regarda dans les yeux avant de désigner du regard la végétation devant eux. Comprenant qu'il lui demandait de fuir si jamais ils étaient débusqués et de ne pas l'attendre, elle secoua la tête, regarda la machette, puis regarda à nouveau son concubin. Elle ne l'abandonnerait pas et serait prête à mourir à ses côtés. Il secoua la tête à nouveau mais avant qu'elle ne puisse insister par un geste quelconque, les arrivants leur indiquèrent qu'ils n'étaient pas venus pour eux :
— Des Cascabels ? Que font-ils si loin de San José ? Se demanda l'homme émacié en penchant la tête sur le côté pour regarder le tatouage sur le bras de Mateo. Se sont-ils perdus ?
— Ils ont probablement été envoyés en commission…, répondit un autre en regardant les corps. Il semblerait qu'ils soient tombés sur plus coriaces qu'eux.
— Celui-là s'est fait saigné comme un porc…, observa un troisième, penché au-dessus du corps de Jesse.
Un quatrième cracha sur celui de Mateo.
— Moi je dis bien fait pour leur gueule ! S'exclama-il. Ces maudits serpents n'auraient jamais dû ramper hors de leurs banlieues.
— Ils se sont fait détroussés et le vacarme a eu lieu il y a seulement quelques minutes, fit remarquer l'émacié. Celui qui leur a fait ça ne doit pas être loin. Si on le chope, on pourrait peut-être en tirer profit.
— Le ? Je crois que c'est plutôt la, le corrigea un de ses compagnons, une armoire à glace avec des cheveux longs qui parlait avec une voix grave.
— Tu fais allusion au cri de femme que tu as entendu ? On t'a dit que c'était ton imagination ! Rétorqua l'émacié.
— Mais j'ai l'ouïe fine ! Plus que vous autres en tout cas. A force de rester trop longtemps à côté des amplis, vous devenez sourds comme des pots !
L'émacié commença à balayer la clairière du regard, cherchant les traces de celui ou ceux qui avait tués les deux Cascabels. Il repéra alors le rocher et s'avança vers lui, comptant en faire le tour pour voir si il n'y avait pas quelque chose derrière.
— Laissons-la courir, on a d'autres chats à fouetter, l'interrompit le malabar aux cheveux longs après avoir ramassé la tablette de l'UCA qu'Owen avait laissé tombé. L'Anglais nous a donné des ordres. Retournons à nos positions ! Le train part bientôt !
Après avoir soupiré de frustration, l'émacié se détourna du rocher et rebroussa chemin pour rejoindre ses compagnons.
— Il va y avoir un sacré feu d'artifice au viaduc ! Dit l'un d'eux d'une voix aiguë pleine d'excitation.
— Il faudra agir rapidement avant l'arrivée de la flicaille, ajouta un autre.
Claire, Owen et Franklin attendirent en silence encore un peu, le temps que cette bande de malfrats fût suffisamment éloignée.
— Ils parlaient de quoi ces types ? Demanda Franklin, qui n'avait compris que quelques mots.
— Ils parlaient du train, répondit Claire.
— Retournons sur la route et prenons la jeep, proposa Owen.
Ils quittèrent leur cachette mais restèrent dans l'ombre des sous-bois par précaution. Ils retrouvèrent la Toyota de Benito et alors qu'ils la contournaient, ils évitèrent au passage de trop regarder l'horrible état du corps de Stan, ravagé par la couardise des assassins. Ensuite, le trio se mit à suivre la traînée de végétation couchée que la voiture avait laissée derrière elle en descendant la pente.
— Le train… le viaduc…, énuméra Claire, essayant de deviner le plan de l'Anglais mentionné par un des gangsters.
Se rappelant où ils étaient par rapport au Site D et à Burgo Nuevo, elle se retourna soudain au milieu de leur ascension, cherchant des repères géographiques.
L'instant d'après, elle se figea alors qu'elle avait repéré quelque chose au loin. Owen, puis Franklin, suivirent son regard, vers le nord-est et les pentes forestières. A quelques centaines de mètres de là, au-dessus d'une vallée, de grands piliers se dressaient, soutenant un tablier effondré en son centre. C'était le viaduc ferroviaire et le couple devina le plan de ce fameux Anglais mentionné par les gangsters :
Ils veulent dévier le train pour qu'il se précipite du haut du viaduc brisé, afin de tuer ceux à bord : Animaux, soigneurs et vétérinaires, gardes d'InGen et mercenaires de Wheatley confondus. Les gangsters iraient ensuite massacrer les survivants et piller l'épave. L'Anglais mentionné par ces hommes doit être un agent d'un rival d'InGen. S'il réussit, InGen ne se relèvera jamais de cet attentat déguisé en accident.
— Il faut prévenir les autres ! Déclara Owen avec urgence.
Mais alors qu'il s'apprêtait à s'élancer en avant pour gagner le véhicule au plus vite, il vit que Claire était hésitante. Il sut qu'elle ressentait tant de haine à l'égard d'InGen qu'elle envisageait peut-être de laisser l'Anglais accomplir son plan afin de se venger de ceux qui l'avaient déshonorée et tenté de les éliminer.
— Claire…, dit-il doucement. Ça change tout. InGen a peut-être tenté de nous tuer mais il y a les animaux et des innocents à bord ce train.
Une expression troublée apparut sur le visage de sa concubine mais elle ne répondit rien.
— Que fait-on ? Demanda Franklin.
Claire expira, serra des poings, inclina la tête puis les regarda :
— Nous avons un train à rattraper, répondit-elle avant de s'élancer en avant, dépassant ses deux compagnons.
Ils finirent leur ascension et trouvèrent la jeep des assassins garée sur le côté de la route près d'où la voiture de Benito était sortie. Claire l'ouvrit, s'installa au volant et alors qu'Owen et Franklin étaient toujours en train de s'installer, elle mit la clé sur le contact et démarra en trombe, fonçant à la gare.
