Notes
Suggestions musicales :
L'exfiltration :
- Zodanga Happened — Michael Giacchino, John Carter. (Jusqu'à 02:10)
-o-
En ville, au bureau de police, le téléphone se mit à sonner et l'agente d'astreinte, Teresa Perada, mit en pause l'épisode de série qu'elle regardait sur l'ordinateur du bureau de la réception. Elle décrocha :
— Police du canton de Burgo Nuevo, bonjour.
Elle écouta ensuite ce que l'appelant avait à dire. A cette heure-ci, le bureau était souvent désert mais cette nuit-là, Teresa n'était pas seule car un homme avait alignés plusieurs des chaises de l'espace d'attente et s'était allongé dessus pour faire un somme, avec la capuche de son sweatshirt relevée sur son crâne.
— Un incident ? Des morts et des disparus ? Répéta la policière.
Le bruit de la conversation réveilla l'homme. Doucement, il se mit sur son séant et tourna la tête vers le bureau de la réception.
— Très bien. Merci, Monsieur. Vous pouvez raccrochez, dit Teresa à l'appelant quelques instants plus tard.
Elle reposa le téléphone et l'homme en sweatshirt enleva son capuchon, révélant ses cheveux sombres courts et sa moustache en fer à cheval.
— Prévenez votre chef, ainsi que le maire, dit El Manigordo.
Teresa acquiesça et il sortit du bureau de police.
Dans la salle d'opération, Zia était toujours au chevet de Blue, vérifiant de temps à autre ses constantes vitales. Observant le raptor endormit, le visage de la vétérinaire se détendit et elle regarda derrière elle. Assis contre un des murs, Franklin et Owen somnolaient et près de son concubin, Claire était allongée à même le carrelage et dormait elle aussi, utilisant sa cagoule et la veste d'Owen comme coussins. Quant à Vinny, il était repartit dès la transfusion terminée. N'arrivant pas à trouver le sommeil contrairement à ses deux compagnons, Owen se leva et se rapprocha de la table d'opération. Il caressa le plumage de l'Achillobator.
— Comment va-elle ? Demanda-il à Zia dans un murmure.
— Elle va mieux. Ses jours ne sont plus en danger. Mais elle doit se reposer, répondit la vétérinaire à voix basse. Que comptez-vous faire maintenant ?
Owen soupira. Claire et lui n'y avaient pas encore réfléchis.
— Il faudrait qu'on récupère au moins nos passeports et portefeuilles. On les a laissés dans nos bagages ce matin… enfin, plutôt hier matin. J'espère qu'ils sont encore ici et qu'on ne les a pas envoyés à l'Arcadia par mégarde. Le mieux serait qu'on quitte le canton, qu'on aille sur San José et qu'on essaie d'expliquer aux autorités tout ce qui s'est passé.
— Quoiqu'il se passe, continuez de veiller sur Franklin, lui demanda-elle.
— Vous avez soigné Blue, ce serait la moindre des choses.
C'est alors qu'on ouvrit la porte et sur le qui-vive, le soigneur et la vétérinaire se tournèrent vers elle et Claire se réveilla en sursaut. Ils se détendirent un peu en voyant que c'était Juan, revenu pour s'enquérir de l'état de Blue. Il écarquilla les yeux d'étonnement en voyant le couple et l'informaticien en compagnie de la vétérinaire et de l'Achillobator.
— Que faîtes-vous ici ? Vous êtes dingues ! Siffla-il, davantage inquiet qu'en colère. Torres s'attendait à ce que vous reveniez ici. Tout le domaine est bouclé et ils ont trouvés le camion que vous avez volé. Des escouades sont en train de tout passer au peigne fin. Ils ont même sortis les chiens !
— Comment allons-nous sortir ? Demanda Claire.
Tandis que Franklin se redressait, Juan réfléchit un instant puis leur fit signe de venir à lui.
— Suivez-moi, vite ! J'ai peut-être une idée…
Owen se retourna vers Blue.
— Je m'occupe d'elle, le rassura Zia. Allez-y !
Le couple et Franklin suivirent le chef animalier hors de la salle d'opération.
— Et nos passeports ? Souleva le jeune homme.
— On n'a pas le temps, lui fit remarquer Juan. Je verrais ce que je peux faire demain.
Quand ils furent dans le bureau à l'entrée de l'aile, il leur dit de s'y cacher en attendant qu'il mette en place son plan, et c'est ce qu'ils firent. Quelques minutes plus tard, il revint et leur donna son signal. Le trio sortit de sa cachette et le suivit hors de l'aile vétérinaire, tournant à droite. Discrètement, ils passèrent devant le bureau des soigneurs, franchirent l'entrée que Toro avait fracassée en pénétrant dans le bâtiment lors de l'incident, et s'arrêtèrent juste devant. Juan avait garé sa voiture à quelques mètres de là et partant devant, il alla vérifier que la voie était libre et que personne ne traînait sur le parking. Une fois qu'il fut s'assurer de cela, il ouvrit une des portières latérales et fit signe au trio de venir.
— Vite ! Passez-moi les fusils et cachez-vous sous les couvertures ! Leur dit-il.
Lorsqu'ils atteignirent la voiture, ils virent qu'il avait abaissé les sièges arrière et mit plusieurs caisses, coussins et couvertures dans le coffre. Dans les caisses, il y avait des paquets de biscuits, de thé, des tasses et aussi des thermos. Assez pour ravitailler tout un peloton.
L'un après l'autre, Franklin, Claire et Owen disparurent à l'intérieur du véhicule et vinrent se coucher en boule sur les sièges arrière abaissés, se glissant sous une grande couverture noire. Juan l'ajusta de manière à bien les cacher, en étendit d'autres par-dessus, cacha les fusils derrière son siège, cala des coussins entre le trio et les sièges de devant, passa un coup de désodorisant puis ferma la portière et s'installa au volant.
Quittant le parking de l'Arche, le chef animalier contourna l'enclos des mantellisaures, désormais vide, passa devant la hacienda puis emprunta l'allée des chênes, se dirigeant vers la porte est. Il fronça des sourcils en voyant qu'elle était fermée et qu'en plus du factionnaire dans sa guérite, il y avait un autre garde devant le portail, accompagné d'un chien qu'il tenait en laisse, l'un des trois chiens de garde du site. Le garde, un costaricain, fit signe à Juan de s'arrêter et de baisser sa vitre. Le chien, un Beauceron, salua le chef animalier d'un aboiement.
— Où te rends-tu à une heure pareille ? Demanda le garde.
— Je vais ravitailler l'UCA et les autres au Monte Nebuso.
— Ouais, c'est vrai qu'ils ont besoin de quoi réchauffer les cœurs. Je pense qu'Austin et ses gars seront contents de savoir qu'un bon café, des biscuits et des couvertures les attendent à leur retour de leur traque.
Le garde regarda l'arrière de la voiture.
— Tu pourrais descendre et m'ouvrir ton coffre. Désolé pour le dérangement mais je dois contrôler tous les véhicules sortants. Tu sais ce que c'est, les ordres viennent d'en haut.
— Pas de soucis…
Juan obtempéra et ouvrit le coffre. Tout en tenant le chien en laisse, le garde se pencha et balaya les caisses, coussins et couvertures avec sa lampe torche. De là où il était, on ne pouvait distinguer la forme des corps du trio sous les couvertures et derrières les caisses. Soudain, le chien se mit à renifler et posa ses pattes avant dans le coffre, prêt à bondir à l'intérieur. Remarquant cela, Juan blêmit et pria pour que ce soit l'odeur des biscuits et non celle de ses passagers clandestins qui ait attiré son attention. Mais comme beaucoup, le garde était fatigué et il voulait en finir au plus vite avec cette tâche. Il tira sur la laisse.
— C'est bon, Agarre. Viens ici !
Mais le chien se mit à haleter d'excitation et aboya, manquant de faire sursauter Franklin sous les couvertures. Le garde s'en moqua et tira sur la laisse en grognant.
— Tu ne vois pas que c'est de la bouffe, gros bêta ! Qu'il est con ce clébard, je te jure !
Tirant à nouveau sur la laisse, il fit descendre Agarre du coffre et se tourna vers Juan.
— Ok, c'est bon. Sois prudent sur la route.
Le chef animalier referma le coffre, se réinstalla au poste de conduite, le factionnaire activa l'ouverture du portail, et Juan ne soupira de soulagement qu'une fois qu'il eut laissé la porte derrière lui. Peu après, il s'engagea sur la nationale, roulant vers Burgo Nuevo.
— Vous pouvez souffler, on est sortis, informa-il le trio.
Il les entendit soupirer, marmonner au sujet du garde et d'Agarre, et s'agiter.
— Mais ne sortez pas vos têtes tout de suite, ajouta Juan, on va bientôt traverser la ville.
Alors qu'ils descendaient la côte, ils croisèrent des voitures de police et le chef animalier se demanda où elles se rendaient.
Un quart d'heure après leur départ du Site D, le véhicule s'arrêta et Juan dit :
— On est arrivés. Attendez-moi.
Sous les couvertures, le trio resta immobile et pendant plusieurs minutes, le silence régna. Puis ils entendirent Juan revenir près de sa voiture. Il conversait en espagnol avec quelqu'un d'autre, une femme. Il ouvrit enfin la portière et siffla pour leur indiquer que c'était bon.
— Terminus, tout le monde descend, dit-il à voix basse avant de soulever les couvertures.
Le plus près de la portière, Owen se mit sur son séant et descendit le premier du véhicule. Il fut suivi de Claire, qui glissa son pistolet de garde entre son pantalon et sa culotte avant de le cacher sous sa veste, puis de Franklin. Epuisés et endoloris, ils eurent grand peine à se tenir droit et n'avaient qu'une envie, c'était de trouver un lieu où dormir en sécurité, qu'importe si c'était une simple paillasse sur le sol. A côté de Juan, ils virent la femme avec qui il parlait un instant plus tôt. Agée d'une quarantaine d'années, elle avait un corps svelte, de longs cheveux noirs et un visage anguleux avenant. Elle les salua.
— Bonjour.
Ils la saluèrent en retour et Owen balaya les alentours du regard. Ils étaient garés devant une maison bâtie sur un seul niveau. Dotée de murs blancs et d'un toit en tuiles, elle était semblable à bien d'autres pouvant être rencontrées dans le pays. Derrière eux, l'allée allait en rejoindre une qui elle-même débouchait sur une route de campagne. Au-delà de la propriété, il faisait encore trop sombre pour distinguer le paysage et avoir une idée de leur localisation.
— Où sommes-nous ? Demanda Franklin en regardant la maison.
— En lien sûr, répondit le chef animalier. Je vous laisse en compagnie d'Elena, mon épouse. Si je tarde trop, ils vont se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond. Vous aurez de mes nouvelles dans la journée. Reposez-vous et pansez vos plaies en attendant.
Mais alors qu'il commençait à remettre en place les couvertures et les cartons, Claire l'arrêta en lui touchant doucement le bras et dit, en espagnol :
— Juan, merci infiniment. Nous avons une dette envers vous.
Il hocha de la tête.
— Vous me remercierez plus tard. Vous n'êtes pas encore sortis de l'auberge.
Elena emmena ensuite le trio à l'intérieur de la maison et alors qu'ils s'avançaient dans le salon, un jeune homme d'environ dix-huit ans vint d'un couloir sur leur gauche. Il était aussi grand que Juan et aussi svelte et beau qu'Elena, et lorsqu'il le vit, Owen le salua.
— Alonso. Comment ça va depuis le temps ? Tu as bien grandit en tout cas.
Claire les regarda se serrer la main et échanger quelques paroles. Owen n'ayant pas semblé reconnaître l'endroit, elle sut qu'il avait dû rencontrer Alonso au cours d'une visite de ce dernier sur Isla Nublar.
— Alonso. Va chercher la trousse de secours et de l'alcool à la salle de bains, demanda Elena à son fils.
Le jeune homme acquiesça et retourna dans le couloir, où il ouvrit une porte sur sa droite. L'instant d'après, une autre porte s'ouvrit à l'extrémité de ce même couloir et une vieille dame en robe de chambre en sortit.
— Qu'est-ce qui se passe ? Qui sont ces gens ? Demanda-elle à Elena.
— C'est des amis de Juan, maman. Ils vont rester ici aujourd'hui. Va dormir dans ma chambre. On doit libérer la chambre d'ami pour eux.
La mère d'Elena acquiesça et tandis qu'elle allait chercher quelques-unes de ses affaires dans la chambre d'ami, Alonso sortit de la salle de bain et apporta ce que ce que sa mère lui avait demandé.
— Allez-vous laver d'abord, dit-elle au trio.
— Vas-y, Franklin, suggéra Owen. Tu n'aimerais pas passer après nous…, ajouta-il en souriant faiblement.
— Alonso vous apportera des vêtements propres, dit Elena en anglais à l'informaticien.
Il prit la direction de la salle de bain et tandis qu'il prenait une douche, Alonso lui apporta des vêtements de rechange. Dès qu'il sortit de la salle de bain, il prévint le couple qu'ils pouvaient y aller et tandis que ceux-ci se lavaient, Elena inspecta les quelques blessures qu'il avait, et plus particulièrement celle infligée par le jet de pierre de l'assassin.
— Ça ne m'a pas l'air trop grave, mais c'est à surveiller…, lui dit-elle.
Ils les pansèrent et lorsque ce fut terminé, Franklin demanda :
— Si j'ai bien compris, on dort dans la chambre au fond ?
— Owen et Madame Dearing oui, mais pas vous. Vous prendrez le lit d'Alonso, répondit-elle en lui pointant une pièce à côté, dont la porte faisant face à celle de la salle de bain. D'ordinaire, il se réveille avec l'aube pour faire des exercices physiques et travailler donc ne vous inquiétez pas, vous ne dérangez pas.
Ayant remarqué que le fils de Juan était déjà en T-shirt, short et basket à une heure pareille, il hocha de la tête et se dirigea péniblement vers la chambre qu'on lui avait attribuée, la deuxième sur sa gauche, la première étant celle d'Elena. Lorsqu'il passa devant cette dernière, il entendit des ronflements, ceux de la mère de la maîtresse de maison, Blanca. Il ouvrit la porte de la chambre d'Alonso, y pénétra, referma derrière lui et s'effondra comme une masse dans le lit avant de s'endormir.
Derrière les montagnes à l'est de Burgo Nuevo, l'aube pointait déjà.
