Notes

Suggestions musicales :

La dispute :
- Forgive me — Ramin Djawadi, Game of Thrones: Season 4 (Jusqu'à 00:58).


-o-


— Vous êtes prêts ? S'enquit Owen auprès de ses deux compagnons.

Venant de mettre leurs casques, Claire et Franklin hochèrent de la tête.

— Alors Franklin, quelle route ? Demanda-il.

Le jeune homme déplia la carte, la posa sur l'arrière du sidecar et désigna du doigt plusieurs lieux sur la carte.

— Si vous ne voulez pas passer par Puntarenas, il faut descendre par San Ramón avant d'aller sur Orotina puis de traverser la rivière Tarcoles…

— Pour ensuite passer par Jaco et enfin atteindre Quepos…, termina Owen en pointant ces deux villes avec son index. Ça représente presque quatre heures de route. Si nous partons maintenant, nous arriverons dans la soirée.

Il regarda Claire et celle-ci fit part de son approbation par un signe de tête.

— Très bien, prenons cette route.

Franklin s'installa dans le sidecar avec le sac de provisions, Owen au guidon et Claire derrière lui. Démarrant, ils suivirent le sentier et débouchèrent sur une route. Ils la suivirent jusqu'au village de Corrales, qu'ils avaient vu la veille depuis le train juste après avoir échappés aux mâchoires de Toro, et retrouvèrent sans peine la voie ferrée. Ils la franchirent et roulèrent vers l'est, atteignant Zapotal et suivant la même route qui passait près du bois où Blue avait attaqué Laureano Herrera. Parvenant à San Antonio, ils tournèrent à droite au lieu d'aller à gauche et de remonter jusqu'à la route qui reliait Burgo Nuevo à San Ramón. Celle-ci étant relativement fréquentée, le couple pensa qu'ils auraient moins de chance d'être repérés en prenant plutôt les petites routes de campagne des versants méridionaux de l'Ismaloya et c'est ce qu'ils firent durant l'heure qui suivit leur départ du bois de Corrales.

Alors qu'ils descendaient doucement vers San Ramón, Claire informa Owen d'un besoin pressant et ils s'arrêtèrent au bord d'une plantation à quelques kilomètres des portes de la ville.

— Ok, pause pipi, annonça-il. Profitez-en, je ne sais pas quand sera la prochaine. Faîtes-gaffe où vous allez. On ne sera pas dans la merde si un ou une se fait mordre le derche par un serpent ou un truc du genre.

Claire descendit de la moto et disparut derrière un massif de buissons à un jet de pierre de là. Owen regarda Franklin. Il vit qu'il semblait hésitant.

— Tu sais, tu peux y aller aussi, lui dit-il. Je peux garder la moto tout seul. Le premier revenant me remplacera.

— Ok.

Sans dire un autre mot, Franklin sortit du sidecar et alla se trouver un groupe de buissons ou un fourré derrière lequel assouvir ses besoins. Tout en restant aux aguets, prêt à détourner son visage de la route en cas d'arrivée de véhicule, Owen regarda la route un instant d'un air pensif.

Claire revint et son concubin alla à son tour derrière les buissons. Lorsqu'il eut finit, elle était assise sur le sidecar et en train de se désaltérer et de grignoter. Avec son casque, ses lunettes de soleil pareilles à celle du héros de Top Gun, sa veste, ses chaussures épaisses et son pistolet à la ceinture, elle ressemblait à une policière à moto s'étant arrêtée pour faire une pause et de loin, sa main prosthétique pouvait même être prise pour un gant. Il nota que Franklin n'était pas encore revenu mais ce ne fut pas ça qui le troubla sur l'instant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? S'enquit Claire en le voyant regarder la route d'un air hésitant.

Il soupira et dit :

— Je me demande si on ne ferait pas mieux d'aller au commissariat de San Ramon et de se rendre aux flics, avant qu'on ne s'enfonce dans une galère pas possible.

Claire secoua la tête et croisa les bras.

— Non, on s'en tient au plan, répondit-elle. Nous allons à Quepos.

— Ce n'est même pas garantit que Marcos Puig nous aidera…

— C'est à nous de s'assurer qu'il le fasse, de gré ou de force ! Insista-elle, dégainant son pistolet pour vérifier son chargeur avec une facilité qui déconcerta Owen sur le moment.

— On ne peut pas se la jouer Thelma et Louise ! Dois-je te rappeler comment ce film se termine ?

Entendant un fourré bruisser, Claire braqua le pistolet dans la direction du bruit mais leva le canon lorsqu'elle vit que c'était nul autre que Franklin.

— Vous m'avez fait peur…, dit-elle avant de regarder à nouveau Owen.

L'informaticien s'approcha doucement.

— Les gens. Je dois vous dire quelque chose, déclara-il.

Mais ils l'ignorèrent et Claire s'exclama :

— Je n'ai pas fait tout ce chemin… Je n'ai pas autant souffert pour croupir dans une prison costaricaine ! On s'est fait baisés sur toute la ligne, Owen ! Tu réalises ça ? C'est notre parole contre celle d'InGen et ce seront ceux avec les meilleurs avocats, les plus riches, qui gagneront ! Notre situation est sans espoir. Qui voudra croire la Reine des Cendres, même si elle dit la vérité ?! Si je suis adjugée coupable pour les crimes dont on m'accuse, aussi bien ceux de ces derniers jours que ceux de la Chute, je risque la perpétuité ! Je perdrais le peu de santé mentale qui me reste, ce serait pire que la mort ! Si je dois mourir, ce sera libre et arme à la main ! Ma vie sur Terre aura été courte et tragique mais un séjour parmi les braves m'attendra peut-être dans l'au-delà !

— Ne sois pas égoïste, Claire ! La pria Owen. Tu n'es plus une cadre déchue isolée et sans attaches ! Que fais-tu de notre fils ? Des animaux ? De ton honneur ? Tu n'aideras personne et aucune cause en périssant sous les balles des flics dans une vaine bravade ! Tu as encore des batailles à mener !

— Les gens…, répéta Franklin.

— Quoi ?! Lui demandèrent le couple, énervé.

Franklin eut un léger mouvement de recul et sembla vouloir se taire.

— Accouches…, lui dit Claire d'un ton irrité.

— J'ai été l'espion de Torres…, révéla-il d'une voix faible.

La directrice déchue le fixa, croyant et espérant avoir mal entendu.

— Qu'est-ce que tu as dit ?

— J'ai… espionné pour… Torres.

— Qu'est-ce que c'est cette histoire ? Demanda Owen à l'informaticien. Tu ferais bien de nous expliquer car si c'est une blague, ce n'est pas le moment d'en faire une.

— Je n'ai pas démissionné d'InGen de mon plein gré. Torres m'a envoyé infiltrer le GPD, craignant que cette dernière mette des bâtons dans les roues d'InGen, leur raconta-il.

— Et lorsqu'il a appris que vous alliez être avec nous pendant l'opération, il vous a chargés de garder un œil sur nous, devina Claire. Je suppose que vous êtes celui qui a pris les photos, celles qu'on a retrouvées sur le portable des assassins ?

Il hocha de la tête d'un air honteux.

— Qu'est-ce vous gagnez dans cette histoire ? De l'argent ?! Un job bien placé dans une InGen sauvée de l'anéantissement grâce à l'opération ?! Le questionna Owen.

— Voilà qui explique votre incompétence avec les dinosaures ! Ajouta Claire. On ne peut décidément plus faire confiance en personne ces jours-ci. Je croyais que vous valiez mieux qu'Alexander… C'est un connard doublé d'une triple-buse mais c'est au moins un connard honnête, plus ou moins… et non un sale petit rat qui trahit par-derrière !

— Torres veut aussi ma peau désormais, leur rappela-il. Après ce qui s'est passé, vous pouvez être sûrs que je ne veux plus rien avoir avec ce type ! Je n'ai pas envie de nuire au GPD. Je…

— C'est ça, Jake Sully (*) ! Sors nous un grand discours sur le pouvoir de l'amitié, Le coupa-elle. Tu as juste eu la malchance de te retrouver avec nous. Si je ne t'avais pas trouvé dans la voiture de Benito, tu serais en ce moment-même dans l'Arcadia et ton arrangement avec lui tiendrait toujours !

— Si je ne m'étais pas retrouvé avec vous, cet assassin vous aurait tuée ! Je vous ai sauvé la vie !

— Si vous n'aviez pas pris ces photos, on n'aurait pas eu d'assassins à nos trousses !

— Torres aurait demandé à quelqu'un d'autre de prendre ces photos ! Je croyais que c'était juste de la surveillance, une broutille pour InGen Security.

— Une broutille ? Tu appelles ça une broutille ?! S'écria-elle en balayant les alentours du regard.

Avec sa main prosthétique, elle saisit le col de sa chemise et lui adressa un regard noir.

— Qu'allez-vous faire ? Vous allez m'étrangler comme vous avez étranglé le bras-droit de Wu ? Lui demanda-il. Me jeter du haut d'une falaise ?

— Hé ! S'écria Owen, souhaitant calmer les tensions avant qu'elles ne dégénèrent.

Claire tira Franklin vers elle, si soudainement qu'il fallit trébucher, et rapprocha sa bouche de son oreille. Elle était si près qu'il put sentir son souffle sur sa peau.

— Choisis tes prochains mots avec attention, jeune homme ! L'avertit-elle.

— Hé ! Répéta le soigneur. Du calme !

— Ta gueule Owen, répliqua sèchement Claire. Je ne suis pas un de tes raptors !

— Alors arrête de te comporter comme un ! Rétorqua-il sévèrement.

S'interposant entre elle et Franklin, il posa une main à plat sur la poitrine de sa concubine et tout en la regardant dans les yeux, il commença à la repousser doucement pour l'éloigner.

— Hé. Hé. Respire un coup, ça ira mieux, lui dit-il le plus gentiment possible.

Sans dire un mot, elle se retourna, s'éloigna de quelque pas et comme pour essayer d'évacuer son énervement, elle décida de donner un violent coup de pied dans une pierre, l'envoyant rouler plus loin.

Owen se tourna ensuite vers l'informaticien du GPD.

— Qu'est-ce qui nous assure que tu n'es plus son espion ? Je propose qu'on te dépose à San Ramón. Ça vaudra mieux, pour nous et pour toi… Tu te démerderas pour rentrer en Californie. Lorsque tu reverras Zia, je te conseillerai de porter tes couilles et de lui répéter ces aveux. Tu lui dois bien ça…, lui dit-il calmement mais non sans sévérité.

— Non. C'est mieux si on le garde, dit Claire. Si on est arrêtés sans lui mais qu'on retrouve son corps sans vie dans une ruelle, portant les traces des coups d'une quelconque bande de malfrats, son meurtre va se rajouter à notre lot d'accusations. Il restera avec nous jusqu'à ce qu'on arrive dans les Cinq Morts. Ils croient qu'il est notre otage ? Laissons-les croire ça si on peut en tirer un avantage.

Owen inclina la tête et soupira.

— Tu as raison. Il sera plus en sécurité avec nous. Et j'ai promis à Zia qu'on veillerait sur lui.

Il se remit ensuite en selle.

— Allez. Repartons, leur dit-il.

— Ouais, on a assez perdu de temps ! Ajouta sa concubine.

Elle regarda Franklin se réinstaller dans le sidecar puis s'installa derrière Owen.

— Je t'ai à l'œil ! Prévint-elle le premier. Si tu commets la moindre entourloupe, je te le ferais regretter. Tu as compris ?

— Compris, répondit-il, regardant le pistolet du coin de l'œil.

Owen démarra la moto et ils reprirent leur route. Ils arrivèrent à San Ramón, où ils tournèrent à droite à un boulevard, traversant une partie de la ville avant de passer sous l'autoroute. Ensuite la route remonta et ils parvinrent bien assez tôt dans une région de collines verdoyantes, où ils roulèrent sur des routes de crêtes et de corniches pendant environ une heure, traversant plusieurs villages pittoresques en chemin, avant de redescendre dans la plaine littorale bordant le Pacifique. Ils passèrent par Orotina et peu après cette dernière, ils revinrent dans la province de Puntarenas (qu'ils avaient quittés après avoir franchi la voie ferrée). Depuis la pause, les seules conversations tenues par le trio étaient en rapport avec le trajet et encore, seuls Owen et Franklin échangeaient succinctement, Claire étant restée silencieuse tout le long, collée contre le dos de son concubin et regardant le paysage avec mélancolie.

Cependant, lorsqu'ils passèrent devant une buvette à cinq cent mètres après la frontière, ils furent repérés par un policier qui, alors en train de prendre tranquillement une collation, s'était figé en voyant passer une moto avec sidecar pilotée par un grand barbu avec des cheveux longs. Ayant aussi noté qu'il y avait une femme casquée accrochée derrière lui et un jeune homme avec des lunettes, casqué lui aussi, dans le sidecar, il réalisa qu'il y avait des chances que ce soit le couple d'états-uniens fugitif de Burgo Nuevo et leur compagnon d'infortune. Le policier s'empressa alors de retourner à son véhicule et de prévenir ses collègues.

Une demi-douzaine de minutes plus tard, alors que le Soleil se couchait, le trio arriva à un ensemble de bâtiments construits à l'entrée d'un pont et comprenant des boutiques, des restaurants et même un petit hôtel. Devant l'un d'eux, il y avait une sculpture de crocodile, indiquant la nature de la source d'attraction locale. Le pont enjambait la rivière Tarcoles, célèbre pour ses crocodiles, et Owen se serait volontiers arrêté pour les observer s'ils n'étaient pas recherchés par les autorités et pressés par le temps, surtout qu'un bruit de sirènes commença à se faire entendre. Alors qu'ils parvenaient au milieu du pont, une voiture de police venant de la direction opposée fit son apparition et s'arrêta, se garant latéralement pour leur barrer la route.

— Merde…, siffla Owen.

Ayant déjà commencé à ralentir, il amorça un demi-tour mais remarqua bien vite que derrière eux, une autre voiture, conduite par le même policier qui les avait repérés, avait fait de même et leur coupait toute retraite. Owen coupa le contact et soupira en signe de défaite.

— On se rend ? Demanda Franklin d'une voix chevrotante.

— Tu veux te prendre pour un personnage de GTA ? Ou sauter dans la rivière et tenter notre chance avec les crocodiles ?

Assis dans le sidecar, Franklin ne pouvait voir les crocodiles allongés sur les berges non loin mais aussi bien cette perspective que l'autre ne l'enchantèrent guère.

— Ce serait du suicide, dit-il.

De la voiture sur leur droite, un policier sortit avec un porte-voix.

— Monsieur Grady, Madame Dearing ! Les interpella-il, parlant en anglais non sans un fort accent. Vous êtes en état d'arrestation ! Veuillez descendre de votre véhicule et mettre vos mains en l'air !

Le trio descendit de la moto et leva les mains vers le haut.

— Eloignez-vous du véhicule ! Si vous êtes armés, déposez vos armes au sol ! Ajouta le policier.

Owen baissa les yeux vers la ceinture de Claire.

— Claire. Le pistolet…, siffla-il.

Elle soupira profondément puis, gardant une main levée vers le haut, elle descendit doucement l'autre vers l'étui, en sortit l'arme, prenant soin de la mettre en évidence, canon orienté vers le ciel, tandis que de chaque côté, les policiers avaient dégainés leurs armes, par précaution. Ils fixèrent Claire alors qu'elle posait le pistolet sur le bitume.

— Maintenant avancez ! Ordonna le policier au porte-voix.

Ils obéirent et tandis qu'ils le rejoignaient, son collègue accourut récupérer le pistolet avant de les rattraper.

— Mains sur la rambarde ! Dit celui-ci, gardant son arme braquée sur le couple.

Le trio posa ses mains à plat sur la rambarde du pont et ils attendirent qu'un policier vienne de l'autre voiture pour les menotter, commençant par Owen. Lorsque le policier saisit les mains de Franklin pour lui passer une paire de menottes, l'informaticien du GPD écarquilla les yeux de surprise.

— Attendez, vous m'arrêtez aussi ?

— Vous êtes également suspect dans la mort de Madame Jocelyn Hodgson, jeune homme, répondit le policier en anglais.

— Quoi ? Mais c'est du délire ?! Protesta Franklin alors qu'on les emmenait vers une des voitures.

— Ce sont les ordres.


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Notes

(*) Jake Sully : Personnage principal de la saga cinématographique Avatar de James Cameron. Claire fait ici référence au fait que le but initial du personnage est d'espionner chez les Na'vi pour le compte du colonel Quaritch de la Resources Development Administration (RDA).