Notes

Suggestions musicales :

Náströnd :
- Crimson Aftermath - Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Seven: The Eye) (Jusqu'à 01:30)
- Entering the Temple - Robin Carolan et Sebastian Gainsborough, The Northman.
- Gollum – Garry Schyman et Nathan Grigg, Middle Earth: Shadow of Mordor.
- Therizinosaurus will be blood. Land of the Frost – Michael Giacchino, Jurassic World: Dominion (Jusqu'à 03:16).
- Inside Information – Howard Shore, The Hobbit: The Desolation of Smaug (Jusqu'à 02:30).
- The Seduction – Alan Silvestri, The Legend of Beowulf (Jusqu'à 01:40).

Claire and Angrboda arrivent au puits, les premières visions:
- The Mirror of Galadriel – Howard Shore, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring (De 02:03 à 03:07).

Vision de la famille massacrée:
- Last Teardrop - Robin Carolan and Sebastian Gainsborough, The Northman.
- Family Killings Banished from Death — Garry Schyman and Nathan Grigg, Middle Earth: Shadow of Mordor (Jusqu'à 00:50).

Visions de l'attaque à la ville Moyen-orientale:
- A New Star - Simon Franglen, Avatar: The Way of Water (Jusqu'à 01:29).

Visions de la bataille à Caer Draig et de la destruction de la Garde Grise:
- Prologue - Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode One: A Shadow of the Past) (De 05:00 à 05:45).
- A New Star - Simon Franglen, Avatar: The Way of Water (A partir de 01:30).

Visions de la rébellion des Indoraptors, de leur multiplication et de la chute d'InGen au milieu de l'effondrement de la civilisation:
- Camelot in flames – Daniel Pemberton, King Arthur: Legend of the Sword.
- A Leaf burns - Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Seven: The Eye) (A partir de 08:28)
- The Successor - Bear McCreary, The Lord of the Rings: The Rings of Power (Season One, Episode Three: Adar) (A partir de 01:55).
- The Mirror of Galadriel – Howard Shore, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring (De 03:07 à 03:42).

Après les visions:
- The Mirror of Galadriel – Howard Shore, The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring (De 03:43 à 04:27; puis de 05:08 jusqu'à la fin).


-o-


Cette nuit-là, la directrice déchue eut un autre mauvais rêve.

Elle déambulait dans un tunnel obscur, froid et odorant. La lumière ne parvenait à l'intérieur que par de maigres rais au travers de fissures çà et là dans les parois et le plafond rocheux, et elle était si faible que Claire ignorait si c'était celle du jour, de la lune ou d'une source artificielle. Du plafond et des parois, un liquide suintait et s'écoulait jusqu'au sol, qu'il inondait, formant une sorte de rivière arrivant jusqu'aux mollets de Claire et tachant le bas de sa robe. La directrice déchue réalisa bien assez tôt que ce n'était pas de l'eau car il était très visqueux et avait tendance à coller à la peau. Inclinant la tête pour regarder les gouttes sur ses mollets nus, elle vit que liquide était de couleur jaune pâle.

Ne me dîtes pas que je suis en train de marcher dans de la pisse… Si c'est le cas, c'est quoi cet endroit ? La canalisation d'une latrine de géant ? J'aurais préféré que ce soit du pastis…

Le visage renfrogné, elle se pencha pour en ramasser dans le creux de sa main et le rapprocha prudemment de ses narines pour le sentir et fut surprise de se rendre compte qu'il était inodore.

Rassurée que ce ne fusse pas de l'urine, elle pensa néanmoins qu'il était sage de ne pas chercher à goûter ce liquide et continua tout droit, suivant cette étrange rivière.

Plus loin, le tunnel déboucha sur une vaste caverne, dont le sol était aussi inondé par le liquide mystérieux. Au milieu du lac que ce dernier formait, il y avait un îlot et sur celui-ci, l'Indominus était couchée, suçant la chair et le sang des cadavres humains rassemblés autour d'elle. Faisant le rapport entre ce que sa vieille Némésis faisait et le liquide, qui était en fait du venin de serpent, elle sut où elle était.

Je suis toujours dans les Enfers, et dans le pire coin de celui-ci qui plus est ! Et bien sûr, elle est là où que j'aille !

Alors dans une poche d'obscurité, Claire crut que l'Indominus ne l'avait pas encore repérée mais celle-ci releva la tête et la tourna dans sa direction.

— Je sais que tu es là ! Sors donc dans la lumière ! Dit-elle.

Malgré la peur, Claire décida d'avancer et d'aller à la rencontre du monstre.

Náströnd, la rive des cadavres. L'au-delà des pires criminels et des traîtres. Joli endroit, n'est-ce pas ? Ajouta-elle avant de se repencher pour sucer le sang d'un des corps, que Claire reconnut un instant plus tard comme celui de l'assassin qui avait failli la tuer.

Les autres corps lui étaient également familiers : Il y avait l'autre assassin, plusieurs des Gavilanes auxquels ils avaient été directement confrontés lors de l'attaque du Transpercebouse mais aussi Benito.

— Est-ce ce qui m'attend ? Demanda Claire d'une voix hésitante.

Le monstre décolla sa gueule du corps de l'assassin.

— Non, mère, répondit-elle avant de repousser le corps de Jesse avec sa main. Il a un goût de merde celui-là…, siffla-elle d'une voix plus basse.

Elle se redressa et dit à Claire :

— Suis-moi. Cet endroit n'est pas le meilleur pour avoir une conversation.

L'Indominus descendit de l'îlot et alla dans un autre tunnel. Claire commença à la suivre prudemment, craignant qu'elle l'entraîne dans les ténèbres pour lui jouer un mauvais tour. Elle resta à bonne distance du monstre, tant qu'elle ne la discerna bientôt plus et le son de son pataugement s'estompa au loin. Venant de la perdre, Claire laissa échapper un juron, puis un autre lorsque le tunnel se divisa en trois. Elle s'arrêta.

— Oh ! Où est tu ? Contrairement à toi, je ne suis pas nyctalope bon sang !

L'écho de sa voix fut sa seule réponse.

— Je ne vais pas t'appeler Indominus. Ce serait ridicule, marmonna-elle. Par les Dieux, c'était vraiment un nom à la con !

— Je suis tout à fait d'accord ! Dit l'Indominus en surgissant de l'obscurité derrière Claire, ne manquant pas faire sursauter cette dernière.

Elle pencha sa tête vers elle.

— Laisse-moi réfléchir. Hmm…, réfléchit-elle. Angrboda, dit-elle quelques secondes plus tard. J'aime bien Angrboda.

— D'après la femme de Loki et la mère de la déesse des Enfers Hel, du loup Fenrir et du serpent-monde Jörmungandr ? Celle qui apporte le chagrin ? C'est un nom approprié ma foi… Soit, je vais t'appeler Angrboda à partir de maintenant, déclara Claire. Au revoir Indominus, bon débarras ! Ajouta-elle à voix basse.

— Trêve de parlotte ! Suis-moi de plus près cette fois-ci, afin de ne pas te perdre. On aurait dit une fillette dans un centre commercial… Ne m'oblige pas à te saisir entre mes griffes et te porter. Cela risquerait de causer quelques désagréments…

— Pourrais-tu me dire où on va ?

— Tu verras…

Elles se remirent en route et tout en surveillant la gueule et la main d'Angrboda, Claire prit cette fois-ci le soin de marcher à ses côtés et non derrière. Un peu plus loin, elles cessèrent de patauger dans le venin et quittèrent le tunnel peu après.

La marche sembla durer une éternité pour Claire et elles traversèrent quantité de lieux qu'elle oublia à son réveil. Enfin, par une nuit de pleine lune, dans une contrée plus hospitalière et verdoyante que celles de ses autres rêves ayant impliqués Angrboda, elles arrivèrent en vue d'un gros arbre aux racines noueuses. Il était plus grand que tous ceux que Claire avaient vus lorsqu'elle était éveillée, aussi grand qu'un Séquoia voir plus. Sous cet arbre, il y avait une sorte de bassin circulaire, aussi grand que la Fontaine Bethesda dans Central Park, à New York. Angrboda y mena Claire.

— Que fait-on ici ? Demanda cette dernière.

— Regarde dans le puits.

Claire regarda le bassin avec prudence.

— Que suis-je y supposé voir ?

— Le puits montre bien des choses…, lui expliqua Angrboda. Des choses qui furent, des choses qui sont…

— Et des choses qui pourront encore être. J'ai compris, il peut prédire un avenir possible ! L'interrompit Claire. Tu peux arrêter ton imitation de Cate Blanchett.

— Penche-toi au-dessus.

Claire s'approcha du bord et se pencha au-dessus de la surface du puits. L'eau avait un aspect dur et sombre.

— Plus près…

Claire s'agenouilla et regarda dans l'eau. La surface de celle-ci se mit à être parcourue d'ondulations et les visions commencèrent.

La directrice déchue vit tout d'abord une colonne de camions sur une route entourée de conifères, transportant les animaux en direction du domaine Lockwood et cette première vision s'estompa pour laisser place à la suivante, qui montrait une assemblée assise devant une estrade où trônait un commissaire-priseur qui pilotait une vente aux enchères. La scène avait lieu sous un chapiteau, que Claire reconnut, puisque c'était celui du domaine, et arriva ensuite la prochaine vision, dans laquelle la direction d'InGen entrechoquait des flûtes de champagne, un sourire radieux aux lèvres, tandis que sur un écran non loin, le cours des actions d'InGen remontait…

Torres et Wu apparurent ensuite mais l'euphorie du succès de la vente et du sauvetage d'InGen avait laissé place à une ambiance bien plus sérieuse car il n'y avait nul sourire sur leurs visages graves alors qu'ils parlaient doucement. Les visions défilant devant elle comme des films muets, Claire ne savait pas de quoi ils parlaient mais en arrière-plan, elle vit des hommes d'InGen Security charger une grande cage dans un semi-remorque, qui fut envoyé ensuite vers une destination inconnue.

La vision se brouilla et un nouveau décor apparut, celui d'une maison en bois dans une clairière. La scène prenait place au cours d'une nuit noire et seules les flammes qui s'échappaient de la maison fournissaient une quelconque lumière. Claire retint un cri d'angoisse en reconnaissant la maison et le corps d'un homme étendu devant cette dernière, lacéré de coups de griffes.
Alors que des parties de la maison s'effondraient, une silhouette sinistre se dessina contre les flammes. Plus grande que Blue mais plus petite qu'un carnotaure ou un métriacanthosaure, elle se déplaçait sur ses deux pattes postérieures, bien que les antérieures fussent suffisamment longues pour permettre une locomotion quadrupède, et avait la forme générale d'un dinosaure théropode prédateur. Une longue queue, des jambes puissantes, des bras griffus et une tête assez grosse proportionnellement parlant. Elle était dotée de griffes en forme de faucille sur les pieds, comme les raptors, mais sa peau écailleuse ressemblait davantage à celle d'un crocodile, d'un carnotaure… ou de l'Indominus. Tout comme cette dernière, le monstre avait un cou assez long ainsi qu'une rangée de longues épines pareilles à celles de certains lézards le long de son échine. C'était une créature qui, dans sa morphologie, semblait être à mi-chemin entre l'Indominus et les raptors. L'Indoraptor.
Entre ses mâchoires, il tenait un petit corps sans vie, celui d'un enfant. Des larmes d'horreur coulèrent sur le visage de Claire.

— Pourquoi me montres tu ça ? Haleta-elle. C'est horrible !

Elle voulut s'éloigner du bassin mais Angrboda l'en empêcha, la gardant agenouillée avec sa main. Claire chercha à se débattre mais elle appuya encore plus, menaçant presque de la faire tomber dans le puits tête la première. La maison, l'Indoraptor et les corps de son concubin et de leur fils disparurent dans l'obscurité.

La surface de l'eau se blanchit et un autre lieu apparu, vu du ciel. C'était une petite ville aux bâtiments de couleur sable et aux toits majoritairement plats, juchée au sommet d'un plateau rocheux dans une région aride. Lorsque la vision lui exposa diverses scènes du quotidien à l'intérieur de la ville, Claire sut que ça se déroulait probablement quelque part au Moyen-Orient à en juger par l'apparence des habitants. Elle vit des femmes voilées faisant des courses au marché, des garçons jouant dans les rues, des artisans travaillant dans leurs échoppes alors que le soleil était haut dans le ciel, des hommes accroupis dans une ruelle ombragée, d'autres regardant l'horizon depuis les toits…
Soudain, il y eut plusieurs explosions et alors que les femmes, les enfants et les vieillards se ruaient aux abris, les hommes valides se rassemblèrent et allèrent chercher des armes dans une des maisons. Une bataille éclata, la fumée s'éleva de la ville et malgré la résistance des défenseurs, les soldats ennemis réussirent à pénétrer dans la ville et à prendre peu à peu le contrôle, abattant tous ceux qui leur opposèrent résistance, fussent-ils de simples civils leur jetant des pierres par désespoir. Les soldats étant masqués et aucun insigne, drapeau ou logo apparaissant clairement sur leurs uniformes, Claire ignora d'où ils venaient et qui ils servaient. Une grande forme fit tout à coup irruption dans une des rues, passant entre les soldats pour fondre sur un petit groupe de défenseurs frappés de stupéfaction et de terreur et les mettre en charpie avec ses griffes et ses dents. C'était un Indoraptor mais contrairement à celui de la vision se déroulant à leur maison dans la Sierra Nevada, il portait une armure qui le protégeait des balles et des coups de sabre. Une fois tous les défenseurs à proximité tués ou neutralisés, il renifla et se dirigea vers le mur d'un des bâtiments. Sous les regards des soldats, il s'appuya contre avec ses pattes avant, se dressant quasi à la verticale pour regarder par une fenêtre. Sa queue remua d'excitation et il émit un cri rauque. Plusieurs des soldats se précipitèrent alors dans le bâtiment et alors qu'on entrevoyait le chaos qui régnait à l'intérieur par la porte enfoncée, l'Indoraptor pivota soudain la tête et courut dans la rue, poursuivant un homme qui avait fui le bâtiment par une porte dérobée. Il le rattrapa en un clin d'œil, avec bien plus d'aisance qu'un soldat humain, le renversa d'un coup de tête avant de le retourner sur le dos avec une de ses mains sinistres à quatre doigts, écailleuses mais munies d'un pouce opposable à l'instar de celles des primates, et de s'en servir pour le garder cloué au sol. Alors que Claire croyait que l'homme allait se faire arracher la tête, le dinosaure ne fit rien et se contenta de le fixer intensément. Un des soldats vint, donna une petite tape sur le flanc de l'animal et lui donna un morceau de viande en guise de récompense alors que deux de ses camarades relevaient l'homme et le mettait aux arrêts.
Ensuite, ils quittèrent la ville ravagée avec leur prisonnier et l'Indoraptor, qui marchait tranquillement à côté de ses maîtres sans montrer un quelconque signe d'agressivité à leur égard.

La vision se brouilla et d'autres images de guerre apparurent. Claire vit un dirigeable survoler un cap au beau milieu de la nuit et bombarder le village fortifié construit sur celui-ci. La directrice déchue reconnut le village à son architecture d'inspiration nipponne et indonésienne ainsi que son grand hall qui le dominait depuis l'extrémité du cap : C'était Caer Draig, le bastion des gardes gris. Le dirigeable, ainsi que le pavillon flottant au sommet des navires de guerre au large de la forteresse, arborait un logo bien particulier, celui des anciens maîtres d'Isla Sorna. Ce n'était pas qu'une simple invasion, c'était une guerre de reconquête. A l'intérieur de la forteresse, entre les explosions et les bâtiments en proie aux flammes, des combats féroces faisaient rage. Les défenseurs faisaient face à toute la puissance militaire d'InGen : Hordes de fantassins en uniformes armés de fusils à baïonnettes, troupes de choc en armure lourde dont l'équipement évoquait fortement celui des Pourfendeurs, véhicules et hélicoptères d'attaque, ainsi que toute une escouade d'indoraptors qui taillaient leurs ennemis en pièces et même un Indominus, lui aussi dressé en plus de porter des pièces d'armures pectorales et ventrales et même une sorte de heaume. Les gardes gris résistèrent avec bravoure mais se retrouvèrent repoussés jusqu'à l'intérieur du Grand Hall, dont les portes furent enfoncées par l'Indominus. Les derniers gardes gris se battirent jusqu'à la mort contre leurs adversaires humains et dinosauriens. A l'aube, le fort ne fut plus que ruines fumantes et rues jonchées de cadavres qu'Edward Torres, à présent âgé d'environ soixante-dix ans, contemplait depuis la terrasse devant la porte du Grand Hall avec une expression qui mêlait le dédain qu'il avait pour ses ennemis vaincus à la fierté qu'il ressentait pour ses forces. A côté de Torres, l'étendard d'InGen était à présent planté tandis que celui de la Garde Grise avait été lacéré de coups de poignards et jeté dans un feu. Pour qu'InGen soit dotée non seulement d'une véritable armée mais aussi d'une marine de guerre, et qu'on l'ait permis d'envahir les Cinq Morts et d'exterminer les gardes gris, Claire pensa que la multinationale avait dû tant gagner en puissance et en influence qu'elle était possiblement devenue une sorte de nouvelle Compagnie Britannique des Indes Orientales dans ce futur sombre. La directrice déchue n'osa imaginer le sort de l'écosystème des Cinq Morts dans celui-ci et les visions montrèrent un nouveau lieu.

La côte d'Isla Sorna et les ruines de Caer Draig laissèrent la place à une plus grande ville aux bâtiments austères d'un style brutaliste. Au milieu d'eux, Claire reconnut le clocher d'une église orthodoxe et sut qu'elle était à présent dans un pays de l'ancien bloc de l'est, ce que confirma encore plus les caractères cyrilliques écrits sur les banderoles et les pancartes des centaines de manifestants rassemblés sur une grande place, située devant un grand édifice d'inspiration néoclassique qu'elle devina être de nature gouvernementale. Devant les grilles de ce bâtiment, des forces anti-émeute étaient alignées. Il y avait des policiers munis de matraques et de boucliers, d'autres armés de flashballs, des chiens, des canons à eau à l'arrière, un escadron monté sur des chevaux attendant plus loin, à distance respectable de celui déployé devant les hommes, un escadron dont la nature et l'apparence terribles faisaient chanceler le cœur de même les manifestants les plus déterminés. C'était des indoraptors, équipés de gilets pare-balles et de masques protection ressemblants à des versions extra-larges de celles de leurs camarades canins tenus en laisse non loin. Les monstres étaient alignés en première ligne, de manière à intimider les manifestants. Mais ceux-ci tenaient bon et qu'importe la présence d'indoraptors et les avertissements donnés par un des policiers dans un porte-voix, ils allaient rester là.
Constatant que la situation s'enlisait, le commandant des forces anti-émeute donna un ordre à un de ses hommes et celui-ci donna un coup de sifflet. En réponse, les indoraptors s'avancèrent, marchant au pas et instinctivement, les manifestants reculèrent, avant de reprendre leurs esprits et de s'arrêter pour tenir leurs positions, laissant les monstres se rapprocher. Le policier au porte-voix parla à nouveau mais les manifestants ne firent rien. Alors, on donna d'autres coups de sifflets et les indoraptors s'élancèrent en avant. Un vent de panique souffla parmi les manifestants et avant que ceux-ci puissent réagir, plusieurs des leurs furent saisis par les prédateurs et cloués au sol entre les serres, tel un lapin tout juste capturé par un aigle.
Craignant pour l'intégrité physique de leurs camarades, plusieurs des manifestants ripostèrent, chargeant les dinosaures avec des fourches, des épieux de chasse, de vieux fusils à baïonnettes ainsi que des piques et des hallebardes probablement volées à un musée. Gardant une main sur leurs prisonniers, les dinosaures essayèrent de les dissuader d'approcher en donnant des coups de pattes en avant, arrachant même plusieurs hallebardes et épieux des mains des manifestants. A quelques mètres derrière, les dresseurs regardaient la scène d'un air désemparé, craignant de voir un des animaux se faire transpercer par une pique, et ils se retournèrent vers le commandant, lui priant du regard d'envoyer des forces pour repousser les manifestants. Mais celui-ci se contenta d'observer la scène…
Lorsqu'un des indoraptors se fit transpercer le poitrail par une pique, il poussa un cri de douleur, se dressa à la verticale tel un ours, brisa la pique en deux avec sa main, puis asséna un coup de griffes au piquier, le tuant sur le coup avant de s'effondrer sur le côté. Excité à la vue et à l'odeur du sang, un des indoraptors se rua sur le corps du piquier pour le dévorer. Des pierres et même des pavés de béton lui furent envoyés à la figure pour le repousser mais cela ne fit que l'énerver et il se jeta sur ceux et celles défendant le piquier, commençant à les mettre en charpie avec ses griffes et ses crocs. Témoins de la scène et ayant plus qu'assez d'être piqués et lapidés, plusieurs de ses congénères décidèrent de copier son exemple. Les dresseurs voulurent les rappeler à l'ordre mais les dinosaures ne répondirent pas. Ils se figèrent et regardèrent la scène d'un air atterré.
Devant les grilles, un profond trouble s'empara des forces anti-émeute et tandis que certains officiers contemplaient le massacre de façon impassible, sans montrer la moindre volonté de le stopper, d'autres et plusieurs brigadiers échangeaient des regards inquiets. Une dispute éclata entre deux officiers et une partie des hommes finirent par rompre les rangs, courant vers le massacre. Ils crièrent aux dresseurs de s'écarter, dégainèrent leurs armes de service, mirent les indoraptors en joue et firent feu, et ce alors que les dresseurs les priaient de ne pas faire ça. Les armes en question n'étant que des pistolets, leurs balles furent insuffisantes pour blesser sérieusement les dinosaures et ceux-ci firent aussitôt volteface, fixant intensément les policiers. Puis, ils se détournèrent des manifestants, dont beaucoup avaient commencés à prendre la fuite, et se retournèrent contre leurs alliés. Face à cette mutinerie inopinée, le commandant ordonna à ses forces d'arrêter les prédateurs.
Les indoraptors massacrèrent tout ce qui n'était pas eux. Policiers, manifestants, chevaux, les quelques chiens qui n'avaient pas détalés et défendaient leurs maîtres au péril de leur vie, plusieurs des journalistes venu couvrir l'événement… Ils ne firent preuve d'aucune discrimination et ce fut une véritable boucherie qui se déroula devant les yeux de Claire. La place fut souillée par le sang des hommes et de leurs auxiliaires équins et canins. Ayant remarqués ceux et celles qui contemplaient d'un air horrifié la scène depuis les fenêtres de l'édifice gouvernemental, plusieurs des prédateurs escaladèrent ou enfoncèrent les grilles et entrèrent dans le bâtiment pour s'y livrer à d'autres massacres. Plus tard, les indoraptors entendirent les hélicoptères et les chars que les autorités avaient envoyés à la place pour écraser leur mutinerie, et ils se replièrent, fuyant vers la rue la plus étroite qu'ils virent. Claire les vit quitter la ville au milieu de la nuit pour gagner la campagne, où les monstres, qui s'étaient débarrassés entretemps des équipements dont les avaient affublés leurs anciens maîtres humains, disparurent dans une forêt sombre.

Le puits se troubla une énième fois, il y eut un autre bond dans le temps et des civils apparurent, poussant des cris apeurés alors qu'ils fuyaient un village situé en bordure d'une forêt semblable à celle vue à la fin de la vision précédente. Juchés sur les toits des maisons ou au sommet de l'église tels d'horribles gargouilles, regardant avec intérêt les villageois paniqués, il y avait non pas un ou deux indoraptors mais une trentaine, soit plus que l'escadron de la scène de l'émeute. Ils s'étaient multipliés.

Ensuite, un champ apparut, jonché de véhicules accidentés et de cadavres humains par dizaines, accompagnés de quelques chevaux et autres animaux de ferme. C'était tout ce qui restait d'un convoi de réfugiés et il offrait un repas aux corbeaux qui festoyaient sous un soleil pâle. Comme si il se sentait observé, l'un des oiseaux croassa et s'envola et un autre passa juste devant Claire, obscurcissant sa vision avec ses plumes noires pendant un instant.

Lorsqu'il disparut, le champ, ses cadavres et le soleil pâle étaient partis et la nuit ainsi qu'une foule agitée avait pris leur place. Bien que Claire les voyait de dos, elle nota néanmoins que ses membres étaient pour la plupart vêtues de noir et un bon nombre avaient le visage masqué par des cagoules ou de simples foulards. Ils brandissaient diverses armes : Battes de base-ball, barres en fer, chaînes, cocktails Molotov et même armes à feu, haches et machettes.
En tête de foule, un gros véhicule démarra, accéléra et chargea la large porte d'entrée en verre d'un immeuble qu'il défonça à la manière d'un bélier. Le véhicule disparut à l'intérieur du bâtiment et la foule s'élança à sa suite, se ruant avec la même excitation incontrôlée qu'une armée allant mettre à sac une cité. Lorsque la foule disparut à son tour, découvrant la grande allée qui menait à la porte et les corps gisants de plusieurs émeutiers abattus par des tireurs postés dans l'immeuble, Claire vit aussi des hommes pendus aux lampadaires bordant l'allée. Elle remarqua que certains portaient des uniformes sur lesquels elle crut discerner un I et un N bien familiers et tournant la tête, elle vit le logo d'InGen et la phrase « Nous fabriquons votre futur », maculés de sang. Alors que la directrice déchue songeait aux simples employés que la foule en colère n'allait pas épargner et au concours de circonstances qui avaient menés et permis cet assaut massif et violent sur le siège social de la multinationale, la vision se troubla et l'eau redevint sombre et tranquille.

Angrboda relâcha Claire et celle-ci tomba à la renverse sur son séant, où elle resta un instant choquée et hébétée, tel quelqu'un venant de survivre à un accident de voiture. Quant à Angrboda, elle était aussi immobile qu'une statue et les horreurs montrées par le puits l'avaient laissée indifférente.

— Avec le don de prophétie, viens le tourment, dit-elle.

— C'est des conneries ! S'exclama Claire en se relevant. C'est juste un rêve malade ! Comme tous les autres…

— Peut-être que ce puits te rappelle trop le miroir de la sorcière elfe de la Lórien mais ce rêve malade comme tu l'appelles a été influencé par des choses que tu connais, des choses que tu as vues et entendues alors que tu étais éveillée. Ce n'est qu'une façon d'illustrer ce qui est en vérité des prédictions réalistes.

Claire s'assit sur un rocher non loin et baissa la tête, essayant de reprendre ses esprits.

— Comment puis-je empêcher ça ? Finit-elle par demander.

— Commence par régler ce malentendu avec les autorités costaricaines.

— Facile à dire…

Mais lorsque Claire regarda en direction du bord du puits, elle réalisa que Angrboda était partie, la laissant seule sous l'arbre géant. Elle se leva et la chercha du regard.

— Angrboda ? Angrboda ! Où es-tu ? Angrboda ! Cria-elle en vain.

Autour d'elle, le décor commença à s'estomper, telle une peinture fraîche sur laquelle on laisserait couler de l'eau, et au loin, un tintement pouvait être entendu. La vision de Claire se troubla puis s'obscurcit. Le tintement, de nature métallique, se rapprocha et devint plus fort.